Le toucher est médiateur de communion

Si une certaine vulgate psychanalytique suspecte le toucher d’érotisme ou de fusion, donc de régression, de nombreuses études attestent aujourd’hui qu’il est un médiateur privilégié de la relation intersubjective – au point qu’une nouvelle discipline est née, l’haptonomie [1]. Les neurosciences le confirment (1) et, encore plus passionnant, couplent la main et le cœur (2).

 

  1. Une étude a été faite sur des couples de personnes équipées d’un casque enregistrant leur activité électroencéphalographique (EEG). Elle se compose de deux séries d’expériences. Dans la première, les couples sont dans une même pièce : d’abord, ils ne se touchent pas ; puis il se touchent en se tenant les mains ; enfin, on les place dans des pièces séparées. Dans la seconde, les mêmes personnes sont dans une pièce identique sans se toucher, puis l’une des deux est soumise à un stimulus douloureux (en l’occurrence chaud) sur le bras. Pendant les deux séries d’expériences, l’on visualise l’activité EEG. Qu’observe-t-on ?

Dès le début de la première série, lorsque les partenaires sont mis en présence, leurs ondes cérébrales non seulement se synchronisent, mais émettent des ondes alpha ; or, ces ondes lentes sont des ondes de détente. Puis, la résonance s’accroît lorsqu’ils se tiennent les mains. Enfin, elle augmente encore lorsque l’un des deux s’est mis à souffrir.

Les conclusions pratiques sont d’une grande importance relationnelle : « Nos résultats indiquent que tenir la main pendant la douleur augmente le couplage cerveau-cerveau, qui est lui-même corrélé à l’amplitude de l’analgésie et à l’empathie du partenaire [2] ».

  1. Une autre étude américaine a permis de préciser le dynamisme qui est en jeu. Elle tendrait à montrer deux choses : la synchronisation entre les personnes passerait au dehors par le toucher ; elle passerait au dedans par le cœur.

Considérons d’abord les faits. Les chercheurs ont comparé les activités électriques de deux organes, le cœur et le cerveau, en fonction des relations entre deux personnes. Dans le premier cas, leurs mains se touchent ; dans le second, elles demeurent proches, mais sans contact. En même temps, les activités cardiaques et encéphaliques sont enregistrées par ECG et EEG.

Les résultats montrent que, lorsqu’il y a un contact, le champ électromagnétique émis par le cœur est plus cohérent et de plus basse fréquence, donc est de meilleure qualité, que lorsque les mains demeurent à distance. Or, un tel champ induit un état intérieur bienfaisant. Par conséquent, le toucher est ce qui permet de médiatiser la relation, voire l’empathie et donc l’amour.

Expliquons maintenant ces données. L’on sait désormais que le cœur humain émet un fort champ électromagnétique, par exemple, plus puissant que celui du cerveau et, a fortiori, que celui des intestins, notre « second cerveau » ; son rayonnement est dans le domaine des radiofréquences comprises entre 1 mm et 30 km. Or, il semble que nous sommes diversement sensibles à ce champ.

Voici ce qu’affirme la conclusion de l’article :

 

« Lorsque des personnes se touchent ou se trouvent à proximité, il se produit un transfert de l’énergie électromagnétique produite par le cœur. Cet échange d’énergie a été mis en évidence par l’enregistrement du pic d’onde R de l’électrocardiogramme d’un individu à différents endroits de la surface du corps d’une autre personne. Le transfert du signal semble dépendre de la distance entre les individus et comme on pourrait s’y attendre si le signal transféré est de nature électromagnétique. […] Les résultats préliminaires indiquent en outre que les personnes qui augmentent intentionnellemnt leur cohérence cardiaque en maintenant un état focalisé d’amour sincère ou d’appréciation peuvent induire des modifications de la structure de l’eau et de l’état conformationnel de l’ADN [3] ».

 

En conjuguant la main et le cœur, ces études ne retrouvent pas seulement le mot de Valéry, « la peau est ce qui, en nous, est le plus profond », mais toute l’anthropologie biblique qui, épiphanique, fait du visage, donc de la peau, le révélateur de notre profondeur.

Pascal Ide

[1] Cf. l’ouvrage du fondateur : Frans Veldman, Haptonomie, science de l’affectivité, trad. Paul Scheurer et rév. par Bernard This et l’auteur, Paris, p.u.f., 1989. Cf. la vulgarisation de Dominique Décant-Paoli, L’haptonomie, coll. « Que sais-je ? » n° 3626, Paris, p.u.f.,  2003.

[2] Pavel Goldstein, Irit Weissman-Fogel, Guillaume Dumas & Simone G. Shamay-Tsoory, « Brain-to-brain coupling during handholding is associated with pain reduction », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 115 (2018) n° 11, E2528-E2537.

[3] Rollin McCraty, Mike Atkinson, Dana Tomasino & William A. Tiller, « The electricity of touch. Detection and measurement of cardiac energy exchange between people.Is a biological science of values possible ? », Karl H. Pribram (éd.), Brain and Values. Is A Biological Science of Values Possible?, New York, Psychology Press, 2018, p. 359-379.

10.4.2025
 

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