Comme un oisillon tombé du nid (Billet du 21 avril 2020)

À Rome, les journées ensoleillées sont nombreuses et invitent à laisser les fenêtres ouvertes. Un jour que je rentrais dans ma chambre, j’entendis un étrange frôlement derrière mon bureau. Intrigué, je me penchais et vis une jeune tourterelle, qui, m’ayant entendu, se blotissait craintivement dans un recoin. Probablement tombée de son nid et, par la fenêtre entrebâillée, dans ma chambre, elle était encore trop jeune pour voler de ses propres ailes. Je m’approchais pour la prendre dans mes mains. Mais, pris de panique, l’oisillon se recroquevilla tout en battant frénétiquement des ailes.

Que faire ? Le laisser là, c’était le vouer à la mort. M’approcher, c’était le faire mourir… de peur.

Ce jour-là, je compris quelque chose du « drame » peut-être le plus intime de Dieu. Le drame de l’incroyant est qu’il se nourrit d’une fausse représentation de Dieu. Il est athée d’un Dieu dont je suis moi-même athée. Ce Dieu aliénant, indifférent, impuissant, comme supporterait-il qu’il s’approche de lui ? Mais Dieu vit aussi un drame qui le déchire intimement : s’éloigner de nous, c’est nous perdre ; s’approcher de nous, c’est courir le risque de nous révolter ou de nous fermer, et donc aussi nous perdre.

Jésus ne brûle pas d’un plus ardent désir que de venir chercher la brebis perdue, descendre dans le sombre ravin de nos morts, la prendre sur ses épaules et prendre soin d’elle. Pourtant, bien des raisons retardent cette venue miséricordieuse : de la honte liée à la culpabilité (c’est de ma faute si je suis tombé du nid) à l’orgueil de l’indépendance (seul j’ai chuté, seul je me relèverai), en passant par les mensonges de l’Ennemi (si Dieu te prend dans sa main, il ne te lâchera plus, il te conduira où il veut et t’écrabouillera).

Il n’y a qu’une seule solution : pour Dieu, s’approcher le plus doucement possible et, si nous hurlons « non », attendre, en retrait, tout en nous enveloppant de son regard d’amour infiniment patient ; de notre côté, faire confiance, inconditionnellement.

C’est aussi ce que m’a appris l’oisillon : m’approcher à pas… de colombe, faire de mes mains un nid, le redéposer dans le sien. Et se réjouir de son pépiement qui est sa manière de rendre grâces.

« Mon Dieu, j’ai confiance en Toi ».

Pascal Ide

21.4.2020
 

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