Une vie cachée (A Hidden Life), biopic de guerre américano-allemand de Terrence Malick, 2019. Avec August Diehl et Valerie Pachner.
Thèmes
Sainteté, amour conjugal, don de soi, sacrifice, vérité, courage, totalitarisme, manipulation.
Une vie cachée est un immense film romantique et politique, d’abord parce qu’il est mystique.
Le dixième long-métrage de Terrence Malick est un film romantique, voire érotique, si l’on veut bien donner à cet adjectif toute la richesse et la hauteur de sens que éros avait pour Platon, notamment dans le discours de Diotime, rapporté par le Banquet. Il nous raconte en effet superbement une superbe histoire d’amour, depuis la prime rencontre jusqu’à sa séparation définitive, ou plutôt sa réunion pour toujours dans l’au-delà (même si, plus jeune de six ans, et mariés le 9 avril 1936, alors qu’elle n’avait que 23 ans, Franziska-Fani est décédée en 2013 à l’âge de 100 ans, donc lui a survécu… 70 ans !). Une vie cachée en raconte toutes les phases, de la naissance aurorale à son accomplissement vespertinal, avec une pureté qui rime avec sobriété.
Ce drame si profondément douloureux ne vire pour autant jamais en tragédie. La (trop !) brève coda riche d’espérance fait inclusion avec la sérénité édénique du début, mais exhaussée et exaucée par le sacrifice de Franz et de Fani. Le film épouse ainsi la trame éminemment biblique autant que le secret de toute intrigue réussie : création-décréation-recréation. Martin Scorsese, inspiré du roman,
L’un des rares films qui nous affranchit du triple voyeurisme de la sensualité, de la violence et de la curiosité, Une vie cachée n’est pas seulement à contempler, mais à méditer. Cettte réfutation pratique du très discutable Silence de Martin Scorcese (2017) – et d’abord du roman éponyme (Chinmoku) de Shūsaku Endō – qui faisait le procès d’un prétendu silence divin face au martyre de l’homme, compose au contraire le silence obéissant de l’homme et la Parole de Dieu qui, accueillie dans notre chair, ruisselle de lumière, d’amour et d’espérance. En ce temps béni de l’Avent, j’en suis sorti éclairé sur les mécanismes de la tentation, assuré que seule l’humilité abat l’orgueil des faux-puissants, confirmé que seule la douceur est la réponse à leur incompréhensible violence, vivifié dans mon désir de tout donner à Celui qui, le premier, m’a aimé et s’est livré pour moi.
Pascal Ide
Une vie cachée est un immense film romantique et politique, d’abord parce qu’il est mystique.
Le dixième long-métrage de Terrence Malick est un film romantique, voire érotique, si l’on veut bien donner à cet adjectif toute la richesse et la hauteur de sens que éros avait pour Platon, notamment dans le discours de Diotime, rapporté par le Banquet. Il nous raconte en effet superbement une superbe histoire d’amour, depuis la prime rencontre jusqu’à sa séparation définitive, ou plutôt sa réunion pour toujours dans l’au-delà (même si, plus jeune de six ans, et mariés le 9 avril 1936, alors qu’elle n’avait que 23 ans, Franziska-Fani est décédée en 2013 à l’âge de 100 ans, donc lui a survécu… 70 ans !). Une vie cachée en raconte toutes les phases, de la naissance aurorale à son accomplissement vespertinal, avec une pureté qui rime avec sobriété.
La rencontre magnifique. Arrivant sur sa moto, le célibataire endurci (Franz n’a pas moins de 29 ans) séduit celle qui, en retour, le transformera si profondément. La rencontre émerveillée des personnes est aussi celle, symbolique, de la force (les paysans du chemin de crête menant à St. Radegund se retournent sur cet audacieux et plus encore inusuel motocycliste) et de la beauté (la belle Fani s’est revêtue de sa plus jolie robe pour la fête du village), autrement dit, selon Karol Wojtyla, du masculin et du féminin [1].
Le quotidien béatifique (au sens le plus littéral « qui comble de bonheur »). Il harmonise le travail et les jeux, le profane et le sacré (Franz est sacristain bénévole de la chapelle), la gravité et la complicité, l’extérieur et l’intérieur – centré sur la superbe et lumineuse chambre nuptiale qui, avec la maison, devenue un lieu de pèlerinage, est demeurée intacte et où furent tournées plusieurs scènes. Rien ne dit mieux la profondeur roborative de l’intimité conjugale que la sobre et poignante scène de retrouvailles après les mois de mobilisation. Dès qu’elle devine la silhouette ardemment attendue, Fani lâche ses affaires et se précipite en courant vers son bien-aimé, le saisit et presse son visage contre le sien qui, tout à la fois joyeux et douloureux, dit le bonheur ineffable de l’attachement et la souffrance effroyable que fut l’arrachement. Franz, heureux et taiseux, censurera avec délicatesse la pénibilité des classes déjà inhumaines.
L’élargissement cosmique. Cette harmonie du couple d’où découle celle de la famille (Fani est épouse avant d’être mère), à la fois s’incarne, se prolonge et se reçoit de la beauté presque suffoquante de cette région montagneuse de la Haute-Autriche. Le rythme des saisons, en particulier du printemps et de l’été, toujours filmées en lumière naturelle, vibre avec celui de la musique enchanteresse composée par James Newton Howard. L’affiche du film dit tout, qui montre la proximité amoureuse des époux allongés, reposant sur « l’herbe fraîche » (Ps 22 [23],2. Cf. Mc 6,39), enveloppés dans l’écrin magnifique des montagnes, lui-même contenu et protégé par le Ciel vers qui Franz tourne son regard.
La crise dramatique. L’épreuve est d’autant plus déchirante qu’elle est pure de toute faute (Franz n’a d’yeux et de cœur que pour sa Belle et Fani ne sera jamais tentée de se compromettre, même aux pires moments de son esseulement, pour obtenir l’aide si nécessaire) et de tout traumatisme (jamais la voix ne s’élève dans la famille Jägerstätter ; l’élan qui rapproche Franz et Fani est aussi intense que le respect qui conjure la fusion ; si leur « je » est tout tourné vers le « tu » de l’autre, sur l’horizon du « il » immanent du vrai et du bien et du « Nous » transcendant de la Trinité). Dès lors, le drame vécu par le couple peut se concentrer sur l’agonie de la conscience et se cristalliser dans le conflit de loyautés. Si intimement unis soient Franz et Fani, jamais il ne fera peser sur elle le poids du discernement et jamais l’épouse n’interférera dans le choix de son époux – ainsi que l’atteste la scène qui, à mon sens, est le climax du film, la rencontre du couple dans la prison : « Je t’aime quoi que tu fasses. Fais ce qui est juste ». Nous y reviendrons.
L’espérance eschatologique. Ici retentit un autre grand thème malickien, l’éternité de l’amour : « Je suis avec toi, toujours », dit Fani à Franz dans le même ultime entretien. De même que le film commence en descendant du ciel vers cette terre bénie d’Autriche, de même s’achève-t-il en remontant vers les célestes hauteurs des monts, vers un au-delà qui a la stabilité sans fin du ciel. Aux sublimes morceaux déjà évoqués du compositeur (avec Zimmer) de la trilogie Batman (Christophe Nolan), se joindront ceux de Bach, Beethoven, Gorecki ; or, le Ciel n’est-il pas peuplé d’anges musiciens beaucoup plus que d’anges-peintres ?
De la dimension politique ou plutôt collective, nous voyons la triple facette, locale, c’est-à-dire villageoise, globale, c’est-à-dire proprement politique, et, malheureusement, ecclésiale. Rappelons que jamais l’Anschluss de l’Autriche par l’Allemagne hitlérienne, entérinée par un scrutin populaire, n’aurait été possible sans la compromission aveuglée et aveuglante de l’épiscopat catholique au plus haut niveau. Le cardinal Innitzer a signé une déclaration en faveur de cette annexion en faisant précéder sa signature des mots « Heil Hitler ! »… Même si elle est excusée par la plus habile des manipulations (qui a aussi frappé de cécité bien des Français : le nazisme comme le rempart le plus efficace contre le péril communiste), elle fut suivie par la plus amère des rétractations et comme lavée par la plus cruelle des répressions.
Nous ne dirons qu’une chose : les mécanismes de la tyrannie exercée par un seul homme, qui furent si remarquablement analysés par Hannah Arendt, ne sont si efficaces que parce que, certes, ils sont relayés par les multiples collaborateurs actifs et que parce que la violence physique est rendue efficace par la violence psychique qui la précède et l’accompagne, mais aussi et d’abord à cause des multiples compromissions, lâchetés et cécités des complices passifs. Ils jouent, ici, du fond nationaliste jusqu’à être raciste des villageois, et de la couarde préférence de sa sécurité, personnelle, familiale ou locale, contre le bien commun prétendument second de la vérité. Face à la plus démoniaque machine à broyer les consciences et déchiqueter les libertés, inventée par l’homme, la résistance du couple Jägerstätter paraît inutile, inefficace et inféconde. Pourtant, elle suffit à elle seule à réfuter l’intégralité du régime de mensonge et de violence mis en place par le national-socialisme. Celui-ci ne l’ignore pas, lui qui déploie des trésors d’ingéniosité maléfique pour briser Franz – en particulier lors du face-face avec le juge Lueben (Bruno Ganz) – et donner un semblant de justice au procès fantoche qui le condamne. Les pères du désert et les autres experts du combat spirituel avaient bien noté que ce spécialiste de stratégie militaire qu’est le Satan, qui délèguera à peine un diablotin à une âme médiocre, est prêt à envoyer des myriades de démons et cela, des années durant, pour faire tomber une seule âme sainte.
Les grands narrateurs le savent : les histoires romantiques se dramatisent à se dérouler sur fond de conflits civils (Roméo et Juliette), de guerres de gangs (West Side Story), de lutte fratricide (Autant en emporte le vent), de révolution (Docteur Jivago), etc. Mais le politique est alors secrètement instrumentalisé et non pas étroitement tissé à l’économique (au sens étymologique : oikos signifie « maison », « famille »). Intime et collectif, local et global, privé et public ne peuvent se composer que si une troisième réalité en assure la médiation. Dans Une vie cachée, le dipôle s’allie, plus, s’achève, par la vie mystique des époux. Et précisons d’emblée pour ne pas y revenir que le thème typiquement malickien du cosmos théophanique (transparent de Dieu), loin d’être une exclusivité panthéiste, est typiquement chrétien (« Le Ciel et la terre sont remplis de ta gloire », chante le Sanctus à chaque messe !) – ainsi que le confirme le thème déjà annoncé du prochain film du réalisateur : une vie du Christ.
Dès lors, comment ne pas être frappé par la résonance qui met en vibration l’existence de Franz et celle de son Sauveur ?
De même que les mystères joyeux ne sont pas épargnés par les prophéties des mystères douloureux (depuis la pauvreté de la crèche jusqu’aux trois jours de recherche angoissée de l’enfant Jésus, en passant par le glaive de douleurs), de même la vie cachée du couple est troublée par les bruits d’avion sillonnant le ciel et les inquiétantes nouvelles provenant du front.
De même que, pendant sa vie publique, le Christ ne cesse de témoigner de la vérité dans la charité par ses paroles et ses gestes, de même le couple multiplie les attestations de générosité (à commencer par le double accueil de la sœur et de la mère) et de droiture qui aujourd’hui édifient, demain seront oubliés, mais, sur le long terme, seront rappelés et célébrés. Dans une admirable scène, Franz, libre et serein, ramasse un parapluie – geste que personne ne verra et dont personne ne le remerciera : cette norme personnaliste, signe et moyen humain de la sainteté, que Franz vit dans la foule anonyme, il la vit en permanence au sein de son couple et de sa famille.
De même que l’agonie intérieure de Gethsémani fut infiniment plus violente que l’effroyable supplice qui, le lendemain, a déchiré la chair infiniment délicate et précieuse de Jésus, de même les drames de conscience, les tensions et les tentations qui ont dilacéré l’âme de Franz l’ont encore beaucoup plus éprouvé que les brimades, les passages à tabac, les tortures multiples subis lors des incarcérations successives à Linz, puis à Berlin. En particulier, pour le Christ et cet alter Christus qu’est décidément son martyr-témoin, la tentation la plus effroyable et la plus effrayante est celle de la désespérance : « À quoi bon cet héroïsme ? Tu demeureras un héros de l’ombre. À quoi bon donner ta vie pour le salut des âmes ? Elles se perdront ». Les pères du désert, encore eux, l’avaient finement noté, les sept (ou huit) pensées suggérées par les démons qui deviendront les péchés capitaux, sont génétiquement ordonnées : depuis la plus anodine, la gourmandise, jusqu’à la plus toxique, l’acédie…
De même que Jésus a toujours répondu à la violence inique de ses bourreaux par la bonté unique du pardon, de même Franz multiplie les gestes de bonté sans jamais succomber à la pire des déshumanisations par laquelle le système concentrationnaire tente de s’autojustifier : transformer la victime en bête sauvage pour que, confondant très intentionnellement la cause et l’effet, le bourrreau y puise la raison de son acharnement et de sa violence.
D’une manière aussi inédite que remarquable, Malick euphémise la violence (nous ne verrons jamais couler une seule goutte de sang, même au pied de la guillotine) en la présentant en regard subjectif (du point de vue la victime) ou en plongée (comme du point de vue du Père). Surtout il double ces scènes qui demeurent insoutenables en leur contenu, par d’admirables paroles extraites de la correspondance constante échangée par les époux lors de leur séparation. Loin de nier la violence (ce qui serait une trahison), les phrases des lettres permettent, beaucoup plus profondément, de montrer comment Franz la vivait. Par exemple, découvrant lors de sa prime incarcération la solitude, voire la folie des autres prisonniers, il écrit à Fani que leur peine est bien pire que la sienne.
De même que le sommet de la Passion contemplée et transmise par saint Jean rassemble Marie et le disciple bien-aimé au pied de la Croix du Christ (Jn 19,25-27), de même le sommet du film se concentre dans la rencontre-confrontation entre Franz, Fani et le père Moericke. Dans une profonde interprétation, Hans Urs von Balthasar y lit l’icône exemplaire de l’Église : face au Christ dont elle se reçoit, celle-ci est constituée par un double pôle, pétrinien et marial. Le premier constitue et personnalise la sainteté objective (qui, par les sacrements et la Parole, offre la grâce) et le second, la sainteté subjective (qui accueille ces dons et en vit) : celle-ci finalise celle-là et lui donne tout son sens. Idéalement, comme c’est le cas à la Croix, les deux saintetés convergent tendanciellement. Malheureusement, elles peuvent aussi diverger, au point que la personne qui médiatise cette grâce, le prêtre, la trahit, et c’est ce qui se produit, scandaleusement, dans cette scène. Il faut d’ailleurs ajouter, pour la vérité des faits, que si Malick a montré la trahison des clercs, Franz a aussi reçu une grande consolation et une puissante stimulation de la part de plusieurs d’entre eux : le père Albert Jochmann qui l’accompagna à son exécution et raconta plus tard les dernières heures de Franz ; l’aumônier catholique Heinrich Kreutzberg qui lui apprit que le père Franz Reinisch avait été, un an auparavant, emprisonné et condamné à mort pour les mêmes raisons. Quoi qu’il en soit, Fani, que le système espérait manipuler pour la transformer en la plus vénéneuse des tentatrices (rappelons-nous Camille face à Polyeucte), devient alors son plus précieux soutien. D’aillleurs, secrètement unie à son époux dans la Communion des Saints, elle n’a jamais réagi au rejet de la presque entière communauté du village par une exclusion symétrique, et, plus encore, a toujours répondu aux brimades incessantes de sa belle-mère par l’amour pardonnant jusqu’à obtenir sa conversion-réconciliation.
Enfin, de même que le dernier mot du plus inexprimable des drames de l’humanité, celui qui ouvre et recouvre tout le Mystère, ne trouve sens et espérance que dans la résurrection qui est identiquement les épousailles définitives de Dieu et de l’humanité (cf. Jn 20,11-18 ; Ap 21,1-2), de même le film culmine, au sens le plus topologique du terme, dans cette superbe parabole : la dernière image que Franz voit avant de mourir est non pas celle de la rencontre bienheureuse avec Fani, mais celle de la course jubilatoire en moto qui précède son arrivée à St Radegund. Comment mieux dire que la victoire définitive de la Passion sur les forces du mal prépare aux noces définitives ? Benoît XVI ne s’y est pas trompé en béatifiant ce « simple » paysan autrichien.
De même que la rétraction de la passion jusqu’à la concentration ultime de la mort ouvre sur la dilatation maximale de la rédemption jusqu’au triomphe final de la résurrection, de même Franz emprisonné, recroquevillé sous les coups, ne cesse de lever les yeux vers l’infini du ciel, l’infini infiniment plus élevé de l’amour de sa femme et l’infini encore infiniment plus infini de l’Amour divin (qui multiplie les signes de sa présence, comme la rencontre de ce compagnon de classe ou la générosité inattendue de la donneuse de pommes). Cette rythmique, qui n’a rien d’une dialectique, entre condensation et dilatation est au cœur de la théologie agonique du pape saint Grégoire le grand, lorsqu’il commente admirablement la parole du psaume : « Dans la tribulation, tu mas dilaté [In tribulatione dilatasti me] » (Ps 4,2) : « Il arrive souvent que le dénuement des justes les humilie au dehors, que les peines qui les tourmentent les mettent à l’étroit [angustat], et cependant, au milieu de ces peines, toujours une force intérieure, dirigée vers les biens célestes qu’ils espèrent, les dilate. Extérieurement, les apôtres étaient à l’étroit quand on les fouettait ; mais intérieurement, ils se tenaient libres dans un grand large [2] ».
Ce drame si profondément douloureux ne vire pour autant jamais en tragédie. La (trop !) brève coda riche d’espérance fait inclusion avec la sérénité édénique du début, mais exhaussée et exaucée par le sacrifice de Franz et de Fani. Le film épouse ainsi la trame éminemment biblique autant que le secret de toute intrigue réussie : création-décréation-recréation.
L’un des rares films qui nous affranchit du triple voyeurisme de la sensualité, de la violence et de la curiosité, Une vie cachée n’est pas seulement à contempler, mais à méditer. Cettte réfutation pratique du très discutable Silence de Martin Scorcese (2017) – et d’abord du roman éponyme (Chinmoku) de Shūsaku Endō – qui faisait le procès d’un prétendu silence divin face au martyre de l’homme, compose au contraire le silence obéissant de l’homme et la Parole de Dieu qui, accueillie dans notre chair, ruisselle de lumière, d’amour et d’espérance. En ce temps béni de l’Avent, j’en suis sorti éclairé sur les mécanismes de la tentation, assuré que seule l’humilité abat l’orgueil des faux-puissants, confirmé que seule la douceur est la réponse à leur incompréhensible violence, vivifié dans mon désir de tout donner à Celui qui, le premier, m’a aimé et s’est livré pour moi.
Pascal Ide
[1] « L’objet de l’émotion sera pour la femme la valeur de ‘masculinité’ et pour l’homme celle de ‘féminité’. La première peut s’associer par exemple à l’impression de force, la seconde à celle de charme, les deux étant attachées à la personne entière de l’autre sexe et non pas seulement à son corps » (Karol Wojtyla, Amour et responsabilité. Étude de morale sexuelle, trad. Thérèse Sas revue par Marie-Andrée Bouchaud-Kalinowska, Paris, Éd. du Dialogue et Stock, 1978, p. 100).
[2] S. Grégoire le Grand, Moralia in Job, XXIX, 17, 31, trad. Aristide Bocognano, coll. « Sources chrétiennes » n° 212, Paris, Le Cerf, 1974, p. 227.
Né dans le village de St Radegund, petite communauté rurale soudée de la Haute-Autriche, Franz Jägerstätter (August Diehl) y a grandi et épousé Franziska, dite Fani (Valerie Pachner). Ils mènent une vie heureuse, rythmée par le rude travail à la ferme et la naissance de leurs trois filles, Maria, Rosalia et Aloisa. Franz a généreusement accueilli sa mère Rosalia (Karin Neuhäuser) et sa belle-sœur Resie (Maria Simon). Le film commence lorsque la guerre éclate. Franz est mobilisé et doit partir faire ses classes pendant plusieurs mois, séparé de sa famille tant aimée. Finalement, lorsque la France capitule et que la guerre semble sur le point de s’achever, il est renvoyé et retourne chez lui cultiver la terre et couler des jours paisibles avec leurs enfants. Paisibles ?
Tandis que, en réalité, la guerre s’éternise, la menace pèse lourdement que Franz et tous les hommes du village en bonne condition physique soient appelés sous les drapeaux. Et, déjà auparavant, on commence par exiger d’eux qu’ils prêtent allégeance à Adolf Hitler et au Troisième Reich. Que faire ? Le refuser, alors que tous les villageois, à commencer par le maire, le font et l’y incitent, c’est courir le risque d’être exclu, emprisonné, voire exécuté, et laisser une veuve et trois orphelines. Y consentir, c’est trahir sa conscience très droite et très vive. Franz prend conseil auprès du curé de son village, le père Moericke (Nicholas Reinke), puis de l’évêque Joseph Fliessen (Michael Nyqvis), qui, tous deux, lui conseillent de s’enrôler. Que faire ?