La nature attend l’homme (Billet du lundi 27 avril 2020)

Comment ignorer que l’un des effets paradoxalement positifs de l’actuelle épidémie mondiale est le répit (encore très partiel !) dont bénéficie notre chère nature, depuis les dauphins croisant dans un port vénitien (et non dans la lagune de Venise) jusqu’aux sommets de l’Himalaya de nouveau visibles à plus de 200 kilomètres.

En même temps et à cause de cela circulent bien des vidéos – y compris chez des chrétiens – où, au mieux, l’on nous rappelle que la Terre a besoin de ce shabbat humain et, au pire, est un milieu qui nous accueille, nous les prédateurs ingrats, comme des invités.

Bien entendu, nous sommes appelés à « une conversion écologique globale » (le mot est d’ailleurs de Jean-Paul II et date d’il y a presque vingt ans, [1] avant que le pape François lui donne l’ampleur que nous savons dans Laudato sì, chap. 3).

Mais cette conversion ne se fera ni contre l’homme, ni sans l’homme, et n’inverse en rien la hiérarchie entre l’homme et la nature. Oui, vous avez bien lu : hiérarchie (qui, étymologiquement, signifie « principe sacré »), parce qu’il s’enracine en l’homme, seule créature faite à l’image et à la ressemblance de Dieu » (Gn 1,26-28). Mais disons-le en des termes différents, plus audibles par nos contemporains qui suspectent toute supériorité de domination (ce que, malheureusement, les faits vérifient souvent) : la nature attend l’homme. C’est la Bible elle-même qui le dit. Le début deuxième récit de la création (beaucoup moins lu que celui du premier) comporte une double et passionnante mention :

 

« Lorsque le Seigneur Dieu fit la terre et le ciel, il n’y avait pas encore d’arbuste des champs sur la terre, aucune herbe des champs n’avait encore poussé car le Seigneur Dieu n’avait pas encore fait pleuvoir sur la terre et il n’y avait pas d’homme pour cultiver le sol » (Gn 2,4b-5).

 

Le texte répète la même expression « pas encore ». Or, cette expression signifie comme un désir : la nature aspire à l’apparition de l’homme. Mais le texte dit plus. La terre attend aussi la pluie. Or, sans l’eau céleste, la terre se dessèche et se transforme en désert, réalité très parlante pour les peuples du Proche Orient ancien. La terre a besoin de la culture, donc du travail de l’homme, pour porter du fruit : que poussent arbustes et herbe des champs. Ainsi, pour la Bible, la nature apparaît inachevée, elle ne peut pleinement fructifier, tant que l’homme n’a pas été créé. Et s’il est ajouté que la pluie manque aussi, c’est peut-être pour rappeler à l’homme qu’il n’est pas la seule créature à achever la terre ; cette pluie qui descend du ciel est le symbole de la bénédiction divine (cf., par exemple, Is 55,10-11).

La nature nous attend pour trois raisons : afin d’être contemplée avec admiration (mais non adoration) ; afin d’être perfectionnée avec imagination (c’est avec le travail de l’homme que la nature produit ces fruits que sont le pain et le vin !) ; afin d’être protégée avec compassion.

Alors, que continuent à circuler ces vidéos qui s’émerveillent de la création, mais qu’elles sachent aussi applaudir cette merveille des merveilles qu’est l’homme en synergie avec ce monde qui lui fut donné comme un jardin à admirer, à cultiver et à garder (cf. Gn 2,15). Nous y reviendrons.

Pascal Ide

[1] Cf. Catéchèse, mercredi 17 janvier 2001, n. 4.

27.4.2020
 

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