Da Vinci Code, les raisons d’un succès mondial

« Da Vinci Code. Les raisons d’un succès mondial », Il est vivant !, 214 (mars 2005), p. 8-11. Entretien-article.

 

Vendu à plus de 33 millions d’exemplaires depuis sa sortie en mars 2003, le Da Vinci Code est incontestablement un succès. Retour sur les raisons de cette réussite.

Le succès du Da Vinci Code est d’abord dû à l’écriture du livre. L’exposition est limpide, les chapitres, nombreux (105), sont très brefs et les personnages principaux (une demi-douzaine), bien typés. L’histoire est riche, complexe, mais l’auteur résume, très régulièrement son propos, sans nul didactisme. Le démarrage est immédiat, nous plongeant dans le cœur de l’intrigue ; le suspense est constant : une pause dans le déroulement ne survient pas sans qu’aussitôt un élément relance l’action. Par ailleurs, selon une méthode éprouvée, le récit tresse étroitement différentes histoires, ce qui maintient toujours l’attention en haleine. Et comme l’action se déroule sur à peine 48h, les moments de répit deviennent l’occasion de flash-back clarifiants, de sorte que le passé se transforme en secret et toute explication en révélation. Enfin, comme souvent aujourd’hui, l’écriture – le découpage – emprunte au film.

Pour comprendre le succès exceptionnel du livre, il faut aussi faire appel au contenu et notamment à deux particularités que Dan Brown a eu l’astuce de regrouper en un doublé gagnant, les compétences des héros : Sophie Neveu est cryptographe, autrement dit spécialiste du déchiffrement des codes (ce qui était d’ailleurs la profession de Dan Brown), et Robert Langdon est symbolologue, c’est-à-dire spécialiste des symboles. Da Vinci Code se présente d’abord comme un enchaînement parfaitement maîtrisé d’énigmes, chaque résolution entraînant la découverte d’un autre problème, nous rapprochant toujours plus de la réponse finale. Plus encore, le lecteur a la joie de participer à la résolution : il a souvent tous les éléments en main. D’autre part, le roman initie le grand public à la symbolique des chiffres et introduit aussi cette forêt de symboles dans le monde familier. Ainsi, des lieux connus de tous (le Louvre, Saint-Sulpice) se trouvent soudain chargés d’une signification inattendue.

Mais le roman de Brown se fonde aussi sur une amertume, entretenue par les médias et l’ignorance du public, à l’égard de la prétendue intolérance et du prétendu obscurantisme de l’Église catholique (son refus du féminin, sa suspicion à l’égard du plaisir…). Surtout, la réussite secrète du Da Vinci Code vient de ce qu’il fait appel au fond religieux de l’homme. Toutefois, il s’agit d’une religion sauvage, désinstitutionnalisée. Plus encore, l’aspiration religieuse peut être orientée soit vers l’adoration du Mystère, soit vers son appropriation. Da Vinci Code a résolument opté pour la gnose, c’est-à-dire pour la transformation de la foi en connaissance.

Les raisons du succès de cet ouvrage nous montrent comment plaire au public. Thomas d’Aquin ne disait-il pas que Jésus avait une apparence agréable pour susciter l’attention ? Mais être séduisant n’est pas être séducteur…

Pascal Ide

4.11.2022
 

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