La force du pardon selon André Dupleix

« Le bien-fondé de la réconciliation est évident pour toute conscience croyante mais il n’empêche que certains pardons sont considérés comme humainement impossible, au moins à court terme. Lorsque les blessures sont trop graves ou trop douloureuses, lorsque l’état de violence se poursuit et que la haine destructrice est maintenue, lorsque de situations de provocation ou de scandale sont consciemment entretenues, est-il vraiment envisageable de faire une démarche de réconciliation ? La réponse est sans ambiguïté malgré son exigence : oui [1] ».

 

Le prêtre bayonnais, théologien et recteur honoraire de l’Institut catholique de Toulouse explique :

 

« La véritable conviction chrétienne, l’attitude de foi, doivent affronter directement les pires conditions de violence et de mort, en référence au comportement même de Jésus et à sa mort sur la croix. Sachons nous rappeler ici le témoignage de tant de martyrs qui, sur les lieux mêmes de leur épreuve et de leur mort, ont su pardonner à leurs persécuteurs [2] ».

 

Cette affirmation suscite une difficulté que le Père Dupleix a le courage de la poser dans toute son acuité :

 

« Un tel choix peut-il être exigé de chacun à tout moment ? Ne faut-il pas d’abord commencer par respecter la souffrance et le désarroi de l’autre ? Peut-on parler de pardon et de réconciliation à des êtres brisés par les événements et ont momentanément perdu tout repère humain, moral ou spirituel ? Une mère peut-elle pardonner à l’assassin de son enfant [3] ? »

 

La réponse part de l’enseignement des faits : « En chacun de ces cas, des faits vécus nous ont montré que cela pouvait se faire. Il faut toutefois noter que dans les cas en question la source du pardon fut, chaque fois, d’origine spirituelle ». Par exemple, « lorsqu’en 1983 des parents, en plein tribunal, déclarèrent au nom de leur foi chrétienne qu’ils pardonnaient à celui qui venait de tuer leur fille, pareille décision non seulement étonna l’opinion publique mais fit réfléchir plus d’un sur la possibilité, même exceptionnelle, de conformer les actes aux convictions [4] ».

Enfin posons deux questions :

 

« Doit-on tout pardonner ? Oui, en raison de possibilités secrètes mais réelles de changement qu’il y a en chacun. En raison de la grâce de Dieu qui peut toucher dans l’invisible jusqu’aux plus éloignés.

« Peut-on toujours tout pardonner ? Non. Le pardon, pour aussi souhaitable qu’il soit, n’est pas toujours réalisable dans l’instant. Il peut cependant être envisagé comme un horizon possible fût-ce à long terme [5] ».

Pascal Ide

[1] André Dupleix, La force du pardon, Paris, Nouvelle Cité, 1990, p. 122 et 123.

[2] Ibid., p. 123.

[3] Ibid., p. 123.

[4] Ibid., p. 124.

[5] Ibid., p. 125.

7.2.2025
 

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