E) En Orient, une vision doxologique du cosmos
La liturgie cosmique selon saint Maxime le Confesseur
Maxime le Confesseur souligne l’enracinement de la personne dans la nature [1].
Pour le détail de la philosophie de Maxime le Confesseur (580-662), nous le verrons dans un prochain cours de métaphysique. Je souhaite seulement souligner ici l’importance que le théologien byzantin accorde à l’enracinement de la personne dans la nature [2]. D’un mot, il rééquilibre le platonisme présent chez ses prédécesseurs, par exemple, le Pseudo-Denys, le monachisme oriental et les Pères Cappadociens, par l’intégration de l’aristotélisme. Et il intègre ces courants dans une pensée puissamment originale. Voire, « parce que tant de courants se rencontrent en lui, Maxime est réellement le sommet de la pensée patristique grecque [3] ».
Soulignons seulement une triade maximienne, celle de génésis-kinésis-stasis. En effet, dans la ligne d’Aristote et d’abord de la Bible, il met en valeur le mouvement propre aux créatures. Or, la kinésis s’enracine dans l’acte créateur (la génésis), puisqu’elle actualise la potentialité offerte à l’être créé : « Aucun des êtres mus ne l’est jamais sans cause [anaitiôs]. La cause [archè] de tout mouvement naturel est la création [génésis] des êtres mus et la cause de leur création est Dieu qui en est l’initiateur [4] ». Dans l’autre sens, la kinésis s’achève dans un repos. Le texte continue :
« Le repos est la fin [télos] de la création naturelle des êtres venus à l’existence. L’infinité réalise celui-ci [le repos] entièrement après le dépassement de tout ce qui est limité, la même infinité, en laquelle, comme il n’y a plus de distance, s’accomplit tout mouvement des êtres qui sont mus naturellement, n’ayant pas d’autre fin […] que Dieu ».
La génésis enracine donc l’être créé dans son origine divine et la stasis l’oriente vers son repos ultime, son accomplissement qui, là encore, ne s’effectue qu’en Dieu. Or, être créé, c’est recevoir l’être de Dieu et être uni à Dieu, c’est se donner à lui. Par conséquent, l’être créé en mouvement est doublement débordé, en amont et en aval, et il constitue le centre d’une dynamique ternaire qui est celle même du don.
On notera combien Maxime propose une lecture originale du mouvement à l’égard et d’Aristote et d’Origène. Si Maxime n’ignore en rien les couples aristotéliciens puissance-acte (dunamis-énergéia) [5] ou matière-forme (hulè-éidos), il préfère utiliser le schéma ternaire ci-dessus. Et nous verrons que la stasis dit plus que la seule énergéia. En effet, ce terme exprime le besoin qu’a Maxime de montrer que l’être créé ne trouve pas sa fin au seul plan de sa nature ; or, la puissance est à l’acte ce que l’inachevé est à son achèvement au plan des seuls dynamismes immanents
Par ailleurs, Origène emploie les trois termes, mais pour former une triade inverse : stasis-kinésis-génésis. En effet, pour lui, le mouvement éloigne de Dieu [6], alors que, pour Maxime, il en rapproche. Derrière cette différence, vorie cette opposition, se profile toute la tension entre une pensée de polarité platonicienne pour qui tout éloignement Dieu et une chute, toute mutabilité une dégradation à l’égard de l’immuable et une pensée de polarité aristotélicienne pour qui tout mouvement est une chance de rejoindre son acte, donc le repos.
Enfin, l’on notera l’introduction du couple fini-infini : le repos est au mouvement ce que l’infini est au fini.
F) La synthèse sur la création
La synthèse sur la création fut l’œuvre de la scolastique médiévale. Mais auparavant, les Sentences de Pierre Lombard vont jouer un rôle non négligeable comme une sorte de mise au point faisant, pour l’Occident latin, l’effet d’un examen de synthèse de premier cycle. Comme lui, elles ne sont pas originales en leur fond, puisque, par définition, elles sont constituées d’écrits antérieurs. Mais, comme lui aussi, par leur systématisation qui elles exerceront l’influence décisive que l’on sait sur le futur, les synthèses théologiques ultérieures. Cette remarque vaut aussi pour la théologie de la création. Le Lombard en traite au livre II. Quatre points semblent essentiels.
Le premier concerne la définition de l’acte de création : c’est « faire quelque chose à partir de rien » (de nihilo aliquid facere) [7].
Le second explicite l’origine, la source de la création : seul Dieu crée, est principe de tout ce qui est et rien ne vient à l’existence sans qu’il en soit le principe. Certes, le Lombard n’ignore pas l’antique formule trinitaire selon laquelle le Père crée par le Fils dans l’Esprit-Saint, mais il insiste surtout sur leur œuvre commune dans la création, se refusant notamment à toute interprétation subordinatianiste des prépositions de la formule. Cette insistance sur l’intervention de l’essence divine plus que sur celle de la Trinité des Personnes exercera une influence sur la définition de Latran IV.
Le troisième point touche la raison d’être, la finalité de la création : la gratuité. Dieu communique l’être « par la seule bonté, non par nécessité [8] ».
Enfin, Pierre Lombard précise l’œuvre créée qu’il distribue en trois, distinction qui deviendra aussi classique : en premier lieu, les anges ; en second lieu, les créatures matérielles dont les six jours de la Genèse décrit la mise en ordre, de la matière informe jusqu’aux animaux ; en dernier lieu, l’homme auquel le Lombard s’arrête surtout.
Se trouve ainsi résumée l’essentiel de la doctrine de la création. Il ne restera plus qu’au Magistère à la définir, pour que s’élaborent les grandes synthèses théologiques du xiiie siècle qui vont préciser conceptuellement ce qu’elle est.
G) Les déclarations magistérielles sur la création
Remontons au début. Les premiers conciles ne touchent à la doctrine de la création qu’indirectement. Le Credo énoncé au Concile de Nicée (325), ce qu’on appelle traditionnellement le Symbole des Apôtres, rattache la création au Père, même si la paternité ne s’identifie pas à l’œuvre créatrice, ce qui est capital dans le contexte de lutte contre l’arianisme où il est essentiel de rappeler que la première Personne de la Sainte Trinité « se définit » d’abord dans sa relation éternelle au Fils. Se trouve aussi précisée ce qu’est la création : celle-ci regroupe tous les êtres, matériels et spirituels, visibles et invisibles, de sorte que tout dualisme est exclu. Le Credo de Constantinople (381) se contente d’ajouter au premier article de celui de Nicée la mention « du ciel et de la terre », avant l’expression « visible et invisible », ce qui est, pour la théologie de la création, de l’ordre de l’accidentel.
C’est en fait à la fin de l’âge patristique que les conciles prennent directement position sur la doctrine de la création.
Le concile œcuménique de Constantinople II (553) précise l’origine de la création en la rattachant non plus au Père ou au Fils mais à la Sainte Trinité entière, dans une formulation proche des Pères grecs, Athanase et Grégoire de Nysse : « Car il y a un seul Dieu et Père, de qui sont toutes choses, un seul Seigneur Jésus-Christ, par qui sont toutes choses, un seul Esprit Saint, en qui sont toutes choses [9] ».
Le concile œcuménique de Latran de 649 affirme de manière complémentaire que l’unique divinité est « créatrice et protectrice de toutes choses [10] », mais ne fait plus mention de l’intervention trinitaire dans l’œuvre créatrice.
Enfin, le concile œcuménique de Latran IV (1215) est le principal concile eu égard à la doctrine de la création. En effet, il eut à s’opposer à l’hérésie cathare : venue des Bogomils d’Europe centrale, la doctrine des « cathares » (en grec, les purs) s’enracine d’abord à Albi (d’où le nom impropre d’ »albigeois » donné aux cathares) et s’étend dans le sud de l’Europe occidentale, au milieu du xiie siècle. Le catharisme est une variante du dualisme manichéen : cette doctrine oppose Satan, dieu de l’Ancien Testament, origine du mal et principe du monde matériel au Dieu du Nouveau Testament, origine du bien et créateur du monde spirituel. Cette doctrine entraîne une éthique, une praxis de dépréciation du monde, du refus de l’engagement contractuel comme le mariage. Sous le pontificat d’Innocent III, Latran IV condamne l’hérésie cathare et, en positif, en profite pour définir la doctrine chrétienne de la création. Nous y retrouvons tous les points de doctrine analysés avant. Dieu, Père, Fils et Esprit-Saint est « l’unique principe de toutes choses, créateur de toutes les choses, visibles et invisibles, spirituelles et corporelles, qui par sa force toute-puissante, [qui] a tout ensemble créé de rien dès le commencement du temps l’une et l’autre créature, la spirituelle et la corporelle, c’est-à-dire les anges et le monde, puis la créature humaine, faite à la fois d’esprit et de corps. En effet, le diable et les autres démons ont été créés par Dieu bons par nature ; mais ce sont eux qui se sont rendus eux-mêmes mauvais. Quant à l’homme, c’est à l’instigation du démon qu’il a péché [11] ».
Soulignons les points de doctrine ici affirmés et définis : 1. Dieu est créateur dans l’unité de sa nature plus que dans la distinction des Personnes (toute œuvre ad extra est indivise). 2. Dieu crée tant la matière que l’esprit et l’homme qui est composé des deux. 3. La mention d’un « commencement du temps » (ab initio temporis) et du « de rien » (de nihilo) exclut l’existence d’une coéternité de la créature ; à noter que c’est la première fois qu’un concile emploie la formule de nihilo qui jouera un grand rôle dans le développement de la théologie de la création. 4. Se trouve ainsi condamné le dualisme, puisque Dieu est l’auteur des natures corporelle autant que spirituelle, et notamment le dualisme manichéen, puisqu’il est dit que l’origine du mal n’est pas la matière ni la création divine, mais la liberté de la créature, angélique ou humaine. Se trouve aussi implicitement condamné tout panthéisme par la création de nihilo.
Chapitre 8
Les philosophies de la nature au bas Moyen-Âge
« L’énigme posée par le cours du monde se résout dans la certitude de la permanence de Dieu et de son infinie puissance [12] ».
A) Introduction
Nous avons considéré en quoi consistait et comment s’est mise en place l’approche spécifique (l’objet formel en quelque sorte) de la nature caractérisant l’époque chrétienne et médiévale et nous avons vu qu’elle se condensait dans le terme création dont nous avons suivi l’évolution depuis le premier siècle (chez les Pères apostoliques) jusqu’au début du xiiie siècle (définitions conciliaires de Latran IV). Notre propos a donc été assez général : la nature est l’œuvre sage et aimante d’une Cause transcendante et libre, Dieu. Maintenant, nous allons dire quelques mots du contenu plus précis de la création, de la manière dont le Moyen-Age se représentait la nature [13]. Nous ne reprendrons pas l’histoire au début de l’ère chrétienne, car les premières élaborations d’une véritable philosophie de la nature remonte à peine quelques temps après la date où nous nous sommes arrêtés.
Auparavant, les préjugés sur le Moyen-Age étant toujours très influents, il ne sera pas inutile de le caractériser par quelques notes générales, précisément trois, avant d’évoquer les sources bibliographiques en philosophie de la nature médiévale. Le tuilage sera donc partiel.
1) La recherche passionnée de Dieu
On reproche souvent au Moyen-Age son allergie, au mieux son indifférence, en tout cas ses retards en matière scientifique. Nous verrons plus loin combien ce jugement manque non seulement de nuance mais de vérité. Mais d’entrée de jeu soulignons que la nouveauté chrétienne a mobilisé le meilleur de l’intelligence, tant, comme le disait déjà Aristote, en un mot repris par saint Thomas, en savoir peu sur Dieu vaut mieux qu’en savoir beaucoup sur les choses créées. La foi chrétienne « arrache l’homme à ses fascinations cosmologiques et à son monotone vertige, en lui révélant l’infinie profondeur de son désir d’être heureux, qui ne saurait sans la grâce parvenir à sa véritable fin [14] ».
2) Le génie de la mise en ordre
Le génie médiéval affina l’outil intellectuel qui, joint à la méthode expérimentale et à la lecture mathématique du réel, permettra l’émergence des sciences. En effet, l’un des apports propres au Moyen-Age fut la mise en ordre. Un signe parmi beaucoup : les premières répartitions de matière ne viennent-elles pas des sommes médiévales ? « Nous trouvons naturel que les œuvres majeures de la science » et de la philosophie « soient organisées selon un schème de division et de subdivision susceptible d’être condensé en une table des matières ou un sommaire où toutes les parties désignées par des chiffres ou des lettres de même rang sont sur le même plan au point de vue logique, de sorte que, par exemple, la relation de subordination qui s’établit entre la sous-section (a), la section (1), le chapitre (I) et le livre (A) est la même que celle qui existe entre la sous-section (b), la section (5), le chapitre (IV) et le livre (C). Il n’en reste pas moins que ce type d’articulation systématique était absolument inconnu jusqu’à la scolastique. Les écrits classiques étaient simplement divisés en «livres» [15] ». Un signe en est que lorsque nous devons donner une référence à un ouvrage de Platon ou d’Aristote, il nous faut nous référer non pas à leur distinction mais à celle des éditions de référence dont les pages ont été conventionnellement numérotées. Or, à partir des Sommes, on répartit la matière selon un plan d’ensemble extrêmement rigoureux qui se traduit dans une nomination très précise des parties : partes, membra, quæstiones, distinctiones, articuli, etc.
C’est ce que confirme « le plus vibrant éloge » qu’Aimé Michel estime pouvoir « adresser à Thomas d’Aquin », génie de l’ordre par excellence : la Somme de théologie reprend la forme des questions disputées, et cela beaucoup plus systématiquement que dans la Somme contre les Gentils. Or, cette structure dialectique, la disputatio, confronte les opinions, part à la recherche de la vérité, reprend le chemin emprunté par Abélard dans son célèbre Sic et non. Ainsi Thomas trouve-t-il « à la fois beaucoup de liberté et de fermeté [16] ».
3) Le transculturalisme
Pour le comprendre, reprenons la passionnante analyse que propose le médiéviste Alain de Libéra de la fin du Moyen-Age et donc de l’entrée dans la Renaissance. Pour lui, le terme du monde médiéval se caractérise par deux notes très révélatrices. D’une part, il est un refus de ce sens de l’ordre que nous venons de souligner, car la logique est identifiée aux subtilités trop raffinées de la logique scolastique. D’autre part, et voilà la troisième caractéristique que je veux maintenant souligner, ce passage à la Renaissance s’éloigne des sources arabes. Ce qui est déjà sensible au xive siècle s’accentue par la suite où, « concentré sur ses luttes intestines, l’Occident latinophone commence à couper le cordon ombilical qui le rattache à l’Orient [17] ». Cet appauvrissement du dialogue expliquerait-il en partie notre coupure actuelle et de l’Orient et notre difficulté de dialogue avec l’islam ? En tout cas, la raison de cette double rupture semble être l’illusoire recommencement sur lequel se fonde l’humanisme renaissant, à savoir « effacer la translatio studii, la recommencer de façon imaginaire [18] ». Or, la double originalité de l’Occident médiéval dans l’histoire de la philosophie tient à la place accordée à la logique et au lien avec l’arabisme. Pour Libéra, cette transculturalité caractérise la philosophie médiévale : la translatio studiorum, la transmission des études en est le principe organisateur. Elle consiste en un « mouvement de transmission et de réactivation permanentes qui, de centres en centres et de siècles en siècles, a permis à la philosophie de survivre à ses morts successives [19] ». La Renaissance ne se définit donc pas que positivement par un retour à l’hellénisme, mais négativement et réactivement. Nous en reparlerons plus bas.
4) Sources bibliographiques
Sur la philosophie de la nature et la science médiévale, on doit toujours revenir à trois auteurs décisifs, chacun appartenant à un horizon culturel européen différent, dont l’œuvre a permis de découvrir ignoré et méprisé pendant des siècles. Le premier, chronologiquement parlant et sans doute en importance, est Pierre Duhem. C’est grâce aux quinze volumes qu’il a consacrés à ce sujet, qu’on ne peut plus nier qu’il existe une cosmologie médiévale ni que la science classique n’a pas surgi du cerveau génial des scientifiques de la Renaissance et de Galilée. Deux volumes ont d’abord révélé l’existence de traités médiévaux de statique qui étaient pratiquement inconnus [20]. Puis trois tomes d’études consacrés (plus ou moins directement) à Léonard de Vinci ont précisé en quoi consistaient la cinématique et la dynamique médiévales [21]. Enfin, les dix volumes du Système du monde de Duhem reprennent pour une part les acquis antérieurs mais les amplifient ; surtout, Duhem s’attaque à la cosmologie, mais en l’insérant toujours dans la vision mécanique plus générale des auteurs, allant des Grecs jusqu’à l’aurore des Temps modernes. Tous les observateurs honnêtes reconnaissent ce travail de pionnier, souvent héroïque, que sa documentation est immense. Et on ne peut jamais se dispenser d’y revenir, quitte à corriger, voire s’opposer.
En cinq ouvrages d’immense érudition [22], Anneliese Maier, pour une part, nuancera, équilibrera certaines propositions plus unilatérales de Pierre Duhem.
Dernière figure fondatrice de la science médiévale, Marshall Clagett a réuni les textes latins majeurs de la cinématique et de la dynamique médiévales et les a traduits en anglais [23].
B) Avant 1200. Une philosophie de la nature inspirée par Platon [24]
1) Sources
« Sans accès direct au noyau dur de la science grecque, le monde occidental ne pouvait dépasser le niveau des encyclopédistes latins [25] ». Jusqu’au xiie siècle [26], les principales sources de la philosophie de la nature sont d’une part philosophique : le Timée de Platon, les Quæstiones naturales de Sénèque et l’Histoire naturelle de Pline, d’autre part, théologique, les commentaires de la Genèse (les Hexamæron) de la tradition patristique, notamment ceux de saint Augustin qui a commenté plusieurs fois la Genèse [27]. La philosophie de la nature n’emprunte guère à Aristote et encore moins à l’observation de la nature. C’est à partir de la première moitié du xiie siècle que l’on commence à percevoir l’influence des sciences grecque et arabe.
En fait, l’influence de Platon est déterminante. Un Bernard Silvestre, en plein milieu du xiie siècle, estimait dans son De mundi universitate que le Timée était l’expression la plus réussie de la cosmologie scientifique [28]. Pour tous les auteurs de ce siècle, l’univers est une merveille d’ordre et donc de beauté, révélateur des idées divines : on retrouve la conception platonicienne du Démiurge puisant dans sa contemplation du Bien la sagesse, l’harmonie qu’il dépose dans le monde matériel. Certains adhèrent même à la thèse d’une animation du monde [29].
Cette philosophie de la nature emprunte autant au platonisme qu’au néoplatonisme et au stoïcisme. On y trouve donc une physique des quatre éléments et des raisons séminales.
2) Contenu
a) Une spécificité commence à se dessiner
La découverte de la nature est « la prise de conscience qui s’effectua alors dans ces hommes du xiie siècle, qu’ils avaient affaire à une réalité extérieure, présente, intelligible, efficace, comme à une partenaire (et de fait, ils l’hypostasièrent dans leurs allégories), dont les forces et les lois appelaient composition ou conflit, au moment même où, par un choc parallèle, ils se rendaient compte qu’eux-mêmes, étaient pris dans ce jeu de la nature, qu’ils étaient eux aussi une pièce de cet univers qu’ils s’apprêtaient à dominer [30] ».
La nature commence donc à devenir une réalité profane qui pourra conduire à Dieu, mais sans la médiation de l’imagination. C’est un fait que confirme les cathédrales : « Si les imagiers des bestiaires symboliques et monstrueux sont concurrencés, aux chapiteaux des cathédrales, par les naturalistes, c’est que déjà, dans les écoles et dans la vie, les esprits ont été éveillés au réalisme de ces observations [31] ».
La cause de cette évolution n’est pas encore la science aristotélicienne et arabe, mais la prise de conscience de l’univers comme un tout.
b) Les limites
L’influence prédominante du platonisme n’est pas sans effets néfastes dans la vision de la nature. On sait par exemple l’importance de la question platonicienne de l’analogie entre microcosme et macrocosme. De même, au xiie siècle, l’explication par l’analogie, le symbole, la causalité exemplaire prédomine.
De plus, la philosophie de la nature prend plutôt l’allure d’une cosmogonie : autrement dit, on s’intéresse plus à sa genèse, à sa construction qu’à sa nature, à sa structure.
Par ailleurs, le médiéval de l’époque a un sens profond de la continuité de l’univers. Or, la vision d’un univers discontinu favorise l’autonomie d’êtres qui trouvent en eux leur dynamisme et leur intelligibilité. Le siècle suivant comprendra qu’un homme peut être en discontinuité métaphysique avec l’univers matériel tout en demeurant en continuité biologique avec lui.
Enfin, la découverte religieuse de la nature n’a pas l’équilibre qu’elle acquerra au siècle suivant. On perçoit encore l’influence du contemptus mundi. C’est ainsi que le très profane Jean de Meung parle de la nature comme de la « chambrière de Dieu ».
Un bon exemple des limites de l’interprétation platonicienne de la nature et même de la création est fourni par Abélard (mort en 1142). Le grand maître de la faculté des arts à Paris est convaincu que la Trinité fut révéle à Platon. Dès lors, reprenant la doctrine de l’âme du monde développée par le Timée, Abélard fait de l’Esprit-Saint lui-même cette anima mundi. À côté de sa procession éternelle au sein de la Trinité, l’Esprit procède temporellement dans les créatures depuis l’origine du monde [32].
Une seconde trace de son platonisme se retrouve dans la manière dont il a résolu la question de savoir pourvait faire les choses mieux qu’il ne les a faites. On se souvient que la cosmologie de Platon est constamment dictée par le principe selon lequel le Démiurge, contemplant les Idées, fabrique toute réalité de manière optimale. Christianisée, l’idée est transférée à la bonté divine : si Dieu a créé, il révèle ainsi sa bonté et il ne peut le faire qu’en créant le meilleur des mondes possibles.
Or, plus ou moins bien comprise, ces doctrines furent contredites notamment par saint Bernard de Clairvaux et condamnées aux conciles de Soissons (1121) et de Sens (1140 ou 1141). Ce fut l’occasion de réaffirmer, en creux, le point essentiel de la doctrine chrétienne de la création, à savoir l’infinie distinction entre la créature et Dieu qui crée librement [33].
3) Les différentes formes
On peut regrouper les exposés selon deux formes qui sont plutôt les deux pôles entre lesquelles l’expression discursive oscille et se situe.
Du côté biblique, on trouve les interprétations philosophiques de la Genèse. Il semble que la première soit celle que l’on attribue à Thierry de Chartres.
D’autres traités sont plus ouverts aux données scientifiques tirées des Grecs et des Arabes, tels par exemple le Philosophia mundi, le Dragmaticon et le Timaeus, triptyque que l’on doit à Guillaume de Conches, ou les Quætiones naturales d’Adélard de Bath qui marque ouvertement son mépris pour la tradition latine antérieure [34]. Une autre œuvre représentative de cette période est le De mundi universitate, sive Megacosmus et Microcosmus de Bernard Silvestre (Bernard de Tours) qui tient tout à la fois de la cosmogonie allégorique, de la métaphysique poétique et de l’exégèse. En regard, un Jean de Salisbury représente un courant plus conservateur [35].
En fait, le travail scientifique prend une réelle ampleur au xiie siècle, au point que certains ont pu parler d’une première Renaissance [36], anticipant ce qui sera proprement la Renaissance [37]. D’ailleurs, nombre de traités portent la titulature : renaissance. En effet, l’investigation rationnelle occupe une place croissante [38].
En marge, Hildegarde de Bingen
Cette abbesse bénédictine du XIIe siècle en plus de ses écrits spirituels a laissé des écrits sur la santé. Dans son œuvre prodigieuse, (elle est l’auteur de l’œuvre musicale la plus prolifique du XIIe siècle), la moniale rapporte les révélations divines dont elle fut la bénéficiaire et expose une médecine simple basée sur trois aliments : l’épeautre, la chataîgne et le fenouil.
Au début du XX e siècle, ses textes latins furent traduits en langue allemande et ses prescriptions mises en systèmes métriques par un médecin, le Dr Hertzka. L’expérimentation menée par ce catholique fervent a été prolongée par le Dr Strelhow pour de très bons résultats [39].
C) Le xiiie siècle ou l’entrée de l’Aristote physicien
À la philosophie de la nature mythique succède une philosophie de la nature dont les défaillances sont multiples, mais dont la systématisation est rigoureuse.
1) Originalité historique
À partir du milieu du xiie siècle, l’introduction (la troisième entrée) d’Aristote, la traduction en latin par Gérard de Crémone, en Espagne, à Tolède, de ses traités, notamment physiques (Physique, Du Ciel, De la génération et de la corruption, De l’âme), des œuvres des commentateurs arabes (Avicenne et Averroès) et des œuvres scientifiques, comme l’Almageste de Ptolémée, va considérablement modifier le paysage de la philosophie de la nature. Mais l’influence essentielle, cruciale sur la pensée médiévale en matière de science et de philosophie de la nature, et de loin, est non pas celle des arabes, mais celle d’Aristote [40]. Son influence bien connue en physique vaut aussi pour la médecine [41]. D’ailleurs, Aristote est entré en Occident avant même que le plus gros de ses traductions ait été engagé [42].
C’est à partir de 1220 que le Stagirite est lu en tradudction latine. On doit ce travail aux deux plus grands traducteurs du Moyen Age, Gérard de Crémone qui travaille de l’arabe au latin et Guillaume de Moerbeke qui travaille du grec au latin [43].
Pour autant, la réception ne suit pas immédiatement cette découverte [44]. Au contraire, elle fut difficile et mouvementée, et, finalement, jamais totale [45].
Celle-ci va passer du statut mythologique ou poétique au statut rigoureux de discipline philosophique à part entière. Pour cela, le Moyen-Age n’a pas beaucoup à innover : il lui suffit de reprendre les acquis d’Aristote. Il faudra toutefois se demander si l’époque médiévale a innové, au seul plan de la philosophie de la nature (et non des données expérimentales), ce que je crois [46].
Par ailleurs, le scientifique médiéval a un sens beaucoup plus aigu de la relativité et de la probabilité des hypothèses que le scientifique grec. Cela vaut pour Thomas. Il me semble que non seulement cette distinction des types de savoir est fondée dans la lettre de saint Thomas et d’Aristote, mais que la diversité de certitude épistémologique qui leur est corrélée trouve de sérieux appuis non pas dans des déclarations ex professo, mais dans des remarques très explicites jetées ici ou là. J’en donnerai différents exemples significatifs :
a) Dans le domaine céleste
Lisons saint Thomas : « On n’apporte pas une raison qui prouve d’une manière suffisante le principe ; mais, le principe étant posé d’avance, on montre que ses conséquences s’accordent avec les faits ; ainsi, en Astronomie, on pose l’hypothèse des épicycles et des excentriques, parce que, cette hypothèse faite, les apparences sensibles des mouvements célestes peuvent être sauvegardées ; mais ce n’est pas une raison suffisamment probante, car elles pourraient peut-être sauvegardées par une autre hypothèse [47] ». Et ailleurs : « Les astronomes se sont efforcés de diverses manières d’expliquer ce mouvement [des planètes]. Mais il n’est pas nécessaire que les suppositions qu’ils ont imaginées soient vraies, car peut-être que les apparences que les étoiles présentent pourraient être sauvées par quelque autre mode de mouvement encore inconnu des hommes [48] ».
b) Dans le domaine sublunaire
Il est nécessaire qu’il existe des éléments composants les corps physiques. Mais ces éléments sont-ils au nombre de quatre ? On sait que l’origine de la quadripartition est Empédocle. Pour saint Thomas, il semble que ce nombre est une hypothèse [49].
Par ailleurs, Aristote a mis en place une mécanique dont l’influence s’exercera pendant deux millénaires. Demandons à Duhem de comparer les propositions d’Aristote et celles de la physique classique : « Aristote avait formulé cette loi : une force constante produit un mouvement uniforme dont la vitesse est proportionnelle à la force qui l’engendre. Pendant près de deux mille ans, cette loi a dominé la mécanique. Aujourd’hui nous professons cette autre loi : Une force constante engendre un mouvement uniformément accéléré et l’accélération de ce mouvement est proportionnelle à la force qui sollicite le mobile. Cette loi est à la base de la dynamique moderne [50] ». Si on remplace force par cause dans la première formule, le raccourci est suggestif.
c) Dans la relation entre les deux mondes
On sait combien la distinction entre les deux mondes est tranchée chez les Grecs. Or, saint Thomas la tient comme étant une opinion d’Aristote : les corps célestes sont différents des corps terrestres en ce qu’ils sont incorruptibles ; or, leur incorruptibilité se fonde sur la constatation qu’ils ne subissent aucun changement substantiel : c’est donc que leur matière n’est pas en puissance à d’autres formes substantielles. Mais il ne s’agit que d’une constatation : « on n’a jamais observé », dit saint Thomas [51]. Et cette observation n’est pas une certitude. La conclusion est donc entaché de la même marge d’incertitude que la prémisse observationnelle.
2) Originalité doctrinale
Ce qui caractérise cette époque nouvelle, disions-nous, c’est non seulement la survenue d’Aristote et des commentaires de ses œuvres physiques, c’est l’apparition d’une philosophie de la nature proprement dite.
La philosophie de la nature apparaît parce qu’elle a désormais un sujet défini : l’être mobile, pour parler comme Thomas d’Aquin [52] ou le « corps mobile », pour parler comme Albert le Grand [53] ou Robert Kilwardby, évêque d’Oxford [54]. Aristote, notamment dans son traité des Physiques, offre un exposé complet sur le mouvement, les notions annexes (infini, espace, temps), ses espèces, ses parties, et le Premier Moteur qu’est Dieu.
Enfin, la philosophie de la nature se développe de manière autonome, hors l’influence de la théologie. « Ne ne suis en rien concerné par les miracles divins, quand je disserte des phénomènes naturels [55] ». La seule allusion chrétienne présente dans le vaste et passionnant commentaire que Thomas d’Aquin consacre aux 8 livres des Physiques du Stagirite, est la dernière phrase : « Et sic terminat Philosophus considerationem communem de rebus naturalibus, in primo principio totius naturæ, qui est super omnia Deus benedictus in sæcula. Amen [56] ». (trad. : « C’est ainsi que le Philosophe achève la considération commune sur les réalités naturelles en traitant du premier Principe de toute la nature, qui est Dieu béni par-dessus tout dans les siècles. Amen ».)
Il ne faudrait toutefois pas nier la complexité de cet aristotélisme renaissant [57]. N’imaginons pas plus un siècle homogène, souscrivant sans sourciller à l’aristotélisme. Le platonisme joue un rôle qui n’est pas néligeable [58]. Chez un Bonaventure, c’est le point de vue théologique qui prévaut [59]. On retrouve l’inspiration platonicienne, par exemple dans l’idée selon laquelle l’univers est un carmen pulcherrimum, un très beau miroir des perfections divines. Sa théorie est proche de celle de Robert Grosseteste : la lumière n’est pas une qualité, mais une forme, et la plus noble des formes [60]. Agissant sur la matière, la lumière forme les corps.
a) Apport méthodologique
L’un des grands apports de la cosmologie médiévale est méthodologique : pour grand nombre de savants de cette période, les théories astronomiques sont des hypothèses et doivent être considérées comme telles, alors que pour les Grecs, elles font figure de vérités assurées et définitives.
La cosmologie médiévale retient les principales thèses de la cosmologie antique : centralité immobile de la Terre ; finitude du monde en sa grandeur et sa durée ; perfection hiérarchisée des êtres terrestres ; Providence de Dieu gouvernant toutes choses avec sagesse et par amour.
Si l’on suit la partition cursivement ébauchée par le médiéviste Alain de Libéra, on peut distinguer trois périodes [61]. La distinction peut s’opérer à partir des sources et aussi des développements, de la nature même du discours physique. Il faudra enfin s’interroger sur l’originalité, sur l’apport du Moyen-âge à la philosophie de la nature.
– La première période est marquée par la prédominance de l’influence platonicienne, mais sans apport original.
– La seconde période est liée à l’introduction de l’Aristote physicien au xiiie siècle.
– La troisième période qui supposera un développement à part est liée aux premières critiques mécaniques décisives de l’aristotélisme avec le nominalisme du xive siècle.
b) Apport de contenu
En fait, pour être précis, les sources de ce renouveau doctrinal sont aussi à chercher dans les commentaires des Sentences, genre littéraire apparu depuis très peu. Là, les commentateurs se risquent à confronter ou à féconder mutuellement les questions théologiques et les questions de cosmologie philosophique. Voire à les affronter [62]. Par exemple, on va interroger la théorie aristotélicienne du changement pour expliquer les déplacements angéliques [63] ou l’instant précis de la transsubstantiation ; la théorie du lieu éclaircira la question de l’ubiquité divine et celle de la circonscription des espèces eucharistiques. Pour un Thomas d’Aquin, la physique aristotélicienne est une source constante d’inspiration et de précision. Par exemple, nous le verrons, c’est grâce à la théorie péripatécienne du mouvement, de la proportion intime entre moteur et mobile que Thomas proposera une interprétation originale et, à partir de lui, devenue définitive, point de départ obligé de toute herméneutique ultérieure, des dons du Saint-Esprit, dans leur différence d’avec les vertus [64]. On pourrait multiplier les exemples allant dans ce sens.
En retour, ces questionnements théologiques ont obligé à un affinement de la philosophie de la nature et, au minimum, à une élaboration expresse des notions, d’où l’intérêt manifeste des grands docteurs du xiiie siècle, pour les questions de philosophie de la nature.
3) Quelques grandes figures
Albert le Grand fut probablement le plus grand observateur de la nature, notamment vivante, au Moyen Age. Sa curiosité et son érudition forcent l’admiration. Il fut probablement le meilleur zoologiste médiéval. Son traité De animalibus montre la pertinence de ses observations [65], par exemple sur les céphalopodes [66]. à côté de l’extraordinaire De arte venandi cum avibus rédigé par l’Empereur Frédéric II, étudiant, à partir de l’observation directe, les mœurs du faucon [67], on trouve des textes d’Albert le Grand sur le même sujet [68]. En botanique [69], le traité De vegetalibus d’Albert le Grand fait tout autant autorité : c’est ce que montre par exemple la description du chêne [70]. Enfin, Albert le Grand a aussi porté son attention au monde géologique : il a rédigé un excellent traité De Mineralibus [71].
Son disciple Thomas d’Aquin [72] ne fut pas un chercheur, mais il a proposé une philosophie de la nature cohérente, très largement inspirée d’Aristote dont il a commenté avec grande attention non seulement les VIII livres de ses Physiques [73], mais bon nombre d’autres ouvrages.
4) Conclusion
En tout cas, quoi qu’il en soit des relations précises entre physique et théologie, la philosophie de la nature aristotélicienne se trouve confrontée avec un dehors. Ce n’est sans doute pas les sciences, ni l’expérience [74]. Il demeure qu’elle est mesurée par autre qu’elle. Ainsi s’ébauche les évolutions extérieures, au moins de façon très formelle et très générale.
Pascal Ide
[1] Jean-Miguel Garrigues, Maxime le Confesseur. La charité, avenir divin de l’homme, Paris, Beauchesne, 1976, première partie.
[2] Jean-Miguel Garrigues, Maxime le Confesseur. La charité, avenir divin de l’homme, Paris, Beauchesne, 1976, première partie.
[3] Hans Urs von Balthasar, Liturgie cosmique. Sommet et crise de l’image grecque du monde chez Maxime le Confesseur, coll. « Théologie » n° 11, trad. L. Lhaumet et H.-A. Prentout, Paris, Aubier-Montaigne, 1947, p. 42. Sur les multiples sources de Maxime, cf. p. 13-28. Comparativement, Jean Damascène a davantage réalisé une compilation laborieuse que tenter une synthèse à frais nouveaux.
[4] Ambigua ad Ioannem, 15, PG 91, 1217c. Cité par Philipp Gabriel Renczes, Les concepts, p. 193-194.
[5] Philipp Gabriel Renczes dit avoir compté 207 passages où les deux termes apparaissent en compagnie l’un de l’autre (Les concepts, p. 182, note 80).
[6] Cf. A. Guillaumont, Les Képhalaia gnostica d’Evagre le Pontique et l’histoire de l’origénisme chez les Grecs et chez les Syriens, coll. « Patristica Sorboniensa » n° 5, Paris, 1962, p. 105s.
[7] Les Sentences, II, 1, 2, PL 192, col. 652.
[8] Ibid., II, 1, 3, col. 653.
[9] Denzinger-Schönmetzer 421, trad. par Gervais Dumeige, La foi catholique, Paris, Ed. de l’Orante, 1975, n. 317.
[10] Denzinger-Schönmetzer 501, n. 332.
[11] Denzinger-Schönmetzer 800, n. 29.
[12] Kostas Papaioannou, La civilisation et l’art de la Grèce ancienne, Paris, Mazenod, 1972, p. 71.
[13] Edward Grant propose une bibliographie commentée, commode et abondante sur les sciences et la philosophie de la nature à l’époque médiévale dans La physique au Moyen Âge (vie et xve siècle), trad. Pierre-Antoine Fabre, coll. « Bibliothèque d’histoire des sciences », Paris, PUF, 1995, p. 119 à 138. William J. Courtenay, Covenant and Causality in Medieval Thought, coll. « Collected Studies » n° 206, London, Variorum Reprints, 1984. Ernest A. Moody, Studies in Medieval Philosophy, Science and Logic. Collected Papers 1933-1969, Los Angeles, University of California Press, 1975 ; Lambert Marie de Rijk, La philosophie au Moyen Âge, Leyde, Brill, 1985 ; Irène Rosier, La grammaire spéculative des Modistes, Lille, PUL, 1983.
Sur les sciences médiévales, cf. Charles C. Gillispie (Éd.), Dictionary of Scientific Biography, New York, Charles Scribner’s Sons, 13 tomes, 1970-1980 ; cf. l’index du vol. 13 qui renvoie à environ 400 auteurs de l’Antiquité à 1480.
[14] Pierre Magnard, Nature et histoire dans l’apologétique de Pascal, Paris, Éd. Universitaires, 1975, p. 271.
[15] Erwin Panofsky, Architecture gothique et pensée scolastique, précédé de L’abbé Suger de saint-Denis, trad. et postface de Pierre Bourdieu, coll. « Le sens commun », Paris, Minuit, 1967, p. 92-93.
[16] Conclusion de Théologiens et mystiques au Moyen Âge. La poétique de Dieu. ve-xve siècles, présentation et traduction d’Aimé Michel, coll. « Folio classique », Paris, Gallimard, 1997, p. 716.
[17] Alain de Libéra, La Philosophie médiévale, coll. « Premier cycle », Paris, p.u.f., 1993, p. 420.
[18] Ibid., p. 487.
[19] Ibid., p. 192.
[20] Pierre Duhem, Les origines de la statique, coll. « Plus de Lumière », Paris, Jacques Gabay, 2 tomes, 1905-1906.
[21] Pierre Duhem, Études sur Léonard de Vinci, ceux qu’il a lus et ceux qui l’ont lu, Paris, Hermann, 3 tomes, 1906-1913.
[22] Anneliese Maier, Studien zur Naturphilosophie der Spätscholastik, Roma, Storia e letteratura, 1949-1958, 5 tomes : Die Vorläufer Galileis im 14. Jahrhundert, 1949 ; Zwei Grundprobleme der scholastischen Naturphilosophie, 1951 ; An der Grenze von Scholastik und Naturwissenschaft, 1952 ; Metaphysische Hintergründe der spätscholastischen Naturphilosophie, 1955 ; Zwischen Philosophie und Mechanik. Studien zur Naturphilosophie der Spätscholastik, 1958. Cf. notamment, dans le tome 2, deux monographies particulièrement importantes sur l’intension et la rémission des formes ou qualités et sur la théorie de l’impetus.
[23] Marshall Clagett, Archimedes in the Middle Ages, 5 vols in 10 tomes. Madison (Wisconsin), University of Wisconsin Press, 1964; Philadelphia, American Philosophical Society, 1967–1984. À noter que sur l’astronomie médiévale, Olf Pedersen a composé un abrégé érudit et bien utile (« Astronomy », in David C. Lindberg, Science in the Middle Ages, Chicago, University of Chicago Press, 1978, p. 303-337).
[24] Sur la science dans l’Antiquité tardive et le Haut Moyen-Age, cf. David C. Lindberg, The Beginnings of Western Science. The European Scientific Tradition in Philosophical, Religious and Institutional Context. 600 BC to AD 1450, Chicago, University of Chicago Press, 1992, p. 135-159 et 183-213.
[25] Edward Grant, La physique au Moyen Age, p. 19.
[26] Cf. Bernard de Chartres, Théologie et cosmologie au XIIème siècle, coll. « Sagesses Médiévales », Paris, Belles Lettres, 2004.
[27] Sur les opinions des Pères de l’Eglise et d’autres auteurs chrétiens relativement aux questions de science naturelle, cf. Pierre Duhem, Système du monde, tome 2, p. 393-504. William A. Wallace et David S. Hadrill, The Greek Patristic View of Nature, Manchester, Manchester University Press, 1968.
[28] Etienne Gilson, « La cosmologie de Bernardus Silvestris », AHLDMA, III (1928), p. 5-24.
[29] Tel est le cas de Guillaume de Conches cf. Tullio Gregory, Anima mundi. La filosofia di Giuglielmo di Conches e la Scuola di Chartres, Firenze, Sansoni, 1955, en particulier le chap. 4 : « L’idea di natura », p. 175-246.
[30] Marie-Dominique Chenu, « La nature et l’homme. La Renaissance du xiie siècle », in La théologie au xiie siècle, coll. « Études de philosophie médiévale » n° xlv, Paris, Vrin, 1957, 21966, p. 19-51, ici p. 21-22. Selon l’auteur, il faut critiquer la notion historique de Renaissance, car celle-ci commence dès le Moyen-âge.
[31] Ibid., p. 25.
[32] Cf. Abélard, Théologie chrétienne, IV, 149, Corpus Christianorum Continuatio Mediaevalis, Turnhout, Brepols, 11, p. 339.
[33] Denzinger-Schönmetzer 721-739.
[34] Dodi Venechidi (Uncle and Nephew), the Work of Berachya Hanadan […] to which is Added the First English Translation from the Latin of Adelard de Bath’s Quæstiones Naturales, Éd. Hermann Gollancz, Londres, 1920.
[35] Metalogicon, trad. Daniel D. McGarry, Berkeley, University of California Press, 1955.
[36] Cf. Charles L. Haskins, 1927. Charles R. Young (Éd.), The Twelfth Century Renaissance, New York, 1969 pour les textes.
[37] Sur la comparaison entre les deux renaissances, cf. Warren C. Hollister (Éd.), The Twelfth Century Renaissance, New York, 1969.
[38] Cf. Tina Stiefel, The Intellectual Revolution in Twelfth Century Europe, New York, St. Martin’s Press, 1985.
[39] Les jardins d’Hildegarde, www.lesjardinsdhildegarde.com proposent avec les foyers de charité des sessions pour mieux connaître la médication d’Hildegarde.
[40] Pour l’essentiel sur les traducteurs et les traductions d’Aristote, cf. Bernard G. Dod, « Aristoteles latinus », in Norman Kretzman et al., The Cambridge History of Later Medieval Philosophy, Cambridge University Press, 1982, p. 45-79. Un signe de l’importance d’Aristote médiéval en est les nombreuses éd. et trad. des éditions des traductions latines de ses œuvres et de celles de ses commentateurs, grecs (cf. ci-dessus pour Philipon et Simplicius) et arabes.
[41] Cf. Alexandre Birkenmajer, « Le rôle joué par les médecins et les naturalistes dans la réception d’Aristote aux xiie et xiiie siècles », in La Pologne au vie Congrès international des sciences historiques, Oslo, 1928, Varsovie, 1930.
[42] Cf. Richard Lemay, Abu Ma’shar and Latin Aristotelianisme in the Twelfth Century. The Recovery of Aristotle’s Natural Philosophy Thouragh Arabic Astrology, Beyrouth, 1962.
[43] Pour la liste de leurs traductions, cf. Edward Grant (Éd.), A Source Book in Medieval Science, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1974, p. 35-38 et 39-41. Cf. aussi Alistair Cameron Crombie, Augustine to Galileo, London, Falcon Educational Books, 1952, devenu Medieval and Early Modern Science, New York, Doubleday, 2 vol., 1959, tome 1, p. 37-47.
[44] Cf. Pierre Duhem, Le système du monde, tome 5, surtout les chap. 8 à 13, p. 233-580. cf. aussi Fernand van Steenberghen, Aristotle in the West the Origins of Latin Aristotelianism, Louvain Nauwelaerts, 21970.
[45] Sur les réactions provoquées par la philosophie aristotélicienne, cf. les ouvrages classiques d’histoire de la philosophie médiévale, cf. Etienne Gilson, Francis Copleston, Histoire de la philosophie, Casterman, 1953-1957, tomes 2 et 3. Cf. aussi le bref exposé de Julius Weinberg, A Short History of Medieval Philosophy, Princeton University Press, 1965.
[46] A noter en passant, l’importance d’une physique et d’une métaphysique de la lumière, au début du xiiie siècle. Cela demanderait à être interprété. Et cela n’est pas sans intérêt pour notre siècle si interrogée par l’expérience de la lumière. Je renvoie à ce qui sera dit dans le chapitre sur la lumière.
[47] S. Thomas d’Aquin, ST, Ia, q. 32, a. 1, ad 2um.
[48] Id., In Aristotelis libros De cœlo et mundo expositio, L. II, l. 17, n. 2. Saint Thomas reprend donc la formule que Duhem a rendu célèbre, le « sauver les apparences » « Licet enim talibus suppositionibus factis apparentia salvarentur, non tamen opportet dicere hos suppositiones esse veras ». (Turin, Marietti, 1952, n° 451) On peut aussi y joindre un autre célèbre passage toujours cité De Cœlo, L. I, l. 3, n. 7 (n° 28).
[49] In octo libros Physicorum expositio, Turin, Marietti, 1954, L. I, l. 2, n° 13.
[50] Pierre Duhem, « De l’accélération produite par une force constante », in Congrès international de Philosophie, IIe Session, Genève, 1905, p. 859.
[51] Cf. ST, Ia, q. 66, a. 2.
[52] Nous l’avons longuement vu. Cf. surtout In Phys., L. I, l. 1, n. 4.
[53] Physica, I, i, 3.
[54] De ortu scientiarum, V.
[55] Albert le Grand, De gen. et corr., I, i, 22. Il en est de même de Siger de Brabant et de Jean de Jandun.
[56] In Phys., L. VIII, l. 23, n. 1172, Éd. P. M. Maggiolo, Turin, Rome, Marietti, 1965, p. 628. C’est moi qui souligne.
[57] Cf. Charles B. Schmitt, Aristote et la Renaissance, trad. Lucien Giard, Paris, PUF, 1992 ; Dominick A. Iorio, The Aristotelians of Renaissance Italy. À Philosophical Exposition, Lewiston, New York, Edwin Mellen Press, 1991.
[58] Raymond Klibansky, The Continuity of the Platonic Tradition, Londres, 1939 et 1940. Cf. aussi Henri-Dominique Saffrey, Rercherches sur la tradition platonicienne au Moyen Age et à la Renaissance, Paris, Vrin, 1987 ; Tullio Gregory, « Le platonisme du xiie siècle », in Revue des sciences philosophiques et théologiques, 71, 1987, p. 243-259.
[59] Cf. par exemple Etienne Gilson, La philosophie de saint Bonaventure, coll. « Bibliothèque de philosophie médiévale », Paris, Vrin, 21953, p. 222-235.
[60] Cf. James McEvoy, The Philosophy of Robert Grosseteste, Oxford, 1982.
[61] Alain de Libéra, La philosophie médiévale, coll. « Que sais-je ? » n° 1044, Paris, PUF, 1989, p. 53-68.
[62] Mais je ne suis nullement d’accord, du moins eu égard à Thomas d’Aquin, avec l’affirmation polémique de Libéra selon laquelle « sous la pression des problèmes, on y voit se construire des modélisations du mouvement affrontant la possibilité de suspendre quelques-uns des principes les mieux assurés de la physique, de la logique et de l’ontologie aristotéliciennes », et de citer les principes du tiers-exclus et de contradiction une théorie « contradictoire du changement » est ainsi soutenue par Henri de Gand (Quodl., XV, q. 13) et divers autres au xive siècle (Alain de Libéra, La philosophie médiévale, p. 59).
[63] Cf. ST, Ia, q. 52s.
[64] Cf. ST, Ia-IIae, q. 68, a. 2.
[65] On commence à s’y intéresser de plus en plus Heinrich Balss, Albertus Magnus als Biologe, Stuttgart, 1947. On dispose d’une traduction anglaise des livres 22 à 26 par James Scanlan Albert le Grand, Man and the Beasts, De Animalibus (Books 22-26), Binghampton, New York, Medieval and Renaissance Textes and Studies, 1987.
[66] Mia I. Gerhardt, « Knowdlege in Decline Ancient and Medieval Information on Ink-Fishes and their Habits », in Vivarium, 4, 1966, p. 144-175.
[67] Frédéric II Hohenstaufen, The Art of Falcony being the De arte venandi cum avibus of Frederic II of Hohenstaufen, trad. Casey A. Wood et Marjorie Fyfe, Stanford University Press, 1943.
[68] Robin S. Oggins, « Albertus MAgnus on Falcons and Hawks », in James A. Weisheipl (éd.), Albertus Magnus and the Sciences. Commemorative Essays 1980, Toronto, Pontifical Institute of Medieval Studies, 1980, p. 441-462.
[69] Sur la botanique médiévale, on peut toujours se référer aux ouvrages anciens mais valables d’Hermann Fischer, Mitteralterliche Pflanzenkunde, Munich, 1929, réimpr. Hidelsheim, Olms, 1967 et d’Agnes Arber, Herbals their Origin and Evolution, Cambridge University Press, 11912, 31986.
[70] Ce passage est traduit en anglais par Edward A. Grant (éd.), A Source Book in Medieval Science, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1974, p. 689-700.
[71] Trad. anglaise, 1967. Sur sa minéralogie, cf. James A. Mulholand et John M. Riddle, « Albert on Stones and Minerals », in James A. Weisheipl (éd.), Albertus Magnus and the Sciences, p. 203-234.
[72] Bibliographie secondaire sur la philosophie de la nature chez saint Thomas d’Aquin et son actualisation
– Jean-Marie Aubert, Philosophie de la nature. Propédeutique à la vision chrétienne du monde, coll. « cours de philosophie thomiste », Paris, Beauchesne, 1969. Bonne bibliographie ; « Le monde physique en tant que totalité et la causalité universelle selon Saint Thomas d’Aquin », in Léo Elders (éd.), Studi Tomistici, n° 18, La philosophie de la nature de saint Thomas, Actes du symposium sur la pensée de Saint Thomas tenu à Rolduc, les 7 et 8 novembre 1981, Libreria Editrice Vaticana, p. 82-106. Bibliographie in situ.
– Ingemar Düring (éd.), Naturphilosophie bei Aristoteles und Theophrast. Verhandlungen des 4. Symposium Aristotelicum veranstaltet in Göteborg, en août 1966, Heidelberg, Stiehm, 1969.
– Albert Zimmermann (éd.), Thomas von Aquin. Werk und Wirking im Licht neuerer Forschungen, coll. “Miscellanea Mediaevalia” n° 19, Berlin, De Gruyter, 1988. Contient un certain nombre d’articles sur la cosmologie philosophique de Thomas : Klaus Bernath, “Thomas von Aquin und die Erde”, p. 175-191 ; Christian Hünemörder, “Thomas von Aquin und die Tierre”, p. 192-210 ; Hans-Joachim Werner, “Vom Umgang mit den Geschöpfen – welches ist die ethische Einschätzung des Tieres bei Thomas von Aquin?”, p. 211-232 ; Mark D.Jordan, “Medicine and natural philosophy in Aquinas”, p. 233-246 ; Eugenia Paschetto, “ La natura del moto in base al De motu cordis di S. Tommaso”, p. 247-260.
– Léo Elders (éd.), La philosophie de la nature de saint Thomas d’Aquin, Cité du Vatican, 1982.
– Id., La philosophie de la nature de saint Thomas d’Aquin. Philosophie générale de la nature, cosmologie, Philosophie du vivant, Anthropologie philosophique, « Croire et savoir » n° 19, Paris, Téqui, 1994.
– Georg P. Klubertanz, « The Doctrine of St. Thomas and Modern Science », Sapientia Aquinatis. Communicationes congressus thomistici internationalis, Romae, Officium Libri Catholici, 1955, p. 89-106.
– Joseph Legrand, L’univers et l’homme dans la philosophie de saint Thomas, 2 vol. I. L’univers. II. L’homme dans l’univers, coll. « Museum Lessianum », section philosophique, n° 27-28, Bruxelles, L’édition universelle et Paris, DDB, 1946. Ouvrage important, mais un peu court en astronomie.
– Joseph de Tonquédec, Questions de cosmologie et de physique chez Aristote et s. Thomas, Paris, Vrin, 1950.
[73] Sur la connexion des deux premiers livres des Physiques chez Aristote, ad mentem Thomae, cf. l’intéressant article de Celestin Taylor, « The Relation Between Book I and II of the Physics », in Laval Théologique et Philosophique, VII/1, 1951, p. 150-158.
[74] Il faudrait beaucoup nuancer une telle assertion qui ne respecte pas toutes les fines analyses des maîtres médiévaux. On songe à la réflexion de Thomas relativisant le modèle ptolémaïque (cf. cours d’épistémologie).