Nous disions le 21 mars que, pendant ce confinement, temps et espace se comportent en raison inverse : le premier s’agrandit, alors que le second se rétrécit. Et, on le sait, plus de personnes dans un même lieu, c’est aussi plus de tensions. Sans parler des enfants bouillonnants d’énergie qui, au bout d’un moment, tournent comme des lions en cage. Ajoutons d’ailleurs que, à l’inverse, se retrouver seul ou plutôt isolé, sans voir personne autrement que par sa fenêtre, n’est guère réjouissant !
Alors, que faire, hors les multiples conseils et consignes reçues de toute part ? Dans un livre déjà ancien, mais indémodable, ce fou de la prière qu’était le père Henri Caffarel rapporte un récit emprunté à la légende dorée des saints musulmans, pour répondre à une jeune maman débordée par ses « quatre fauves » (entendez ses enfants !) :
« Abdalwâhid Ibn Zeid souhaitait connaître qui serait son voisin dans le paradis et il lui fut dit : ‘Ô Abdalwâhid, tu auras pour voisine Mimoûna la Noire. – Et où est-elle, cette Mimoûna la Noire ? continua-t-il à demander avec plus d’audace que de discrétion. – Chez Banou Un-Tel, à Koûfa’.
« Il se rendit donc à Koûfa et se renseigna sur Mimoûna. C’était, lui dit-on, une folle qui faisait paître des moutons du côté du cimetière. Il la trouve en train de prier. Le troupeau paissait tout seul et cela était d’autant plus merveilleux que les moutons étaient mélangés de loups et que les loups ne mangeaient pas les moutons et que les moutons n’avaient pas peur des loups… « Comment se fait-il, demande alors Ibn Zeid, que ces loups fassent si bon ménage avec ces moutons ? – J’ai amélioré mes rapports avec mon Seigneur, répondit Mimoûna, et mon Seigneur a amélioré les rapports entre les moutons et les loups’ [1] ».
Vous vous sentez confinés ? C’est vrai au plan horizontal. Mais, jamais au plan vertical ! Sortons par le haut. D’ailleurs, avez-vous remarqué combien les avions se sont raréfiés et l’air s’est purifié ? L’exhortation de Jésus entendue dimanche dernier n’a jamais été autant de saison : « Levez les yeux ! » (Jn 4,35).
Pascal Ide
[1] Henri Caffarel, Lettre 67, Présence à Dieu. Cent lettres sur la prière, coll. « Anneau d’or », Paris, Éd. du Feu nouveau, 1974, p. 227-228.