Les vertus du Christ en Croix

À ceux qui suivent le cours libre sur les vertus qui se déroule actuellement, en présentiel aux Bernardins ou en distanciel (en ligne) sur leur Campus, mais aussi à tous ceux qui lisent actuellement, je dédie ces quelques belles citations qui relisent la Passion du Christ à la lumière des vertus. Bien qu’ancien, ce thème est d’abord traditionnel, donc toujours vrai.

C’est une doctrine patristique volontiers reprise par les saints docteurs médiévaux que l’une des profondes raisons de convenance de la modalité si atrocement violente de la Passion choisie par notre Sauveur tient à l’exemple admirable des multiples vertus qu’il y offre à tous les fidèles et à tous les hommes.

Même si l’Épître aux Éphésiens parle de « la largeur, la hauteur, la longueur et la profondeur » (Ép 3,18) sans préciser immédiatement à quoi elles sont attribuées, nombreux sont les auteurs de la Tradition qui, en lien avec le verset suivant qui parle de « l’amour du Christ » (v. 19), en font autant de qualités caractéristiques de son agapè. En effet, ces quatre directions sont comme une description de la Croix qui est l’attestation suprême de l’amour (cf. Jn 15,13). C’est ainsi que, commentant cette parole, saint Augustin offre cette belle interprétation symbolique :

 

« Ce n’est pas pour rien que le Christ a choisi ce genre de mort, pour montrer qu’il est le maître de la largeur et de la hauteur, de la longueur et de la profondeur dont parle S. Paul. Car la largeur se trouve dans la traverse supérieure : elle figure les bonnes œuvres parce que les mains y sont étendues. La longueur est ce que l’on voit du bois au-dessus de la terre, car c’est là qu’on se tient pour ainsi dire debout, ce qui figure la persistance et la persévérance, fruits de la longanimité. La hauteur se trouve dans la partie du bois située au-dessus de la traverse ; elle se tourne vers le haut, c’est-à-dire vers la tête du crucifié parce qu’elle est la suprême attente de ceux qui ont la vertu d’espérance. Enfin la profondeur comprend la partie du bois qui est cachée en terre ; toute la croix semble en surgir, ce qui symbolise la profondeur de la grâce gratuite [1] ».

 

De son côté, saint Thomas affirme qu’il convenait au plus haut point que le Christ nous sauve par sa Passion pour un florilège de raisons dont la surabondance exprime l’excessus encore plus grand de l’amour de Dieu pour nous (cf. Ép 2,4). Or, l’une d’entre elles est que, « par la passion, le Christ nous a donné l’exemple de l’obéissance, de l’humilité, de la constance, de la justice et des autres vertus nécessaires au salut de l’homme [2] ». Et de citer ce beau verset de la Prima Petri : « Le Christ a souffert pour nous, nous laissant un modèle afin que nous suivions ses traces » (1 P 2,21).

Enfin, joignant les deux grandes autorités traditionnelles de l’Église latine que sont saint Augustin et saint Thomas, celui-ci cite celui-là en se demandant s’il convenait que le Christ souffrît sur la croix et en répondant affirmativement, là encore par un foisonnement de raisons dont la première, et cette place n’est pas accidentelle, est que cette mort d’amour nous donne un exemple de vertu :

 

« La Sagesse de Dieu assume l’humanité pour nous donner l’exemple d’une vie droite. Or une condition de la vie droite, c’est de ne pas craindre ce qui n’est pas à craindre […]. Or il y a des hommes qui, sans craindre la mort elle-même, ont horreur de tel genre de mort. Donc, que nul genre de mort ne soit à craindre par l’homme dont la vie est droite, c’est ce que nous a montré la croix de cet homme, car, entre tous les genres de mort, c’est le plus odieux et le plus redoutable [3] ».

Pascal Ide

[1] S. Augustin, Lettre 140 à Honorat de Carthage, chap. 26, PL 33, 566. Souligné par moi.

[2] S. Thomas d’Aquin, Somme de théologie, IIIa, q. 46, a. 3.

[3] S. Augustin, 83 Quaestiones, q. 25, PL 40, 17, dans Œuvres de saint Augustin. Tome 10. Mélanges doctrinaux, éd. et trad. Gustave Bardy et al., coll. « Bibliothèque augustinienne » n° 10, Paris, DDB, 1952, p. 77. Cité Ibid., a. 4.

11.4.2023
 

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