Chacune des révolutions techniques qui a bousculé et fait basculer l’humanité s’est soldée par une perte de la mémoire : l’écriture et l’imprimerie. Avec la troisième grande révolution technologique, l’informatique (ou, plus généralement, les TIC, les techniques de l’information et de la communication, ce qui sonne comme une redondance), le prix à payer n’est plus seulement l’amputation de la réminiscence que l’on députe à cette prothèse encore beaucoup plus performante que le livre, mais celle d’une autre compétence tout aussi fondamentale : l’invention, donc l’imagination.
Une étude de Julia Cagé et de son équipe a montré que 64 % des contenus publiés sur Internet sont copiés (et non pas seulement inspirés !) d’un autre média… Pour l’établir, les chercheurs ont procédé à partir d’un corpus issu des médias collecté par l’INA, sélectionné les événements et utilisé un logiiel de détection des plagiats [1]. Résultat : largement plus de la moitié des textes partagés proviennent d’un copier-coller. Or, le même s’oppose à l’autre, au nouveau. Donc, c’est rien moins que cette créativité que menace non pas le numérique, mais le mésusage du numérique.
Il est urgent de faire rimer digital et imaginal…
Pascal Ide
[1] Cf. Julia Cagé et Nicolas Hervé, L’information à tout prix, Paris, INA, 2017.