Jalons pour une Histoire de la Philosophie de la nature II-4 Les philosophies de la nature à l’âge classique. Bacon et Descartes

La naissance de la vision moderne de la nature passe par un certain nombre de muta­tions intellectuelles décisives. Cette vision a donné toute la place à la science mathéma­tisée de la nature. Or, les sciences mathématiques de la nature se caractérisent, ainsi que nous le verrons dans le cours d’épistémologie, comme des mixtes de raison et d’ex­périence, précisément de vision mathématicienne, géométrique et d’expérimentation, c’est-à-dire de réplication des phénomènes naturels. Comment sont apparues ces deux révolutions qui sont au fondement de la naissance de la culture scientifique moderne ? Pourquoi l’homme moderne en est-il arrivé à croire que mathématisation et réplication domestiquent mieux la nature que la seule observation ? Pourquoi l’homme moderne en est venu à croire que la nature se révèle mieux dans un laboratoire que dans la réalité ?

A) La philosophie de la nature de Francis Bacon

Précisons que la formule fameuse « savoir, c’est pouvoir » du philosophe et scientifique anglais, écrite en latin dans un ouvrage de 1597, est en réalité la suivante : « Nam et ipsa scientia potestas est », ce qu’il faudrait traduire : « En effet, le savoir lui-même est pouvoir [1] ».

B) La philosophie de la nature de René Descartes

1) Principes méthodologiques

a) Une nature expérimentalement étudiée

La liaison des causes productrices aux effets peut être vérifiée par l’expérimentation. L’efficacité de la découverte du comment du processus est validée par une expérience particulière.

 

« Ce recours à l’expérimentation systématique constitue la supériorité de la science moderne sur la science antique, et se trouve en conformité avec les ambitions essentiellement pratiques de la science moderne. L’expérimentation va en effet au de­vant des causes par les effets, c’est à dire qu’elle remonte, de l’observation des effets naturels, à la conception des mécanismes qui les produisent, et elle permet ainsi de rap­porter à notre usage les actions naturelles [2] ».

 

L’argumentation cartésienne démontre l’existence du monde corporel. Dieu ne trompe pas, son œuvre non plus. Or, la pente naturelle des perceptions sensibles de l’homme lui représente un monde extérieur corporel qui existe réellement. C’est donc qu’il existe réellement et la véracité divine est le garant de cette existence et rejette le doute métho­dique.

Mais cette argumentation est sujette à contestation. Elle est fondée sur la véracité divine ; or, le Cogito était la première évidence, vrai ressort de toute conviction. De plus, pour passer à la pratique de la science, la médiation de la substance corporelle est inutile. Cela nous invite à préciser.

b) La nature considérée d’un point de vue pratique

Les spéculations théoriques d’Aristote n’ont eu jusqu’à ce jour peu d’effets pratiques. La science moderne recherche elle au contraire un savoir pratiquement utilisable. Du point de vue de l’efficacité, c’est la science moderne qui a raison. Si on veut obtenir de l’efficacité, il faut s’intéresser aux causes efficientes que justement Aristote avait négligées. Seule cette causalité montre dans le détail de la production tech­nique ou de la génération naturelle, comment un effet résulte immédiatement de l’autre. En connaissant précisément les modalités d’exercice de la causalité efficiente, la nature va pouvoir être utilisée comme un moyen de servir à des besoins.

La perspective ou plutôt l’intention de la physique carté­sienne n’est donc pas théorique mais pratique : l’intention de la philosophie de la nature est possession et la maîtrise de nature.

 

« Mais sitôt que j’ai eu acquis quelques notions générales touchant la physique, et que, commençant à les éprouver en diverses difficultés particulières, j’ai remarqué jusqu’où elles peuvent conduire et combien elles diffèrent des principes dont on s’est servi jusqu’à présent, j’ai cru que je ne pouvais les tenir cachées sans pécher grandement contre la loi qui nous oblige à procurer autant qu’il est en nous le bien général de tous les hommes [3] ».

 

Or, l’éthique s’intéresse au « bien général de tous les hommes ». C’est donc que la science est considérée par Descartes dans sa finalité pratique, en l’occurrence éthique.

c) La nature dominée

Le philosophe français l’affirme explicitement dans un passage célèbre et souvent cité :

 

« Il est possible de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la vie, et qu’au lieu de cette philoso­phie spéculative qu’on enseigne dans les écoles, on en peut trouver une pratique, par laquelle, connaissant la force et les actions du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connais­sons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et pos­sesseurs de la nature [4] ».

 

Or, cette perspective cartésienne est profondément originale. Elle tranche avec la conception aristotélicienne qui fait de la physique une discipline spéculative. Certes, cette nouveauté n’est pas absolue ; mais, même si l’idée était dans l’air du temps, encore fallait-il l’expliciter et la théoriser. « Descartes fait ici reprise, assurément, de tout un cou­rant de pensée qui va pour le moins de Léonard de Vinci et des ingénieurs de la Renaissance à Francis Bacon : savoir, c’est pouvoir. Mais il en actualise encore plus avant les intentions les plus spécifiques sur le plan d’une anthropologie [5] ».

Au-delà de la différence théorie-pratique, c’est la différence nature-art s’efface : « toutes les règles des mécaniques appartiennent à la physique, en sorte que toutes les choses qui sont artificielles sont avec cela naturelles [6] ».

2) Contenu

La seconde partie des Principes de philosophie (« Des principes des choses maté­rielles ») offre une bonne synthèse de la physique cartésienne. Résumons-la. On retrouve, pour une part, le matériau d’un traité de physique scolastique, mais dans un ordre diffé­rent et selon une perspective révolutionnaire. Galilée, notamment, est passé par là.

a) Les corps et le primat de la quantité

Nous venons de voir l’existence des corps. Mais quelle en est la nature ?

Pour comprendre ce qu’est le corps, il faut faire appel non pas aux sens qui ne peuvent en connaître que l’utilité ou la nuisance, mais à l’entendement, « parce que c’est en lui seul que les premières notions ou idées, qui sont comme les semences des vérités que nous sommes capables de connaître, se trouvent naturellement [7] ».

1’) La nature est matière

Finalement, qu’est-ce que la nature pour Descartes ?

Voici comment Aristote définissait la nature : principe intrinsèque par soi de mouvement et de repos (Physiques II, 1). Or, nous avons vu que Descartes refusait la conception aristotélicienne du mouvement.

 

« Sachez donc premièrement que par la Nature je n’entends point ici quelque Déesse, ou quelque autre sorte de puissance imaginaire ; mais que je me sers de ce mot, pour signifier la Matière même, en tant que je la considère avec toutes les qualités que je lui ai attribuées, comprises toutes ensemble, et sous cette condition que Dieu continue de la conserver de la même façon qu’il l’a créée. Car de cela seul, qu’il continue ainsi de la conserver, il suit, de nécessité, qu’il doit y avoir plusieurs changements en ses parties, lesquels ne pouvant, ce me semble, être proprement attribués à l’action de Dieu, parce qu’elle ne change point, je les attribue à la Nature ; et les règles suivant lesquelles se font ces changements, je les nomme Lois de la Nature [8] ».

2’) Or, la matière est étendue

Le monde corporel s’identifie à l’étendue. On se rappelle la célèbre description du mor­ceau de cire dans les Méditations métaphysiques :

 

« Considérons-le attentivement, et éloignant toutes les choses qui n’appartiennent point à la cire, voyons ce qui reste. Certes, il ne demeure rien que quelque chose d’étendu, de flexible et de muable […]. Et je ne concevrais pas clairement et selon la vérité ce que c’est que la cire, si je ne pensais pas qu’elle est capable de recevoir plus de variétés selon l’extension, que je n’en ai ja­mais imaginé […]. Or quelle est cette cire, qui ne peut être conçue que par l’entendement ou l’esprit ? Certes, c’est la même que je vois, que je touche, que j’imagine et la même que je connaissais dès le commencement. Mais ce qui est à remarquer, sa perception, ni un attouchement, ni une imagination, et ne l’a jamais été, quoi qu’il le semblait ainsi au­paravant, mais seulement une inspection de l’esprit, laquelle peut être imparfaite et confuse, comme elle était auparavant, ou bien claire et distincte comme elle est à pré­sent, selon que mon attention se porte plus ou moins aux choses qui sont en elle et dont elle est comprise [9] ».

 

Lisons un autre texte, célèbre et aussi précis :

 

« 4. Que ce n’est pas la pesanteur, ni la dureté, ni la couleur, etc., qui constitue la nature du corps, mais l’extension seule.

« En ce faisant, nous saurons que la nature de la matière, ou du corps pris en général, ne consiste point en ce qu’il est une chose dure, ou pesante, ou colorée, ou qui touche nos sens de quelque autre façon, mais seulement ce qu’il est une substance étendue en longueur, largeur et profondeur. Pour ce qui est de la dureté, nous n’en connaissons autre chose, par le moyen de l’attouchement, sinon que les parties des corps durs résis­tent au mouvement de nos mains lorsqu’elles les rencontrent ; mais si, toutes les fois que nous portons nos mains vers quelque part, les corps qui sont en cet endroit se retiraient aussi vite comme elles en approchent, il est certain que nous ne sentirions jamais de du­reté ; et néanmoins nous n’avons aucune raison qui nous puisse faire croire que les corps qui se retireraient de cette sorte perdissent pour cela ce qui les fait corps. D’où il suit que leur nature ne consiste pas en la dureté que nous sentons quelque fois à leur occasion, ni aussi en la pesanteur, chaleur et autres qualités de ce genre ; car si nous examinons quelque corps que ce soit, nous pouvons penser qu’il n’a en soi aucune de ces qualités, et cependant nous connaissons clairement et distinctement qu’il a tout ce qui le fait corps, pourvu qu’il ait de l’extension en longueur, largeur et profondeur : d’où il suit aussi que, pour être, il n’a besoin d’elles en aucune façon et que sa nature consiste en cela seul qu’il est une substance qui a de l’extension [10] ».

 

D’emblée Descartes fait de la quantité, plus précisément de ce type de quantité qu’est l’étendue, l’essence de la matière. La substance corporelle se définit par l’étendue comme la substance spirituelle par la pensée. La « nature de la matière ou du corps pris en général, ne consiste pas en ce qu’il est une chose dure, ou pesante, ou colorée, ou qui touche nos sens de quelque autre façon, mais seulement en ce qu’il est une sub­stance étendue en longueur, largeur et profondeur. […] d’où il suit aussi que […] sa na­ture consiste en cela seul qu’il est une substance qui a de l’extension [11] ». En effet, « l’es­pace ou le lieu intérieur, et le corps qui est compris en cet espace, en sont différents aussi que par notre pensée. Car la même étendue en longueur, largeur et profondeur, qui constitue l’espace, constitue le corps [12] ».

D’où la conséquence : « Je ne reçois point de principes en Physique, qui ne soient aussi reçus en Mathématique, afin de pouvoir prouver par démonstration tout ce que j’en dé­duirai ; et […] ces principes suffisent, d’autant que tous les Phénomènes de la nature peuvent être expliqués par leur moyen [13] ».

Le plus souvent, cette réduction s’opère au plan épistémologique et anthropologique en rabattant la connaissance sensible qualitative (les couleurs, les sons, les odeurs, etc.) à ce qui est quantitatif dans ces qualités.

Descartes l’exprime très clairement. Tout ce qui existe dans les corps consiste en « la grandeur, ou bien l’extension en longueur, largeur et profondeur ; la figure qui est formée par les termes et les bornes de cette extension ; la situation que les corps diversement fi­gurés gardent entre eux ; et le mouvement ou le changement de cette situation ; aux­quelles on peut ajouter la substance, la durée, et le nombre [14] ». Pourquoi ? Il faut revenir à la théorie cartésienne de la connaissance (à la première règle du Discours de la mé­thode). Est vrai et certain ce qui est clair et distinct ; or, les qualités comme la couleur, le son, etc…, se rencontrent dans notre pensée « avec tant d’obscurité et de confusion », que nous ignorons même si les idées que nous en concevons « sont en effet les idées de quelques choses réelles, ou bien si elles ne […] représentent que des êtres chimériques, qui ne peuvent exister [15] ».

Descartes va même plus loin dans ce passage des Sixièmes Réponses :

 

« Je reconnus qu’il n’y avait rien qui appartint à la nature ou à l’essence du corps, sinon qu’il est une substance étendue en longueur, largeur et profondeur, capable de plusieurs figures et de divers mouvements, et que ces figures et ces mouvements n’étaient autre chose que des modes, qui ne peuvent jamais être sans lui ; mais que les couleurs, les odeurs, les saveurs et autres choses semblables, n’étaient rien que des sentiments qui n’ont aucune existence hors de ma pensée, et qui ne sont pas moins différents des corps que la dou­leur diffère de la figure ou du mouvement de la flèche qui la cause ; et toutes les autres qualités que nous remarquons dans les corps, consistent seulement dans le mouvement ou dans sa privation, et dans la configuration et arrangement des parties [16] ».

 

Et pourquoi ce rejet des qualités réelles ?

 

« La principale raison qui me fait rejeter ces qualités réelles, est que je ne vois pas que l’esprit humain ait en soi aucune notion, ou idée particulière, pour le concevoir. […] La seconde raison est que les philosophes n’ont supposé ces qualités réelles qu’à cause qu’ils ont cru ne pouvoir expliquer autrement tous les phé­nomènes de la nature ; et moi je trouve, au contraire, qu’on peut bien mieux les expliquer sans elles [17] ».

3’) Conséquence par rapport à la scolastique

Descartes dissout et critique les concepts essentiels de la philosophie de la nature scolastique. On trouve chez Descartes « une ontologie de la réalité étendue, substance corporelle de ce monde, dont le déploiement correspond à ce qu’il y a d’ontologique­ment déterminé dans l’organisation aristotélicienne et scolastique de la physique cosmo­logique, encore que les contenus conceptuels en soient profondément transformés [18] ». Cette ontologie aristotélicienne est ce que Jean-Luc Marion appelle ontologie grise. [19]

Considérons d’abord la Matière (première) : « Ne pensons pas qu’elle [la matière] soit cette Matière première des Philosophes, qu’on a si bien dépouillée de toutes ses formes et qualités, qu’il n’y est rien demeuré de reste, qui puisse être clairement entendu. Mais concevons-la comme un vrai corps, parfaitement solide, qui remplit également toutes les longueurs, largeurs et profondeurs, de ce grand espace au milieu duquel nous avons ar­rêté notre pensée ; en sorte que chacune de ses parties occupe toujours une partie de cet espace tellement proportionnée à sa grandeur, qu’elle ne saurait remplir une plus grande, ni se resserrer en une moindre, ni souffrir que, pendant qu’elle y demeure quel­qu’autre y trouve sa place [20] ». Bref, pour Descartes, la matière première s’identifie au non-être.

La forme substantielle est justifiable de la même critique que la matière première [21]. Ce texte de Gilson est décisif et éclairant. Il a rappelé l’importance de cette décision, qui manifeste au plus haut point et l’originalité cartésienne et son incompréhension de la philosophie aristotélicienne, ne faisant en cela que consommer une rupture depuis longtemps latente, notamment préparée par Galilée.

Résumons : « En l’École on n’explique pas bien cette matière, en ce qu’on la fait puram potentiam, et qu’on lui ajoute des formes substantielles et des qualités réelles, qui ne sont que des chimères [22] ».

b) L’espace

Descartes consacre ensuite un développement à l’espace et au lieu (n. 10 à 15). « L’espace, ou le lieu intérieur, et le corps qui est compris en cet espace, ne sont différents aussi que par notre pensée. Car, en effet, la même étendue en longueur, largeur et pro­fondeur, qui constitue l’espace, constitue le corps ; et la différence qui est entre eux ne consiste qu’en ce que nous attribuons au corps une étendue particulière, que nous concevons changer de place avec lui toutes fois et quantes qu’il est transporté, et que nous en attribuons à l’espace une si générale et si vague, qu’après avoir ôté d’un certain espace le corps qui l’occupait, nous ne pensons pas avoir aussi transporté l’étendue de cet espace, à cause qu’il nous semble que la même étendue y demeure toujours, pen­dant qu’il est de même grandeur, de même figure, et qu’il n’a point changé de situation au regard des corps de dehors par lesquels nous le déterminons [23] ».

c) Le vide

Suit un développement sur le vide (n. 16 à 19). Descartes distingue deux sens du terme : philosophique et ordinaire. Au sens philosophique, le vide est un espace dénué de substance ; en ce cas, il n’existe pas : « l’extension de l’espace ou du lieu intérieur n’est point différente de l’extension du corps [24] ». En revanche, le vide selon l’usage ordinaire signifie « qu’il n’y a rien de ce que nous présumons y devoir être. Ainsi, parce qu’une cruche est faite pour tenir de l’eau, nous disons qu’elle est vide lorsqu’elle ne contient que de l’air [25] ».

d) Les atomes

On le sait, Descartes est antiatomiste. Il ne peut exister de petits corps indivisibles ou atomes. À l’instar d’Aristote, l’impossibilité des atomes tient à la nature continue de la matière, à la différence près que, pour le Stagirite, la continuité était une propriété, alors qu’elle constitue l’essence de la matière pour Descartes. Ajoutons aussi l’appel à la toute-puissance divine : « quand même nous supposerions que Dieu eût réduit quelque partie de la matière à une petitesse si extrême, qu’elle ne pût être divisée en d’autres plus petites, nous ne pourrions conclure pour cela qu’elle serait indivisible, parce que, quand Dieu aurait rendu cette partie si petite qu’il ne serait pas au pouvoir d’aucune créature de la diviser, il n’a pu se priver soi-même du pouvoir qu’il avait de la diviser, à cause qu’il n’est pas possible qu’il diminue sa toute-puissance, comme il est déjà remar­qué [26] ».

e) Le mouvement en sa nature

Enfin, Descartes consacre la majeure partie de la seconde partie des Principes au mouvement. Manifestement, son intention est d’arriver à présenter les axiomes de la mé­canique, les lois du mouvement de manière déductive, à partir de ses principes méta­physiques. Auparavant, il définit ce qu’est le mouvement et le repos.

1’) Définition du mouvement

Selon le sens commun, ordinaire, le mouvement « n’est autre chose que l’action par la­quelle un corps passe d’un lieu à un autre [27] ». Autrement dit, le mouvement est identi­quement translation, mouvement local. En termes rigoureux, le mouvement se définit comme « le transport d’une partie de la matière, ou d’un corps, du voisinage de ceux qui le touchent immédiatement, et que nous considérons comme en repos dans le voisinage de quelques autres ». Et Descartes précise bien qu’il parle de « transport » et non pas de « force » ou d’ »action ». En effet, « le mouvement est toujours dans le mobile et non pas en celui qui le meut ». « De plus, j’entends qu’il est une propriété du mobile, et non pas une substance [28] ». Très clairement, Descartes s’oppose à la distinction aristotélicienne du mobile et du moteur, ainsi qu’à la transmission d’acte. Il se rend à jamais inintelligible l’essence de la cause efficiente.

De ce fait, l’action disparaît et, avec elle, l’efficience. Pour Descartes, anticipant Hume, ce n’est que l’habitude qui nous fait croire que le mouvement implique de l’action. Mais cette notion est purement subjective.

Descartes critique donc la conception classique, c’est-à-dire aristotélicienne du mou­vement. Les philosophes « avouent eux-mêmes que la nature du leur [le mouvement dont ils font considération dans leur physique] est fort peu connue ; et pour la rendre en quelque façon intelligible, ils ne l’ont encore su expliquer plus clairement qu’en ces termes : motus est actus entis in potentia, prout in potentia est [le mouvement est l’acte d’un être en puissance, en tant qu’il est en puissance], lesquels sont pour moi si obscurs, que je suis contraint de les laisser ici en leur langue, parce que je ne saurais les interpré­ter […]. Mais au contraire la nature du mouvement duquel l’entends ici parler, est si facile à connaître, que les Géomètres mêmes […] l’ont jugé plus simple et plus intelligible que celle de leurs superficies et de leurs lignes : ainsi qu’il paraît, en ce qu’ils ont expliqué la ligne par le mouvement d’un point, et la superficie par celui d’une ligne [29] ».

2’) Conséquence indifférenciation du mouvement et du repos

De la réduction du mouvement au déplacement, du refus de parler de l’action se déduit « qu’il n’est pas requis plus d’action pour le mouvement que pour le repos ». L’erreur op­posée est très ancienne, puisqu’elle remonte au « commencement de notre vie, parce que nous remuons ordinairement notre corps selon notre volonté, dont nous avons une connaissance intérieure ; et qu’il est en repos, de cela seul qu’il est attaché à la terre par la pesanteur, dont nous ne sentons point la force ». Or, « cette pesanteur, et plusieurs autres causes que nous n’avons pas coutume d’apercevoir, résistent au mouvement de nos membres, et font que nous nous lassons, il nous a semblé qu’il fallait une force plus grande et plus d’action pour produire un mouvement que pour l’arrêter, à cause que nous avons pris l’action pour l’effort qu’il faut que nous fassions, afin de mouvoir nos membres et les autres corps par leur entremise [30] ». À ce préjugé, Descartes oppose l’expérience tout aussi commune selon laquelle il faut autant d’énergie pour mouvoir un corps que pour arrêter son mouvement, comme le montre l’exemple d’un bateau dans l’eau. En conséquence, « le mouvement et le repos ne sont que deux diverse façons dans le corps où ils se trouvent [31] ».

Descartes déduit un certain nombre de propriétés des corps en mouvement, par exemple qu’il peut y avoir plusieurs divers mouvements en un même corps. Cela tient tout simplement à la foi d’addition ou de composition des mouvements locaux. « Par exemple, si un marinier, se promenant dans son vaisseau, porte sur soi une montre, bien que les roues de sa montre n’aient qu’un mouvement unique qui leur est propre, il est certain qu’elles participent aussi à celui du marinier qui se promène, parce qu’elles com­posent avec lui un corps qui est transporté tout ensemble ; il est certain qu’elles partici­pent aussi à celui du vaisseau, et même à celui de la mer, parce qu’elle suivent son cours ; et à celui de la terre, si on suppose que la terre tourne sur son essieu, parce qu’elles composent un corps avec elle [32] ». Notez que Descartes qui est héliocentrique de conviction n’en touche pas un mot, de peur de subir la même condamnation que Galilée.

3’) La distinction des trois mouvements

« Les Philosophes supposent aussi plusieurs mouvements, qu’ils pensent pouvoir être faits sans qu’aucun corps change de place, comme ceux qu’ils appellent Motus ad for­mam, motus ad calorem, motus ad quantitatem, et mille autres. Et moi, je n’en connais aucun, que celui qui est plus aisé à concevoir que les lignes des géomètres : qui fait que les coprs passent d’un lieu à un autre et occupent successivement tous les espaces qui sont entre-deux [33] ».

f) Le mouvement en sa cause

Ayant examiné la nature du mouvement (n. 24-35), Descartes s’intéresse à sa cause.

1’) La cause première du mouvement

Et d’abord à sa cause « première » et « plus universelle, qui produit généralement tous les mouvements qui sont au monde ». Et cette cause est « Dieu, qui de sa toute-puissance a créé la matir avec le mouvement et le repos, et qui conserve maintenant en l’univers, par son concours ordinaire, autant de mouvements de repos qu’il y en a mis en le créant ».

La conséquence en est la conservation de mouvement qui sera la tout première loi de la nature : puisque Dieu « a mû en plusieurs façons différentes les parties de la matière, lorsqu’il les a créées, et qu’il les maintient toutes en la même façon et avec les mêmes lois qu’il leur a fait observer en leur création, il conserve incessamment en cette matière une égale quantité de mouvement [34] ».

2’) Première loi de la nature

D’où cette première loi immanente à la nature : « chaque chose demeure en l’état qu’elle est, pendant que rien ne le change ». En effet, « chaque chose en particulier continue d’être en même état autant qu’il se peut, et que jamais elle ne le change que par la ren­contre des autres ». Par exemple, une chose conserve sa propre figure, tant que rien ne change celle-ci. De même, lorsqu’une chose commence à se mouvoir, elle poursuit son mouvement, tant qu’une force ne vient le contrarier, le retarder ou l’arrêter [35]. C’est ce que l’on observe tous les jours, constate Descartes, souhaitant là encore s’opposer à la théorie scolastique, notamment aristotélicienne : un corps poussé par la main continue de se mouvoir, et cela parce que « suivant les lois de la nature, tous les corps qui se meu­vent continuent de se mouvoir jusques à ce que leur mouvement soit arrêté par quelques autres corps [36] ».

3’) Seconde loi de la nature

Elle ne concerne plus seulement la conservation générale, donc l’existence du mou­vement, mais sa nature, précisément sa direction : « tout corps qui se meut, tend à conti­nuer son mouvement en ligne droite », et non pas en ligne courbe. Une nouvelle fois, Descartes vise la conception grecque et scolastique du primat de la ligne circulaire, de la perfection octroyée au mouvement en cercle contre le mouvement rectiligne. Et Descartes en veut pour preuve le mouvement de la fronde : le mouvement circulaire ne tient qu’à ce que la pierre est retenue par la fronde, sinon la pierre partirait en ligne droite. C’est d’ailleurs ce que montre l’expérience qui nous montre la corde de la fronde tendue par une force rectiligne. [37]

4’) Troisième loi de la nature

Cette loi comporte deux parties : « si un corps qui se meut en rencontre un autre plus fort que soi, 1. il ne perd rien de son mouvement, 2. et s’il en rencontre un plus faible qu’il puisse mouvoir, il en perd autant qu’il lui en donne [38] ». Les deux principes suivants ex­plicitent cette loi (n. 41 et 42). Descartes en déduit un certain nombre de règles, précisé­ment sept (n. 46-52), sur les mouvements des corps qui se rencontrent, précisément sur ce que Descartes appelle la « détermination » des mouvements et leur vitesse. Il prend l’exemple « de corps parfaitement durs [39] ».

Partant de là, Descartes va tenter d’appliquer les règles ci-dessus, notamment aux corps liquides et solides (ou durs) (n. 54-64). On comprend dès lors l’importance qu’un Descartes – et toute mécanique – peut accorder à cette distinction du dur et du liquide. « un corps est liquide, lorsqu’il est divisé en plusieurs petites parties qui se meuvent séparé­ment les unes des autres en plusieurs façons différentes, et qu’il est dur, lorsque toutes ses parties s’entre-touchent, sans être en action pour s’éloigner l’une de l’autre [40] ».

5’) Le primat du point de vue mathématique

Enfin, Descartes conclut par une remarque de méthode de la plus haute importance : « je ne reçois point de principes en physique, qui ne soient aussi reçus en mathématique, afin de pouvoir prouver par démonstration tout ce que j’en déduirai ; et que ces principes suffisent, d’autant que tous les phénomènes de la nature peuvent être expliqués par leur moyen ». La raison est celle qui fut donnée au début au sujet de la nature du corps-éten­due : « j’avoue franchement ici que je ne connais point d’autre matière des choses corpo­relles, que celle qui peut être divisée, figurée et mue en toutes sortes de façons, c’est-à-dire celle que les géomètres nomment la quantité, et qu’ils prennent pour l’objet de leurs démonstrations ; et que je ne considère, en cette matière, que ses divisions, ses figures et ses mouvements ; et enfin que, touchant cela, je ne veux rien recevoir pour vrai, sinon ce qui en sera déduit avec tant d’évidence, qu’il pourra tenir lieu d’une démonstration mathématique [41] ».

3) Résumé

Résumons les différentes caractéristiques de la physique cartésienne. En un mot, Descartes est un mécaniste pratique. Précisons :

– N’est digne d’être appelé mouvement que le mouvement local.

– L’indifférence au mouvement et du repos. Le mouvement ne requiert pas plus d’action que le repos.

– La réduction des causes à la forme géométrique de la loi, sans intérêt pour l’efficace des causalités.

– La méthode unique de la science est la mathématique (et l’expérience).

– L’essence de la réalité matérielle est l’étendue, donc la quantité.

– Le point de vue pratique prime le point de vue spéculatif.

Corrigeons les erreurs classiques. On oppose volontiers Descartes à la scolastique dé­cadente, la seconde étant cabrée sur des principes métaphysiques et formels, le premier ayant enfin souci d’interroger l’expérience. Or, note Largeault, « Descartes n’expérimente pas et observe moins qu’Aristote [42] ». Ce qui est bien certain, même si sa médecine montre un homme curieux, attentif au réel.

C) Le primat de la quantité et la disqualification de la qualité après Descartes

Ce refus des qualités réelles va se préciser avec l’introduction de la distinction entre qualités primaires et qualités secondaires. Quoique généralement attribuée à Locke, cette distinction trouve son origine dans l’Histoire expérimentale des couleurs de Boyle. Il y démontre que les objets donnent naissance à des sensations de couleur, non parce qu’ils sont eux-mêmes colorés, mais parce que la structure de leurs corpuscules modifie la lumière d’une manière spéciale. Or, cette disposition des corpuscules seule est objective. Ainsi « la couleur est si loin d’être une qualité inhérente à l’objet [43] », que, « bien que la lumière affecte plus immédiatmeent l’organe de la vue que les corps qui l’envoient, cependant la lumière elle-même ne produit la sensation de couleur qu’en produisant telle sorte déterminée de mouvement local en quelque partie du cerveau [44] ». En conséquence les qualités sensibles comme la couleur, etc. se ramènent à la matière et au mouvement, « ces deux grands, et les plus catholiques principes du corps [45] ». D’où la distinction : grandeur, figure et mouvement ou repos son les « modes ou affections pri­maires des corps, pour les distinguer des qualités moins simples (comme les couleurs, les goûts et les odeurs) qui appartiennet aux corps à cause d’elles [46]« et que l’on peut de ce fait qualifier de « secondaires [47] ». La raison de fond de cette distinction s’inscrit di­rectement dans la mouvance cartésienne : la plus grande évidence et la plus grande simplicité des qualités primaires. La théorie corpusculaire ne fait qu’en donner une expli­cation intelligible et probable, même si on peut par la suite l’abandonner.

C’est John Locke qui va vulgariser la distinction entre les deux types de qualités pri­maires et secondaires : 1. les premières sont originales, absolument inséparables des corps et existent même si nous ne les percevons pas ; ce sont la solidité, l’extension, la figure, le mouvement ou le repos, et le nombre [48]. Elles correspondent donc à ce qu’Aristote appelle sensible commun, à la différence que Locke ajoute la solidité. 2. Les qualités secondaires, en revanche, sont « communément appelées «qualités sensibles» [49] », « qui en vérité ne sont rien dans les objets eux-mêmes, que des pouvoirs de produire en nous, par leurs qualités primaires, diverses sensations » : par exemple, les couleurs, les goûts, etc. [50]

Or, les qualités secondaires se ramènent aux qualités primaires. En effet, les corps eux-mêmes ne présentent pas de caractéristiques semblables aux idées que nous avons de ces qualités secondaires : par exemple, ce qui est chaud dans l’idée n’est, dans le corps, que masse, figure et mouvement de particules imperceptibles. La chaleur n’est pas plus dans le feu que la douleur ressentie en sa présence [51].

De même Malebranche, dualiste et cartésien, mène le « combat de l’esprit contre les impressions du corps [52] ». La conséquence en est qu’il distingue sensibles propres et sensibles communs, c’est-à-dire qualités et quantités pour réduire les premières aux se­condes. En effet, les qualités, les sensibles propres ne sont que des modalités de l’esprit, de la substance pensante ; or, « il y a contradiction que la modalité d’un être soit où cet être n’est pas [53] » : c’est le postulat du dualisme : le corps ne peut agir sur l’âme. Par conséquent, les qualités (les perceptions, par exemple) ne sont pas une propriété des corps, mais de l’esprit, même s’ils sont souvent indûment attribués à ces corps. En re­vanche, les quantités, l’étendue, par exemple, appartiennent réellement aux corps : « les corps n’ont point d’autres qualités que celles qui résuotent de leurs figures, ni d’autre ac­tion que leurs mouvements divers [54] ».

Leibniz (que l’on étudiera plus loin) reprend la distinction des qualités primaires et qualités secondaires. Or, « au­tant qu’il est possible, il faut déduire de la nature du corps et de ses qualités premières : grandeur, figure et mouvement [55] ». Mais il va plus loin : « Au sujet des corps, je puis dé­montrer que non seulement la lumière, la chaleur, la couleur et les qualités semblables sont des apparences, mais aussi le mouvement, la figure et l’étendue [56] ». Et ailleurs : « Je prouve même que l’étendue, la figure et le mouvement enferment quelque chose d’ima­ginaire et d’apparent, et quiqu’on les conçoive plus distinctement que la couleur ou la chaleur, néanmoins, quand on pousse l’analyse aussi loin que j’ai fait, on trouve que ces notiosn ont encore quelque chose de confus, et que, sans supposer quelque substance qui consiste en quelque autre chose, elles seraient aussi imaginaires que les qualités sensibles, ou que les songes bien réglés [57] ». Car l’étendue se réduit à la quantité. De manière logique et inéluctable, avec Leibniz, nous arrivons donc à la réduction ultime de la qualité, de toute qualité à la quantité. Pourtant, nous le reverrons, Leibniz place aussi la qualité à côté de la quantité :

Dans la même ligne cartésienne, Baruch de Spinoza distingue deux modes de l’unique substance : l’étendue et la pensée.

Il demeure que si la philosophie de la nature de Malebranche s’inscrit dans la droite ligne du cartésianisme, en revanche, les deux autres grands cartésiens, Spinoza et Leibniz, ont réagi contre le mécanisme de Descartes. Aussi en sera-t-il traité en troisième partie.

Une hypothèse

À propos de la distinction lockienne des qualités premières et secondes, il y a une exacte bijection entre les qualités premières et le monde objectif que la science prétend décrire d’une part et les qualités secondes et le monde subjectif qui est objet de philoso­phie, de morale, de poésie, de religion, à jamais relégué à n’être qu’opinion. Un Bachelard a trouvé la synthèse !

Mais d’où vient cette distinction ? Pour Alfred North Whitehead, cette distinction présente une origine scienti­fique. En effet, au xviie siècle, deux théories de la lumière vont prévaloir, celle, corpuscu­laire, de Descartes et celle, ondulatoire, de Huyghens [58]. Quoi qu’il en soit, on aurait d’une part l’essence de la lumière qui serait transmission dans l’espace d’ondes ou de particules, d’autre part la perception de la couleur par le sujet. Il s’opère donc de nou­veau, mais amplifiée, une séparation entre le phénomène objectif qui intéresse l’essence de la lumière et le phénomène subjectif qu’est la perception. D’où la théorie de Locke : les qualités premières sont les attributs objectifs que l’on perçoit, les autres qualités, dites secondes, sont subjectives.

D) Le prolongement et la confirmation dans l’art

1) Le jardin à la française

Qui n’en connaît les cabinets de verdure ordonnés comme de purs théorèmes enter de doux écrants de treillage et d’épaisses murailles de charmilles ? Dezallier d’Argenville en a proposé une systématisation dans un ouvrage [59]. On y retrouve toutes les caractéristiques de la naissante raison cartésienne :

– Triomphe de la raison mathématique : les formes sont celles, pures, descendues du ciel des Idées géométriques. On perce les allées, on taille les ifs en pagodes, on sculpte les treillages en parallélépipèdes, on dessine des charmilles, on aplanit les boulingrins verts, on transforme les plantations florales en livres de grammaires ou en arabesques.

– Triomphe de la totalité : tout est soumis à cet ordonnancement jusqu’à l’horizon où le ciel vient prolonger la terre. Pas un parterre, un massif, un charme champêtre que la raison n’ait pas domestiqué, qui ne soit soumis à l’ordre et la mesure paisible de la rationalité calculatrice.

– Triomphe de la vue : il faut que, de manière panoptique, le spectateur embrasse la totalité de la représentation à partir de son point de vue. Le promeneur, d’où qu’il soit, peut d’un coup d’œil contempler la totalité.

– Triomphe du sujet, du Moi : au sortir de son château, le Roi embrasse sans reste tout le jardin, comme le Moi sortant de sa demeure maîtrise la totalité de la réalité extramentale.

– Triomphe homogène à celui emporté sur l’architecture – les jardins viennent prolongés en perspective les terrasses tirées au cordeau par Le Nôtre – et parallèle à celui emporté sur la Cour – la même représentation sociale hiérarchique prévaut.

– Bref, triomphe du tout sans extérieur, de la totalité sans altérité.

– Mais que l’on n’aille pas s’imaginer un triomphe froid : il y a une jubilation de la raison dominatrice greffée sur l’œil.

À noter d’ailleurs que la forme du jardin changera. Par la suite, au xviiie siècle, on stylisera la campagne à l’ancienne afin de lui donner la forme exquise du lieu de délices [60]. Alors, la nature servira plutôt à s’évader de la société. Dès lors la raison doit s’être discrètement retirée de la nature. Ainsi que le dit Rousseau par la bouche de Saint-Preux : « Que d’agréables pensées j’espérais porter dans ce lieu solitaire où le doux aspect de la seule nature devait chasser de mon souvenir tout cet ordre social qui m’a rendu si malheureux [61] ». On rêve au « grand jardin de la civilité [62] ».

2) La musique modale et tonale

3) La danse classique

Pascal Ide

[1] Sir Francis Bacon, Meditationes Sacrae, XI, De haeresibus, in Exemplum Tractatus de Fontibus Juris and other latin pieces of Lord Bacon, trad., James Glassford, Edinburgh, Waugh & Innes, 1823, p. 191. Pour le texte en latin, cf. Œuvres philosophiques de Bacon, avec notice, sommaires et éclaircissemens, par M. Bouillet, t. 3, Paris, 1834, p. 474).

[2] Michel Gourinat, De la philosophie, Paris, Hachette, p. 544.

[3] René Descartes, Discours de la méthode, 6ème partie, in Œuvres et Lettres, éd. André Bridoux, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, Gallimard, 1953, p. 168.

[4] René Descartes, Discours de la méthode, 6ème partie, in Œuvres et Lettres, éd. André Bridoux, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, Gallimard, 1953, p. 168.

[5] Dominique Dubarle, « La méthode scientifique de Galilée », Collectif, Galilée. Aspects de sa vie et de son œuvre, p. 81-110, ici p. 86.

[6] Les principes de la philosophie, 4ème partie, § 203, p. 666.

[7] Les principes de la philosophie, 2ème partie, § 3, p. 612.

[8] Le Monde, AT XI, 36, 29-37, 14.

[9] AT VII, 30, 31 à 31, 28.

[10] Les principes de philosophie, n. 4, p. 613. AT, IX, 2ème partie, p. 61.

[11] Les principes de la philosophie, 2ème partie, § 4, p. 612-613.

[12] Les principes de la philosophie, 2ème partie, § 10, p. 616.

[13] Les principes de la philosophie, 2ème partie, § 64, p. 652.

[14] Méditations métaphysiques, III ; cf. aussi Les principes de la philosophie, 4ème partie, § 198 et 199, p. 660 à 662.

[15] Méditations métaphysiques, III.

[16] Sixièmes Réponses, in Œuvres et Lettres, p. 542.

[17] Lettre à Mersenne du 26 avril 1943, citée par Marie-Dominique Philippe, p. 165 et 166.

[18] Dominique Dubarle, p. 80.

[19] Paris, Vrin, 1975.

[20] Le Monde, AT XI, 33, 18-30.

[21] Cf. Lettre à Mersenne, 28 octobre 1640 ; AT III, 212. Cf. Etienne Gilson, « La critique cartésienne des formes substantielles », in Études sur le rôle…, p. 143-168.

[22] Lettre à Mersenne, 28 octobre 1640 ; AT III, 212, 2-5.

[23] Les principes de philosophie, 4ème partie, § 10, p. 616.

[24] Ibid., 4ème partie, § 16, p. 620.

[25] Ibid., 4ème partie, § 17, p. 620.

[26] Ibid., 4ème partie, § 20, p. 622.

[27] Ibid., 4ème partie, § 24, p. 624.

[28] Ibid., 4ème partie, § 25, p. 624 et 625.

[29] Le Monde, AT XI, 39, 4s.

[30] Les principes de philosophie, 4ème partie, § 26, p. 625.

[31] Ibid., 4ème partie, § 27, p. 626.

[32] Ibid., 4ème partie, § 31, p. 628.

[33] Le Monde, AT XI, 39, 4-40, 5 ; cf. Regulæ, AT X, 426, 16-22.

[34] Principes de philosophie, 4ème partie, § 36, p. 632-633.

[35] Ibid., 4ème partie, § 37, p. 633.

[36] Ibid., 4ème partie, § 38, p. 634.

[37] Ibid., 4ème partie, § 39, p. 635 et 636.

[38] Ibid., 4ème partie, § 40, p. 636.

[39] Ibid., 4ème partie, § 45, p. 639.

[40] Ibid., 4ème partie, § 54, p. 644.

[41] Ibid., 4ème partie, § 64, p. 652.

[42] p. 35.

[43] The Experimental History of Colours, 1ère partie, ch. 2, § 3.

[44] Ibid., § 4.

[45] The Origin of Forms and Qualities according to the Corpuscular Philosophy, p. 461b.

[46] Ibid.

[47] Ibid., p. 466b.

[48] Essais concernant l’entendement humain, L. II, ch. 8, § 9 (An Essay Concerning Human Understanding, Coll. and Annotated with Biographical, Critical and Historical Prolegomena, by Alexander Campbell Fraser, New York, Dover Publications, 2 vol., 1959, p. 170).

[49] Ibid., § 23 (p. 179).

[50] Ibid., § 10 (p. 170).

[51] Ibid., § 15-16 (p. 173-174).

[52] Entretiens sur la métaphysiques et sur la religion, I, § 1, Éd. André Robinet, coll. « Bibliothèque des textes philosophiques », in Œuvres complètes, tome 12, Paris, Vrin, 1965, p. 32.

[53] Ibid., IV, § 10, p. 95.

[54] Ibid., IV, § 7, p. 91.

[55] Confessio naturæ contra Atheistas, in Œuvres, Éd. Gerhardt, tome IV, p. 106.

[56] De modo distinguendi phænomena realia ab imaginariis, in Œuvres, Éd. Gerhardt, tome VII, p. 322.

[57] Lettre IV à Foucher, in Œuvres, Éd. Gerhardt, tome I, p. 392.

[58] Cf. les développements de Gourinat, De la philosophie, Paris, Hachette, 1969, chapitre sur la philosophie de la nature et de l’esprit.

[59] Théorie et pratique du jardinage, 1709.

[60] Cf. Marquis de Girardin, Composition des paysages ou des moyens d’embellir la nature, 1777.

[61] La Nouvelle Héloïse, 1761, 4ème partie, Lettre XI, Œuvres complètes, tome 2, p.

[62] George Steiner, Dans le château de Barbe-bleue, trad. Lucienne Lotringer, coll. « Folio », Paris, Gallimard, 1991, p. 18.

14.6.2021
 

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