Le miracle eucharistique de Buenos Aires, un résumé de la foi chrétienne (dimanche 4 août 2024, 18e du temps ordinaire)

Avec l’évangile de la semaine dernière, nous allons méditer pendant cinq dimanches consécutifs le chapitre 6 de l’évangile selon saint Jean où Jésus se montre à nous comme « le Pain de la vie » (v. 35). Pour rendre plus proche cette catéchèse eucharistique, partons d’un récent miracle eucharistique d’une extraordinaire profusion de sens. Décrivons les faits [1] (1) avant d’en proposer une interprétation théologique (2) et une application pour aujourd’hui (3).

1) Le récit

Le dimanche 18 août 1996, à 19 heures, le père Alejandro Pezet célébrait la messe dans une église qui se trouve dans le centre commercial de Buenos Aires. Alors qu’il finissait de donner la Sainte Communion, une femme lui dit qu’elle avait trouvé une hostie sur le sol au fond de l’église. En se rendant à l’endroit indiqué, le P. Alejandro vit l’hostie souillée. Ne pouvant pas la consommer, il la plaça dans un petit récipient d’eau qu’il rangea dans le tabernacle de la chapelle du Saint-Sacrement.

Le lundi 26 août, ouvrant le tabernacle, il vit à sa grande stupéfaction que l’hostie était devenue une substance sanglante. Il en informa l’évêque auxiliaire, un certain Jorge Bergoglio, qui donna des instructions afin que l’hostie soit photographiée de façon professionnelle. Les photos, prises le 6 septembre, montrent clairement que l’hostie, qui était devenue un fragment de chair sanglante, avait beaucoup grossi en taille.

Pendant plusieurs années, l’hostie demeura dans le tabernacle, l’affaire étant gardée secrète. Constatant que l’hostie ne se décomposait pas, le futur pape François décida de la faire analyser scientifiquement. Le 5 octobre 1999, en la présence des représentants de Mgr Bergoglio devenu archevêque de la capitale argentine, le Dr Castanon préleva un échantillon du fragment sanglant et l’envoya à New York pour analyse. Comme il ne voulait pas influencer les résultats de l’examen, il décida de cacher à l’équipe de scientifiques l’origine de l’échantillon. L’un de ces scientifiques était un cardiologue et pathologiste médico-légal réputé, le Dr Frederic Zugiba. Après avoir déterminé que la substance analysée était de la véritable chair et du vrai sang contenant de l’ADN humain, il précisa les points suivants :

 

« La matière analysée est un fragment du muscle du cœur qui se trouve dans la paroi du ventricule gauche, près des valves. Ce muscle est responsable de la contraction du cœur. On doit se rappeler que le ventricule gauche du cœur agit comme une pompe qui envoie le sang à travers tout le corps.

« Le muscle cardiaque est dans un état d’inflammation et contient un nombre important de globules blancs. Ceci indique que le cœur était vivant au moment où l’échantillon a été prélevé. J’affirme que le cœur était vivant étant donné que les globules blancs meurent en dehors d’un organisme vivant. Ils ont besoin d’un organisme vivant pour les maintenir. Donc, leur présence indique que le cœur était vivant quand l’échantillon a été prélevé.

« Par ailleurs, ces globules blancs avaient pénétré les tissus, ce qui indique que le cœur avait été soumis à un stress intense, comme si son propriétaire avait été battu sévèrement au niveau de la poitrine. »

 

Deux Australiens, le journaliste Mike Willesee et le juriste Ron Tesoriero, furent les témoins de ces tests. Connaissant l’origine de l’échantillon, ils étaient sidérés par la déclaration du Dr Zugiba. Mike Willesee demanda au scientifique combien de temps les globules blancs auraient pu rester vivants s’ils provenaient de tissus humains conservés dans de l’eau. Le Dr Zugiba lui répondit qu’ils auraient cessé d’exister au bout de quelques minutes. Le journaliste révéla alors au docteur que la substance d’où provenait l’échantillon avait d’abord été conservée dans de l’eau ordinaire pendant un mois et qu’ensuite, pendant trois ans, elle avait été conservée dans un récipient d’eau déminéralisée, et c’est seulement après ce temps qu’un échantillon avait été prélevé pour analyse. Très perplexe, le Dr Zugiba déclara ne pas savoir comment expliquer ce fait scientifiquement. Il ajouta une question :

 

« Vous devez m’expliquer une chose : si cet échantillon provient d’une personne morte, alors comment se peut-il que pendant que je l’examinais, les cellules de l’échantillon étaient en mouvement et pulsaient ? Si ce cœur provient de quelqu’un qui est mort en 1996, comment peut-il être toujours en vie ? »

 

C’est seulement alors que Mike Willesee révéla au Dr Zugiba que l’échantillon analysé provenait d’une hostie consacrée qui s’était mystérieusement transformée en de la chair humaine sanglante. Ahuri par cette information, le Dr Zugiba répondit :

 

« Comment et pourquoi une hostie consacrée peut changer son caractère et devenir de la chair et du sang humains vivants, cela restera un inexplicable mystère pour la science – un mystère totalement au-delà de sa compétence ».

 

Par la suite le Dr Ricardo Castanon Gomez fit comparer ces rapports du laboratoire avec ceux élaborés après le miracle de Lanciano, encore une fois sans révéler l’origine des échantillons de test. Les experts qui procédèrent à cette comparaison conclurent que les deux rapports des laboratoires avaient analysé des échantillons provenant de la même personne. Ils signalèrent aussi que, dans les deux cas, le sang appartenait au groupe « AB » positif et présentait les caractéristiques d’un homme qui est né et a vécu au Moyen Orient.

2) Interprétation théologique

Cet événement est riche d’enseignements. Concernant l’acte de foi (la fides qua) et le contenu de la foi (la fides quæ).

a) Qu’est-ce que croire ?

  1. Ces faits sont attestés par de multiples témoins fiables et compétents. Ils le sont aussi par la diversité des observations qui, avec prudence, ont écarté les biais cognitifs comme le préjugé.
  2. Ces données sont inexplicables aux yeux de la science et, plus généralement, de la raison. Il faut dire plus, elles dépassent les lois de la nature : le pain n’a pas la capacité de se transformer en sang ; une fibre cardiaque ne peut continuer à se contracter pendant des années hors de l’organisme vivant ; etc. Pour autant, ces faits ne contredisent pas la raison
  3. Or, et ici commence le regard de la foi, on appelle miracle un acte qui se produit en dehors des capacités de la création et révèle ainsi son auteur qui est le Créateur lui-même. L’on peut donc parler d’un miracle eucharistique à Buenos Aires.
  4. Telles étant la nature et la cause du miracle, quel est son but ? Le concile Vatican I explique : « Pour que l’hommage de notre foi fût conforme à la raison, Dieu a voulu que les secours intérieurs du Saint-Esprit soient accompagnés des preuves extérieures de sa Révélation ». Ainsi les miracles du Christ, ceux des saints (cf. Mc 16,20 ; He 2,4), ceux qui continuent à se produire en son Église « sont des signes certains de la Révélation, adaptés à l’intelligence de tous », des « motifs de crédibilité » qui montrent que l’assentiment de la foi n’est « nullement un mouvement aveugle de l’esprit [2] ».
  5. Pour autant, si le miracle est une œuvre de puissance (les évangiles synoptiques l’appellent dunamis, « force » ou « puissance »), il ne procure pas l’évidence et ne contraint ni l’intelligence ni la liberté. Si le miracle éclaire, il montre et ne démontre pas (l’évangile selon saint Jean parle de séméion, « signe »). Voilà pourquoi, « malgré ses miracles si évidents, Jésus est rejeté par certains (cf. Jn 11,47-48) ; on l’accuse même d’agir par les démons (cf. Mc 3,22) ». Ainsi les miracles « peuvent aussi être ‘occasion de chute’ (Mt 11,6) [3]».
  6. Par ailleurs, comme les actes religieux, la relation au miracle s’inscrit dans un juste milieu entre l’incrédulité et la superstition : « les miracles fortifient la foi en Celui qui fait les œuvres de son Père : ils témoignent qu’il est le Fils de Dieu (cf. Jn 10,31-38). Mais […] ils ne veulent pas satisfaire la curiosité et les désirs magiques [4]». Il convient donc de se garder, d’un côté d’un refus rationaliste et arrogant des miracles, et de l’autre d’une focalisation sur le sensationnel qui profane le mystère et aliène la liberté. Le scepticisme à l’égard des miracles blesse Dieu autant que leur recherche compulsive. En effet, il ne veut pas nous réduire au silence, mais nous séduire (cf. Os 2,16) et nous conduire à la gratitude. Il convient donc de nous intéresser au miracle eucharistique de Buenos Aires et d’en parler avec la même délicatesse et la même justesse que celles du Bon Dieu nous offrant ce signe.

b) Que croire ?

Passons de l’acte de foi à son objet : qu’est-ce que ce miracle nous révèle ?

  1. Le plus évident, c’est la vérité de la présence réelle d’un corps. On peut même en préciser différentes caractéristiques : il est humain, masculin et proche-oriental.
  2. La partie du corps ici présente est le cœur. Or, celui-ci est le symbole de toute la personne autant que de l’amour. En effet, tant que le corps est présent sans ses accidents (ses propriétés accidentelles), c’est toute la substance qui est là. Mais, dès lors qu’il est circonscrit dans ses accidents, la quantité intervient et comme notre corps est d’une dimension donnée, seule une partie peut être rendue présente. Or, autant, habituellement, dans l’hostie, le Corps du Christ est présent sous « les saintes espèces », c’est-à-dire les accidents du pain et du vin qui ne sont pas les siens, autant, de manière exceptionnelle et extraordinaire, ici dans le miracle, il se montre avec certaines de ses caractéristiques accidentelles. Dieu a donc choisi de présentifier la partie du corps qui symbolise celui-ci et la personne entière.
  3. Le corps observé est celui d’une personne qui a souffert et a souffert d’une manière particulièrement intense. Donc, derrière ce que la théologie appelle le signum tantum (« le seul signe »), le corps symbolise la res tantum (« la chose même ») du sacrement eucharistique en sa totalité : non pas seulement le corps, mais le corps de Celui dont la liturgie reprend les paroles : « Voici mon corps livré pour vous ».
  4. La partie du cœur qui est observée est vivante. Mais, séparée du reste de l’organisme, il faut affirmer que la personne est morte. Donc, son corps est réanimé. Peut-on aller jusqu’à affirmer qu’il est ressuscité ? On a observé que le cœur est pulsatile. Or, dans l’encyclique Haurietis aquas, Pie XII affirme que le cœur de Jésus bat pour l’éternité dans son corps glorieux :

 

« les battements de son Cœur cessèrent et son amour sensible s’interrompit jusqu’à ce qu’Il ressuscitât du sépulcre, vainqueur de la mort. Mais, depuis le moment où le corps glorifié du Rédempteur divin eût été de nouveau uni à son âme, son Cœur très saint n’a plus cessé, ni ne cessera de battre son rythme régulier [5] ».

 

Donc, le miracle de Buenos Aires témoigne non seulement de la Passion, mais de la Résurrection.

  1. Peut-on aller jusqu’à faire de ce cœur et de la personne qui en est le sujet et qu’il symbolise l’attestation de son identité divine ? Certes, la cause est divine, puisqu’il s’agit d’un miracle ; mais le contenu l’est-il aussi ? Derechef, seule la foi peut répondre. Aujourd’hui, seules deux Personnes sont présentes, corps et âme, au Ciel, dans le sein du Père : Jésus et Marie. Ce cœur contenant un ADN masculin, il ne peut donc être que celui du Fils de Dieu fait homme.
  2. Enfin, le miracle atteste discrètement, mais directement, que c’est non seulement Dieu, mais la Personne du Fils qui est là. En effet, le groupe sanguin AB + est celui du receveur universel. Or, le Père a tout donné à son Fils éternel, son être, son essence et ses propriétés, au point que saint Thomas ose dire que le Fils est « Deus ut recipiens: Dieu en tant qu’il reçoit ».

3) Que faire ?

Ainsi, ce miracle eucharistique est un don (au double sens du substantif : une action de donation et son résultat qu’est le cadeau) extraordinaires (là aussi au double sens du terme : exceptionnel et merveilleux) de Dieu. En se montrant à nos yeux de chair et à notre intelligence scientifique, il nous conforte dans notre foi vivante en la présence réelle et pas seulement imagée dans l’hostie. En nous enseignant, il nous offre une véritable catéchèse non seulement sur l’Eucharistie, mais sur toute la foi chrétienne dont elle est le résumé (voilà pourquoi, explique saint Thomas, elle n’est pas mentionnée dans le Credo : parce qu’elle y est partout). En suscitant notre gratitude, il nous appelle à rendre amour pour amour une réponse d’amour. Et nous-même, au terme de cette lecture, quelle réponse monte en notre cœur ?

Disons plus. Les circonstances de la découverte, l’hostie souillée jetée sur le sol de cette église de Buenos Aires, demande réparation. Celle-ci, explique le pape Pie XI dans l’encyclique qu’il a aussi consacré au Sacré-Cœur, est également une redamatio, une réponse humaine d’amour, mais lorsque l’amour divin est offensé. Or, nous le savons, lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024, la Sainte Cène a été caricaturée de manière blasphématoire. Choqué, attristé, honteux, j’ai célébré dès le lendemain une neuvaine de messes qui se termine aujourd’hui, en réparation à cette provocation qui a offensé les catholiques du monde entier et beaucoup d’autres personnes avec eux. Nous avons entendu Paul dans la deuxième lecture : « Les païens se laissent guider par le néant de leur pensée » (Ep 4,17). Méditant sur l’Agonie du Christ au mont des Oliviers, Pascal remarque : « Jésus cherche de la compagnie et du soulagement de la part des hommes. Cela est unique en toute sa vie, ce me semble. Mais il n’en reçoit point, car ses disciples dorment [6] ». Et nous, et moi, quelle réponse d’amour donnerai-je à Jésus-Eucharistie qui attend ma consolation ?

Les autres miracles eucharistiques attestent que Jésus est bien présent sous les humbles apparences du pain et du vin. Celui de Buenos Aires nous montre beaucoup plus : le Cœur Eucharistique du Christ toujours vivant continue à palpiter, même transperçé. Il continue à battre d’amour pour nous au rythme de l’Amour Divin. Il nous redit : « Je suis le Pain de vie ».

Pascal Ide

[1] Pour cela, je me fonde de l’article présent sur le site : http://absoluteprimacyofchrist.org/pope-francis-eucharistic-miracle-in-buenos-aires-argentina/

[2] DS, n. 3008-3010. Cité par le Catéchisme de l’Église catholique, n. 156.

[3] Catéchisme de l’Église catholique, n. 548.

[4] Ibid.

[5] Pie XII, Encyclique Haurietis Aquas sur le Culte du Sacré‑Cœur de Jésus, n. 28, 15 mai 1956, AAS 48 (1956), 309-353. Traduction officielle de la Polyglotte Vaticane, corrigée par Edouard Glotin (30 mars 2002). Les alinéas sont numérotés d’après l’original latin.

[6] Éd. modernes : Brunschvicg, 553 ; Le Guern 717 ; Lafuma 919 ; Sellier 749. Le texte se trouve sur http://www.penseesdepascal.fr/Hors/Hors14-moderne.php

4.8.2024
 

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