Comment accueillons-nous les cadeaux ? (TU, 31e dimanche du TO, 30 octobre 2022)

Une vieille dame avait trois fils qui l’aimaient beaucoup. À l’approche de ses quatre-vingt ans, ils décidèrent chacun de lui faire un beau cadeau pour lui dire toute leur reconnaissance et leur piété filiale. Voyant que sa mère avait toujours eu une petite voiture qui marchait vaille que vaille, le premier lui offrit une Mercedes. Constatant qu’elle vivait depuis des années dans un modeste deux pièces, le deuxième lui acheta un grand pavillon. Sachant que sa mère était profondément croyante et qu’elle entendait de plus en plus mal, le troisième eut l’idée suivante : on lui avait parlé d’une espèce de perroquet qui est capable de retenir toutes les paroles qu’il entend. Il acheta donc cette espèce rare de perroquet et demanda à un monastère de le garder quelque temps au chœur pour qu’il puisse bien apprendre la Parole de Dieu.

Le jour de l’anniversaire, les trois fils offrirent à leur mère le cadeau qu’ils avaient choisi. Quelque temps après, soucieux de savoir s’il lui convenait, ils vinrent la trouver. Le premier s’étonna de voir qu’elle continuait de rouler dans son ancienne voiture : « Merci pour la Mercédes, mais, tu sais, c’est une trop grosse voiture pour mon âge ». Le deuxième fut tout autant surpris de voir qu’elle ne vivait que dans deux pièces de la maison : « Merci pour cette vaste demeure, mais, tu sais, elle m’oblige à faire trop de ménage ». La mère se tourna alors vers le troisième : « Ton cadeau, en revanche, était exactement ce qui me plaît. Tu as vraiment compris quels sont mes goûts. Qu’il était bon ce poulet ! »…

Il est vrai que certains dons ne nous conviennent pas. Mais nous pouvons aussi bouder les cadeaux que Dieu nous fait et qui, eux, nous sont toujours adaptés. Zachée, lui, a su accueillir le don que Jésus lui faisait à la mesure même de ce don : rien moins que lui-même ! Don d’autant plus étonnant que, selon les conceptions en vigueur à l’époque en Israël, Zachée le publicain était considéré comme un pécheur public. Non seulement il manipulait de l’argent considéré impur en raison de sa provenance de personnes extérieures au peuple de Dieu, mais il collaborait avec une autorité étrangère odieusement avide, dont les impôts pouvaient également être déterminés de manière arbitraire. C’est pour ces motifs que, plus d’une fois, les Évangiles osent apparier « publicains et pécheurs » (Mt 9,10 ; Lc 15,1), « publicains et prostituées » (Mt 21,31) et les associent aux « voleurs, injustes, adultères » (Lc 18,11). Pire encore, Zachée était le « chef des collecteurs d’impôts et […] riche » (Lc 19,2). En acceptant de venir chez lui, Jésus montre qu’il « n’exclut personne de son amitié ». C’est ce qu’il avait déjà montré quand il était venu dans la maison d’un autre publicain dont la fréquentation semble si peu recommandable, Matthieu-Lévi. Il avait alors fait cette déclaration importante : « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. Je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs » (Mc 2,17). Et tel est le cœur de cette bonne annonce qu’est l’Évangile : Dieu offre sa grâce au pécheur ! « Dans la figure de Zachée, les Évangiles nous proposent donc un véritable paradoxe : celui qui est apparemment le plus éloigné de la sainteté peut devenir un modèle d’accueil de la miséricorde de Dieu » (Benoît XVI, Audience générale, mercredi 30 août 2006).

Mais cet évangile montre autre chose, pour nous qui méditons cette année sur la sollicitude de l’autre. Nous pourrions entendre cette injonction de Jésus : « Prends soin de ton frère » de manière volontariste ou moralisante. Mettons-nous une nouvelle fois à l’écoute du pape allemand. Il ne s’agit pas d’abord d’obéir à un commandement, mais de répondre à un amour qui nous a transformés – et tel devrait être l’effet d’un cadeau. Aimer à notre tour, parce que nous avons fait l’expérience d’être aimés. C’est ce que reflète « le récit évangélique concernant Zachée. Après avoir accueilli Jésus dans sa maison, le publicain se retrouve complètement transformé : il décide de donner la moitié de ses biens aux pauvres et de rendre le quadruple à ceux qu’il avait volés. La tension morale qui naît de l’accueil de Jésus dans notre vie découle de la gratitude provenant de l’expérience de la proximité du Seigneur, sans aucun mérite de notre part » (Exhortation apostolique post-synodale Sacramentum caritatis sur l’Eucharistie, source et sommet de la vie et de la mission de l’Église, 22 février 2007, n. 82, § 2).

Pascal Ide

30.10.2022
 

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