Jalons pour une Histoire de la Philosophie de la nature III-4 Les philosophies de la nature à l’ère scientifique moderne. Teilhard de Chardin

C) La nature comme complexification centration évolutive selon Pierre Teilhard de Chardin

Henri Bergson et Pierre Teilhard de Chardin (1981-1955) demeurent aujourd’hui les deux représentant majeurs d’une vision spiritualiste de l’évolution. Cela ne signifie pas que leur doctrine coïncident en tout. Autant Bergson nie l’existence préalable d’une finalité, autant Teilhard l’affirme explicitement. Pour lui, l’évolution est conduite par Dieu qui agit en donnant la finalité et confie à la vie la responsabilité, le soin de conduire le cosmos à son achèvement. Aussi cette finalité n’est pas qu’extérieure, elle est déposée à l’intime du vivant qui est orienté vers l’Oméga.

1) Le grand principe de l’évolution

Pour Teilhard, le réel est traversé par deux courants opposés, l’un entropique et destructeur, l’autre constructeur qui monte vers la vie et la conscience en se complexifiant. Or, ce second mouvement qui va de la biosphère vers la noosphère, dépasse cette dernière pour aller vers le point Oméga ou Christ cosmique qui a pour but de diviniser la noosphère.

 

« N’y aurait-il pas en avant de nous, une Humanité en formation, somme de personnes organisées ? […] Et n’est-ce pas là du reste la seule manière de prolonger, par récurrence (dans la direction de plus de complexité centrée et de plus de conscience), la course de la moléculisation universelle ? Voilà l’idée, rêvée depuis longtemps par la Sociologie qui reparaît aujourd’hui scientifiquement fondée cette fois dans les livres de savants professionnels (Haldane, Huxley, Sherrington, et combien d’autres) [1] ».

 

De fait, toute la pensée de Teilhard de Chardin est marquée par l’évolution à laquelle il adhère totalement et avec enthousiasme.

La loi décisive est appelée par Teilhard « loi cosmique de complexité-conscience ». Elle se traduit par un phénomène : l’enroulement. Il parle aussi de courbure, de convergence. Par exemple, résumant son ouvrage Le phénomène humain, quelques années après sa parution, Teilhard dit :

 

« Réduite à sa moelle la plus pure, la substance des longues pages qui précèdent se ramène tout entière à cette simple affirmation que, si l’Univers nous apparaît sidéralement comme en voie d’expansion spatiale (de l’Infime à l’Immense) ; de même, et plus clairement encore, il se présente à nous, physico-chimiquement, comme en voie d’enroulement organique sur lui-même (du très simple à l’extrêmement compliqué), – cet enroulement particulier ‘de complexité’ se trouvant expérimentalement lié à une augmentation corrélative d’intériorisation, c’est-à-dire de psyché ou conscience [2] ».

 

Pour démontrer ce processus de complexité, Teilhard fait trois remarques.

Primo, toute réalité cosmique n’est pas que matière, mais affectée d’un Dedans : le Dehors étudié par la science, se double d’un Dedans. Or, celui-ci est aussi granulé, atomisé que celle-là. Teilhard est amené à « conjecturer dans tout corpuscule l’existence rudimentaire (à l’état d’infiniment petit, c’est-à-dire d’infiniment diffus) de quelque psyché [3] ». Pour Teilhard, cette loi de complexité-conscience se vérifie non seulement pour l’homme et les animaux supérieurs, ainsi que la science nous a appris à le voir, mais pour tout le cosmos : les substances les plus simples ont tendance à se vitaliser en se complexifiant.

Teilhard retrouve la doctrine leibnizienne des monades, centres d’énergie, de perception, à la différence près que, pour lui, ces corpuscules sont mystérieusement reliés entre eux par une Energie d’ensemble.

Secundo, ces élements de conscience qui sont au point de départ multiples et homogènes, tendent à se complexifier et se différencier, au cours de la Durée. La Conscience se transforme donc. « Réfractée en arrière dans l’Évolution, la Conscience s’étale qualitativement en un spectre de nuances variables dont les termes inférieurs se perdent dans la nuit [4] ». Au fond, Teilhard rembobine le film de l’évolution : la croissance de vie et de conscience que nous trouvons normal d’observer, signifie qu’au point de départ, ils devaient être présents. Nous trouvons ici en germe l’une des principales difficultés de la pensée de Teilhard : l’insistance sur la continuité, la difficulté à penser les ruptures, les sauts qualitatifs.

Tertio, joignant les deux premières constatations, on doit conclure que la conscience est l’effet, le répondant de la complexité organique : conscience et complexité sont les deux faces, matérielle et spirituelle, d’un même processus. « Perfection spirituelle (ou «centréité» consciente) et synthèse matérielle (ou complexité) ne sont que les deux faces ou parties liées d’un même phénomène [5] ».

L’évolution, remarque Teilhard dans l’importante dernière note [6], se construit comme une ellipse à double foyer : l’un d’arrangement matériel ou de complexification, l’autre de conscience ou d’intériorité. D’où le nom de la loi : complexification intériorisante. Dans la Nature, le premier foyer qui d’abord prédomine tend à perdre, progressivement, son initiative. Pour le dire dans un vocabulaire marxiste : « graduellement », c’est « la super-structure (psychique), au lieu de l’infrastructure (physique) qui devient la portion consistante des particules vitalisées [7] ».

2) Application aux différents stades de l’évolution

Déjà la matière est, pour Teilhard, une réalité non pas passive, mais dynamique. La matière est plurielle, c’est la vérité de l’atomisme, plus encore que ne pouvait le savoir Epicure. Mais « plus nous clivons et pulvérisons artificiellement la Matière, plus se laisse voir à nous sa fondamentale unité [8] ». Cette unité est autant unité d’homogénéité : les molécules sont formées d’atomes et d’électrons qui présentent « une parfaite identité de masse et de comportement » – qu’unité collective : les atomes ne sont pas juxtaposés, mais unifiés, englobés. Surtout, la matière est énergie et Teilhard de faire appel aux pouvoirs de liaison entre atomes, mais plus encore aux découvertes de la radio-activité.

a) L’apparition de la matière

Teilhard de Chardin parle d’abord de la Matière, de la Nature. La grande idée qui court dans tout l’ouvrage est que la matière est traversée par une loi de complexification. Teilhard de Chardin s’explique clairement sur ce qu’il entend par complexité [9]. Ce n’est ni « la simple agrégation » d’éléments en tas, en vrac, ni « la simple répétition géométrique » d’éléments en nombre indéfini. L’exemple type est fourni par la cristallisation ou par l’astre. En un mot, l’unité s’opère alors « par le dehors » ; l’aristotélicien dirait par accident.

La complexité est une « combinaison », « une forme particulière et supérieure de groupement » qui se caractérise par deux notes : « Nombre fixe d’éléments, ensemble clos ». Plus précisément, un être complexe est doué d’une unité structurelle, construite « par le dedans » ; Aristote dirait, avec plus de rigueur, par soi.

Or, en mettant en ordonnée la dimension linéaire, la taille des êtres (des « corpuscules ») naturels et en abscisse le nombre d’éléments qui les composent, on obtient ce qu’il appelle « la courbe de corpusculisation de l’Univers [10] », qui est pour Teilhard de Chardin, une loi fondamentale. Celle-ci met en évidence différents faits :

b) L’apparition de la vie

Entre les deux, le vivant comme l’inerte se caractérisent par une importante loi d’enroulement. Il y a chez tous les êtres cosmiques, un désir de self-enroulement.

La vie est la première émergence du processus de complexification-conscience.

Et l’enroulement conjoint toujours complexité et conscience, même chez les êtres préréfléchis. Là est la première originalité de Teilhard.

c) L’apparition de l’homme

L’Univers ne se réduit surtout pas à l’infiniment grand et à l’infiniment petit ; il y a entre les deux, l’infiniment complexe.

Selon Teilhard, l’espèce, notamment humaine, dans sa « prolifération intense », son « foisonnement serré d’écailles », est comme impuissante « à s’individualiser jusqu’au bout », car elle est « inépuisablement riche de conséquences [11] ».

Ici, l’enroulement se fait réflexion et liberté. L’apparition de l’homme, la personnalisation est qualitativement nouvelle.

La seconde originalité de Teilhard est de maintenir la spécificité de ce qu’il appelle le phénomène humain. Pour lui, cette affirmation n’est nullement gratuite, métaphysique, mais scientifique. Trois nouveautés humaines, notamment, fondent cette assertion :

– l’apparition décisive de facteurs d’invention non plus seulement externes, mais internes ;

– l’émergence de forces de rapprochement et d’éloignement, autrement dit de sympathie et d’antipathie, qui relaient les processus de pseudo-attractions et de pseudo-répulsions de la Prévie et de la Vie inférieure ;

– enfin, l’éveil de la conscience irréversible d’une survie illimitée, ce qui est plus que l’impossibilité physique d’arrêter le processus d’enroulement une fois amorcé.

Ces caractéristiques confèrent une supériorité indéniable au groupe zoologique humain. Du moins, si, estime Teilhard, on n’oublie pas la dernière évolution qui passe de l’individu à l’espèce, qui va de l’évolution individuelle à l’évolution globale :

d) L’apparition de la société humaine

L’une des intuitions proprement teilhardiennes est qu’après l’humanisation individuelle, l’homme est irrésistiblement poussé à une humanisation collective. Après que l’intelligence a émergé de l’Instinct, encore faut-il que le Groupe humain émerge des individus humains. En effet, l’observation constate que l’Humanité présente de plus en plus les trois propriétés dont on a vu qu’elles révélaient l’apparition de la Réflexion individuelle :

– le pouvoir d’invention : jamais l’humanité n’a autant déposé de brevets, compté autant de chercheurs, député à la recherche fondamentale ;

– la capacité d’attraction-répulsion : elle tend à s’organiser ;

– l’exigence d’irréversible : l’homme commence se rendre compte qu’il pourrait s’autodétruire ; et il ne le désire pas ; il doit faire appel à sa responsabilité.

Ces faits et beaucoup d’autres « me paraissent constituer une preuve scientifique sérieuse que (en conformité avec la loi universelle de centro-complexité) le groupe zoologique humain, – loin de dériver biologiquement, par individualisme déchaîné, vers un état de granulation croissante, – ou encore de s’orienter (au moyen de l’astronautique) vers une échappée à la mort par expansion sidérale, – ou tout simplement, de décliner vers une catastrophe ou la sénescence, se dirige en réalité, par arrangement et convergence planétaires de toutes les réflexions élémentaires terrestres, vers un deuxième point critique de Réflesion, collectif, supérieur : point au delà duquel (justement parce qu’il est critique) nous en pouvons directement rien voir ; mais point à travers lequel nous pouvons pronostiquer (comme je l’ai montré) le contact entre la Pensée, née de l’involution sur soi de l’étoffe des choses, et un foyer trancendant «Oméga», principe à la fois irréversibilisant, moteur et collecteur de cette involution [12] ».

Aujourd’hui, la routine, notamment, fait de l’auto-organisation de la Myriade humaine un processus seulement juridique, superficiel et accidentel. La preuve, dit-on, l’Homme n’évolue plus. Pour Teilhard, c’est une grave erreur d’interprétation. Le grand élan qui soulève l’humanité est loin d’être mort, épuisé. Le grand cyclone (le « vortex cosmique d’Intériorisation ») qui a enroulé l’individu humain sur lui-même, maintenant, continue son chemin au-dessus de nos têtes et enroule la multitude humaine, la liant organiquement dans une étreinte planétaire.

e) Le Christ dans l’univers

Pour le jésuite paléontologue, le Christ est le principe évoluteur d’un univers en mouvement. L’intuition teilhardienne sur le Christ cosmique peut se résumer dans deux paroles riches de sens :

 

« Le Christ n’est pas un accessoire surajouté au monde, un ornement, un roi comme nous en faisons […]. Il est l’alpha et l’omega, le principe et la fin (de toute la création), la pierre du fondement et la clef de voûte, la Plénitude et le Plénifiant. Il est celui qui consomme et celui qui donne à tout sa consistance. Vers lui et par lui, vie et lumière intérieures du monde, se fait dans la plainte et l’effort, l’universelle convergence de tout l’esprit créé. Il est le Centre unique, précieux et consistant, qui étincelle au sommet à venir du monde, à l’opposé des régions obscures, éternellement décroissantes où s’aventure notre Science quand elle descend la route de la matière et du passé [13] ».

 

Plus bref, mais non moins stimulant, et concernant désormais non plus le Christ mais le chrétien en son don 3, de reditus de l’univers : « Un chrétien peut dire aujourd’hui à son Dieu qu’il l’aime, non seulement de tout sonc orps et de toute son âme, mais de tout l’univers [14]! »

En effet, nous soulignons aujourd’hui volontiers le lien entre Dieu et la science, mais beaucoup moins la relation entre la science et le Verbe incarné.

f) Chaque étape est une fin relative

Il y a deux manières de comprendre la loi de complexification : en faisant des intermédiaires soit de simples moyens à dépasser, soit des termes réels, ayant valeur pour eux-même, mais relatifs. Il me semble que c’est la seconde hypothèse qui soit juste, à en juger par l’ordre de la nature : le bien commun de l’univers est meilleur s’il respecte celui de toutes les parties. Autrement dit, l’univers ne constitue pas un grand vivant, mais un tout d’ordre.

C’est ce que dit Charles Journet. Le théologien suisse estime que l’univers monte par paliers. Mais il précise, avec justesse et rigueur que

 

« chacun des paliers existe pour lui-même, il s’étale avec complaisance dans l’espace et dans le temps. Il n’est pas ordonné au palier supérieur d’une façon purement utilitaire, à la manière d’un moyen qui n’existe que pour une fin, s’efface devant elle, disparaît quand elle est atteinte. Il prépare le palier supérieur à la manière d’une fin infravalente, ayant en elle-même sa propre justification et demandant à déployer indéfiniment ses propres ressources [15] ».

 

C’est en effet ce qu’on observe à chaque palier : au plan stellaire, biologique, etc. Un signe en est que, dans un tout organique ou unifié, substantiel, l’économie, la sobriété est en général la règle : tout est régi par des lois d’utilité. En revanche, dans l’univers, autant minéral que biologique, règne le superflu, le luxe, la surabondance [16].

C’est aussi le sens de parole biblique. Elle affirme d’une part la création de chaque grand genre d’êtres naturels et sa permanence, sa raison d’être, d’autre part la subordination des êtres inférieurs aux supérieurs, par exemple lorsqu’il est dit que que Dieu créa les « luminaires du firmament du ciel pour séparer le jour et la nuit » (Gn 1,15) et que l’homme a reçu puissance sur toutes les créatures animales et végétales (Gn 2,28).

Nous rejoignons ici la passionnante intuition de Teilhard relative au « Hasard dirigé » ou au « tâtonnement ». Cette notion permet de mixer hasard et finalité.

 

« La vie procède par effets de masse, à coup de multitudes lancées, l semblerait d’abord, sans ordre en avant […]. Et voilà où se poursuit et ré-apparaît, au niveau des particules animées, la technique fondamentale de Tâtonnement, cette arme spécifique et invincible de toute multitude en expansion. Le Tâtonnement, où se combinent si curieusement la fantaisie aveugle des grands nombres et l’orientation précise d’un but poursuivi. Le tâtonnement, qui n’est pas seulement le Hasard, avec quoi on a voulu le confondre, mais un Hasard dirigé [17] ».

 

Cette théorie ne semble pas loin de ce que propose la théorie du chaos qui conjugue aussi contingence de la matière et attraction de la forme.

Enfin, la contingence ds mécanismes de l’évolution ne nie en rien la nécessité de la Providence divine : « L’infaillible causalité divine, par là même qu’elle est transcendante, fait arriver les événements selon leurs conditions propres, nécessairement les événements nécessaires, contingemment les événements contingents, fortuitement les événements de hasard [18] ».

3) Reprise en philosophie de la nature

Teilhard de Chardin retrouve un certain nombre de notes caractéristiques de la matière, soit seule, soit dans sa relation avec la forme. Plus que cela, il me semble ouvrir des pistes, voire innover à l’égard d’Aristote.

a) La puissance de la matière

Déjà, contrairement à un univers newtonien ou laplacien, un univers einsteinien ou heisenbergien, la nature teilhardienne laisse une place à l’indétermination et, plus que cela, à une indétermination croissante : « la quantité d’indétermination […] varie, et est susceptible de croître indéfiniment par meilleur arrangement du système [19] ».

1’) Sens de la loi d’enroulement

L’enroulement cosmique ne doit pas d’abord s’interpréter en termes opératifs (par exemple à l’aide de ce qu’expriment les mécanismes développés par la cybernétique), mais ontologiques, entitatifs. En l’occurrence : la matière tend d’elle-même à être circonscrite par une forme déterminée.

Cet enroulement trouve sa forme majeure dans l’apparition de l’intériorisation. Il traduit aussi l’empreinte de l’esprit, et non pas seulement de la forme. Voilà pourquoi il prend la forme de l’intériorité et de la réflexion.

La complexité en est un signe privilégié de la potentialité. Pour Teilhard, la complexité exprime le fond même de la matière. Pour nous, elle n’en est qu’une propriété, ou même un effet et un signe. En effet, la complexification vient de l’appel de la forme et la complexité est le résultat du composé hylémorphique. Or, c’est la puissance qui est désir de la forme. Nous y reviendrons plus bas.

L’évolution qui s’est faite en écailles (cf. plus bas) me semble être un autre signe de la puissance présente dans la matière.?

2’) La puissance de germination

La puissance est d’abord capacité, vitalité. Or, le dernier maillon de l’évolution, l’Homme, est celui qui manifeste le plus de tendance, de propension à… Comme le remarque finement Teilhard de Chardin, alors que chez les différentes espèces vivantes, l’évolution se fait sous forme de faisceau de « trajectoires divergentes, rayonnant autour et à partir d’une zone axiale déjà «creuse» », dans le cas de l’Homme, le schéma diffère, puisque le centre de la gerbe, loin d’être vide, persiste, lieu d’une permanente vitalité phylétique [20]. Mais ce centre est le lieu et l’expression même de la puissance : Teilhard de Chardin parle des « espèces potentielles continuellement engendrées par la ramification phylétique [21] ».

3’) L’ouverture à la forme, à l’opération

Un signe en est la tendance constante à la « socialisation » qui traduit « une propriété primaire et universelle de la Matière universalisée [22] ». Par ailleurs, cette propension s’avère de plus en plus grande quand on montre dans l’échelle de l’évolution, à créer des relations entre les êtres. Plus un être est complexe, plus il multiplie et entretient des inter-liaisons avec les autres créatures. Et ces connexions ne sont pas, là encore, agrégats, mais une « socialisation » : elles constituent un « tissu serré [23] ». Cette propension à l’interrelation, à la coalescence des rameaux devient maximale chez l’homme.

4’) La capacité à devenir les contraires

On en retrouve une illustration dans ce que Teilhard de Chardin appelle « la loi de relais [24] ». Le paléontogue a remarqué que la nature « crée », « fabrique » très souvent non pas dans une seule direction, mais un pas à droite, un pas à gauche : elle présente un régime «pulsatif» et divergent », de sorte qu’ »à tous les degrés, et dans tous les cas, les formes vivantes, suivies dans la Durée, s’imbriquent entre elles plus qu’elles ne se prolongent directement l’une l’autre ».

b) L’appétit de la matière

En effet, pour Teilhard, la matière est finalisée [25] : « la Matière s’est trouvée prise, aspirée, dans un mouvement de super-moléculisation constamment ouvert en avant [26] ». On connaît l’importance accordée par Teilhard de Chardin au point Oméga. Pour lui, l’Univers est « fusiforme, fermé aux deux bouts [27] ». Il ignorait l’existence du principe anthropique qui confirme à plein son intuition, sauf qu’il estime la finalité de l’univers transcendante, ce en quoi il a tant raison : « omnia appetunt a Deo ».

La complexification est un signe de ce processus téléologique : « L’Arbre de la Vie […] – même étudié avant l’apparition et en l’absence de l’Homme – laisse […] déjà apercevoir dans son dessin une véritable ‘flêche’ [28] ».

Un autre signe est « un envahissement extraordinairement rapide de toute la surface photochimiquement active de la planète [29] ». Ce que confirment les actuelles découvertes de très très anciennes archéobactéries, quelques centaines millions d’années seulement (!) après la formation de la Terre.

Enfin, un excellent signe en est l’accélération des processus lorsque la fin s’approche. Contrairement à la puissance qui s’amenuise à proximité de la finalité, l’appétit s’agrandit. Cela n’étonnera que celui qui a une conception mécaniste de la matière. Au simple plan anthropologique, l’espoir, le désir, l’élan s’accroît lorsque diminue la distance avec l’objet escompté. Or, note Teilhard de Chardin, le phylum humain présente quatre propriétés dont une extraordinaire puissance d’expansion et une extrême vitesse de différenciation [30] : c’est une évidence totale. L’Homme a un « étonnant pouvoir » « de couvrir et de posséder la Terre [31] ». Et il est la dernière espèce apparue, la plus complexe et la plus cérébralisée. En lui, « se concentre visiblement, à partir de la fin du Tertiaire, le principal effort évolutif de la Terre », « le meilleur de ce qui restait de sève [32] ». On pourrait aussi remarquer que toutes les espèces évoluent de plus en plus vite au fur et à mesure où l’on s’approche de l’homme. Les Mammifères n’ont vécu que 600 millions d’années.

c) La continuité de la matière

Teilhard de Chardin attire l’attention sur l’effacement de l’origine caractéristique de tout devenir naturel.

Déjà nous sommes inaptes à déterminer l’apparition du premier Grec ou du premier Chinois, a fortiori le premier mammifère ou la première cellule. Ne parlons pas de l’inaccessible Big Bang. Bref, « en tous domaines, inexorablement les «commencements» s’effacent [33] ». Bref, « impossible de tenir le véritable début de rien [34] ».

Certes, on peut donner de ce fait universel une interprétation subjective (mais nullement subjectiviste), y lire la nécessaire absence de documents lorsque son objet est trop fragile, trop rare ou trop protégé (un embryon ne se fossilise pas). Mais il y a à cela une raison objective bien plus profonde : le continu est divisible en puissance ; or, la matière informée est continue ; mais ce qui est divisible en puissance ne présente pas de partie indivisible en acte ; or, le point de départ, la première partie est un point ; il est donc inaccessible par définition. « En pareille matière, tout ce que les lois de la perspective historique nous permettent d’espérer, c’est de réduire à un certain minimum le rayon d’incertitude (d’indétermination) à l’intérieur duquel se dissimule un point insaisissable [35] ».

C’est même là le moyen terme de la démonstration aristotélicienne du Premier Moteur. On conçoit donc l’importance de ce point.

d) La relation de la matière à la forme
1’) La distinction matière-forme

Teilhard de Chardin, en observant l’évolution des espèces, y discerne, avec acuité, la puissance non pas de quelque Créateur ou de quelque idée créatrice globale, mais d’une forme et d’une matière, d’un principe immanent qui y est à l’œuvre, cherche à s’exprimer et se réaliser. Deux principes sont à l’œuvre où Teilhard de Chardin y discerne matière et esprit (non pas forme). Ce qui pose le problème d’un éventuel dualisme spiritualiste. Mais le paléontologue a trop le sens de l’incarnation, de l’unité, pour ne pas avoir vu, dès le point de départ, le dynamisme de la forme et de la puissance de la matière.

Nous parlerons de la relation diachroniquement :

2’) Première loi

A l’échelle de l’histoire, la loi d’enroulement me semble donner lieu à une loi d’allure, de profil hégélien, fort intéressante [36] : à une phase d’expansion succède une phase de contraction, de compression. Mieux encore, l’évolution de chaque espèce et de chaque groupe épouse un mouvement à trois temps qu’évoque bien l’image du fuseau : unité, expansion (jusqu’à la limite de la rupture ou prime l’individuation sur la socialisation) et recentrement, compression. Plus qu’à la loi d’exitus-reditus, cette évolution souvent retrouvée s’explique à mon sens par le jeu contrarié de la forme et de la matière qu’a rebours elle vérifie : en effet, l’unité matière-forme est un donné de départ, mais la matière reprend ses droits avant que la forme n’impose son unité intégratrice de la différence qui l’enrichit.

3’) Seconde loi

On découvre aussi une sorte de loi fractale : ce qui se vérifie à grande échelle se retrouve aussi à petite échelle, et vice-versa. La structure en écaille est en effet, par essence, auto-similaire. « la macro-structure de l’Arbre de la Vie ne fait que trahir une micro-structure affectant chacune de ses tiges ou fibres d’ordre inférieur : ordres, familles, genres, espèces, lignées individuelles [37]… »

e) La finalité

Les êtres plus complexes sont les derniers apparus, ce qui est passionnant pour une lecture historique de la nature. En effet, « l’arrangement morphologique des types correspond exactement à leur ordre chronologique d’apparition dans le monde [38] ».

Teilhard aime volontiers parler de « tension » ou de « pression ». Il se refuse à parler de finalité, semble-t-il, par discrétion pour les autres chercheurs. Mais si le mot n’y est pas, la réalité est présente à chaque page.

L’évolution avance « à coups de milliards et de milliards d’essais [39] ». Ces tâtonnements, joints à la reproduction et à l’hérédité, expliquent, pour lui,

Mais les forces par exemple noogéniques ne rendent pas nécessaires l’évolution. Elles permettent de déterminer, par avance, si tout va bien, quelques directions d’avenir.

f) Autres aspects intéressants

Teilhard de Chardin a bien compris que l’un des combats de la philosophie de la nature est la préservation de la spécificité de la vie.

Il y a comme une résistance totalitaire du physicien. Un physicisme qui est plutôt un mécanisme et l’expression d’une mathématisation très géométrique de la nature a méprisé la matière vivante, pour une raison simple : elle est « en apparence si rare et si petite (si ridiculement localisée, l’espace d’un instant, sur une parcelle sidérale !) [40] ». « Toujours l’idée de l’exceptionnel ou de l’anormal qui reparaît quand il s’agirait de bâtir une Physique de l’Organisé [41] ». On pourrait ajouter à cet argument fondé sur la rareté, un autre fondé sur l’anomalie de la vie, exception dans le monde rigoureux de la mécanique. Or, la physique se caractérise par l’étude du constant, isotrope, universel, fréquent. Il y a donc dans ce refus une réduction mécaniciste dont la biologie a longtemps souffert.

En regard, Teilhard de Chardin affirme que le fait de la rareté de la vie n’est pas suffisant pour affirmer qu’elle appartient à l’ordre du par accident, mais du par soi dans l’univers. En effet, pour le paléontologiste, la complexité ou plutôt la complexification est l’une des lois les plus profondes qui régit le monde de la matière. Or, la vie est manifestement plus complexe que l’inerte. L’apparition de la vie est donc l’expression d’une loi ô combien naturelle : « la Biologie ne saurait se développer et prendre place cohérente dans l’Univers de la Science que si on décide à reconnaître dans la vie l’expression d’un des mouvements les plus significatifs et les plus fondamentaux du Monde autour de nous [42] ».

Ce qui conduit aussi à affirmer : d’une part qu’à côté des deux infinis, grand et petit, dont parle seuls, la physique, il existe un troisième « abîme », l’infiniment complexe ou « l’immensément compliqué », propre à la matière [43] ; d’autre part, qu’à côté des lois de dégradation, d’entropie et d’expansion, il existe une loi de « complexification intériorisante [44] », une loi de corpusculisation [45].

Il faudra les travaux de Prigogine pour donner un statut scientifique à ce qui ne paraissait que variations de détail, exceptions méprisables aux yeux de la science et montrer que les phénomènes vitaux répondaient à des lois spécifiques, naturelles, irréductibles aux lois physiques.

– Teilhard de Chardin remarque une autre différence intéressante entre d’une part, sinon la matière inerte, du moins les atomes, et d’autre part la vie : l’existence de phylum, autrement dit d’une histoire sur le long terme. « Quelles que doivent se révéler demain les modalités (encore à préciser) de la formation des atomes, celle-ci présente en tout cas, par rapport aux choses de la Vie, un caractère différentiel qui doit attirer et fixer notre attention : je veux dire l’absence de lignées (ou phyla) véritables [46] ».

Il a bien vu que l’existence de protéine seulement chez le vivant est un autre signe [47].

– Mais au fond, la véritable différence entre vie et non-vie tient à ce qu’il existe deux sortes de corpuscules ou « groupements unitaires fermés sur eux-mêmes » : certains sont « définitivement arrêtés sur soi », comme une molécule d’eau ou de benzène, autrement dit tous les êtres inertes ; d’autres sont « capables de modifier leur composition, c’est-à-dire leur complexité, sans se défaire », ce qui est justement le cas de la cellule, donc des êtres vivants en général [48]. Ils sont doués d’une « fermeture mobile [49] ».

– Teilhard de Chardin multiplie de manière convaincante les arguments en faveur d’une finalité immanente au monde, notamment à la Vie.

 

« une fois admis que, chez les vivants supérieurs, c’est le degré de cérébralisation qui mesure la vraie complexité (c’est-à-dire l’état absolue de vitalisation) des êtres, il devient presque un truisme de décider que c’est par les Primates, et plus spécialement par les Anthropoïdes que passait sur la Terre, avant l’Homme, l’axe principal du mouvement cosmique de corpusculisation. Ici, comme il arrive souvent, la Science ne fait qu’approfondir et transfigurer une intuition vulgaire, de tous les temps [50] ».

 

– L’espèce humaine est à part, non seulement spécifiquement, mais génériquement. L’Homme, explique Teilhard de Chardin, est « mieux qu’un embranchement ; mieux qu’un Règne même : ni plus ni moins qu’une «sphère» – la Noosphère (ou sphère pensante) [51] ». Et l’homme est le vivant par excellence, celui chez qui certaines particularités dénotent « une vitalité supérieure à celle rencontrée chez les autres espèces [52] ».

– On pourrait utiliser l’argumentation de Teilhard de Chardin sur la planétisation contre l’existence d’intelligences extra-terrestres. En effet, la Terre forme à un tout. [53]

4) Évaluation philosophique

a) Critiques injustes

Pour Louis Salleron, les intentions du père Teilhard sont chrétiennes, mais non son œuvre [54]. Il reprend en quelque sorte une distinction opérée il y a bien longtemps par Maritain à propos de Bergson, opposant un bergsonisme de fait et un bergsonisme d’intention. En effet, citant Blondel, Salleron « dénonce pertinemment chez Teilhard, la confusion de la foi et de la science, du surnaturel et du naturel, du Christ et de l’Univers [55] ».

D’autres critiques paraissent philosophiquement injustifiées. Soit le passage suivant :

 

« Ce qui explique la révolution biologique causée par l’apparition de l’homme, c’est une explosion de conscience, c’est tout simplement le passage d’un rayon privilégié de corpusculisation, c’est-à-dire d’un phylum zoologique, à travers la surface, restée jusqu’alors imperméable, séparant la zone du psychisme direct de celle dusychisme réfléchi. Parvenue, suivant ce rayon particulier à un point critique d’arrangement (ou, comme nous disons ici, d’enroulement) la Vie s’est hypercentrée sur soi, au point de devenir capable de prévision et d’invention [56] ».

 

Étienne Gilson commente :

 

« Il semble que l’on se contente d’imaginer connues les causes de ce qui est arrivé ; il faut bien qu’elles aient été présentes, puisque leurs effets se sont finalement produits. En fait, nous ne sommes pas tellement loin, avec cette science ou philosophie, du temps où l’opium faisait dormir parce qu’il avait une vertu dormitive dont l’effet est d’assoupir les sens. Pourquoi la vie apparaît-elle ? Parce que le moment d’apparaître est venu pour elle [57] ».

 

Incontestablement, des formules ne sont guère heureuses. Ainsi le Christ considéré comme « Centre actif, Lien vivant, Âme organisatrice du Plérôme, dont saint Paul affirme qu’il est celui qui ‘replet omnia’ et ‘in quo omnia constant’ [58] ». Toutefois, le jugement Aristoteilosophie de la nature ( centration ière d’ar ailleurs,e que j’te de mon homélie (qui n’raison d’a raison, cependant, ne Gilson est dur : « Marécage doctrinal où l’on est certain de s’enliser si l’on s’y hasarde, la théologie teilhardienne est une gnose chrétienne de plus, et, comme toutes les gnoses, de Marcion à nos jours, c’est une theology-fiction. On y retrouve toutes les marques traditionnelles du genre [59] ». Typique de cette ambiguïté est par exemple une expression telle que la « foi en la valeur spirituelle de la matière [60] ».

Les jugements de Charles Journet [61] et de Jacques Maritain [62] sont encore plus sévères.

b) Limite de méthode

Maritain l’a longuement montré, on sait combien Teilhard de Chardin maîtrise mal le mode de procédé philosophique et exprime métaphoriquement ses concepts. Il parle à l’imagination et à l’émotion, avec une richesse de représentations qui, jointe à la compétence scientifique, à l’aura du Maître, entraîne la conviction. Le problème est qu’il se donne ici des compétences philosophiques, donc qu’il pénètre un domaine qui n’est pas le sien. Plus exactement, l’illustre jésuite ne paraît pas avoir correctement distingué les différents types de connaissance, les degrés du savoir et leur méthodes propres. Aussi, l’image tient souvent lieu de concept et le raisonnement par analogie de démonstration. Mais il serait regrettable d’en rester à cette critique méthodologique et de ne pas relever ce que ce grand observateur de la nature nous apprend sur elle : il est toujours précieux d’écouter ce qu’un patient analyste des choses de la terre, surtout lorsqu’il en a une connaissance de première main, scientifique et reconnue, nous en révèle, lorsqu’il prend du recul, tente d’en exprimer l’unité, et qu’il a le bonheur d’être habité par des intuitions profondes, et d’être profondément chrétien.

c) Limites de contenu en cosmologie philosophique

Teilhard de Chardin, en scientifique, est souvent plus attentif aux continuités qu’aux ruptures. En tout cas, sa conceptualisation quantifiante ou son approche métaphorique échouent ou s’essoufflent à exprimer les discontinuités formelles, les changements de nature, alors qu’elles excellent à décrire et à dire la continuité matérielle, les grandes lois traversant toute l’évolution de l’Univers.

Il n’empêche que Teilhard de Chardin a un grand sens de la hiérarchie des êtres, tant dans leur classification logique que chronologique ; la distinction temporelle confirme à foison la hiérarchisation.

1’) Différence entre vivant et inerte

La différence entre vivant et inerte est flottante. En effet, la frontière entre corpuscule et agrégat passe parfois au milieu des êtres inanimés, parfois entre êtres organiques et êtres inorganiques. « la pseudo-barrière tend […] à s’évanouir qui séparait peut-être pour notre esprit, en deux catégories irréductibles, l’unité d’un Mammifère et celle d’un Atome [63] ».

Teilhard de Chardin parle de différence Matière-Vie et non pas inerte-vivant. Aussi n’est-on pas étonné que la dernière note soit attiré par un certain dualisme matière-esprit, sans toutefois tomber dans lui. C’est la pente naturelle de toute philosophie de la nature qui n’a pas exprimé la forme, tout en restant attentive à la matière sans sacrifier l’esprit.

2’) Au sein du monde animal

Teilhard de Chardin n’a pas assez pensé les différences végétal-animal [64]. En effet, trop rivé centré ses critères mathématiques, il est moins apte à percevoir l’extraordinaire novation et la nécessaire médiation que constitue l’apparition de la connaissance.

N’est-il pas trop court de faire de la céphalisation le critère unique de complexité du vivant [65]. C’est trop sacrifier au goût intellectualiste, ou plutôt dualiste du jour. C’est avec tout son corps – donc aussi son cerveau, mais pas seulement lui – que l’homme va se différencier de l’animal, et c’est dans et par tout le corps que la nature prépare en secret l’apparition de l’Homme.

3’) Le spécifique de l’homme

On regrettera aussi que Teilhard de Chardin ait défini l’apparition de l’homme par la seule conscience, par la réflexivité.

Du moins n’est-ce pas par dévotion cartésienne, mais par souci d’appliquer avec économie sa loi d’enroulement qui trouve dans la réflexion, l’« hypercentration sur soi [66] », sa plus haute réalisation.

Toujours eu égard à l’homme, dans les chapitres 4 et 5, Teilhard de Chardin écrit certaines pages ou use de certaines expressions qui ne déplairaient pas à un partisan de la sociobiologie : il parle de « biologie des civilisations [67] ». L’« hérédité ‘éducationnelle’ » est en continuité exacte avec « l’hérédité chromosomique [68] ». Au fond des processus d’expansion et de réunification, de totalisation travaille la seule forme spécifique, le dynamisme de l’espèce humaine, et nullement sa liberté. Voire, celle-ci s’efface lorsqu’il affirme : « la complète et radicale incapacité où se trouve la Pluralité humaine d’échapper aux puissances qui tendent à la ramasser organiquement sur elle-même [69] ».

Il affirme même que la loi des Grands Nombres permet de corriger les erreurs particulières [70]. C’est ignorer la force de la liberté réfléchie, même si elle est clairement affirmée [71], ce que confirme actuellement les courbes de Paul Lévy. C’est aussi oublier que le péché, l’égoïsme peut inverser certains processus naturels : l’écologie actuelle le montre.

Ici encore, Teilhard de Chardin est victime de son biologisme et de sa difficulté à marquer les ruptures de continuité : à trop enraciner l’homme dans le cosmos, il le naturalise. Il est possible de reprendre les affirmations de Teilhard de Chardin au nom de son conditionnement corporel, matériel, et d’atténuer l’impression de déterminisme qui pèse sur l’esprit humain. Il est vrai, de ce point de vue, que « plus, depuis le Néolithique surtout, l’Humanité se resserresur soi par effet de croissance, plus, afin de se faire de la place à elle-même, elle se trouve vitalement obligée de découvrir les moyens, toujours renouvelés, d’arranger ses éléments de la façon la plus économique d’énergie et d’espace [72] ».

De plus, le mérite d’un Teilhard de Chardin est de permettre d’émerger d’un pessimisme déprimant, en montrant quelles forces travaillent dans la planétisation et combien, loin de nuire à la liberté de chacun, elles les respectent et les promeuvent : d’où des intuitions prophétiques sur la future place de l’informatique et des neurogreffes [73]. Mais seule la naïveté de celui qui vit dans l’heureuse période des Trente Glorieuses peut affirmer : « l’industrialisation toujours plus complète de la Terre n’est rien autre chose que la forme humano-collective d’un processus universel de vitalisation [74] » ?

En fait, Teilhard de Chardin tient bien la spécificité de l’esprit [75], mais, plus dans ses convictions que dans son discours scientifique et sa méthode qui la lui rend difficilement intégrable. Significatif est l’affirmation de Teilhard de Chardin selon laquelle la croissance du savoir est pour lui exponentielle, non pas seulement aux dimensions de l’humanité, mais pour une seule tête. C’est qu’il ne considère que le savoir scientifique : une sagesse philosophique, une intuition artistique, une connaissance de foi ne sont pas du même ordre [76]. Nous retrouvons la blessure de l’intelligence par le monisme méthodologique scentifique.

c) Limites de contenu métaphysique

Teilhard, manifestement, conclut trop, avec un optimisme insouciant qui n’a cure de la contingence. La loi de complexité semble vraie : Jean-Marie Pelt la reprend aujourd’hui, comme on le dit dans le chapitre sur l’évolution du vivant. Il demeure que l’orthogénie de l’évolution est loin d’être universelle. Teilhard n’explique pas la stagnation de certaines espèces ; de plus, l’évolution n’est pas obligatoirement céphalisation : « les plantes qui ont aussi évolué, ne semblent pas avoir acquis un niveau de conscience plus élevé [77] ».

Certes, le reproche parfois adressé à Teilhard de ne pas parler du mal semble injustifié. La question est plutôt celle de la nature du mal. Le penseur distingue quatre maux : « mal de désordre et d’insuccès », « mal de décomposition » qui est une conséquence du premier (dont l’exemple type est la maladie et la mort), « mal de solitude et d’angoisse », qui est propre à l’homme face à l’Univers, et enfin, le moins tragique, « mal de croissance ». Teilhard explique le premier mal à partir du processus explicatif de l’évolution : en effet, celle-ci procède par tâtonnements, par essais et erreurs ; aussi inévitables, statistiquement, en raison de la loi des grands nombres, sont les ratés : « Simple in-arrangement ou dérangement physiques d’abord, au niveau de la Matière ; mais souffrance bientôt, incrustée dans la Chair sensible ; et, plus haut encore, méchanceté ou torture de l’Esprit qui s’analyse et choisit ; statistiquement, à tous les degrés de l’Évolution, toujours et partout, c’est le Mal qui se forme et se reforme, implacablement, en nous et autour de nous [78]! »

La mise en perspective est suggestive. Mais cette explication rend-elle compte de la spécificité du mal humain ? Teilhard semble ignorer la distinction classique malum pœnæ et malum culpæ. La preuve en est la quasi-résorption de la faute dans les multiples défaillances de l’évolution : le péché est noyé dans les multiples ratées dont l’évolution nous montre le spectacle. Un autre signe en est la difficulté à percevoir ce qu’est le péché des origines. « est-il bien sûr que pour un regard averti et sensibilité par une autre lumière que celle de la pure science, la quantité et la malice du Mal hic et nunc répandu de par le Monde ne trahisse par un certain excès, inexplicable pour notre raison si à l’effet normal d’Évolution ne se sur-ajoute pas l’effet extraordinaire de quelque catastrophe ou déviation primodiale ?… Sur ce terrain, je ne me sens loyalement pas en mesure, et ce n’est du reste pas le lieu ici, de prendre position [79] ». Il ajoute juste que l’observation n’interdit pas à la théologie de préciser, de compléter.

La même raison qui tend à effacer, quoi qu’il en soit des dénégations explicites – dans le processus évolutif la transcendance de l’esprit, gomme l’apparition irréductible du mal et tend à rendre le péché nécessaire. Et Teilhard cite, à contre-emploi, la fameuse phrase de saint Paul : « Necessarium est ut scandala eveniant ».

5) Évaluation théologique [80]

a) Deux erreurs habituelles sur les relations entre Teilhard et l’Église
1’) Première erreur. Le retrait de Teilhard de sa chaire à l’Institut Catholique de Paris

Encore aujourd’hui, l’on pense que le Recteur Baudrillart, inquiet de l’enseignement du Père Teilhard de Chardin, l’avait écarté de sa chaire de professeur à l’Instiut catholique où il fut d’abord étudiant (1913-1914), avant d’être professeur (1920-1928).

Le Cardinal Poupard a depuis longtemps rectifié les choses [81]. Faisant appel à 30 documents d’archives, il montre que le retrait du Père Teilhard doit s’interpréter tout autrement que comme une mise à pied. Le Père Leroy, par exemple fait cette confidence : « Heureux si, au soir de notre vie, nous pouvions dire comme lui : ‘Il me semble que je ne pepux plus rien aimer, si ce n’est le Christ !’ ».

La réalité est bien différente. Baudrillart appréciait Teilhard, dont le renom scientifique honorait l’Institut Catholique. Et il s’employait bien au contraire à lui garder sa chaire, contraint de s’incliner devant la décision du Père général de la Compagnie de Jésus notifiée par le Père provincial, le Père J. Costa de Beauregard, près duquel le Recteur tient à affirmer : ‘Toujours l’enseignement public du cher Père Teilhard a été irréprochable’ [82] ».

2’) Erreur opposé. Une révision des positions du Saint-Siège sur Teilhard

Le 30 juin 1062, le Saint-Office a rédigé un Monitum où il signale que l’œuvre de Teilhard de Chardin contient « des ambiguïtés et des erreurs doctrinales graves ». Or, poru le cinquantenaire de la mort de Teilhard, l’Institut Catholique de Paris organisé un Colloque. Et, déjà le 18 mai 1981, une séance universitaire au même Institut, dont Paul Poupard était à l’époque le Recteur, avait donné lieu à une Lettre adressée par le card. Secrétaire d’Etat, Agostino Casaroli, au nom du pape Paul VI, qui faisait un éloge remarqué de Teilhard. On interpréta alors cette lettre « comme une révision des précédentes prises de position du Saint-Siège à l’égard de cet auteur [83] ».

Un communiqué de la Salle de prese du Saint-Siège mit les choses au point. « Il a été demandé si une telle interprétation était fondée. Après avori consulté le cardinal Secrétaire d’Etat et le cardinal Préfet de la Sacré Congrégation pour la Doctrine de la Foi, laquelle, avec l’accord du Saint-Père, avait érté mise au courant au sujet de cette lettre, nous sommes en mesure de répondre par la négative. Loin de constituer une révision des précédentes prises de position du Saint-Siège, la lettre du cardinal Casaroli comporte dans plusieurs passages des réserves que plusieurs journaux ont passées sous silence – lesquelles se réfèrent exactement (appunto) au jugement du Monitum de juin 1962, bien que ce document ne soit pas explicitement mentionné [84] ».

b) Détermination
1’) Sa condamnation

En date du 27 juin 1962, donc sous le pontificat du pape Jean XXIII, le Saint-Siège a publié un « monitum » sur les œuvres du père Teilhard de Chardin :

 

« Certaines œuvres du Père Teilhard de Chardin, publiées également après sa mort, se répandent et connaissent un vif succès.

« Sans porter de jugement sur ce qui a trait aux sciences positives, il est bien manifeste que sur le plan philosophique et théologique, ces œuvres regorgent d’ambiguïtés telles, et même d’erreurs si graves, qu’elles offensent la doctrine catholique.

« C’est pourquoi les Eminences et R. Pères de la S. Congrégation du Saint-Office invitent tous les Ordinaires ainsi que les supérieurs d’Instituts religieux, les supérieurs des séminaires et les recteurs d’Université à mettre en garde les esprits, particulièrement ceux des jeunes, contre les dangers que présentent les œuvres du P. Teilhard de Chardin et celles de ses disciples.

« Donné à Rome, au Palais du Saint-Office, le 27 juin 1962 ».

 

Un monitum n’est pas une condamnation, mais une mise en garde. Par ailleurs, le Saint-Siège n’est jamais revenu sur ce jugement, mais qu’il ne l’a pas non plus renouvelé, notamment lors du centenaire de la naissance de Teilhard de Chardin, en 1981.

2’) Répugnance à l’égard du péché originel

« On est frappé, lorsqu’on explore toute la pensée de Teilhard de Chardin, par la répugnance insurmontable qu’il éprouve pour la doctrine catholique du péché originel et de la Chute. Pour lui, l’idée de Chute ‘n’est, au fond qu’un essai d’explication du mal dans un univers fixiste’ [85] ».

3’) Une distinction insuffisante des disciplines

Teilhard ne distingue pas assez science, philosophie et foi : « Comme il arrive aux méridiens à l’approche du pôle, science, philosophie et religion convergent nécessairement au voisinage du tout. Elles convergent, je dis bien ; mais sans se confondre et sans cesser, jusqu’au bout, d’attaquer le réel sous des angles et à des plans différents [86] ».

Dans une lettre adressée au P. George V. Coyne, directeur de l’Observatoire du Vatican, le 1er juin 1988, Jean-Paul II a cette puissante parole qui invite à lier plus fortement science et philosophie : « Les développements contemporains de la science lancent à la théologie un défi beaucoup plus grand que celui de l’introduction d’Aristote en Europe occidentale, au XIIIe siècle […]. Tout comme, par le service de quelques grands maîtres comme saint Thomas d’Aquin, la philosophie aristotélicienne a finalement façonné certaines des expressions les plus profondes de la doctrine théologique, pourquoi ne pourrions-nous pas espérer que les sciences d’aujourd’hui, avec toutes les autres formes de connaissance humaine, fortifient et informent cette partie de la théologie qui porte sur les relations entre la nature, l’humanité et Dieu [87] ? »

6) Conclusion

La pensée teilhardienne connaît aujourd’hui un regain d’intérêt. Par exemple, Yvon Pageau a écrit un ouvrage intitulé : Le phénomène humain et l’évolution [88]. Le livre est teilhardien, jusque dans son titre. L’homme est la finalité de l’évolution. Distinguant avec Teilhard l’énergie interne ou radiale qui est le dedans et l’énergie externe ou tangentielle ou le dehors [89], Pageau estime que l’essentiel est non pas le tangentiel qui demeure extérieur au cercle, mais le radial, qui touche l’intérieur ; or, ce radial est l’homme qui est la flèche de l’évolution et nous place non pas sur l’horizontale, mais sur la verticale [90]. On peut utiliser l’image du cercle ou du cône qui s’achève en un point.

Autre illustration. Selon Teilhard, ainsi que nous l’avons vu, l’univers va donc en se complexifiant. Or, cette loi de complexification se retrouve dans un ouvrage collectif largement ouvert au spirituel, le Directeur du Museum d’Histoire naturelle qui se dit croyant n’a rien écrit de bien original, mais résume les données principales d’ordre factuel, du point de vue de l’évolution. Sa conclusion ébauche une loi de complexité. Et toute cette histoire de l’univers, depuis 15 milliards d’années jusqu’à aujourd’hui, est une « histoire de la complexité ». En effet, « tout se passe comme s’il y avait un programme, voyez, un programme qui a été conçu à l’avance et qui conduit toujours vers plus d’organisation, vers plus de complexité ». Il ajoute : « on peut dire que toute cette Histoire de la complexité, ce programme ne peut s’expliquer que par un Créateur qui a conçu ce programme [91] ».

En conclusion de son beau livre d’exégèse, André Feuillet observait : « Les idées de Teilhard ont attiré l’attention sur certains aspects moins connus de la christologie paulinienne ». Il suggère aussi, et cette remarque mériterait d’être élargie, « de mettre à profit les idées de Teilhard sans pour autant trahir les données de la révélation, et de corriger ou de compléter la grandiose vision teilhardienne par les idées de Pascal, lui aussi savant doublé d’un penseur ». En effet, s’agit de « deux manières de voir […] complémentaires l’une de l’autre [92] ». Le philosophe Étienne Borne le disait dans des termes presque similaires :

Ce principe ne vaut-il pas aussi pour un théologien comme Balthasar ?

 

« La philosophie ne peut reconnaîte et souligner une vérité essentielle sans voir s’estomper et comme vaciller une autre vérité non moins essentielle. Ainsi est-il impossible de penser à la fois la vérité de l’existence singulière et la vérité du tout. Et le génie ayant sa raison dans la partialité de l’attention, il n’est pas étonnant que les vues les plus géniales soient, elles aussi, les plus contredites et qu’ainsi Pascal soit aussi vulnérable à Teilhard que Teilhard l’est à Pascal [93] ».

Pascal Ide

[1] Pierre Teilhard de Chardin, La vision du passé, Paris, Seuil, 1957, p. 321.

[2] Pierre Teilhard de Chardin, Le phénomène humain, Paris, Seuil, 1955, réédité avec un avant-propos de N. M. Wildiers, en coll. « Points », 1970, p. 304. Souligné dans le texte.

[3] Ibid., p. 305.

[4] Ibid., p. 47. Souligné dans le texte.

[5] Ibid., p. 48. Souligné dans le texte.

[6] Ibid., note 18, p. 181.

[7] Ibid., p. 181.

[8] Ibid., p. 29.

[9] La place de l’homme dans la nature, p. 21 à 23.

[10] Ibid., p. 23s.

[11] Ibid., p. 106.

[12] Ibid., p. 310.

[13] Pierre Teilhard de Chardin, « Science et Christ, » conférence à Paris le 27 février 1921, Science et Christ, in Œuvres de Teilhard de Chardin, Paris, Seuil, tome 9, 1965, p. 60-61.

[14] Pierre Teilhard de Chardin, L’énergie humaine, in Œuvres de Teilhard de Chardin, Paris, Seuil, tome 6, 1962, p. 197.

[15] Charles Journet, Église du Verbe Incarné. III. Essai de théologie de l’histoire du salut, Paris, Desclée, 1969, p. 370.

[16] Cf. Frederik Jacobus Johannes Buytendijk, Traité de psychologie animale, trad. Albert Frank-Duquesne, Paris, p.u.f., 1952, p. 6 et 86.

[17] Pierre Teilhard de Chardin, Le phénomène humain, Paris, Seuil, 1956, p. 116. Cf. Charles Journet, Le mal. Essai théologique, Paris, DDB, 1960, p. 143 s.

[18] Jacques Maritain, « Réflexions sur la nécessité et la contingence », Raison et raisons, Paris, p.u.f., 1947, p. 62. Cf. Somme de théologie, Ia, q. 19, a. 8.

[19] La place de l’homme dans la nature, p. 43.

[20] Ibid., p. 105.

[21] Ibid., p. 107.

[22] Ibid., p. 110.

[23] Ibid., p. 52.

[24] Ibid., p. 59 et 60.

[25] Julian Huxley était résolument antifinaliste, ce qui ne l’a pas empêché de nouer des relations d’amitié avec Teilhard de Chardin, tant il ne faut surtout pas confondre l’accord des personnes et l’accord des idées (et surtout le contraire : une différence sur le plan des idées ne devrait pas entraîner un différend entre les personnes). Elle ouvre aussi des possibilités de dialogue entre chercheurs de bords divers.

[26] Ibid., p. 46.

[27] Ibid., p. 162.

[28] Ibid., p. 61.

[29] Ibid., p. 50.

[30] Ibid., p. 100s.

[31] Ibid., p. 101.

[32] Ibid., p. 99.

[33] Ibid., p. 48.

[34] Ibid., p. 87.

[35] Ibid., p. 88.

[36] Cf. par exemple Ibid., p. 112s.

[37] Ibid., p. 60. Cf. aussi p. 89s ; p. 123.

[38] Ibid., p. 54.

[39] Ibid., p. 305 et 306.

[40] Ibid., p. 19

[41] Ibid., p. 41.

[42] Ibid., p. 20.

[43] Ibid., p. 26

[44] Ibid., p. 41.

[45] Ibid., p. 23 s.

[46] Ibid., p. 33.

[47] Ibid., p. 34 à 37. A noter une ambiguïté pour Teilhard de Chardin, le seul exemple de molécule développé est la protéine.

[48] Ibid., p. 37.

[49] Ibid., p. 38.

[50] Ibid., p. 75

[51] Ibid., p. 111.

[52] Ibid., p. 86.

[53] Cf. Ibid., p. 159.

[54] Louis Salleron, Contre Teilhard de Chardin, coll. « Pour ou contre », Nancy, Berger-Levrault, 1967, p. 33.

[55] Ibid., p. 42.

[56] Pierre Teilhard de Chardin, Le groupe zoologique humain, structure et directions évolutives, Paris, Albin Michel, 1956, p. 79.

[57] Étienne Gilson, Les tribulations de Sophie, Paris, Vrin, 1967, p. 82.

[58] Pierre Teilhard de Chardin, Le milieu divin, Paris, Seuil, 1926, p. 149.

[59] Étienne Gilson, Les tribulations de Sophie, Aristoteilosophie de la nature ( centration ière d’ar ailleurs,e que j’te de mon homélie (qui n’raison d’a raison, cependant, nep. 68.

[60] Pierre Teilhard de Chardin, L’avenir de l’Homme, Paris, Seuil, 1959, p. 65.

[61] Cf. Charles Journet, Nova et Vetera, octobre-décembre 1964 ; avril-juin 1966.

[62] Cf. Jacques Maritain, Le paysan de la Garonne, Paris, DDB, p. 173-187 et annexes I et II.

[63] Pierre Teilhard de Chardin, La place de l’homme dans la nature, p. 56.

[64] Ibid., p. 56 s.

[65] Ibid., p. 61 s.

[66] Cf. Ibid., p. 85.

[67] Ibid., p. 122.

[68] Ibid., p. 121.

[69] Ibid., p. 163.

[70] Ibid., p. 166.

[71] Ibid.

[72] Ibid., p. 136.

[73] Cf. Ibid., p. 155 et 156.

[74] Ibid., p. 146.

[75] Ibid., note 18, p. 181.

[76] Cf. Ibid., p. 154 à 156.

[77] R. Bernier, « Recherches sur les notions de phylétisation, d’orthogenèse et de finalité chez Teilhard de Chardin », Physis, Revista internale historia della scienza, 8 (1966) n° 6, p. 330.

[78] Ibid., p. 316.

[79] Ibid., p. 317.

[80] Cf. René Latourelle, « Teilhard de Chardin », René Latourelle et Rino Fisichella éds, Dictionnaire de théologie fondamentale, Québec, Bellarmin, Paris, Le Cerf, 1992, p. 1291-1300.

[81] Paul Poupard, Nouvelles de l’Institut catholique de Paris, décembre 1981, p. 149-206.

[82] Card. Paul Poupard, « Un monde en évolution foi, science et théologie », Colloque international Teilhard de Chardin, 24-28 octobre 2004, Université pontificale grégorienne, La documentation catholique, n° 2330, 20 février 2005, p. 186-192, ici note 1, p. 187.

[83] François Russo, « Rome et Teilhard », Recherches de sciences religieuse, 69 (1981) n° 4, p. 195-196.

[84] Ibid.

[85] André Boulet, Création et rédemption, Chambray-lès-Tours, C.L.D., 1995, p. 261.

[86] Pierre Teilhard de Chardin, Le phénoménène humain, 1947, in Œuvres de Teilhard de Chardin, Paris, Seuil, tome 1, 1955, p. 22.

[87] La documentation catholique, n° 1974 (1988), p. 1163-1167.

[88] Québec, Éd. du Méridien, 1990.

[89] Cf. Le Phénomène humain, p. 91 s et p. 185 s.

[90] Yvon Pageau, Le phénomène humain et l’évolution, p. 214-216 ; p. 367. Cf. la figure 7 de la page 216.

[91] Pr. Henry de Lumley, « La paléontologie face au mystère de la vie et au mystère de l’homme », Collec­tif, coordonné par Marie-Joëlle Guillaume, Face à la création la responsabilité de l’homme. Rencontre entre l’Est et l’Ouest, Novgorod-Saint-Pétersbourg, 28 août-2 septembre 1995, Paris, Mame, Acce, 1996, p. 55 à 61, ici p. 60.

[92] André Feuillet, Le Christ sagesse de Dieu d’après les Épîtres pauliniennes, coll. « Études bibliques », Paris, Gabalda, 1966, p. 376-385.

[93] Étienne Borne, De Pascal à Teilhard de Chardin, Clermont-Ferrand, 1962, p. 69.

19.10.2021
 

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