Le rêve de Cassandre

Le Rêve de Cassandre n’est pas le film pessimiste que l’on a dit. S’il s’achève tragiquement, il n’est toutefois pas désespéré. En effet, le moraliste Woody Allen y montre avec une rare lucidité la conscience (éthique) dans son œuvre de révélation. Bien sûr, principalement chez Terry. Certes, elle s’exprime selon le mode démesuré d’une culpabilité dépressive. Mais n’oublions pas qu’elle finit par porter son nom et révéler sa nature, lorsque le garagiste s’interroge sur Dieu : qu’on voit en elle un « instinct divin » (Jean-Jacques Rousseau) ou la voix même du Christ (le cardinal Newman), elle est « loi [divine] écrite dans le cœur » du païen qui tantôt accuse, tantôt défend, dont parle saint Paul dans l’épître aux Romains (Rm 2,15). Cette conscience morale se signale aussi chez Ian qui, au terme, se refuse enfin à la tentation d’assassiner son frère jusqu’à briser l’objet de la tentation.

On objectera que l’intrigue s’achève sur un homicide involontaire doublé d’un suicide qui, lui, semble intentionnel. Ce serait cependant oublier une corrélation signifiante que le réalisateur n’a pas pu ne pas vouloir : celle du climat et de l’état moral des protagonistes. Autrement dit, l’harmonie (qui est plus qu’une simple synchronicité) entre la météorologie intérieure et la météorologie extérieure. Cette synchronicité résonne particulièrement lorsque, partis en bateau, les deux frères reconnaissent qu’ils ne peuvent pas tuer. Or, à ce moment précis, un merveilleux soleil se met à illuminer la mer. Comme si la splendide lumière qui éclaire leurs corps exprimait visiblement la lumière encore plus éclatante, mais invisible, qui vient enfin instruire leurs consciences…

Pascal Ide

Ian (Ewan McGregor) et Terry Blaine (Colin Farrell), deux frères de condition modeste, décident de s’offrir, sur un coup de cœur, un bateau appelé Le Rêve de Cassandre. Pourtant, ils vivent nettement au-dessus de leurs moyens. En effet, Terry, qui travaille comme simple garagiste, est dominé par le démon du jeu, tandis que Ian, qui dirige le restaurant de leurs parents, fréquente Angela Stark (Hayley Atwell), une superbe et ambitieuse comédienne de théâtre auprès de laquelle il se fait passer pour un riche fils de famille, en empruntant au besoin des voitures de luxe au garage de son frère. Peu à peu, leur situation financière se dégrade et ils engagent même l’argent de leurs parents. Mais ils savent qu’ils peuvent en principe compter sur frère de leur mère, l’oncle Howard (Tom Wilkinson) qui a fait fortune en Californie. Jusqu’au jour où le riche Howard accepte de résoudre leurs problèmes, en échange de quoi il leur demande de de lui rendre un « petit service » : tuer une personne qui pourrait briser sa carrière. Que (vont-ils) faire ?