Prenez place (Éditorial, Permanences, mars 2002)

« La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant », dit saint Irénée de Lyon. Autrement dit l’homme debout. Le chrétien, particulièrement le jeune, est appelé à prendre aujourd’hui toute sa place, dans notre société, dans le monde. A occuper les trois directions de l’espace. Réellement et symboliquement.

  1. Marcher résolument de l’avant, tel le Christ (cf. Lc 4,30 ; 9,51). Autrement dit, décider, « lever son petit pied », comme disait sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus : pour signifier sa décision de recevoir l’ordination, le candidat au sacerdoce avance d’un pas. Et d’abord se décider pour le Christ, dans l’Église pour qui il s’est livré (cf. Ga 2,20). Si, pendant de nombreuses générations, la foi chrétienne allait de soi, aujourd’hui, on ne peut pas être chrétien sans le choisir.

S’avancer, c’est aussi s’ouvrir, sans peur, à l’avenir. Le christianisme est jeune. Un seul chiffre : en Asie, seulement 3 % de la population est baptisée. Multiples sont les défis que le chrétien peut relever : le dialogue avec la culture ; la rencontre avec l’Islam, dont le mardi noir nous rappelle l’urgence ; le dialogue avec la culture ; l’évangélisation de l’imaginaire (quel sera Le Seigneur des anneaux du xxie siècle ?) ; etc. Multiples aussi sont les chemins : par exemple le Saint-Père a voulu qu’à côté de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples (tournée vers la mission), il y ait un Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux (tourné vers le dialogue).

Mais nos pas ne créent pas le chemin. Nous sommes précédés. Le chrétien entrelace Tradition et créativité, dans l’Esprit-Saint : un arbre sans racine ne porte pas de fruits.

  1. Mon corps répartit l’espace entre droite et gauche. Le chrétien accueille toute vérité, d’où qu’elle vienne : « Quand quelqu’un te parle, ne tiens pas compte de la personne, mais confie à ta mémoire ce qui se dit de bien », conseillait saint Thomas d’Aquin. Mais un tel accueil suppose d’abord que l’on soit soi-même. S’ouvrir au vrai demande donc que l’on se forme : à l’école du réel, de l’Écriture, des Saints ; et la formation est permanente.

Occuper l’espace, c’est aussi étendre ses bras des deux côtés. Ouvrir ses bras, c’est accueillir autrui. Les laisser ouverts, c’est se refuser à l’étouffer. En s’ouvrant, nos bras dessinent aussi la droite et la gauche. Ces deux termes présentent aujourd’hui une résonance politique – et nos évêques nous ont rappelé récemment l’importance d’un engagement dans ce domaine. Ils ont aussi une autre portée symbolique : si la droite signe la force, la gauche souligne souvent la faiblesse. Le chrétien est un homme qui ne se résoudra jamais à ce que le plus petit, à ce qu’un seul démuni soit laissé sur le bord du chemin. Car il y voit Jésus lui-même.

  1. Animal vertical, l’homme est à la jointure entre la terre et le ciel. Le disciple de Jésus garde la tête au ciel et les pieds sur terre. Contemplactif, il se refuse tant au spiritualisme qu’à l’activisme. Mais il y a un ordre : « Une chevelure se coiffe en commençant par en haut », disait Pascal. Sans prière, notre action peut être efficace, elle ne sera jamais féconde. Quand votre cœur s’attriste, demandez-vous si est assez vive votre conscience du « don de Dieu » (Jn 4,7) : car vous ne donnerez gratuitement que si vous avez reçu gratuitement (cf. Mt 10,8). Quand votre cœur est crucifié par la violence injuste, avant de pardonner, réjouissez-vous du pardon qui ne cesse de vous être offert (cf. Mt 18,23-35).

Je n’ai cité que le début de la phrase de saint Irénée. Elle se termine ainsi : « La vie de l’homme, c’est la vision de Dieu. »

Pascal Ide

10.10.2024
 

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