Dune (Dune : Première partie), science-fiction américano-canadien co-écrit et réalisé par Denis VILLENEUVE, 2021. Inspiré du premier des 6 volumes de la saga éponyme de Frank HERBERT (1965-1985). Avec Timothée Chalamet, Rebecca Ferguson, Oscar Isaac.
Thèmes
LES THEMES DU FILM.
Dune – autant le roman que ce film qui en est la troisième adaptation (après le long-métrage de David Lynch, 1984, et la minisérie en trois épisodes de John Harrison, 2000 – est une histoire, un monde, une religion.
L’histoire – du moins celle de Paul, que raconte le premier cycle, c’est-à-dire les trois premiers tomes de la saga, et qu’épousent fidèlement ce film ainsi que le ou les deux opus suivants – n’est au fond guère originale. Il s’agit d’un récit de rédemption universelle (celle de la galaxie menacée par la domination unilatérale et tyrannique de la Maison des Harkonnen elle-même manipulée par l’Empereur) passant par la mission singulière d’un Élu (« One », en anglais, comme dans la trilogie Matrix) appartenant à la Maison adverse des Atréides qui, le premier, doit bénéficier de cette rédemption. Heureusement, cette bipolarité manichéenne est complexifiée par l’introduction notamment de la Maison impériale Corrino et plus encore l’ordre ambivalent du Bene Gesserit assuré par les Révérendes Mères.
La véritable originalité consiste bien sûr dans l’invention du monde à la fois inquiétant et attirant d’Arrakis. La planète bénéficie dans le roman de Frank Herbert de longues et somptueuses descriptions qui joignent rigueur scientifique et vigueur poétique et, dans le film, de longs panoramiques qui, insuffisamment nombreux et contemplatifs, ne remplaceront pas la méditation de la prose herbertienne. L’astre a sa faune et sa flore, sa météorologie et sa géologie, sa géographie physique et humaine, sa surface apparente et sa profondeur cachée, ses dangers et son inconcevable richesse, ses violences cruelles – dont la plus fameuse réside dans les vers de sable – mais aussi ses douceurs – dont la plus convoitée est l’Épice gériatrique, plus couramment appelée Épice ou Mélange, qui défie les capacités humaines de synthèse, mais déifie quiconque la consomme.
Aujourd’hui, le roman et, à ce qu’il semble, le film, suscitent un regain d’intérêt auprès des passionnés d’écologie. Mais, avant toute conversion écologique, donc pratique, la planète demande une attention théorétique et une admiration poétique pour la splendeur de sa création et l’inventivité de sa subcréation, tant en sa remarquable cohérence (par exemple, sur Dune, loin d’être une insulte, cracher, c’est-à-dire offrir son eau, est une manière de saluer et d’honorer son hôte) qu’en son admirable fécondité (roman après roman, l’écrivain enrichit son monde).
Enfin, l’un des thèmes les plus essentiels du roman qui n’est encore qu’effleuré par le film est celui de la religion.
Certes, ambitieux, Herbert a souhaité faire de Dune une sorte de roman-univers où se côtoieraient les cultures les plus diverses que notre Terre a connues, dans sa variété historique et géographique, par exemple : la mythologie grecque, avec le nom d’Atréides emprunté au mythe d’Agamemnon ou celui de Léto qui était la mère des dieux Apollon et Artémis ; la civilisation perse, avec le padichah, titre des empereurs iraniens ; l’hermétisme avec la vision cyclique de l’histoire et celle dualiste du monde ; l’ésotérisme, avec l’importance accordée aux pouvoirs paranormaux, par exemple télépathiques et télékinésiques, exercé par les consommateurs de l’Épice et les membres du Bene Gesserith (sans rien dire de leur identité de sorcière) ; etc. Mais c’est la religion, comme telle, et non pas le mythologique ou un vague surnaturel qu’Herbert a souhaité introduire dans son roman mûrement réfléchi pendant les longues vingt années de son écriture inachevée. Comment ne pas s’en réjouir, tant la sécularisation (et le souci commercial) abrase(nt) le plus souvent cette dimension pourtant constitutive de l’homme plus sûrement que les tempêtes de sable ne détruisent la vie sur la planète Arrakis – quand les déconstructions simplistes ne la défigurent pas en superstition pour mieux la reconduire à sa prétendue essence intolérante et donc violente ?
Pourtant, une savante étude d’un professeur de chimie à la Sorbonne, Fabrice Chemla, spécialiste de l’univers de Dune [1], nous invite à nous interroger. La religion prônée par Herbert est explicitement l’Islam, ainsi que l’atteste, par exemple, le choix exprès de deux mots arabes : le Mahdi (figure prophétique et eschatologique) et le djiad (guerre sainte, faussement traduit dans le film par guerre ou croisade). De plus, le peuple des Fremen qui incarnent cette religion, vivent de cette verticalité dominatrice où justice et force sont les vertus premières. Toutefois ce virilisme est compensé par un pôle féminin, ensauvagé dans l’ordre sororal du Bene Gesserith, et peut-être par la présence de ces femmes dont les prochains épisodes montreront si elles se transforment en militance féministe incompatible avec le projet herbertien.
Pascal Ide
[1] Cf. Fabrice Chemla, « La religion dans Dune », dans Roland Lehoucq (éd.), Dune. Exploration scientifique et culturelle d’une planète-univers, Saint-Mammès, Le Bélial, 2020. Cf. son interview par Sixtine Chartier, La Vie, Publié le 15/09/2021. Accessible sur le site consulté le 27 septembre 2021 : www.lavie.fr/ma-vie/culture/pourquoi-la-religion-est-elle-omnipresente-dans-dune-76182.php
En l’an 10191, l’Imperium, dirigée par l’Empereur Padishah Shaddam IV, est sous l’influence de deux puissantes familles rivales, la Maison Atréides, commandée par le Duc Leto Atréides (Oscar Isaac), et la Maison Harkonnen, gouvernée par le Baron Vladimir Harkonnen (Stellan Skarsgård).
Le Duc Leto reçoit de l’Empereur le fief de la très profitable et très inhospitalière planète désertique Arrakis, également connue sous le nom de « Dune ». Celle-ci est la seule source de la substance la plus précieuse de la galaxie, « l’Épice », une drogue qui prolonge la vie humaine, immunise contre les poisons, procure des facultés mentales surhumaines et, plus encore, rend possible la navigation interstellaire, devenue le fondement de toute l’économie impériale. L’extraction de l’Épice est rendue périlleuse par la présence de vers de sable géants voraces qui atteignent jusqu’à plusieurs kilomètres de long et sont attirés par les vibrations régulières. Sur Arrakis habite un peuple autochtone de nomades fiers, brutaux, mais loyaux, qui ont su s’adapter à ses très fortes chaleurs et son manque d’eau, la tribu Fremen.
Bien que Leto sache que cette opportunité est un piège complexe tendu par les Harkonnen avec la complicité de l’Empereur, il décide d’emmener avec lui sur Arrakis sa concubine officielle qui est une Bene Gesserit, Dame Jessica (Rebecca Ferguson), son jeune fils et héritier ducal, Paul (Timothée Chalamet), et ses soldats les plus fiables. Leto prend avec succès le contrôle de l’extraction d’Épice. Mais les Harkonnen le trahisse et, dans une attaque sauvage, l’assassine. In extremis, Paul et Jessica réussissent à s’enfuir. Mais comment survivre sur cette planète si dangereuse où les Fremen attendent le Mahdi, c’est-à-dire le messie qui, par le djihad, les libérera de l’oppression de l’Imperium ? Et si ce qui semblait être le principal obstacle se transformait au contraire dans l’opportunité la plus bénie ?