Jacques Fantino (éd.), Science et foi : un lexique, coll. « Initiations », Paris, Le Cerf, 2008.
L’on ne peut que se réjouir de ce qu’un spécialiste du dialogue science-foi offre un ouvrage sur le sujet qui soit à la fois bref et thématique.
Un tel dictionnaire est un défi. Il est donc normal que sa brièveté et les nécessaires choix qu’elle contraint ne puisse satisfaire tous les lecteurs.
En revanche, plusieurs points interrogent. Le premier est plus que méthodologique : la faiblesse philosophique de l’ouvrage. En effet, un discours sur Dieu ne peut se passer de ce que, d’une manière heureusement blondélienne, un philosophe qui est aussi un physicien, Dominique Lambert, appelle médiation philosophique [1]. Or, si nombreuses sont les entrées philosophiques, elles sont beaucoup plus historiques que doctrinales. Il est par exemple frappant que si l’on trouve les entrées « Cause », « Evolution », « Hasard », « Nature », « Vide », il n’y en ait pas pour « Espace » et « Temps ». D’ailleurs, ces entrées doctrinales sont elles-mêmes faibles. C’est ainsi que la définition du hasard est seulement subjective et ne soupçonne même pas une autre approche possible, objective (le hasard comme cause par accident ou coïncidence de séries causales), au moins pour la récuser : « il qualifie une action un processus dont le résultat ne peut être prévu à l’avance [2] ».
Un autre point pose problème, car il relève de l’option, voire de l’idéologie. On ne trouve rien aux entrées « fin » ou « finalité ». En revanche, nous lisons sous l’item « Principe anthropique » : « L’argument a été repris dans l’apologétique marquée par un certain esprit concordiste, pour discerner une finalité immanente aux transformations de l’univers et ainsi reconnaître une intelligence suprême au principe de l’univers. Son projet présiderait à la détermination de la valeur des constantes fondamentales de manière que l’humanité puisse apparaître. Cet argument est récusé par les cosmologistes qui le considèrent comme superflu dans leur science. Il est récusé par les philosophes qui y voient une pétition de principe et aussi par nombre de théologiens, soucieux d’éviter tout concordisme [3] ». Plus d’objectivité et moins d’interprétation eussent été souhaitables.
Enfin, même l’exposé théologique est faible, voire discutable. Par exemple, sur la foi [4]. Elle est d’emblée présentée sans nulle référence à la dimension véritative : « Pour les chrétiens, la foi est une relation personnelle à un Dieu personnel ». Passons l’expression malheureuse « Dieu personnel ». Ensuite, la « dimension intellectuelle » est rappelée, mais de la manière suivante : « Parce qu’elle possède une dimension intellectuelle, la foi porte une certaine vision du monde ». Mais il n’est pas parlé du contenu objectif, ni de la norme de la foi, ni de la vérité, etc. Il est au contraire pris l’exemple de Gn 1, pour dire : « si le premier chapitre du livre de la Genèse développe un message théologique monothéiste toujours actuel, il le fait en recourant aux connaissances du temps de son rédacteur ; celles-ci s’accordent avec les observations à l’œil nu du ciel et de la terre, mais plus avec les découvertes de la cosmologie, de la biologie ou de l’anthropologie contemporaines. Il convient alors de distinguer les deux plans de la vérité, celui de la foi et celui de la science. Si la foi n’est donc pas l’ennemie de la raison, elle n’a pas à imposer sa loi à la raison ; les conflits proviennent de la prétention à être propriétaire de son savoir de manière totalisante. Science et foi doivent au contraire collaborer pour dénoncer tout totalitarisme ». La proposition est dualiste et place science et foi au même plan, sans hiérarchie. Enfin, il est dit qu’« elle est faite de convictions et de doutes »…
Pascal Ide
[1] Cf. Dominique Lambert, Sciences et théologie. Les figures d’un dialogue, coll. « Donner raison » n° 4, Bruxelles, Lessius, coll. « Connaître et croire », Namur, Presses Universitaires de Namur, 1999.
[2] Art. « Hasard », p. 77.
[3] Art. « Principe anthropique », 118.
[4] Art. « Foi », Ibid., p. 67-69.