Lieu, présence, résurrection. Relectures de phénoménologie eucharistique (recension)

ROUILLÉ D’ORFEUIL M., Lieu, présence, résurrection. Relectures de phénoménologie eucharistique, coll. Cogitatio fidei 300, Paris, Cerf, 2016. Parue dans la Nouvelle Revue Théologique (NRT) 140 (2018) n° 2, p. 348-349.

L’A., qui s’est fait connaître par trois petits livres chez I’Harmattan sur l’histoire de la liturgie au XXe s. (2012), l’existence de Dieu (2013) et le sacrifice (2015, cf. NRT138, 2016, p. 295- 301), et est actuellement directeur au Séminaire pontifical français, livre ici la version remaniée de sa thèse de doctorat en théologie soutenue à l’Athénée Sant’Anselmo de Rome. Le sous-titre dit l’objet – l’Eucharistie – et la perspective – la phénoménologie, celle-ci s’identifiant principalement au courant représenté par Jean-Yves Lacoste, Jean-Luc Marion et Emmanuel Falque. L’objectif consiste à relire dans cette perspective la formule : « Ceci est mon corps » et les affirmations de la Tradition et du Magistère, notamment la triple affirmation tridentine « vere, realíter, substantialiter » (p. 344-369). Le titre, lui, délimite l’itinéraire : les trois concepts de présence (paradoxe de la présence-absence eucharistique), lieu (paradoxe d’une présence non locale) et résurrection (paradoxe d’une attention portant sur un lieu vide). Après avoir présenté ces concepts (chap. 1), l’A. ainsi armé propose une enquête historique en trois temps : Augustin et l’absence de Dieu (chap. 2); la théologie phénoménologique du Ix° s. avec Jean Scot Erigène et Paschase Radbert (chap. 3); le tournant métaphysique du XIIIe s. avec Thomas d’Aquin et Bonaventure (chap. 4).

Si l’effort spéculatif de ce travail thématique et audacieux qui s’efforce de penser à frais nouveaux le mystère eucharistique est à saluer, les résultats laissent pour le moins perplexe. Quoi qu’en dise l’introd. (p. 17), l’A. n’enrichit pas ce qu’il appelle la « lecture métaphysique d’Augustin et de Thomas d’Aquin de ces relectures phénoménologiques, mais la critique de fond en comble et prétend la dépasser, au point que le livre pourrait s’appeler « l’Eucharistie sans l’être » (et sans la substance). Sur le fond, l’A. concède tout à Heidegger et à un certain courant phénoménologique (ignorant la lignée féconde honorée par Edith Stein ou Karol Wojtyla), opposant la substance à la charité, et l’être à l’étant, pour bientôt évider l’être lui-même. Si l’ouvrage pose souvent de bonnes questions, il caricature la métaphysique et ignore les réponses déjà données (p. ex., la substance comme habens esse, autrement dit la possession de soi comme condition du don de soi, ou la manifestation de l’être dans les transcendantaux et le jugement d’existence). S’opposant au transitus du phénomène au fondement (Fides et ratio 83), l’A. propose un exitus hors du fondement et de l’être. La conséquence en est une relecture corrosive du concile de Trente, dont on ne voit pas comment elle sauve la vérité du dogme.

Pascal Ide

12.8.2021
 

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