Quand j’apprends la nouvelle de la mort de notre cher Saint-Père, alors que suis loin du monde et, heureusement, loin du brouhaha des médias, montent en moi trois mots qui sont trois paroles de gratitude.
La joie. La date du dies natalis (la naissance au Ciel) des derniers papes est significative de leur pontificat, comme une signature divine de l’accomplissement de leur mission terrestre. Il n’est que de penser à saint Jean-Paul II, mort les premières vêpres du dimanche de la miséricorde divine par lui institué, qui étaient aussi le jour où nous faisons mémoire de Marie à laquelle il était totus tuus. Ou de saint Paul VI, qui, mort le jour de la fête de la Transfiguration, avait placé au cœur du dernier Concile et de son pontificat, l’homme dans son unique destinée qui est surnaturelle, c’est-à-dire divine, donc, Dieu lui-même. Qui ne sait que le pape François à l’allégresse roborative et communicative, jusque dans l’adversité, avait placé presque tous ses actes magistériels sous le signe de la joie ; or, il nous est enlevé dans cette semaine où, en carillonnant les Alléluia, toute la liturgie célèbre la joie pascale.
La miséricorde. Dans la continuité profonde avec ses deux prédécesseurs, Jean-Paul II qui contemplait le Christ Rédempteur de l’homme et Révélateur du Père riche en miséricorde, et Benoît XVI qui, dans son encyclique programmatique, recentrait notre regard sur « Dieu amour » (1 Jn 4,8.16), Jorge Maria Bergoglio choisissait comme devise pontificale : « miserando atque eligendo : bénéficiaire de la miséricorde [ce qui est plus que pardonné ] et choisi ». Mais, comme il se doit, cette continuité n’est pas allée sans quelque réforme qui n’a pas réjoui tout le monde et quelques actes forts qui ont marqué profondément les esprits et les cœurs, comme ces trois encycliques dont la première, Laudato si, élargit notre compassion aux dimensions de la Terre, la deuxième, Fratelli tutti, l’approfondit jusqu’à embrasser tout homme et la troisième, Dilexit nos, l’approfondit jusqu’à la racine qui est la miséricorde même du Cœur de Jésus.
Le don. Ce que le pape François dit, il le vit. Qui, hier, n’a pas été bouleversé, lors de la bénédiction Urbi et Orbi, par la présence du Saint-Père dont nous mesurons maintenant combien il était exténué à l’excès et qui, en se montrant à nous, s’est donné jusqu’au dernier moment et jusqu’au dernier souffle, à l’image même de Celui dont il était le Vicaire et qui nous a aimés « jusqu’à l’extrême » (Jn 13,1) ? Ce faisant, il a scellé un pontificat dont les dernières années ont été marquées par une offrande et un abandon sans cesse croissants.
Ne nous le cachons pas. Les prochains jours et les prochaines semaines, les médias vont multiplier leur diagnostic sur le passé et leur pronostic sur l’avenir. Ceux-ci, projetant souvent sur l’Église une inadéquate grille politique droite-gauche, traditionnalisme-progressisme, ne feront que révéler leurs craintes ou leurs espoirs. Nous, catholiques, nous croyons, de foi théologale, que « l’Église a les promesses de la vie éternelle », que Jésus a prié expressément, au seuil de sa Passion, pour que la foi de Pierre et de ses successeurs « ne défaille pas ».
Nous observons aussi, ce qui nourrit fortement notre espérance, que, comme les premiers siècles, les deux derniers siècles nous ont donné de nombreux saints papes. Comment, en ces temps de crise majeure, Dieu pourrait-il ne pas continuer à prendre soin de la barque de Pierre ? Alors, oui, comme il y a eu un Concile des médias, il y aura un Conclave des médias ! Nous pourrions à ce sujet relire les pages énergiques et lucides du père Louis Bouyer au seuil d’un ouvrage qui, rédigé voici plus d’un demi-siècle, n’a pas perdu son actualité : La décomposition du catholicisme [1]. Gardons fermes la sobriété dans l’information, le souci de l’unité et la paix de l’espérance.
Pascal Ide
[1] J’en parlerai très prochainement sur le site.