XIII ou la loi de l’entropie

En achevant une relecture de XIII, la BD au succès mérité scénarisée par Jean Van Hamme et dessinée par William Vance, je ne peux, après être retombé sous le charme des premiers volumes, me défaire d’une déception qui va croissant jusqu’au tome final [1].

1) Un succès mérité

Les raisons de cette spectaculaire réussite sont bien connues. Énumérons-en quelques-unes, sachant qu’elles parlent autant du lecteur que de l’auteur…

  1. Comment ne pas apprécier le dessin fouillé, précis, appartenant à la ligne claire caractéristique de l’école franco-belge ? Et s’il ne va pas sans quelques stérotypes dans les visages masculins (aux lignes carrées) et féminins (aux chevelures abondantes et aux poitrines opulentes), Vance sait en varier les expressions, sans rien dire de la diversité (très filmique) des plans et de la somptuosité des vue d’ensemble de villes ou de paysages (5, p. 30 ; 7, p. 45 ; 9, p. 11 ; 17, p. 33 ; etc.), souvent en ouverture, c’est-à-dire en page 3 (albums 3, 6, 12, etc.).
  2. À la frontière entre le non-verbal (le dessin) et le verbal (l’écriture), l’on trouve cette caractéristique qui n’apparaît que par comparaison : l’absence quasi-constante de cartouche, de surtexte commentant l’image. De ce point de vue, Van Hamme est l’anti-Jacobs : son collègue et compatriote au perfectionnisme scrupuleux doublait systématiquement chacun de ses dessins d’un commentaire écrit qui en devenait l’écho, sinon le double inutilement répétitif. Quoi qu’il en soit, la conséquence de ces dessins n’hébergeant que des dialogues (ou de rares monologues) en est une immersion dans l’image, qui honore beaucoup plus le genre bédéique et l’arrache définitivement à la tentation littéraire. Elle exige aussi une attention redoublée du lecteur. Un superbe exemple en est donné dans le vol du badge « Visitor » porté par la Mangouste : il est très probable que le lecteur qui verra sortir ce badge de la bouche de XIII (3, p. 30) en comprendra l’origine qu’aucun commentaire n’explique seulement s’il se donne la peine de remonter dix pages plus haut (p. 20). Mais cette exclusion de tout texte fait aussi courir le risque de la séduction, sinon celui de la réduction hypnotique au cinéma déjà évoqué. De fait, le duo gagnant Vance-Van Hamme se rapproche considérablement du septième art, au point que l’on ne manquera pas de s’étonner que la saga n’ait pas encore incité un réalisateur [2].
  3. Bien entendu, le scénario à la fois complexe et relativement bien maîtrisé (nous y reviendrons) constitue l’une des raisons majeures du succès. En effet, Van Hamme a exploité méthodiquement jusqu’à quasi-épuisement le thème éminemment dramatique de l’identité perdue. En jouant de tous les possibles – un syndrome non hystérique de Korsakoff (9, p. 3), c’est-à-dire une amnésie antérograde post-traumatique non dégénérative ; le dédoublement du père charnel et du père adoptif, que celui-ci amplifie en changeant de nom ; le sosie, aidé de la chirurgie esthétique ; l’agent double ; etc. –, le scénariste permet à son héros de cumuler tous les glissements identitaires imaginables – ne lui et ne nous sont épargnés que la gémellité (vraie) et le clonage… – et ainsi de donner non seulement une unité thématique à sa longue saga, mais une véritable tension autour de la question : « Qui est XIII ? » De sorte que ces multiples histoires se donnent à lire comme une seule histoire : À la recherche de l’identité perdue…
  4. Sur ce fond global unifié, Van Hamme sait multiplier avec inventivité les énigmes à suspense. Même si ses ficelles finissent par devenir trop visibles, voire se transformer en recettes (on sait que le scénariste enseignait l’art du scénario), elles demeurent très efficaces, captent toujours aussi bien l’attention et structurent adéquatement l’intrigue.

Parmi quelques moyens : commencer en pleine action, voire en plein suspense, quitte à revenir par la suite dans le passé, donc à inverser l’ordre du temps pour raconter comment les protagonistes en sont arrivés là ; au sein du récit, multiplier les ellipses et les cut qui ajoutent à l’efficacité du récit le joie de la surprise ; et finir par un cliffhanger surprenant autant qu’inquiétant ; multiplier les petites histoires dans la grande histoire, et notamment des récits qui intègrent le passé dans le présent, afin de varier les centres d’intérêt ; fragmenter, puis croiser les fils narratifs, de sorte que, lorsqu’une tension se résout d’un côté, elle s’avive de l’autre, maintenant l’intensité, au point d’en rendre son lecteur dépendant (reconnaissons toutefois que Van Hamme sait ménager quelques pauses, voire quelques moments poétiques, nostalgiques et humoristiques) ; intégrer les nécessaires résumés et reprises dans la trame sous forme de présentation par les protagonistes (9, p. 3 s ; 10, p. 28 s ; 13, 10 s ; 15, p. 28 s ; etc.) ou, mieux encore, sous la forme d’une enquête qui adopte alors la taille d’un volume entier (tel est le cas des albums 13 et 18), de sorte que le récit avance vers le futur alors qu’il raconte des faits passés ; l’art de synthétiser régulièrement un scénario si complexe que, mobilisant trop l’intelligence et la mémoire, il pourrait en émousser l’investissement affectif ; etc.

  1. Avec l’action, les acteurs sont l’autre grande cause provoquant l’adhésion du lectorat. La première par tension-attention, les seconds par identification-imitation. Or, Van Hamme sait camper et même semer les personnalités fortes, riches et attachantes.

Tel est bien entendu le cas du célèbre tatoué. Il me semble que sa réussite tient à la combinaison gagnante de trois caractéristiques : il est capable, vulnérable et intouchable. Capable, il multiplie les compétences en tous domaines, suscitant notre admiration sinon notre envie : physiques, sportives, techniques, intellectuelles, psychologiques et même éthiques – au courage et à la justice, on peut joindre une tempérance caractérisée par son total désintérêt à l’égard de l’argent (8, p. 47 ; 16, p. 21) et le refus de toute initiative séductrice à l’égard d’une gent féminine qui, en revanche, est très pro-active, y compris Jones… Vulnérable, il ne l’est pas seulement par cet authentique handicap qu’est l’amnésie, mais aussi et d’abord par son vécu qui suscite en lui frustration, colère et même révolte. Ainsi, la compétence presque surhumaine qui l’éloigne de nous est équilibrée par la fragilité plus qu’humaine qui l’en rapproche. Autrement dit, la comparaison est comme atténuée par la compassion. Enfin, intouchable, c’est-à-dire sans compromis sur sa quête identitaire, il suscite les réactions les plus imprévisibles, sauf l’absence systématique d’une happy end à bon compte.

Nous ne passerons pas en revue le reste de la galerie haute en couleur inventée par Van Hamme. Les personnages se distribuent en partenaires qui, même lorsqu’ils tombent raide amoureux de XIII, demeurent très indépendants (Jones), adversaires qui, eux aussi, sont typés et redoutables – notre auteur sait que, pour doper l’histoire, il ne faut jamais sous-estimer les « méchants » – (en particulier La Mangouste), et en intermédiaires, Van Hamme s’offrant le luxe de faire basculer l’une des « vilaines », Jessie, du côté lumineux de la force.

  1. Enfin, et de surcroît, ce n’est pas la moindre des raisons de la joie prise à la lecture et à la relecture, le ton Van Hamme participe (presque) toujours du style haut – la pire insulte qui sorte de la bouche de XIII à l’égard de sa plaintive compagne est : « La barbe, Jones ! » (6, p. 15 ; 9, p. 10), tout en étant humoristique, inventif et imagé.

2) Une déception croissante

Il n’empêche que la déception-désillusion était aussi au rendez-vous de cette relecture estivale. Non pas bien sûr avec les 5, voire les 7 premiers volumes, mais avec les albums suivants. Tant les ruptures scénaristiques sont patentes, constituant de quasi-cycles (1-5, 6-8, 9-11, 12, 14-16, 17-19).

Il serait possible de le montrer en reprenant, en creux, la précédente grille en six points. D’ailleurs, les critères se conjuguent, non sans former un système signifiant. Par exemple, de même que, à partir de l’album 12, l’intrigue globale se relâche, de même les dessins deviennent plus négligés (par exemple, le crayonné des visages, notamment celui de XIII dans l’album 14) et les répliques plus insipides. Comme si le désintérêt de l’un suscitait l’acédie de l’autre. Comment une telle synchronicité, si pauvre de sens pour le lecture ne serait-elle pas riche de sens pour l’analyste ?

Je me contenterais de me centrer sur les deux composantes essentielles du récit fictionnel – ce que Balthasar appelle : l’action et les personnes dramatiques.

 

  1. Certes, nous l’avons dit, l’action est unifiée par la quête de l’identité de numéro XIII, quête qui se poursuit jusqu’au dernier volume. Croisant les genres policier, aventure, espionnage, romance, les autres intrigues ne faisant que se subordonner à l’intrigue centrale qui est dramatique. Or, plusieurs indices témoignent d’une rupture nette après La nuit du 3 août, dessinant un avant et un après.

L’on a déjà mentionné la baisse de la créativité littéraire, la banalisation du style, dont l’ennui suscité chez le lecteur augure celui présent chez l’auteur.

Avant, les trames secondaires sont unifiées autour de la recherche du numéro I, c’est-à-dire du chef de ce groupe néofasciste qui a fomenté l’attentat contre le président William Sheridan ; après, elles se disséminent dans toutes les directions (libération d’une dictature d’Amérique centrale, quête d’un trésor, élimination d’un nouveau bad guy, etc.).

Avant, le « méchant » se concentre autour de la personnalité perverse de la Mangouste ; après, il se diffracte entre de nombreux hommes (de Calvin Wax et MacCall à Giordino en passant par Kern, Walter « Wally » Sheridan) et au moins deux femmes, Felicity Brown et Irina Svetlanova.

Avant, même si ce fait est plus difficile à évaluer, une rare densité dans les rebondissements et une variété innovante dans les coups de théâtre ; après, des intrigues mollassones (une chasse à l’homme sans péripéties palpitantes qui couvre pas moins de deux albums, le 14 et le 15), un effacement de la nouveauté (ne se donnant plus la peine d’inventer d’identités inédites à XIII, les derniers volumes se contentent d’osciller arbitrairement entre les anciennes) et, plus significatif encore, des itérations lassantes – trois incarcérations doublées de fuites de moins en moins astucieuses (3, 10, 16) ; deux longs passages souterrains dans Rouge total (5) et Le jugement (12) ; deux œils crevés (5, p. 21 ; 8, p. 28) ; XIII ne cesse de se mettre dans la gueule du loup (10, p. 34 ; 12, p. 48 ; etc.) et Felicity de jouer de sa séduction (16, p. 29 ; 17, p. 19-20 ; 19, p. 21) – et alarmantes – notamment, comment se fait-il que l’histoire de Spike (15, p. 37 s) est reprise presque mot pour mot deux albums plus loin à propos d’un autre soldat dont Carrington a sauvé la vie (17, p. 10) ?

 

  1. Venons-en aux personnages. Deux faits surtout ne trompent pas, chacun concernant l’un des protagonistes principaux, XIII et le lieutenant Jones.

Au fond, la quête principale du héros a échoué. En effet, triple était la possible (ré)solution : sortie du trou noir – ou percement du « mur blanc » (2, p. 10) –, c’est-à-dire accès expérimental, par soi-même, à sa mémoire et, grâce à elle, à son identité ; confiance en celui qui en sait plus que lui, c’est-à-dire accès à son histoire et donc, là encore, à son ipséité, à travers le récit d’un autre ; renoncement à la connaissance de ces souvenirs décidément inaccessibles et ouverture à une histoire à venir qui donne du sens à sa vie. Bref : savoir, croire ou ne pas savoir ni croire, mais enfin vivre, c’est-à-dire à nouveau s’adonner à une mission [3].

Or, nous le savons, malgré les multiples révélations, rencontres, lectures (par exemples des deux rapports d’enquête), XIII ne bénéficie jamais du choc salutaire tant désiré. Nous ne le voyons pas non plus au terme accorder crédit au témoignage de Jessica Martin lui assurant qu’il est Jason McLane et non pas Kelly Brian. À ce sujet, reconnaissons que Van Hamme se donne des facilités, à la limite de la contradiction, la plus flagrante étant la déconstruction peu crédible du témoignage si émouvant de son ancien professeur, M. Hattaway (6, p. 21), au nom de celui estimé peu crédible de Maggie, la gouvernante qui l’a reconnue sous les traits de Steve Rowland (2, p. 20). Enfin et peut-être surtout, XIII reste obstinément tourné vers ce passé qui lui résiste encore plus obstinément. Il place toute sa belle énergie et ses multiples compétences à ressasser un problème insoluble. Et, comme le lui répète délicatement Jones, à être tourné égoïstement vers lui-même.

En croisant l’héroïne de l’histoire, nous touchons sa seconde limite que j’ose également évaluer comme un échec : à la première et unique ouverture finale de XIII (19, p. 48 : la dernière page du Dernier round !), l’ex-ordonnance du général en chef Ben Carrington oppose un cinglant refus. Or, elle refuse de s’engager au nom de son histoire triplement difficile, voire traumatique (femme black venue de la misère). Donc, la limite qu’elle détecte si lucidement chez l’amour de sa vie et qu’il faut oser appeler par son nom, l’égoïsme, n’est que le reflet de celle qui la mine. Avec une excuse en moins : revencharde, sa motivation est amère et réactive. Partant de là, Van Hamme invite donc son lecteur à réinterpréter négativement tous les actes héroïques de Jones qui a dû sauver XIII au péril de sa vie pas trois ou quatre fois (3, p. 39 ; 11, p. 51 s ; 12, p. 30 ; etc.), et à déconstruire ses belles motivations altruistes. Quel gâchis ! L’amnésie traumatique de XIII devient, chez le lieutenant devenu colonel à 32 ans, une amnésie ingrate – à l’image de l’étrange disparition de sa cicatrice ventrale. Quoi qu’il en soit, en se dérobant à ce que l’amour lui dicte, Jones empêche, elle aussi, l’histoire de conclure heureusement. Game over

3) Une logique cachée

Je n’ai pas lu d’interviews ou de critiques autorisées qui confirment cet infléchissement généralisé. J’en suis donc réduit à des hypothèses (à la seconde puissance !).

  1. D’abord, l’on peut imaginer combien une même histoire s’étendant sur 19 volumes et 24 ans – précisément, « 24 ans et 58 jours », selon Van Hamme (19, p. 48, dernière image) –, finit par se diluer. La logique enseigne que compréhension et extension d’un mot marchent en sens inverse. Il en est de même de l’intensité et de l’étendue d’un récit. Or, si les deux autres sagas les plus fameuses écrites par Van Hamme en parallèle (quelle créativité !) sont plus volumineuses (20 volumes pour Largo Winch; 29 pour Thorgal), elles s’en différencient considérablement en ce qu’elles racontent des histoires juxtaposées (en deux volets pour la première franchise, en plusieurs vagues pour la seconde).
  2. J’émets toutefois la supposition qu’une autre raison, plus déterminante, mais beaucoup moins noble, a joué : commerciale. Au vu de la rupture de rythme, d’intrigue et de ton que j’ai constatée ci-dessus, je ne peux que conclure que Van Hamme n’avait initialement pas prévu une saga d’une vingtaine de volumes. Sauf à faire de cette série l’œuvre de sa vie et à posséder la puissance inventive d’un Proust ou d’un Tolkien, un auteur n’est apte à maîtriser l’entier développement que de quelques volumes ou quelques albums. Il donc donc conclure qu’une autre logique a relancé la production (on n’ose plus parler de création) et, ce qui est pire, faussement faire croire que l’ensemble des titres avait été pensée comme un tout. Voilà pourquoi XIII présente ce caractère finalement irrégulier et boursouflé.

On pourra admirer (et objecter) l’art du bricolage : Van Hamme a su intégrer dans un tout déjà là, une partie qui n’y était pas invitée. La nature ne nous en offre-t-elle pas ce permanent spectacle ? Pour ma part, je déplorerai l’anti-art (ou la recette) de la boursouflure. Et puisque l’on ose convoquer l’exemple de la nature (ce qui, doit dit en passant, valide l’axiome vénérable et véridique d’Aristote : « Ars imitatur naturam »), les nouveautés que celle-ci intègre, si elles dépassent les capacités locales ou prochaines de tel ou tel vivant et de son milieu, ne débordent en revanche jamais celle de la matière première et des agents la fécondant – qui sont ultimement les instruments de la Providence –, et c’est d’ailleurs pour cela qu’elles ont pu émerger. Mais ici, la matière mise en place, c’est-à-dire les personnages et l’intrigue, ne possède que les potentialités contenues dans la prime intention créatrice de l’auteur – qui n’est que « petit-fils de Dieu ».

Autrefois, la cause de cette relance résidait dans les attentes d’un lectorat qui ne pouvait se résoudre à ce que son héros favori périsse. L’exemple emblématique est La résurrection de Sherlock Holmes dont le titre lui-même montre combien le livre était ressenti par son auteur comme contre-nature, c’est-à-dire contraire à la nature de l’œuvre d’art. Aujourd’hui, la motivation a migré du lecteur au commercial et de l’amour du héros à celui des euros. Et ce processus est tellement prosaïque que, répétons-le, il se dissimule honteusement. « On ne change pas une équipe qui gagne », objectera-t-on. Encore faut-il terminer la phrase : « Qui gagne quoi exactement ? » Des sous ! Joan K. Rowling est l’une des rares à avoir eu le courage de résister à cette logique mercantile et mercatique [4].

 

L’on m’objectera que je n’ai rien compris. Loin de céder à une faiblesse scénaristique ou de concéder au pessimisme ambiant, Van Hamme boit jusqu’à la dernière goutte le calice du romantisme : celui du héros éternellement incompris qui, tel Chatterton, sera toujours en quête de son identité ; celui de l’amour qui ne peut se pérenniser que dans la mort de l’aimé ou l’équivalent symbolique qu’est son départ. Qui sait si Jones-Scarlett ne reviendra vers son XIII-Rhett ?

Peut-être. Toutefois les dernières pages d’Autant en emporte le vent suscitent un élan riche de la grandeur d’âme et de l’idéal de ses héros, si tourmentés et narcissiques soient-ils, alors que celles de XIII laissent un goût doux-amer d’inachevé, dans l’histoire comme dans l’accomplissement des personnages. Le roman-fleuve de Margaret Mitchell se terminait par la phrase fameuse qui éveille une espérance : « Demain est un autre jour ». La saga-fleuve de Van Hamme s’achève dans un retour au commencement (la maison de ceux qui l’ont recueilli et sauvé, Abe et Sally) qui, très différent d’un retour à la source, est sans lendemain.

 

Ce double échec des personnages et de l’intrigue signalerait-il celui de la BD elle-même ? Un tel jugement ne serait pas seulement sévère, mais injuste. L’histoire, comme ses acteurs, appartiennent à leur auteur et les personnages sont suffisamment cohérents, riches et complexes pour que nous ne puissions prétendre les connaître mieux qu’un créateur qui les a habités pendant un quart de siècle.

N’exagérons pas mon désappointement. Rien ne dit qu’un prochain été, je ne replongerai pas dans cette saga plus excitante qu’envoûtante. Mais j’opterais alors pour la version « morceaux choisis », privilégiant la magie des commencements dont Platon disait qu’ils sont grands, à la simple sorcellerie des recettes…

Pascal Ide

[1] Je ne tiens compte que des 19 premiers volumes. D’abord et avant tout, parce qu’ils sont tous du même scénariste, Jean Van Hamme, et du même dessinateur, William Vance (à l’exception du tome XVIII, dessiné par Jean Giraud). Ensuite, parce qu’ils forment un tout, souligné par le titre Le dernier round, et surtout par le contenu : le dernier « bad guy », Frank Giordino, est décédé et XIII a retrouvé son identité (ce qui ne veut pas dire sa mémoire). Nous citerons les volumes (tous publiés par Dargaud) par leur numéro de tomaison suivi, le cas échéant, par la page) :

  1. Le jour du soleil noir, 1984.
  2. Là où va l’Indien…, 1985.
  3. Toutes les larmes de l’enfer, 1986.
  4. SPADS, 1987.
  5. Rouge total, 1988.
  6. Le dossier Jason Fly, 1990.
  7. La nuit du 3 août, 1990.
  8. Treize contre Un, 1991.
  9. Pour Maria, 1992.
  10. El Cascador, 1994.
  11. 11. Trois montres d’argent, 1995.
  12. 12. Le jugement, 1997.
  13. 13. The XIII mystery – L’enquête, 1998.
  14. 14. Secret défense, 2000.
  15. 15. Lachez les chiens ! , 2002.
  16. 16. Opération Montecristo, 2004.
  17. 17. L’or de Maximilien, 2005.
  18. 18. La version irlandaise, 2007.
  19. 19. Le dernier round, 2007.

Un bon résumé de l’intrigue générale est donné par la notice Wikipédia en langue française.

[2] En fait, la série des Jason Bourne a pour matrice les romans de Ludlum qui ont eux-même inspiré Van Hamme.

[3] L’un des protagonistes évoque d’ailleurs un moment ces deux dernières hypothèses.

[4] Même si, selon moi, elle a malheureusement cédé en écrivant cette malheureuse pièce de théâtre et cette préquelle filmique d’Harry Potter, Les animaux fantastiques, dont nous avons tenté de montrer qu’elle est en décalage avec la suite de l’œuvre.

14.9.2022
 

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