Les rythmes du vivant, une signature de l’amour-don

1) Exposé

Albert Goldbeter est professeur émérite à l’Université libre de Bruxelles et responsable de l’unité de chronobiologie théorique. Il a rédigé un ouvrage, récemment republié et augmenté [1], dont la thèse est contenue dans le titre : le vivant est rythmé.

Pour beaucoup, le rythme est, au pire, une bizarrerie, au mieux, une caractéristique utile qu’il convient de respecter pour bénéficier au mieux du vivant. Tout à l’opposé, l’auteur, qui n’est nullement philosophe, aurait tendance à identifier la vie au rythme, au point d’avancer un nouveau pythagorisme : la vie est rythme par essence. Entre ces deux postures, nous affirmerons que la vie est plus qu’un accident, mais moins que la définition du vivant. Toujours en termes logiques, il serait comme une propriété, elle découlerait de la nature même de la vie.

2) Preuve factuelle

La démonstration est inductive. Elle dicte d’ailleurs le plan de l’ouvrage. L’induction porte autant sur le prédicat (les différentes espèces de rythme ou putôt leurs différentes durées : les périodes vont de la milliseconde à plusieurs dizaines d’années) que sur le sujet (les différents actes du vivant et les divers niveaux de complexité : la molécule, l’organite, la cellule, l’organe, l’organisme et la famille). L’on pourrait distribuer les 14 chapitres en fonction de ces distinctions, le dernier opérant une synthèse.

Pour autant, l’induction n’est pas exhaustive. Au lieu de présenter la liste (lassante et répétitive) des processus rythmiques présents dans les différents niveaux d’organisation du vivant, l’auteur préfère présenter des exemples frappants à partir desquels le lecteur peut induire (voire abstraire) les principes régissant les systèmes oscillants. Enfin, s’il privilégie la validation expérimentale, Goldbeter la combine avec la modélisation théorique.

3) Preuve causale

Mais l’auteur tente aussi une détermination causale et c’est là qu’il est non seulement le plus intéressant, mais le plus original. De fait, le titre de son livre dit qu’il ne se contente pas de décrire les processus cycliques, mais qu’il veut en découvrir le cœur, c’est-à-dire la raison d’être. D’un mot, pour le biologiste belge, la raison la plus radicale du rythme est liée à la régulation. « S’il n’y avait pas de régulations, il n’y aurait pas d’oscillations [2] ». Autrement dit, le fait premier n’est pas le rythme, mais la régulation, c’est-à-dire l’interconnexion du vivant avec son milieu. Autrement dit encore, l’oscillation n’est pas un processus fontal, premier, comme une sorte de rythmique animant le vivant laissé à lui-même. Il naît d’une interaction ; et c’est là le point qui est philosophiquement si fécond pour une métaphysique du don. Certes, le rythme peut être endogène (et non pas exogène), toutefois, il demeure second.

Le premier, peut-être, le neurophysiologiste Alfred Fessard en a eu l’intuition dans un ouvrage publié en 1936 : Propriétés rythmiques de la matière vivante [3]. Contrairement à ce que le titre dit, le biologiste se limite aux seuls rythmes neuronaux. Le chercheur de l’Université libre de Bruxelles, lui, étend l’hypothèse à la globalité du monde vivant. Voire, il l’enracine dans la chimie [4]. Et la simplicité du processus permettra de comprendre au plus près le lien existant entre rythme et régulation [5], avant de passer aux systèmes hautement complexes que sont les organismes vivants.

a) L’oscillation en chimie

Les réactions chimiques oscillantes sont connues depuis le début du xxe siècle, par exemple la réaction de Bray [6]. Longtemps considérées comme des curiosités de laboratoires, elles ont commencé à faire l’objet d’études avec Alfred Lotka, en 1920, qui proposa le premier modèle cinétique [7]. Mais le vrai développement ne se fera qu’à partir des années 1960. Prenons l’exemple de rythme chimique qui est le mieux connu et porte le nom des deux chercheurs russes qui l’ont étudié : la réaction de Belousov-Zhabotinsky. Le dynamisme fut élucidé en 1967 par l’équipe de Richard Noyes, chercheur à l’université d’Eugene, en Oregon [8].

1’) Le fait

Il est possible d’observer l’expérimentation de Belousov-Zhabotinsky sur YouTube. Par exemple, par un laboratoire japonais [9]. L’incompréhension liée à l’obstacle linguistique est largement compensée par les réactions étonnées et même enthousiastes de l’assistance, d’autant plus éloquentes qu’elles proviennent d’un peuple réputé pour sa maîtrise de soi [10].

Pour la petite histoire, quand Belousov découvrit cette réaction en 1950, l’article qu’il rédigea fut refusé au nom de ce que son expérimentation réfutait le second principe de la thermodynamique… De l’idéologie des grands principes quand ils régissent les faits. Avec Zhabotinsky, il reçut le prix Lénine en 1980 ; malheureusement, il était mort depuis 10 ans…

Concrètement, qu’observe-t-on ? En introduisant un indicateur coloré selon une concentration intiale donnée, l’on observe que la réaction passe alternativement du rouge au bleu selon une périodicité de l’ordre de la demi-minute. Et cette oscillation se poursuit pendant plusieurs dizaines de minutes. En fait, jusqu’à ce que les différents réactifs aboutissent à un équilibre au sein de la solution. D’ailleurs, si les réactifs ne manquaient pas, le mouvement rythmique continuerait à se produire.

Il est bon de mesurer combien cette réaction est doublement étonnante, voire suscite l’incrédulité. D’abord, les lois de la chimie prévoient qu’un système chimique évolue de manière unidirectionnelle ; or, la réaction se dirige vers deux états contraires. De plus, le second principe de la thermodynamique prédit qu’un processus tend vers un état stationnaire ; or, nous constatons que le processus est cyclique ou oscillant, donc n’est pas stabilisé.

2’) L’explication

En effet, le rythme naît de l’enchaînement de trois phases : une variable augmente jusqu’à un certain point qui est un maximum ; puis, la variable diminue jusqu’à un autre point qui est un minimum ; enfin, elle reprend spontanément son ascension, instaurant une nouvelle première phase [11]. Or, la réaction Belousov-Zhabotinsky présente plusieurs caractéristiques : un système ouvert (cf. ci-dessous) par apport de matière ; la présence d’un réactif qui joue un rôle alternativement activateur et inhibiteur, donc une boucle de rétroaction positive ; une cinétique non linéaire ; le plus souvent, une étape de nature autocatalytique, c’est-à-dire d’auto-amplification, d’accélération ou d’effet boule de neige. D’ailleurs, ces propriétés sont corrélées : le processus de feedback engendre la non linéarité. Dès lors, plusieurs étapes se succèdent, de manière oscillante. Nous devons donc conclure que la réaction chimique est rythmique.

3’) Réponse à l’objection implicite

L’on doit au prix Nobel de chimie Ilya Prigogine d’avoir montré l’existence de deux types de systèmes : fermé et ouvert [12]. Le premier est un système qui n’échange ni matière ni énergie avec le monde extérieur, au contraire du second qui présente une interaction avec le milieu environnant. Or, tous deux évoluent bien vers un état stationnaire, donc ne contredisent pas le principe d’entropie. En revanche, le système ouvert, lui, peut connaître des oscillations, lorsque l’un des paramètres évolue, par exemple, la vitesse d’influx d’un réactif [13].

b) Extension au vivant

De manière générale, un être vivant est un système éminemment ouvert. Une cellule ou un organisme sont en permanence traversés par un triple flux de matière, d’énergie et d’information. En outre, il est habité par de nombreux processus de rétroaction et de régulation, donc suit une cinétique non linéaire. Dès lors, comment s’étonner qu’il soit rythmique.

Mais voyons-le plus en détail sur un processus élémentaire : les oscillations glycolytiques dans le système simple de la levure [14].

1’) Le fait

Son observation princeps remonte à 1957 [15]. Rappelons que la levure est un organisme qui transforme un sucre, le glucose, en alcool et dioxyde de carbone (CO2) par une chaîne de réactions que l’on appelle justement glycolyse. Et c’est ce processus de fermentation qui sert à fabriquer le vin et la bière. Deux chercheurs de l’Université de Leyde (aux Pays-Bas) étudient la réponse d’une population de levures à l’addition de glucose. Or, ils observent que l’un des chaînons intermédiaires de la glycolyse oscille : il croit, puis décroît, puis augmente à nouveau, mais de manière amortie, le tout selon un rythme de quelques minutes, conduisant à une disparition après trois pics. Nous sommes donc typiquement en présence d’un processus organique de type rythmique.

En fait, cette observation n’intéressa véritablement les chercheurs que lorsqu’elle fut confirmée et développée par une équipe de biologistes autour de Britton Chance de Philadelphie, en 1964 [16]. Ils utilisèrent une autre espèce de sucre, le tréhalose, qui produit du glucose à vitesse lente. Ils l’injectèrent de manière continue dans des cellules de levure. Or, ils observèrent à nouveau que la production d’éthanol était périodique. Mais la nouveauté était que les oscillations ne présentaient presque aucune atténuation. C’est depuis lors que ce phénomène périodique est appelé oscillation glycolytique.

Là encore, mesurons combien ces résultats sont contre-intuitifs, même chez le vivant : toute réaction se déroule dans un seul sens, qui est celui de l’équilibre ; or, nous observons que le processus s’oriente vers deux directions opposées et se refuse à tendre vers un état stationnaire. C’est ce que manifeste l’expérimentation élaborée par Benno Hess [17], qui a séjourné dans le laboratoire de Chance avant de diriger la section de l’Institut Max-Planck consacré à la physiologie de la nutrition, à Dortmund. En l’occurrence, il plaça l’extrait de levure dans un fluorimètre qui mesure la fluorescence du NADH. Puis, il injecta du glucose par une pompe à débit constant. Or, la production de NADH était oscillante. Donc, si l’entrée (input) était continue et la sortie (output) discrète, c’est donc que le mécanisme oscillatoire était intérieur au système, autrement dit endogène. Mais l’expérience a aussi permis de faire varier la vitesse d’injection et montrer que le rythme n’apparaît qu’à partir d’un certain seuil (valeur critique). Donc, l’amplitude et la période de l’oscillation dépendent de la vélocité d’apport du substrat.

2’) Le mécanisme

Albert Goldbeter le décrit de manière minutieuse, tout en réussissant le tour de force d’en demeurer à une approche qualitative. Nous renvoyons à son exposé pour tous les détails [18]. Résumons-en le cœur en allant du plus général au plus particulier.

La glycolyse est un processus biochimique qui permet la destruction (luéin, en grec, signifie « détruire ») du sucre (dont le nom générique est glucose) en vue de libérer de l’énergie. Ce processus complexe forme un cycle, le cycle de Krebs, du nom de son inventeur, composé de douze étapes.

Or, chaque étape est réglée par une enzyme. L’enzyme est une biomolécule (le plus souvent une protéine) qui joue un rôle catalytique, c’est-à-dire accélérateur (jusqu’à un million de fois le passage passif du substrat en produit). Pour cela, il se lie à un substrat, formant un complexe, afin de faire advenir un produit. Mais, à la différence du substrat qui est consommé et transformé, l’enzyme demeure intacte. Dans les catégories d’Aristote, on pourrait dire que le substrat est la cause matérielle ou plutôt la substance initiale, le produit est la substance finale, actualisée par une nouvelle forme, et l’enzyme la cause efficiente adjuvante.

Or, une étape joue un rôle déterminant dans le processus oscillatoire : celle où intervient une enzyme, la phosphofructokinase (souvent désigné par son quasi-acronyme, PFK). En effet, si les deux étapes préliminaires produisent des réactions rythmiques, toutefois, celles-ci surviennent même en l’absence d’enzymes. Considérons la troisième phase du cycle glycolytique. Cette étape a pour substrat, c’est-à-dire comme matériau initial, le produit de l’étape précédente, à savoir du fructose-6-phosphate (F6P), pour produit, c’est-à-dire comme résultat, le fructose-1,6-diphosphate (FDP), et comme enzyme notre PFK. Or, en injectant le substrat, donc le fructose-6-phosphate, nous observons un processus périodique. Enfin, à l’étape suivante, si nous injectons le produit de l’étape précédente qui est devenu le substrat, à savoir le fructose-1,6-biphosphate, les oscillations disparaissent. Par conséquent, l’étape catalysée par le PFK est charnière dans les mécanismes oscillatoires.

Centrons-nous donc désormais sur cette enzyme, le PFK. Qu’est-ce qui lui donne ce pouvoir oscillophore ? Son analyse a montré qu’elle avait non pas un, mais deux substrats : le F6P et l’adénosine triphosphate (ATP), qu’elle transforme respectivement en FDP et en adénosine biphosphate (ADP), par un transfert d’un groupe phosphate. Ainsi, la PFK est activée par l’ADP – ce qui est inhabituel, car cette molécule est, avec l’ATP, médiateur universel de l’énergie. La régulation ainsi opérée provoque un processus d’auto-amplification ou autocatalyse que l’on appelle parfois familièrement « effet boule de neige ». Autrement dit, plus il y a de produit et… plus il y a de produit. Paradoxalement, ce n’est pas l’injection de substrat qui explique seule l’avènement du produit, mais le résultat. Or, l’action est telle que l’effet succède à la cause ou à la substance initiale. Par conséquent, l’action doit comme s’inverser, ce que l’on appelle une boucle cybernétique de rétroaction ou feed-back, ici positif.

Mais ce seul processus, la seule action de l’enzyme, ne peut expliquer l’apparition d’une oscillation. Il faut ajouter deux autres causes : la présence du substrat qui est injecté ; et la mise en absence du produit qui doit donc être consommé dans une autre réaction. Supposant une chaîne d’enzymes, le dynamisme rythmique est donc aussi systémique.

Il faut encore préciser un point laissé dans l’ombre : comment deux substrats peuvent-ils agir sur une seule enzyme ? En fait, la PFK est un type d’enzyme particulièrement élaboré, ce que l’on appelle une enzyme allostérique. Celle-ci a été découverte par trois chercheurs en 1965, Jacques Monod, Jeffries Wyman et Jean-Pierre Changeux [19]. Le nom qu’ils lui ont donné fait allusion à son changement de configuration. Elle se caractérise de manière inhabituelle par la rétroaction du produit sur l’enzyme elle-même – et non pas sur le substrat. Telle étant sa finalité (sa fonction), quelle est la structure ? Une enzyme allostérique se présente sous deux conformations spatiales, R et T, qui sont réversibles : la forme R ou « relâchée » est plus accueillante, plus ouverte, alors que la forme T ou « tendue » est plus compacte, plus fermée. La première forme a plus d’affinité pour le substrat et la seconde moins. Or, le lien avec le substrat suscite l’activité catalytique. Par conséquent, selon son type de configuration, l’enzyme est plus ou moins active.

Par ailleurs, la PFK a cette caractéristique de regrouper plusieurs sous-unités (à double configuration), ce qui permet une coopérativité (c’est le terme technique, qui n’est donc pas celui, commun, de coopération) : les sous-unités passent d’une conformation à l’autre ensemble. Précisément, que se passe-t-il ? Un substrat se fixe sur le site catalytique de la PFK et se transforme en produit. Or, en se transformant en produit, il se fixe sur le deuxième site de l’enzyme, le site régulateur. Or, en se fixant sur ce site, le produit rétroagit sur l’enzyme elle-même, ainsi que nous l’avons vu. La PFK va alors adopter sa configuration R, dont on a vu qu’elle favorise le lien. Dès lors, les autres sous-unités vont aussi se fixer, en cascade, dans l’état R. Ainsi, cette conjugaison de sous-unités et ce processus de coopérativité amplifie le caractère autocatalytique de la réaction.

J’ai conscience que ces notations sont complexes et font appel à beaucoup de notions inconnues du grand public non formé en biochimie. Ce qui m’importe, nous allons le comprendre, c’est le mécanisme général : l’allostérie introduit au sein d’une molécule, en l’occurrence une enzyme, une plasticité qui autorise la rétroaction, donc lui permet de s’adapter à l’environnement. Ainsi, la rythmique du vivant s’enracine dans son interaction avec son milieu.

3’) Extension

 « L’on considère toujours ces oscillations [glycolytiques] comme le prototype des rythmies biochimiques au niveau cellulaire [20] ». Partant de cet exemple paradigmatique, Albert Goldbeter considère trois grands types d’oscillateurs construits par les organismes vivants avec des enzymes, des gènes et des vésicules. Ce sont autant de systèmes synthétiques de traitement de l’information.

Albert Goldbeter étend même ces processus oscillatoires à des populations entières. En cela, il a notamment été précédé par le mathématicien et physicien italien Vito Volterra qui, en un article fameux paru dans Nature en 1926, avait proposé un modèle fluctuant des interactions entre prédateur et proie [21].

4) Évaluation

a) Négative

Sur la forme, l’ouvrage est peu pédagogique. L’auteur ne sait pas raconter d’histoires, ni décrire des expériences. L’exposé est donc plutôt sec. Il manque aussi d’enthousiasme et de regard sapientiel – sauf à identifier le rythme et le vivant. Cette carence, toutefois, n’est pas une conséquence obligée du scientisme matérialiste, puisque Monod s’était risqué en philosophie.

Sur le fond, l’auteur concède tout au matérialisme de Changeux et de Dehaene. Mais comment lui en tenir grief tant il ne fait qu’émarger à la vulgate positiviste ambiante. Nous avons aussi vu que, faute de clarté conceptuelle, l’auteur, s’aventurant hors de son champ, finit par faire du rythme l’essence du vivant. C’est ainsi qu’il fait de l’oscillation le primum movens du cerveau ou du moins de l’activité cérébrale.

b) Positive

Mais le revers (donc positif) est que l’auteur est au plus près des faits et décrit par le menu les expériences sans les surcharger d’interprétations.

5) Relecture à la lumière du don

Ce qui est dit du rythme confirme un certain nombre de lois de la métaphysique de l’amour-don.

Le rythme semble être une signature de l’unicité de chaque vivant. Certes, nombre de rythmes sont universels ; mais certains paraissent liés à notre singularité.

Par ailleurs, grâce à la médiation des rythmes, les êtres organiques sont connectés en eux, entre eux et même avec toute la planète et avec le cosmos. Plus encore, la résonance est le moyen privilégié par lequel les vivants se relient, donc, entrent en communion.

Le rythme est même au cœur de la méta-loi d’autocommunication. En effet, il permet une diffusion maximale par amplification et auto-amplification dans le cas des enzymes allostériques présentant plusieurs sous-unités.

La structure de l’enzyme allostérique renvoie à la question plus générale de la signification philosophique des boucles de rétroaction au sein du vivant (et même déjà au sein des structures inertes). Elles attestent une ébauche de réflexivité et donc d’appropriation. Mais elles témoignent aussi d’une intériorisation de la dynamique systémique (quaternaire) du don qui fait l’objet de notre dernière réflexion : la cause est à l’effet ce que le donateur est au récepteur ; or, l’effet rétroagit sur la cause ; par conséquence, la boucle de feedback est une illustration du quatrième temps du don, c’est-à-dire de la vulnérabilité du donateur qui est transformé par le récepteur agissant, c’est-à-dire communiquant, se donnant en retour.

Surtout, Albert Goldbeter montre que le rythme s’explique à partir de la régulation. Or, celle-ci est une interaction entre un système et son milieu et cette connexion peut se comprendre à partir de la dynamique quaternaire du don. Disons plus, la rythmique est liée à la circulation fluide des dons et cette communication est elle-même le fruit de l’esprit qui circule entre donateur et récepteur. Cette interprétation, la plus réjouissante de l’ouvrage, confirme donc le caractère rythmique de la communion et, partant de là, l’esprit de la danse qui porte la dynamique dative…

Pascal Ide

[1] Albert Goldbeter, Au cœur des rythmes du vivant. La vie oscillatoire, coll. « Sciences », Paris, Odile Jacob, 22018. La première édition de l’ouvrage, en 2010, inversait titre et sous-titre : La vie oscillatoire. Au cœur des rythmes du vivant.

[2] Albett Goldbeter, Au cœur des rythmes du vivant, p. 24.

[3] Alfred Fessard, Propriétés rythmiques de la matière vivante. Nerfs isolés, coll. « Actualités scientifiques et industrielles. Physiologie générale du système nerveux » n° 2-3, Paris, Hermann, 2 vol., 1936.

[4] Cf. Adolphe Pacault et Jean-Jacques Perraud, Rythmes et formes en chimie. Histoire des structures dissipatives, coll. « Que sais-je ? » n° 3235, Paris, puf, 1997.

[5] Cf. Albett Goldbeter, Au cœur des rythmes du vivant, chap. 1, en particulier p. 21-24.

[6] Cf. William C. Bray, « A periodic chemical reaction and its mechanism » « A periodic reaction in homogeneous solution and its reaction to catalysis », Journal of American Chemical Society, 43 (1921) n° 6, p. 1262-1267.

[7] Cf. Alfred Lotka, « Undamped oscillations derived from the law of mass action », Journal of American Chemical Society, 42 (1920) n° 8, p. 1595-1599.

[8] Richard M. Noyes, Richard Field & Endre Körös, « Oscillations in chemical systems. 1. Detailed mechanism in a system showing temporal oscillations », Journal of American Chemical Society, 94 (1972) n° 4, p. 1394-1395.

[9] Voir la vidéo consultée le 30 novembre 2020 : http://www.youtube.com/watch?v=tg9SRstGos4

[10] Une autre présentation, pédagogique, se trouve à l’adresse : https://www.youtube.com/watch?v=hwUrs_H6UXs

[11] Albett Goldbeter, Au cœur des rythmes du vivant, p. 30-31.

[12] Cf. Ilya Prigogine, Introduction à la thermodynamique des processus irréversibles, Paris, Dunod, 1968 ; Thermodynamique. Des moteurs thermiques aux structures dissipatives, Paris, Odile Jacob, 1999.

[13] Cf. Ilya Prigogine et Balescu, « Phénomènes cycliques dans la thermodynamique des processus irréversibles », Bulletin de la Classe des Sciences de l’Académie royale de Belgique, 5e série, 42 (1956), p. 256-265.

[14] Cf. Albett Goldbeter, Au cœur des rythmes du vivant, chap. 2.

[15] Je n’ai pas réussi à savoir si les chercheurs ont publié leurs résultats.

[16] Cf. Britton Chance, Brigitte Schoener & Sigrid Elsaesser, « Control of the waveform of oscillations of the reduced pyridine nucleotide level in a cell-free extract », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 52 (1964) n° 2, p. 337-341.

[17] Benno Hess & Arnold Boiteux, « Control of glycolysis », Järnefelt (éd.), Regulatory Functions of Biological Membranes, Amsterdam, Elsevier, 1968, p. 148-162 ; « Oscillatory phenomena in biochemistry », Annual Review of Biochemistry, 40 (1971) n° 1, p. 237-258.

[18] Cf. Albett Goldbeter, Au cœur des rythmes du vivant, p. 37-50.

[19] Cf. leur article classique sur la cinétique des enzymes allostériques : Jacques Monod, Jeffries Wyman & Jean-Pierre Changeux, « On the nature of allosteric transitions. A plausible model », Journal of Molecular Biology, 12 (1965) n° 1, p. 88-118.

[20] Albett Goldbeter, Au cœur des rythmes du vivant, p. 34.

[21] Cf. Vito Volterra, « Fluctuations in the abundance of a species considered mathematically », Nature, 118 (1926) n° 2972, p. 558-560.

3.12.2020
 

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