Jalons pour une Histoire de la Philosophie de la nature III-1 Les philosophies de la nature à l’ère scientifique moderne. Schopenhauer et Nietzsche

G) La philosophie de la nature chez les philosophies de la vie

Elle est développée chez Arthur Schopenhauer et Frédéric Nietzsche. Je me suis da­vantage étendu sur le second.

1) Schopenhauer

a) La réaction contre le mécanisme

Arthur Schopenhauer (1788-1860) [1] s’est à plusieurs reprises et longuement opposé à la vision mécaniste de la nature. Il l’a notamment fait en deux ouvrages aux titres sug­gestifs, le second (qui est un prolongement du premier, Le quadruple racine du principe de raison suffisante, édité en 1813), Sur la vue et les couleurs (1816) et le quatrième, La volonté dans la nature (1836), tous deux encadrant son opus fondamental, le plus juste­ment célèbre, Le monde comme volonté et comme représentation (1818).

Sur la vue et les couleurs [2] développe une théorie de la vision, en profonde affinité avec la théorie de Gœthe. Son premier ouvrage est une dissertation qui lui valut d’être docteur de l’Université d’Iéna, en 1813 et l’amitié de Gœthe sous l’influence duquel il écrivit cet essai sur la couleur dont il lui fit parvenir le manuscrit en juin 1815. En accord avec le penseur romantique de la nature, Schopenhauer s’oppose à la conception mé­caniste de la lumière blanche (telle que, notamment, elle est exposée par Newton) : se­lon la démarche analytique qui la caractérise, la lumière se décompose en diverses couleurs aux « diverses réfrangibilités » ; or, pour Gœthe, comme pour toute la Naturphilosophie, c’est la couleur qui est composée et la lumière qui est simple. Précisément, la couleur résulte de la combinaison dynamique du clair et de l’obscur à travers un milieu trouble. Pour autant, Schopenhauer prend ses distances avec le grand poète naturaliste. Alors que, dans sa Farbenlehre de 1810, Gœthe classe les couleurs en physiologiques (fondant toute la théorie), physiques et chimiques, Schopenhauer, fidèle à sa formation kantienne, ramène tout à la première catégorie, c’est-à-dire à la sensation même : c’est l’activité physiologique qui est à la racine. Précisément, l’activité qualitative de la polarité rétinienne. Il s’écarte aussi de Gœthe pour qui l’axe fondamental du cercle chromatique est jaune-bleu (correspondant symboliquement au soleil et au ciel, donc à l’univers physique) ; pour lui, l’opposition essentielle devient celle du rouge et du vert, car elle se fonde non pas sur la prétendue réalité objective, mais sur l’activité du sujet, ici de la rétine : précisément, le rouge est la couleur chaude et le vert la couleur froide, à partir desquelles se disposent les autres couleurs fondamentales, selon leur degré d’ac­tivité. La couleur devient quasiment une donnée a priori, comme si Schopenhauer élabo­rait une théorie transcendantale de la lumière.

Vingt années plus tard, dans La volonté dans la nature, Schopenhauer combat toujours la physique mécaniste. Son argumentation ne s’est pas tant nourrie des développements systématiques du Monde que de ses multiples et passionnées lectures scientifiques. Il compare le savant et le philosophe qui creusent une galerie en direction l’un de l’autre et « voient arriver cette minute de joie tant désirée où chacun entend le pic de l’autre [3] ». Le sous-titre de l’œuvre n’est-il pas : Exposé des confirmations que la philosophie de l’auteur a reçues des sciences empiriques depuis qu’elle est apparue ? De fait, Schopenhauer fait appel aux plus récentes découvertes, autant en physiologie humaine ou végétale qu’en astronomie ou même en linguistique et en sinologie pour rejeter l’atomisme et la physique d’Ampère, de Joule, Carnot et Galvani et établir, expérimenta­lement, sa thèse d’une volonté à l’œuvre dans la nature.

b) La volonté à l’œuvre dans la nature

Nous venons d’évoquer la thèse centrale du philosophe. Pour Schopenhauer, le fond de la réalité est non pas l’intelligence, mais une volonté aveugle, qui agit sous la mul­tiplicité de ses manifestations phénoménales. C’est dans son troisième ouvrage, le plus fameux, que Schopenhauer développe systématiquement son idée [4]. Elle nous inté­resse à un titre particulier. En effet, si la seconde vérité, après la première (« le monde est ma représentation ») est : « Le monde est ma volonté », il faut bien comprendre que cette volonté n’a pas grand chose à voir avec la faculté spirituelle d’autodétermination dont il est classiquement question : ici, cette volonté est découplée d’une part de la conscience (l’intellect) et d’autre part, plus largement, de toute connaissance. Désormais, la volonté devient première et absorbe toute la réalité. « La volonté est la substance de l’homme, l’intellect en est l’accident ». Schopenhauer développe son intuition dans le second livre du Monde. Je fais d’abord cette expérience de la volonté dans l’épreuve de mon corps propre par opposition aux autres corps qui ne sont qu’objet de représentation. La phé­noménologie et la psychologie systématiseront cette distinction en opposant le corps-sujet et le corps-objet.

Or, si la volonté atteint son degré supérieur en l’homme, elle se retrouve dans la nature, chez les diverses formes animales, tous les corps vivants et même dans la matière brute dont elle constitue l’essence. Au fond, la volonté est une réalité une qui s’objective dans la nature depuis la force physique élémentaire jusqu’à la force rationnelle, en passant par les forces vitales. « La volonté est la substance intime, le noyau de toute chose parti­culière, comme de l’ensemble ; c’est elle qui se manifeste dans la force naturelle aveugle ; elle se retrouve dans la conduite raisonnée de l’homme ; si toutes deux diffèrent si pro­fondément, c’est en degré et non en essence [5] ».

Ne nous trompons toutefois pas : Schopenhauer ne nie pas l’idéalisme kantien déve­loppé dans ses deux premiers ouvrages. La volonté ne serait pas un noumène brus­quement transparent à l’intellect, la chose en soi subrepticement réintroduite après avoir été révoquée en doute dans la fameuse formule qui ouvre le premier livre du Monde : « Le monde est ma représentation ». Malgré des formules malheureuses, ambiguës, la volonté demeure un phénomène, le plus immédiatement connu, celui qui permet à la pensée de se fixer dans l’objectivité sans pour autant percer le secret nouménal de la réalité, de l’en-soi.

c) Conclusion

Il est clair que Schopenhauer n’est pas un mécaniste. Cette volonté présente jusqu’au degré le plus bas de la nature, en montre l’intime dynamisme. Pour autant, est-il un natu­raliste ? Ses affinités avec Gœthe et avec le bouddhisme peuvent en faire douter. Certes, Schopenhauer refuse à juste titre la causalité mécanique, mais c’est pour lui substituer à une unique force originelle, la volonté. Surtout les thèmes de sa doctrine, son panvita­lisme moniste, ses critiques injustes à l’égard de grands scientifiques et, inversement, ses appréciations naïves sur la magie et les phénomènes paranormaux (le don de double vue ou le somnambulisme sont donnés pour confirmation de l’idéalité de l’es­pace et du temps !) tendent à montrer que sa vision n’est pas prise de la nature elle-même, mais d’une mystique, mais d’une mystique d’un genre spécial : sa mystique de la nature est une mystique de l’immanence.

2) Nietzsche

Il serait exagéré d’affirmer qu’existe une philosophie de la nature chez Frédéric Nietzsche (1844-1900). Cependant, le philologue allemand, grand observateur de toute la réalité humaine, a très finement analysé les limites de la vision galiléo-cartésienne de la nature et il les a épinglées sans pitié. Pour cela, il fait appel à la déconstruction généa­logique fondée sur la dissolution de la vérité dans la perspective et l’identification être-valeur qui sont au cœur du projet nietzschéen [6]. Un mot résumera : « Que de choses la science ne dissimule-t-elle pas aujourd’hui ! Que de choses du moins ne doit-elle pas se dissimuler [7]! »

a) Critique de la science
1’) La méthode déconstructive à partir du langage

La méthode généalogique a pour but de montrer que les prétendues vérités objectives (métaphysique, philosophique, religieuse) sont sous-tendues par des options morales. Or, Nietzsche n’a pas hésité à étendre cette déconstruction à la science, à sa prétention à la vérité universelle et objective. En effet, la science prétend trouver des lois, des régu­larités phénoménales ; mais « avec quelle naïveté, nous transportons nos évaluations mo­rales dans les choses, par exemple quand nous parlons de lois naturelles ! Il pourrait être utile d’essayer pour une fois d’un mode d’interprétation entièrement différent, afin de comprendre par ce contraste absolu à quel point notre canon moral (primauté de la vé­rité, de la loi, de la raison, etc.) régit toute notre prétendue science [8] ». La généalogie réduit le discours mécanique à un discours de langage qui lui-même camoufle une vo­lonté torve de nier ce qui fait la vie, le multiple, le devenir.

Voyons une application de cette méthode à la science. Dans un célèbre et capital § de la Généalogie de la morale [9], Nietzsche explique l’origine du concept de bonté en montrant la tendance permanente du langage à distinguer l’être de son agir, la liberté ou le sujet de son acte. Or, « il n’existe pas un tel substrat ; il n’y a pas d’«être» derrière l’agir, le travailler, le devenir ; l’«agent» n’a été qu’inventé et ajouté à l’agir – l’agir est tout ». Et c’est au nom de cette distinction que le faible, l’esclave demande des comptes au fort et explique pourquoi il a choisi d’être faible : il fait passer pour une décision ce qui est en fait une impuissance : « comme si la faiblesse même du faible – c’est-à-dire donc son es­sence, son travail, toute sa réalité dans ce qu’elle a d’unique, d’inévitable, – était un résul­tat délibéré, quelque chose de volontaire, de choisi ». Le sujet, dans sa distinction d’avec son acte est donc une fantastique duperie qui transforme la faiblesse en mérite et justifie l’oiseau de ne pas être oiseau de proie. Voilà d’où vient la différence des notions de bon et de mauvais.

Peu importe le détail ici de la généalogie de la notion de bonté. L’important est que la science s’inscrit dans la même logique de dissociation, et victime de la même illusion langagière. En effet, « les physiciens […] disent «la force meut, la force cause» et choses semblables ». Mais c’est poser « le même phénomène une fois comme la cause et une autre fois comme son effet », comme « le peuple [qui] sépare l’éclair de son éclat et prend le dernier pour une action, comme le travail d’un sujet, qui s’appellerait l’éclair ». Par conséquent, « toute notre science se tient sous la séduction du langage et n’a pu se dé­barrasser de tous ces petits monstres supposés » que sont « les «sujets» », dont l’atome est un des meilleurs exemples en physique et la chose en soi kantienne en métaphysique.

2’) La science néglige la qualité

Venons-en maintenant aux reproches spécifiques adressées à la science de son temps. Nietzsche fera de l’art le lieu de la critique de la science. Son discours n’est pas à même de rendre compte de ce qui est spécifique à l’œuvre artistique. Et cela, parce que l’art n’est pas réductible au quantitatif : « Rendre le monde calculable, exprimer en for­mules tout ce qui s’y passe, est-ce vraiment le «concevoir» ? Qu’aurait-on saisi de la musique, une fois que l’on aurait calcul tout ce qui est calculable en elle et tout ce qui peut être abrégé en formules [10]? »

C’est donc au nom de la différence qualité-quantité que Nietzsche s’élève contre la prétention universaliste et rigoureuse de la science.

3’) La science néglige le sujet, la vie, l’individuel

Nietzsche le dit avec profondeur et une finesse inégalée dans un texte qu’il vaut la peine de citer longuement [11]. Il donne d’abord le mécanisme fondamental. Le désir de savoir qui transforme le savant en instrument de savoir est manipulé par « un plus puis­sant » instrument : « il est un miroir », « l’esprit objectif est un miroir » dont tout le plaisir est de refléter le réel.

Déclinons maintenant les multiples conséquences redoutables de cette réduction spé­culaire du savant, tentant, un peu arbitrairement, de les classer : 1. Décorporation : « habi­tué à se subordonner à tout ce qui réclame d’être connu, sans autre plaisir que de connaître, de «refléter», il attend les événements et se déploie alors délicatement, pour que sa surface, son épiderme retiennent la trace la plus légère, le frôlement furtif d’êtres immatériels ». 2. Dissolution de la personnalité : « Le peu de «personnalité» qui lui reste lui paraît fortuit, souvent arbitraire, plus souvent gênant, tant il se considère lui-même comme un simple lieu de passage, un simple reflet de formes et de choses étrangères ». 3. Incapacité à réfléchir, au sens propre du terme, donc à pouvoir porter un diagnostic sur lui : « S’il tâche de faire retour sur «lui-même», c’est avec effort et souvent à faux ; il lui ar­rive de se prendre pour un autre, de se tromper sur ses propres besoins ; c’est le seul domaine où il manque de finesse et de soin. Peut-être est-ce sa santé qui le tourmente, ou la vie mesquine, l’atmosphère confinée où le tiennent sa femme et ses amis, ou l’ab­sence de compagnons et de «société» ; il s’oblige même à réfléchir à son tourment, mais en vain ». 4. Incapacité à s’intéresser à l’individuel, au singulier qu’il est : « Déjà sa pensée s’évade, s’en va vers un cas plus général, et le lendemain il sait aussi peu que la veille comment remédier à son mal ». 5. D’où une paix qui est en réalité toute d’indifférence au réel : « Il ne sait plus se prendre au sérieux, il n’en a pas le temps ; il est plein de sérénité, non pas faute de misère, mais faute de doigts et de doigté pour saisir sa propre misère. L’accueil qu’il a coutume de faire à toute chose, à toute expérience, l’hospitalité rayon­nante et spontanée qu’il offre à tout ce qui se présente, sa bienveillance un peu brutale, sa dangereuse insouciance à l’égard du oui et du non – hélas ! combien de fois il lui faut payer cher pour ses vertus ! » 6. Difficulté à vivre, s’engager vertueusement dans l’exis­tence (sur laquelle nous reviendrons) : « Et en tant qu’homme il est trop souvent réduit à n’être que le caput mortuum de ces vertus ». 7. De même, difficulté à pouvoir exprimer ses sentiments. Involontairement, comme le montre Nietzsche, il ne peut que jouer les senti­ments et non pas les habiter et les vivre : « Si on exige de lui l’amour ou la haine – j’en­tends au sens que donnent à ces mots Dieu, la femme et l’animal – il fait de son mieux, il donne ce qu’il peut. Mais il ne faudra pas s’étonner que ce ne soit guère, ni qu’il se monter ici faux, fragile, douteux et branlant. Son amour est voulu, sa haine artificielle et pareille plutôt à un tour d’adresse et à une mesquine vanité, à un léger excès. Il n’est sincère que quand il peut être objectif ; c’est dans la sérénité de son «totalisme» qu’il est encore «nature» et «naturel» ». Pourquoi ? Parce qu’il a besoin de sauver sa paix inté­rieure : « Son âme de miroir, attentive à demeurer bien lisse, ne sait plus ni affirmer ni nier ; il ne commande pas, il ne détruit pas non plus ». Nous retrouvons ce qui a été dit sur son manque d’engagement.

Par conséquent, et c’est là où nous rejoignons la critique nietzschéenne de la science, le savant, sans le dire ni se l’avouer, a amputé une large part du réel de son champ de vision. « «Je ne méprise presque rien», dit-il avec Leibniz. Prenons bien garde à ce «presque», gardons-nous de le sous-estimer ». Le reste du texte va montrer que le savant est un homme hors du monde, retranché dans sa tour d’ivoire, c’est-à-dire qui a nié la vie. En ce sens, sa morale implicite est la morale si dangereuse des esclaves. Nietzsche va maintenant s’attacher à le dénoncer vigoureusement, en un tableau féroce de sa désincarnation : « L’homme objectif n’est pas un modèle à suivre, il ne précède ni ne suit personne, il vit trop à l’écart pour avoir besoin de prendre parti entre le bien et le mal. Si on l’a longuement confondu avec le philosophe, l’éducateur césarien et le despote de la civilisation, on lui a fait beaucoup trop d’honneur, on a méconnu son caractère essentiel, le fait qu’il est un instrument, un esclave, l’esclave sublime entre tous, à coup sur, mais en soi il n’est rien – presque rien ! L’homme objectif est un instrument, un précieux ins­trument de mesure, un chef-d’œuvre de miroiterie, fragile et aisément terni, qu’il faut mé­nager et honorer ; mais il n’est pas un but, une issue, un essor ; il n’est pas l’homme complémentaire qui justifie le reste de l’existence, il n’est pas une conclusion et moi en­core un début, une procréation, une cause première ; rien de dru, de puissant, d’assuré en soi et qui cherche à dominer : bien plutôt une membrane délicate et gonflée, fine et mobile, qui attend un contenu et une forme sur lesquels se modeler ; c’est d’habitude un homme sans forme ni contenu, un être «désintéressé». Rien pour les dames, soit dit en passant ». In cauda venenum !

La réduction du scientifique au pur spéculaire objectif, sa tendance à se dissoudre dans l’esprit impersonnel, à n’être qu’un filtre de l’universel gomme toute son individualité : sa capacité à se dire réflexivement, sa relation à l’autre, son affectivité, son engagement dans le réel [12]. Et l’image géniale du miroir le résume à merveille, au plan intellec­tuelle et affectif. Nietzsche montre ainsi combien une défense psychologique peut en­gendrer un rétrécissement du champ noétique, un scotome, une blessure de l’intelli­gence.

4’) La science néglige le multiple

La science simplifie indûment. « O sancta simplicitas ! Quel monde étrangement simplifié et falsifié que celui où vit l’humanité ! On n’en finit pas de s’étonner, dès qu’on a chaussé les lunettes aptes à nous faire voir ce prodige. Comme nous avons réussi à tout rendre autour de nous clair et libre et facile et simple ! » Cela vaut tout particulièrement de la science : « la science la meilleure est encore celle qui cherche le mieux à nos emprison­ner dans cet univers simplifié, absolument artificiel, apprêté et falsifié à notre usage, parce qu’elle aussi, un peu malgré soi, aime l’erreur, parce qu’étant vivante, elle aime la vie [13] ».

5’) La science se borne aux phénomènes les plus superficiels

La mécanique s’attaque de manière privilégiée aux phénomènes les plus simples, donc aux plus superficiels. En effet, elle utilise la méthode mathématique. Or, celle-ci ne peut analyser que ce que Nietzsche appelle « les plus superficiels » et les plus « indigents » : « La précision scientifique est réalisable d’abord dans les phénomènes les plus superfi­ciels, quand il s’agit de compter, de calculer, de palper, de voir, quand il y a des quantités constatables. Les domaines les plus indigents de l’existence ont donc été les premiers exploités de façon fructueuse. L’exigence qui veut que tout s’explique mécaniquement, c’est l’instinct qui croit que les connaissances les plus précieuses et les plus fondamen­tales ont été conquises d’abord dans ce domaine ; ce qui est une naïveté [14] ». Ce qui est essentiel, ce qui a le plus de valeur, c’est ce qui n’est pas nombrable ni schématisable.

6’) La science fait primer l’être, la régularité, le simple sur le devenir, le foisonnant, le mul­tiple

La science, c’est-à-dire la logique et la mécanique, pour Nietzsche, sont des moyens d’abréger la richesse du réel, de la contenir, de « s’emparer de la multiplicité grâce à un artifice de langage [15] ». La science se dérobe : elle ne cherche pas à comprendre l’es­sence de la vie qui est multiple, jaillissement.

Ce que dit Nietzsche de cette fiction qu’est le sujet vaut aussi pour la science : « Le «sujet», c’est la fiction d’après laquelle beaucoup d’états semblables, en nous, seraient l’effet d’un même substrat ; mais c’est nous qui avons créé «l’identité» de ses états [16] ». La distinction de la cause et de l’effet n’est pas un fait, mais une interprétation. Il n’y a même pas de sujet interprétatif, il n’y a qu’un processus d’interprétation.

Nietzsche s’attaque aussi au statisme de la mécanique newtonienne. Il faut rétablir le primat du devenir sur l’être, et en cela suivre la leçon de Hegel « qui introduisit » le premier « dans la science la notion de l’évolution » : « sans Hegel point de Darwin [17] ».

7’) La science n’est pas un discours vrai

Nietzsche anticipe la réduction fonctionnaliste actuelle, déniant toute valeur de vérité à la science et réduisant le discours scientifique à des artifices de langage.

Le penseur allemand fut très tôt habité par cette conviction. Il l’expose très clairement dans un texte peu connu, rédigé au cours de l’été 1873, un an après la Naissance de la tragédie, mais avant les grands textes classiques que nous connaissons. Dans ce texte, Nietzsche s’interroge sur la vérité. Précisons tout de suite : non pas son essence, selon la perspective classique, mais son origine, sa naissance selon la méthode généalogique qu’il mettra systématiquement en œuvre. Autrement dit, la question décisive n’est pas : « Qu’est-ce que tu dis ? », mais : « Qui parle ? ». Classiquement, la recherche de la vérité est mue par un désir désintéressé de savoir, une exigence théorique. Pour Nietzsche, cette quête est en réalité déterminé par une exigence éthique, une besoin moral. Et le langage en porte la trace privilégiée. La preuve en est que toute connaissance est relative au su­jet.

Par conséquent, le discours scientifique doit renoncer à cette illusion qu’est la vérité. Il participe du divorce entre mots et choses, entre homme et monde qui a été consommé et que Nietzsche cherche à révéler.

Il vaut la peine de citer longuement un extrait ce texte déconstructeur écrit au vitriol concernant la science : « qu’entendons-nous en général par une loi naturelle ? Elle ne nous est pas connue en soi mais seulement dans ses effets, c’est-à-dire par ses relation avec d’autres lois naturelles, qui à leur tout ne nous sont connues qu’en tant que sommes de relations. Ainsi ces relations ne font que renvoyer toujours les unes aux autres, et leur essence demeure pour nous incompréhensible de part en part ; nous ne connaissons d’elles effectivement que ce que nous leur ajoutons : le temps, l’espace, c’est-à-dire des relations de succession et des nombres. Mais tout le merveilleux qui justement nous étonne dans les lois de la nature, qui requiert notre explication et pourrait nous inspirer la tentation de nous défier de l’idéalisme, repose justement tout entier dans la rigueur mathématique et dans le caractère inviolable des représentations spatio-tem­porelles. Or c’est nous qui produisons celles-ci à l’intérieur et en dehors de nous avec la même nécessité que l’araignée qui tisse sa toile ; si nous sommes contraints de conce­voir toutes choses exclusivement selon ces formes, alors il n’y a plus rien de merveilleux à ce que nous ne concevions en fait dans toutes choses précisément que ces formes et donc s’effectue en elles ; seule la persistance tenace de ces formes originelles permet d’expliquer comment il a été possible par la suite qu’un édifice de concepts se constituât réciproquement à partir des métaphores elles-mêmes. Cet édifice est en effet une ré­plique des relations spatio-numérico-temporelles sur le terrain des métaphores [18] ».

Déjà, Nietzsche s’attaque à la science de son temps, c’est-à-dire à la mécanique édi­fiée par Newton et interprétée philosophiquement par Kant : les « formes » dont il parle sont les formes a priori de la sensibilité.

Au fond, c’est au nom du caractère fondamentalement anthropomorphique de toute vérité que Nietzsche refuse d’identifier la science à un discours vrai : toute affirmation est vraie non pas en soi, mais pour moi, que la science ne peut prétendre à cette objectivité véridique, à la vérité absolue : la loi scientifique « n’est jamais qu’un nombre relatif à l’homme […]. Le nombre par lui-même est entièrement de notre invention [19] ». Or, celle-ci, selon la méthode qui nous fait régresser de l’ontologique à l’éthique, ne fait que révé­ler le besoin qu’a l’homme de nombrer. Et ce qui vaut de la science vaut tout autant de la mathématique et de la logique. Ces disciplines ont deux origines possibles : ou empi­rique ou formelle, c’est-à-dire soit extérieure, sensible, soit intérieure à l’esprit ; or, à ceux qui vont « jusqu’à attribuer une origine empirique à la logique », il faut répondre qu’ »une chose qui n’a pas d’existence réelle, comme la pensée logique, ne saurait être emprun­tée à la réalité ; aucune loi numérale non plus, puisqu’on n’a jamais vu un seul cas où la réalité coïncidât avec une formule arithmétique ». Si l’origine n’est pas ontologique, c’est qu’elle est éthique, ici utilitariste : « Les formules arithmétiques sont elles aussi des fic­tions régulatives destinées à simplifier les faits réels, à les accommoder à notre mesure – à notre sottise – pour des fins d’utilité pratique [20] ».

Où l’on voit que Nietzsche, si distant soit-il de Kant, est totalement tributaire de la conception rationaliste qui a dualisé l’empirique et le formel, l’a posteriori et l’a priori.

b) Critique des chercheurs

Le rouleau compresseur nietzschéen éreinte aussi les chercheurs. La méthode généa­logique s’attachera à déceler leurs motivations cachées du scientifique. La Généalogie en propose un certain nombre : l’idéal scientifique est « la plus récente manifestation de l’idéal ascétique ». La science est un mécanisme de défense pour justifier la haine de la vie. En effet, le chercheur nous donne l’exemple d’une vie tempérante, toute adonnée au travail. Mais il a refoulé la vie, il a perdu son idéal, est entré dans une « tempérance for­cée ». Aussi le scientifique fait-il de la science un refuge de son inquiétude, une fuite : « La capacité de nos plus éminents savants, leur application ininterrompue, leur cerveau qui bout nuit et jour, leur supériorité manœuvrière elle-même – combien souvent tout cela a pour véritable objet de s’aveugler volontairement sur l’évidence de certaines choses ! La science comme moyen de s’étourdir, Connaissez-vous cela [21]? »

De plus, il y a volonté de puissance dans la science : « J’entends ici sous le nom d’esprit scientifique la croyance d’après laquelle la nature est connaissable intégralement et le savoir exerce une action salutaire universelle [22] ». Et les savants héritent de cette morgue. Goûtons l’actualité de cet aphorisme percutant : « Les savants. […] ils se sentent seuls autorisés à parler et à juger des degrés de la valeur logique : ils n’ont pas d’autre valeur, quant à eux, que d’être logiques [23] ».

c) Un remède ?

Après cette condamnation sans appel, Nietzsche propose-t-il un remède ? S’il disquali­fie la science moderne, il ne revalorise pas plus le monde comme ordre, comme cosmos ; il n’en fait pas non plus un vivant comme le stoïcisme [24]. Certes, mais il ne faut pas s’attendre à ce qu’il construise une nouvelle philosophie de la nature [25]. Le perspecti­visme, la méthode généalogique ont disqualifié non seulement la mécanique, mais toute philosophie. « La question : «Qu’est-ce que c’est ?» […] est toujours la question : «Qu’est-ce que c’est pour moi[26]«

Au savoir ascétique, qu’il soit philosophique, scientifique ou religieux, il faut substituer un gai savoir. À cette conception théorique du monde, Nietzsche veut opposer une conception tragique. On ne pourra « espérer une renaissance de la tragédie qu’au mo­ment où l’esprit scientifique ayant atteint ses limites verrait ses prétentions à l’universalité anéanties par l’évidence de ses limites [27] ». Or, Socrate est la première figure de la vé­rité scientifique qui prétend épuiser le monde par sa parole. Voilà pourquoi il propose « la figure d’un Socrate musicien ».

Le remède sera donc l’art : « La science ne peut plus être disciplinée que par l’art. Il s’agit de jugements de valeur relatif au savoir et à la multiplicité des connaissances. Tâche immense et dignité de l’art qui l’accomplira ! Il lui faudra tout renouveler et à lui seul enfanter la vie à nouveau ! » Heureusement, un exemple nous précède et nous remplit d’espérance : « Ce que peut l’art, les Grecs nous l’indiquent ; sans eux, notre croyance serait chimérique [28]… »

Ce n’est pas que Nietzsche récuse toute valeur à la science. Au contraire, faisant sienne la conception de l’histoire médiévale des Lumières, le philosophe allemand es­time que c’est elle qui a permis à l’esprit de sortir de l’état moyenâgeux du savoir ou plutôt de la croyance. Mais désormais, il faut demander à l’art de nous redonner le sens de la vie : « dressons à présent l’art contre le savoir [29] ». Au fond, l’histoire du savoir est à trois temps : 2. Triomphe de la science et refoulement de la vie. 3. Triomphe de l’art contre la seule science.

d) Les apports positifs de la science à la philosophie de Nietzsche

Malgré ce qui précède, la philosophie nietzschéenne est loin de nourrir une aversion unilatérale pour la science, puisqu’elle a tenté non pas d’établir scientifiquement, mais de corroborer sa grande thèse positive : la théorie de l’éternel retour. Il a patiemment ac­cumulé et méthodiquement exploité une importante documentation. Au point qu’on pour­rait finir par croire qu’il s’agit d’une « théorie scientifique stricto sensu » ; il demeure que l’idée est de nature « philosophique », par essence [30].

La thèse est célèbre : « Le secret de la nature repose sur un cercle éternel, résistant en lui-même et par lui-même, où la cause et l’effet se relient dans une chaîne sans com­mencement ni fin [31] ». Cette réalité a longtemps été ignorée car « tous les systèmes phi­losophiques ont été, jusqu’aujourd’hui, presque sans exception, plus ou moins dua­listes », donc fondés sur une différence irréfragable entre matière et forme, monde et Dieu, fini et infini, etc. Or, ce que la science montre, c’est que « cette opposition n’existe pas en réalité », car la nature n’est que « matière en mouvement [32] ». Cette documentation scientifique, Nietzsche la puise d’abord chez Ludwig Büchner (1824-1899), philosophe matérialiste [33], auteur d’un Force et matière, que Darwin a lu [34] et Nietzsche aussi. Et Büchner a dû pratiquer les grands physiciens comme Helmholtz ou l’un des fondateurs de la thermodynamique, Clausius. Pour ces auteurs, tôt ou tard, les êtres naturels et l’homme et ses œuvre en particulier, doivent s’engloutir dans le sein de l’éternel oubli.

e) Conclusion

Bien entendu, le jugement de Nietzsche est souvent sommaire et surtout indûment gé­néralisateur. Il ne ponctue pas assez son discours de « peut-être » et de « quelquefois ». Mais comment ne pas souscrire à une remarque comme celle-ci : « il faut surtout ap­prendre […] à modérer l’excès de louange que l’on a de nos jours prodigué » au désinté­ressement du scientifique [35]. Et surtout : « la science a pu s’édifier » parce que « la volonté de savoir » s’est fondée « sur une autre volonté beaucoup plus puissante, la volonté de ne pas savoir, la volonté de rester dans l’incertitude, dans la contre-vérité [36] ». La science n’a pu se construire et triompher qu’en refoulant massivement toute une partie du réel et donc du savoir du réel. La science qui se hisse au rang de savoir absolu a rabaissé l’existence « au rang de composition de calcul », en a fait « un petit pensum pour mathéma­ticiens », et l’a dépouillée « de son caractère protéique [37] ». Quelle salutaire réaction contre le scientisme. Or, la science que vise Nietzsche, c’est la science officielle, celle de Newton, celle qu’a authentifiée Kant : la mécanique, comme le montre cette attaque en règle : « Que seule vaille une interprétation du monde qui vous donne raison à vous, une interprétation qui autorise à chercher et à poursuivre des travaux dans le sens que vous dites scientifique (c’est mécanique que vous pensez, n’est-ce pas ?), que seule vaille une interprétation du monde qui ne permet que de compter, de calculer, de peser, de voir et toucher, c’est balourdise et naïveté si ce n’est démence ou idiotie [38] ».

En revanche, je ne ferai pas de la tragédie, de la vie le seul vis-à-vis de la science ; je refuserai d’identifier la métaphysique et la religion à l’hypocrisie scientifique.

Pascal Ide

[1] Bibliographie Schopenhauer

  1. a) Primaire : Sämtliche Werke, Wolfgang von Löneysen (éd.), Stuttgart/ Frankfurt am Main, Suhrkamp, 5 tomes, 1960 s. Pour les traductions en français, voir ci-dessous.
  2. b) Secondaires

Ne pas oublier les quelques passages de Parerga et paralipomena, notamment le chap. 6 « Sur la philosophie et la science de la nature ». De nombreux chapitres ont été traduits par A. Dietrich, Paris, Alcan, 8 vol., 1905-1912.

[2] Sur la vue et les couleurs, trad. M. Elie, Paris, Vrin, 1986

[3] La volonté dans la nature, trad. E. Sans, Paris, P.U.F., 1969, p. 62.

[4] Le monde comme volonté et comme représentation, trad. Auguste Burdeau, revue et corrigée par Richard Roos, Paris, P.U.F., 1966.

[5] Ibid., p. 152-153.

[6] Eugen Fink parle de « l’équation ontologique fondamentale » de Nietzsche « être = valeur » (La philosophie de Nietzsche, trad. H. Hildebrand et A. Lindenberg, coll. « Arguments » n° 25, Paris, Minuit, 1965, p. 229). Et Gilles Deleuze ouvre ainsi son célèbre Nietzsche et la philosophie « Le projet le plus général de Nietzsche consiste en ceci : introduire en philosophie les concepts de sens et de valeur ». (coll. « Bibliothèque de philosophie contemporaine », Paris, P.U.F., 51977, p. 1)

[7] Généalogie de la morale, § 23, trad. H. Albert, Paris, Mercure de France, 1964, p. 186. Souligné dans le texte.

[8] Frédéric Nietzsche, La volonté de puissance [désormais abrégé Volonté de puissance], trad. Geneviève Bianquis, coll. « Bibliothèque d’histoire de la philosophie », Paris, Gallimard, tome 1, 291947, tome II, L. III, § 305, p. 101. Souligné dans le texte.

[9] Généalogie de la morale, I, 13, trad. Angèle Kremer-Marietti, coll. « 10/18 », Paris, UGE, 1974, p. 150-153.

[10] Volonté de puissance, tome I, L. II, § 344, p. 304. « Si l’on mesurait la «valeur» d’une musique à ce qu’on en peut calculer et compter, à ce qu’on peut en déduire en chiffres… de quelle absurdité ne serait pas cette évaluation «scientifique» ! Qu’aurait-on bien saisi, compris, connu d’une mélodie ainsi jaugée ? Rien, et littéralement rien, de ce qui fait justement sa «musique» ! » (Le gai Savoir, L. V, § 373, trad. A. Vialatte, Paris, Gallimard, 1950, p. 208)

[11] Par-delà le bien et le mal, § 207, trad. Geneviève Bianquis, Paris, Aubier, 1951, 229-233. Souligné dans le texte.

[12] On croirait lire la description que la typologie ennéagrammatique donne du type 5 !

[13] Par-delà le bien et le mal, § 24, p. 65-67.

[14] Volonté de puissance, tome I, L. II, § 342, p. 303. Même intuition dans un autre écrit « N’est-il pas probable au contraire que la première chose et peut-être la seule, qu’on puisse atteindre de l’existence, est ce qu’elle a de plus superficiel, de plus extérieur, de plus apparent ? Son épiderme seulement ? Ses manifestations concrètes ? Une interprétation «scientifique» du monde, telle que vous l’entendez, messieurs, pourrait donc être une des plus sottes, des plus stupides de toutes celles qui sont possibles ». (Le gai Savoir, L. V, § 373, trad. A. Vialatte, Paris, Gallimard, 1950, p. 208)

[15] Volonté de puissance, tome I, L. II, § 342, p. 303.

[16] Ibid., tome I, L. II, § 150, p. 83. Souligné dans le texte.

[17] Le gai Savoir, L. V, § 357, p. 190.

[18] Vérité et mensonge au sens extra-moral, I, trad. Nils Gascuel, commentaire par François Warin et Philippe Cardinali, coll. « Babel », Paris, Actes Sud, 1997, p. 24-26.

[19] Volonté de puissance, tome II, L. III, § 612, p. 186. Souligné dans le texte. Autre texte sur l’origine anthropomorphique de la science « Est-ce vraiment «la vérité» que la science définit peu à peu ? N’est-ce pas plutôt l’homme qui se définit ». Par conséquence, « nous faisons progresser la science ; mes amis, cela ne peut signifier que ceci, à la longue nous faisons progresser l’homme, nous le rendons plus ferme et plus immuable ». (Volonté de puissance, tome I, L. II, § 282, p. 284-285. Souligné dans le texte)

[20] Volonté de puissance, tome I, L. II, § 289, p. 287. Souligné dans le texte.

[21] Généalogie de la morale, § 23, trad. H. Albert, p. 186-187. Souligné dans le texte.

[22] La naissance de la tragédie, § 17, trad. Geneviève Bianquis, Paris, Gallimard, 1949, p. 88.

[23] Volonté de puissance, tome II, L. III, § 685, p. 204. Souligné dans le texte.

[24] Cf. Le gai Savoir, L. III, § 109.

[25] Sa philosophie du jeu et de l’éternel retour constitue-t-elle une conception de la nature ou du cosmos ?

[26] Volonté de puissance, tome I, L. I, § 204, p. 100. Souligné par moi.

[27] La naissance de la tragédie, § 17, p. 88. Souligné dans le texte.

[28] La naissance de la philosophie à l’époque de la tragédie grecque, trad. Geneviève Bianquis, Paris, Gallimard, 1938, p. 191.

[29] Ibid., p. 192.

[30] Jean Granier, Nietzsche, coll. « Que sais-je ? », Paris, P.U.F., 1982, p. 107.

[31] Le nihilisme européen, trad. Angèle Kremer-Marietti, coll. « 10/18 », Paris, UGE, 1976, p. 113.

[32] Ibid.

[33] « Il est tout à fait indifférent pour le but que nous poursuivons de savoir pourquoi et comment les atomes, les cellules nerveuses ou, d’une façon générale, la matière, peuvent produire la sensibilité ou la conscience il nous suffit d’être assurés que le fait existe ». (Ibid., p. 117)

[34] Cf. Denis Buican, Charles Darwin, Paris, Critérion, 1992, p. 110.

[35] Par-delà le bien et le mal, § 207, p. 230.

[36] Par-delà le bien et le mal, § 24, p. 66-67.

[37] Le gai Savoir, L. V, § 373, p. 207.

[38] Ibid.

13.9.2021
 

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