L’anthropologie intégrale de Gaston Fessard – Application

G) Applications

L’utilisation constante que Fessard fait de ces dialectiques à la fois en montre la fécondité et, en retour, en valide la vérité. Ces applications sont à la fois négatives (critique de certaines pensées) et positives.

De manière générale, ces trois dialectiques servent à opérer un discernement critique de l’histoire sociale, de ce que Fessard appelait l’actualité historique.

Ces trois dialectiques valent avant tout non pas d’abord de par leur contenu de doctrine, mais, on l’a dit, comme méthode. Fessard y revient constamment. Ses analyses seront peut-être caduques, mais la méthode, estime-t-il, demeurera. C’est ce qu’il livre à la postérité.

1) Évaluation critique de certaines pensées

Fessard s’est constamment positionné de manière féconde et intégratrice vis-à-vis de la scolastique thomiste et, surtout, des pensées contemporaines, en particulier : Hegel, Marx, Kierkegaard et les existentialismes, chrétiens ou non. Incontestablement, son approche est plus positive à l’égard des philosophies actuelles.

a) La pensée thomiste

Sa critique de la pensée thomiste ne se fonde pas directement sur les trois dialectiques mais sur leur socle commun, à savoir la lecture de l’existence historique. En effet, Fessard constate chez saint Thomas et reproche à ses disciples actuels leur impossibilité à penser l’historique. Accordant leur préférence à la substance, au monde des essences ; or, la substance est anhistorique ; l’essence se distingue de l’existence qui, elle, est intégrée dans le temps.

Pour Fessard, la question essentielle de l’homme contemporain est la prise de conscience de la nature historique de son essence rationnelle : en effet, l’homme est par nature liberté ; or, cette liberté, individuelle et sociale, se constitue peu à peu au fur et à mesure qu’elle prend de libres décisions. Voilà pourquoi l’histoire n’est donc pas un accident ni même un propre, au sens des prédicables de Porphyre, mais constitutive de sa nature, de son espèce.

 

« La raison en est que l’être est double : l’être de la raison et l’être de la nature. Or, on appelle à proprement parler être de raison ces notions que la raison découvre dans les choses en tant qu’elles sont considérées par elle : ainsi les notions de genre, d’espèce, etc. qui ne se trouvent pas dans la nature, mais résultent de la considération de la raison ; et c’est cet être de raison qui est proprement le sujet de la logique. Mais ces notions intelligibles sont coextensives aux êtres de la nature, du fait que ceux-ci tombent sous la considération de la raison ; et c’est pourquoi le sujet de la logique s’étend à tout ce qui mérite le nom d’être de la nature. Aussi Aristote conclut que le sujet de la logique est coextensif au sujet de la philosophie qui est l’être de la nature.

« Pour saint Thomas comme pour Aristote, il n’y a donc que deux régions de l’être : celle de la raison et celle de la nature, . En est-il de même pour la pensée moderne ? Certainement pas, puisque celle-ci est . Il lui faut donc distinguer une troisième région de l’être qui soit pour elle comme une terre d’élection. Comment la nommer ? Pas autrement que ne le fait le P. Isaac dans sa conclusion : l’histoire, l’être historique [1] ».

b) Le triangle dialectique Hegel-Marx-Kierkegaard

Une simple lecture des écrits de Fessard montre que celui-ci dialogue en permanence avec ces penseurs, s’efforçant de les critiquer, au sens étymologique du terme, de l’intérieur et, ce qui est encore plus original, l’un par l’autre. C’est dans une perspective plus constructive que négative – la pars ædificans est toujours plus importante que la pars destruens – que Fessard considère ces trois philosophes. Aussi estime-t-il qu’il faut les compléter les uns par les autres.

 

« Le mouvement du Concept, qui produit le Savoir absolu, suppose l’annulation du temps, et c’est pourquoi Marx a justement reproché à Hegel d’avoir simplement interprété le mode au lieu de le transformer. Pour satisfaire à sa demande, il faut donc le mouvement de l’Histoire, évidemment incompatible avec le Savoir absolu. D’autre part, Kierkegaard a également adressé à Hegel une critique fondamentale et justifiée en reprochant au mouvement du concept d’exclure le mouvement de la foi ».

 

Voici un autre exemple de comparaison :

 

« En face des dialectiques par lesquelles le chrétien cherche à acquérir l’intelligence de sa foi, la raison s’est de son côté efforcée de se comprendre elle-même et son histoire, en utilisant les données de la Révélation au profit d’une genèse rationnelle de l’humanité qui évacue le Transcendant ou dénature son insertion dans notre histoire. De cet effort, les dialectiques de Hegel et de Marx sont les témoins et le fruit. À quoi Kierkegaard a opposé sa dialectique de l’existence pour restaurer l’originalité de la foi en l’Incarnation du Christ. Mais, inspirée par le subjectivisme luthérien, sa tentative ne pouvait dépasser  pour s’épanouir sur le plan social et rationnel.

« Or, à condition d’être interprétée et approfondie au moyen des dialectiques de Hegel, Marx et Kierkegaard, celle du Païen et du Juif devient capable, à mon sens, de définir une cime où le Savoir absolu visé par le premier comme l’unité de l’Homme et de la Nature projetée par le second, se réconcilient avec la foi paradoxale du troisième. De sorte que, à celle-ci, Hegel apporterait l’assise rationnelle, comme Marx la portée sociale, en même temps que chacun d’eux recevrait en retour de Kierkegaard ce qui lui manque : le premier la liberté du sujet existentiel, le second l’ouverture au Transcendant [2] ».

1’) Hegel

Je ne soulignerai qu’un échec de Hegel, décisif, selon Fessard. La limite ultime de l’hégélianisme semble tenir au langage : c’est l’oubli du symbole, notamment de ce que Fessard appelle le symbole symbolisant. Cet oubli tient au prétendu dépassement de la religion par la philosophie, donc à son rationalisme absolu.

Or, cet oubli du symbole tient à son protestantisme. En effet, dans son essence, celui-ci est un refus de la médiation ecclésiale et sacramentelle. Or, ce rejet de l’Église se fait au profit de la seule raison et liberté contre l’enracinement dans l’affectivité et de l’individualité contre la communauté religieuse ; or, le symbole, nous l’avons vu, lie, quant à son origine, en l’homme biologique et rationnel, et quant à son terme, l’homme aux autres hommes, dans un lien dialogal.

La critique du protestantisme de Hegel vaut aussi pour Kierkegaard mais pour des raisons différentes : « L’éternel dans le temps », selon l’expression que Fessard reprend souvent ne peut être le Christ purement et simplement mais le Christ tel qu’il se donne dans l’économie magistérielle et sacramentelle de l’Église aujourd’hui.

2’) Marx

« L’échec de la dialectique marxiste s’explique ici complètement, sans qu’il soit besoin de faire appel à quelque principe, étranger à ses origines. Mais du même coup cet échec met en relief la valeur proprement existentielle de la dialectique hégélienne [3] ».

 

« Adopter les méthodes et la problématique des adversaires du Christianisme, ce n’est donc pas se condamner à leur sacrifier aucune des vérités de la foi. Ne serait-ce pas plutôt le moyen de montrer que le chrétien, assailli par les mêmes problèmes spéculatifs ou pratiques que n’importe lequel de ses contemporains, qu’il soit marxiste ou raciste, hégélien ou existentialiste, est plus qu’aucun en mesure de les repenser et de les reposer dans leur vérité pour y apporter les solutions de sa foi ? Solutions toujours valables encore que toujours à reprendre, mais en un effort qui peut se promettre de réconcilier Marx avec Hitler, comme Hegel avec Kierkegaard. Car c’est dans le Christ que les obscurités du double mystère de l’homme social et de l’homme individuel se fondent et s’annulent dans la mesure même où elles apparaissent comme le reflet de la mystérieuse lumière de l’Homme-Dieu [4] ».

3’) Kierkegaard

En 1947, Fessard écrira du philosophe danois : « ces Miettes philosophiques et le Post-Scriptum qui les explique peuvent révéler dans la dialectique des Exercices la solution des problèmes, soulevés par la dialectique hégélienne, que notre époque rencontre à chaque pas [5] ».

c) Quelques autres pensées contemporaines

1’) L’existentialisme de Sartre

À plusieurs reprises, Fessard revient sur la pensée de Sartre et dialogue avec elle [6].

2’) Le structuralisme, surtout de Claude Levi-Strauss

Presque tout le troisième volume de la Dialectique est consacré à un dialogue avec l’illustre anthropologue ; le tome s’achève d’ailleurs par un échange de lettres [7], assez instructif sur la difficulté qu’avait Lévi-Strauss à comprendre la pensée et les objections de Fessard, manifestant notamment que l’ethnologue n’avait pas effectué le même travail de lecture serrée et très respectueuse des textes du théologien que celui-ci avait fait à son encontre (mais en était-il capable ? Car la grille de lecture mise au point par le fin dialecticien Fessard n’avait pas forcément sa contre-partie dans la méthode structurale).

3’) La linguistique

Fessard fut fasciné par la thèse d’Edmond Ortigues, Le discours et le symbole.

2) Application à la relecture de notre histoire

En effet, l’une des raisons de son intense labeur est le constat douloureux de l’absence de clé de lecture de l’histoire chez les personnes en charge d’enseigner le peuple chrétien, les évêques mais aussi les théologiens. Deux constats, dramatiques, le montrent : le premier est l’incapacité d’opérer un diagnostic équilibré sur le nazisme, sur la situation de la France au début de la seconde guerre mondiale. Le second, tout aussi affligeant, est la séduction opérée par le marxisme sur une bonne partie de l’intelligentsia française et aussi chrétienne.

a) Nazisme et communisme

De multiples fois, Fessard est revenu sur son interprétation si originale du nazisme et du communisme. En premier lieu, il les relie toujours, il en fait les deux faces d’un même phénomène. Déjà au plan historique, puisque tous deux sont les fruits de la décomposition du libéralisme. À l’instar de Raymond Aron qui disait de ces idéologies qu’elles étaient des « religions séculières ».

En second lieu, il explique la raison profonde, dernière, de leur relation à partir des trois dialectiques, et avant tout la dialectique maître-esclave. Il faudrait résumer en un tableau.

 

 

Nazisme

Communisme

Dialectique Maître-Esclave

La fin est la domination du Peuple de maîtres

Le point de départ est la lutte à mort (absolutisant le premier moment de la dialectique)

Le moyen est la guerre nationale des maîtres

La fin est la création d’une société sans classes et sans états

Le point de départ est le travail (absolutisant le second moment de la dialectique)

Le moyen est la révolte des esclaves

Dialectique Homme-Femme

Survalorise la relation virile au détriment

Survalorise la relation d’accueil-soumission au Parti-Mère

Dialectique Juif-Païen

 

 

b) Interprétation à partir de la dialectique hégélienne du maître et de l’esclave

Les deux idéologues se sont emparés de la dialectique maître et de l’esclave de deux points de vue complémentaires et partiels. On peut le montrer de plusieurs manières :

« Marx et Hitler se sont appropriés chacun la vérité contenue dans un des temps de cette analyse, mais en négligeant l’autre. Marx a compris la dialectique du Maître et de l’Esclave du point de vue de l’esclave, Hitler du point de vue du maître [8] ».

Par ailleurs, le nazisme a fait de la lutte à mort le point de départ, absolutisant le premier moment de la dialectique, alors que le marxisme a fait du travail ce point de départ, absolutisant le second moment de la dialectique. C’est bien connu pour Marx, montrons-le pour Hitler. Pour lui, le fait primordial de l’histoire n’est pas le travail mais la domination du plus fort et l’asservissement du plus faible. Mais, comprenons bien : il ne s’agit pas ici d’une apologie de la cruauté ; cette loi de réduction du plus faible et du plus sot au plus fort et au plus intelligent permet la sélection des meilleurs et l’avènement du progrès. « Sans la possibilité qui fut offerte à l’Aryen d’employer des hommes de race inférieure, il n’aurait jamais pu faire les premiers pas sur la route qui devait le conduire à la civilisation [9] ».

Autre différence. Marx a fait du travail de l’esclave le principe de révolution contre l’égoïsme des propriétaires et la source de la véritable société. Hitler fait de la volonté de puissance le principe du désintéressement et de lutte contre l’égoïsme. En effet, contrairement à une autre idée reçue, l’Aryen est celui qui sacrifie sa vie : « l’instinct de conservation a pris chez lui la forme la plus noble : il subordonne volontairement son propre moi à la vie de la communauté et il en fait le sacrifice quand les circonstances l’exigent [10] ». D’où la loi universelle : « Plus les hommes sont portés à rejeter au second plan leurs intérêts personnels, plus grande est leur capacité de fonder des communautés étendues [11] ».

c) Objection

Certes, il est aisé de critiquer l’interprétation fessardienne en soulignant que si Marx a travaillé de première main la dialectique du maître et de l’esclave et a sciemment valorisé le travail, Hitler n’a aucune culture philosophique (il s’en méfie) et encore moins hégélienne. Cependant, souligne Fessard, « par l’intermédiaire des pangermanistes et de Nietzsche, surtout par opposition au marxisme, sa dépendance par rapport à Hegel n’en est pas moins certaine [12] ».

d) Le libéralisme et le rationalisme

Pour bien comprendre d’où viennent « les divinités nouvelles, tout aussi passionnées et immortelles [13] » que celles des Grecs et des Romains que sont le Nazisme et le Communisme, il faut remonter plus loin : à leur commune racine qu’est le Libéralisme.

Fessard fait remonter l’origine du Libéralisme à la Révolution française, c’est-à-dire à l’abandon de la référence transcendante, la religion. Certes, les Lumières parlent de Dieu, mais cette déesse Raison est à l’image de l’homme, anthropomorphe, non révélée.

À noter qu’à l’époque où il rédige un certain nombre de ses ouvrages, le Libéralisme semble effacé, vieilli, ne plus jouer qu’un rôle secondaire. Aujourd’hui, ajouterai-je volontiers, cette divinité resurgit et manifeste sa vitalité, source des deux autres divinités, nazisme et rationalisme.

Avant 1914, le Libéralisme règne sans conteste sur le monde. C’est lui qu’a connu et célébré Hegel. Voici comment Fessard décrit la situation :

e) La source religieuse inaperçue du rationalisme : le Judaïsme

La source du rationalisme moderne, tellement désastreux est, pour Gaston Fessard, le judaïsme d’après l’Incarnation, celui qui a refusé le Messie. Loin de tout antisémitisme, Gaston Fessard ose dire que le judaïsme qui oublie son élection dégénère dans le pire des rationalismes antichrétiens et antireligieux. En effet, contrairement à ce que l’on croit naïvement, les pires ennemis sont les anciens frères. Se fondant sur la parole terrible de Jésus en Jn 15,22-24, Fessard affirme avec profondeur : « entre judaïsme et christianisme, l’opposition est-elle infiniment plus profonde que celle qui peut exister entre l’une de ces deux religions et toute autre. Parce que l’une est née de l’autre, le conflit qui les divise doit tendre à dépasser toute différence comme celui de la religion par excellence avec l’irréligion pure et simple. Cette limite vers laquelle tend le judaïsme qui a rejeté le Christ, je l’appellerai rationalisme, en prenant ce mot dans son acception la plus haute : suffisance de la raison humaine pour juger de tout et n’être jugée par [14] ».

Du sein du rationalisme et plus encore de la sécularisation du judaïsme sortent les deux religions séculières en un processus que Fessard explique ainsi. En effet, le judaïsme est habité par une tension paradoxale entre la singularité de son élection et l’universalité de son message rédempteur. Seul le Christ réconcilie ce double mouvement en sa personne puis en son Église. Une fois perdu le sens spirituel du judaïsme, l’équilibre se perd, ce double mouvement éclate, se durcissant en un pôle qui exclut l’autre : « Dépouillé de ses mythes et renonçant à son élection surnaturelle, le judaïsme devait donc donner naissance à une religion purement naturelle où l’identité des mots conservés voilerait pour un temps le vide en réalité creusé dans les âmes. Mais bientôt, la réflexion progressant toujours, le vide des mots devait lui-même être découvert, et cette religion naturelle serait finalement remplacée par un pur et total rationalisme, dont la fonction négatrice serait double. D’une part, dissociant les éléments objectifs grâce auxquels les peuples se représentaient comme membres de l’unité chrétienne, il préparait le terrain à de terribles réveils de leur individualité égoïste et païenne : le nationalisme serait son fruit. D’autre part, conscient de la destinée et du pouvoir de l’esprit, il prétendrait aussi réaliser par ses propres forces l’unité de l’Humanité. Seulement, cette unité qui ne serait plus conçue » comme l’œuvre de la Grâce divine, ne pourrait plus « servir le bien supérieur de l’Humanité », mais « les passions des hommes ou des peuples, se serviraient de l’internationalisme pour leurs satisfactions égoïstes ». (PN, 220-221)

f) Le discernement sur l’Église de France et le marxisme

Avec beaucoup de clarté et de cette miséricorde que donne seul le sens de la vérité, dans son ouvrage Église de France, prends garde de perdre la Foi, Fessard montre combien l’Église de France s’est trouvée bien trop engagée, et même compromise dans le marxisme, y compris l’épiscopat lui-même [15].

Un diagnostic très clairement affirmé et répété est le refus d’envisager, de juger les événements d’un point de vue doctrinal. Fessard le dit à plusieurs reprises.

Analysant notamment le Document Episcopal du Monde Ouvrier de mai 1972, Fessard constate qu’ « en fait et contre leurs intentions [des évêques], c’est bien l’exclusion du doctrinal qui peu à peu se produit à la faveur d’un ‘respect’ s’étendant par-delà ‘le langage ouvrier’  jusqu’à ‘la culture ouvrière’, masque d’une marxisation inconsciente mais indéniable [16] ». Par exemple le document dit que « le langage ouvrier est celui d’un peuple » ; or, « cette manière de parler typiquement communiste […] d’avance assimile  d’une nation à son peuple tout entier, avant de l’étendre à l’humanité entière [17] ».

Fessard notera plus loin que tel document épiscopal achoppe car il manque « d’une distinction un peu précise entre raison et foi [18] ». Le document Les évêques, les prêtres et la politique, au chap. 4, section 3 [19] ose affirmer ce principe de discernement : « Leur responsabilité spécifique dans le domaine politique ne peut être que d’ordre pastoral [20] ». Et ce « ne… que » exclut bien évidemment le doctrinal.

Pour opérer son discernement, Fessard fait appel aux critères les plus subtils et les plus précis, les 4ème et 5ème règles de la seconde semaine [21]. La règle la plus délicate à laquelle Fessard consacre un long commentaire dans sa Dialectique est la règle cinquième de seconde semaine. En seconde semaine, on n’est plus tenté par le péché, car on a fait la différence entre ce qui est bien et ce qui est mal. Or, alors, on peut être trompé en en faisant trop. L’ennemi de la nature humaine rentre dans notre désir de faire le bien pour l’emmener vers sa fin propre qui est de faire le mal. Comme une fusée qui infléchit sa course. Ignace dit alors : « Revenez au moment où vous vouliez faire le bien » pour reconnaître l’ennemi à sa « queue de serpent ».

Fessard rappelle d’abord qu’il ne faut surtout pas les séparer. De plus, ils peuvent s’appliquer non pas seulement aux élections individuelles, mais à toute option sociale ou politique.

1’) Premier critère, intellectuel

Il demande que l’on fasse « grande attention au déroulement de nos pensées » ; et Ignace demande que l’on porte l’examen sur « début, milieu et fin » pour voir si le parcours est entièrement bon, se demandant si le discours est « entièrement bon » ou s’il peut nous mener à quelque chose de mauvais. En effet, le démon procède souvent en nous faisant partir du bien et nous menant au pervers. Ignace refuse donc le machiavélisme.

L’application est simple : « les pensées bonnes et saintes » dont partent les militants sont les valeurs de justice, de solidarité, de liberté. Mais elles ne suffisent pas à valider ni les moyens ni les résultats. Il faut tout éprouver. Il faut donc tester le discours utilisé ; or, il apparaît que le document épiscopal a un « défaut » radical : son « souci primordial n’était-il pas de ‘respecter le langage ouvrier’ ?  [22] », avec toute sa marxisation latente ou explicite ? Ce refus de critique rend incapable de percevoir la perversité intrinsèque du communisme et de son discours, non pas seulement en raison de son athéisme mais aussi de sa dialectique.

2’) Second critère, affectif

Mais allons plus loin. Fessard explique brièvement comment fonctionne ce critère : Ayant éprouvé que, dans les cas délicats, l’intelligence est incapable de distinguer avec certitude entre le ‘moins bon’  et le ‘meilleur’ que présente alternativement ‘le déroulement de nos pensées’, Ignace conseille d’être attentif au retentissement du ‘projet’ nouveau, en apparence le meilleur, sur notre affectivité : s’il ‘affaiblit, inquiète et trouble l’âme en lui enlevant la paix, la tranquillité et le repos qu’elle avait auparavant’, en suivant une voie plus commune, ‘c’est un signe clair qu’il procède du mauvais esprit…’ Un tel acte d’attention est un acte d’humilité qui, désavouant les mirages d’une raison toujours disposée à se croire capable d’‘être comme Dieu’, nous incline à attendre le secours d’en haut, de la grâce divine [23] ».

Or, le document montre que le discours des militants de l’ACO a suscité un désarroi certain chez les rédacteurs, les « évêques et les prêtres » : « Devant faits et convictions évidemment nous nous sentons interrogés […]. Nous sommes parfois déroutés par leurs formules théologiques aux déficiences apparentes », « une telle démarche peut nous déconcerter [24] ». Le critère affectif supposant que l’on opte dans la paix, il n’est donc pas respecté ici. Cela aurait dû alerter les rédacteurs.

Mais si ce critère ne peut pas jouer, ne peut pas fonctionner, c’est qu’il n’est pas articulé. Il est possible d’un être attentif, si le critère intellectuel n’est pas d’emblée exclus, ainsi que nous avons vu qu’il l’est, par « le respect du langage ouvrier ».

René Coste qui ne cache pas ses affinités pour le marxisme confirme cette analyse. Il cite un principe entendu : « La lutte des classes peut devenir un élan d’amour, même vibrant, pour détruire le péché du monde et faire de l’humanité un peuple fraternel et debout ». Voici ce qu’il en dit : « Un langage comme le sien est typique d’une idéologie pseudo-évangélique. Si Jésus-Christ s’était comporté ainsi, il n’aurait pas manqué d’adopter l’idéologie politico-messianique de la grande majorité de ses compatriotes, alors qu’il l’a rejetée catégoriquement comme une tentation ». Et il continue en précisant son diagnostic, à savoir le manque de formation : « la critique de la foi suppose avant tout la critique rationnelle ». En effet,

 

« la grave déficience d’un certain nombre de chrétiens est de faire l’économie [de cette critique], en admettant comme totalement démontrée la théorie marxiste de la lutte des classes, en y transposant directement des valeurs évangéliques, sans se rendre compte qu’ils sacralisent une théorie et une pratique politiques et qu’ils confondent des réalités d’ordre différent (par exemple le  marxiste et les  de l’Evangile). Beaucoup voudraient que l’Église fasse un choix de classe. Comment ne se rendent-ils pas compte qu’ils la mettent ainsi à la solde de l’idéologie marxiste [25] ? »

 

Remarque critique factuelle à l’égard du marxisme : « Les progrès accomplis ou en cours, la démocratisation des études qui surpeuple les universités, la diffusion de la culture, les efforts innombrables pour rendre accessibles au grand nombre le savoir et les arts ; tous ces changements concrets [ont été] accomplis dans un monde pour Marx désormais méconnaissable [26] ».

g) Actualisation

Une question importante se pose pour nous : lisant les travaux de Fessard quelques décennies après leur rédaction, ceux-ci gardent-ils quelque pertinence pour nous ? Notamment, le nazisme comme système a disparu et le communisme ne vaut guère mieux. En quoi les analyses historiques de Fessard sont-elles encore actuelles ?

Voici ce qu’il écrit en 1960 au sujet de la situation mondiale :

 

« Il est vrai, en tant qu’agent de transformation mondiale, le Nazisme est disparu ou du moins assoupi depuis plus d’une décennie. À son tour, le Communisme semble en passe de subir une profonde transformation […]. Au rythme accéléré de l’histoire que nous vivons, il est impossible de savoir quelle figure prendra demain le monde […]. Que les ‘démocraties populaires’ s’affranchissent de leurs liens idéologiques avec Moscou, le Communisme athée aura reculé, mais ne sera pas disparu pour autant. Pendant ce temps, il se pourrait que le nationalisme des États arabes devienne peu à peu le champion d’un nouveau racisme […]. Mais ce nouveau Racisme, au lieu de reposer uniquement sur une base naturelle, comme celui de l’Allemagne nazie, trouverait aussi pour fondement, en s’appuyant sur la communauté musulmane, une religion historique. Bien que se référant à travers elle à la foi d’Abraham, il n’en serait pas moins caractérisé cette fois encore, par un antisémitisme, d’autant plus facile à justifier et à utiliser par la propagande que le Juif lui fait face, non plus seulement en une poussière d’individus marqués du signe de l’élection, mais sous la forme de l’État sioniste. Et comme celui-ci est beaucoup plus proche par sa structure d’une nation païenne d’après le Christ que de la théocratie des Hébreux d’avant le Christ, on voit par ce seul exemple que les catégories Païen et Juif sont susceptibles de se partager, le Racisme musulman héritant d’un fondement historique judaïque que ne revendique pas l’État sioniste, celui-ci au contraire reprenant à son compte la base naturelle et païenne délaissée par son opposée. Devant cette constellation nouvelle, où se situeront par leurs actes et leurs principales les Démocraties occidentales et l’Amérique d’une part, l’Inde et les nations d’Asie de l’autre ? Quelle répartition nouvelle devront prendre les catégories de l’histoire surnaturelle pour éclairer les conflits à venir ? Au moment où il semble que la figure du monde peut être soumise à des mutations aussi brusques que celle d’un kaléidoscope, inutile de vouloir jouer au prophète ! D’autant plus importe-t-il au chrétien de l’affirmer : quels que soient les événements internationaux présents et futurs, sa foi ne pourra les apprécier et le guider à travers eux qu’à la lumière d’une analyse se référant à l’histoire surnaturelle et à la dialectique du Païen et du Juif [27] ».

3) Compréhension de certains faits anthropologiques. Exemple de l’apprentissage de la langue

Les derniers développements de la pensée de Fessard portent sur quatre données anthropologiques universelles : pudeur, instant du mariage, enseignement à l’enfant et apprentissage par l’enfant de la langue maternelle. Or, Fessard retrouve le témoignage de la rationalité des trois dialectiques, notamment des deux premières. Je ne prendrai que les troisième et quatrième exemples [28].

On retrouve dans l’apprentissage de l’enfant d’abord toutes les caractéristiques de la relation dialectique du maître et de l’esclave : « l’éveil de l’intelligence est toujours lié à un travail, analogue à celui de l’esclave, et qui consiste en la formation d’un signe, geste ou mot, devenant outil intellectuel où s’unissent nature et individu [29] ». « En face de la vérité nouvelle à découvrir, nous restons toujours enfants ou, plus exactement encore, pré-humains. Aussi ne pouvons-nous jamais la conquérir sans qu’une maîtrise extérieure, plus ou moins immédiate, nous oblige à un travail, à une lutte avec une nature inhumaine. Travail dont le résultat est également à chaque fois la formation d’un mot, la production d’un geste, signe ou verbe médiateur, humanisant la nature et universalisant notre individualité [30] ».

La dialectique de servitude est nécessaire pour comprendre l’institution du signe : ce fut le travail imposé par sœur Marguerite qui a permis à Marie d’éveiller sa capacité de reconnaissance : en effet, la sœur s’est imposée de force à Marie (même si c’était pour son bien), permettant à celle-ci de contrarier l’immédiateté de son désir (celui du couteau) pour accéder à un exercice plus profond de son être, l’expression de son intelligence et de sa liberté. C’est ce que dit Fessard : en apprenant le langage, dit-il, l’enfant se trouve soumis « à une obéissance corporelle et, si l’on peut dire, spirituelle, plus stricte et plus totale que celle qui est et peut être requise d’aucun esclave, justement parce que lui fait défaut toute intériorité lui permettant de se retrancher et de regimber. Pour lui, il s’agit avant tout d’ob-audire, d’écouter les sons objectivement et de les reproduire non moins exactement, tout en s’efforçant d’en saisir le sens, puis d’assimiler et de respecter les règles de leur combinaison […] Seulement, le miracle – quotidien – de cette soumission totale et d’une hétéronomie aussi radicale, c’est précisément de faire surgir peu à peu en l’enfant, avec la maîtrise de sa langue, l’autonomie de la raison et la liberté [31] ».

Mais, nous le notions ci-dessus à propos de l’analyse du cas de Marie Heurtin, cette dialectique n’est pas suffisante : il faut la doubler de la dialectique homme-femme. N’en est-il pas de même dans toute œuvre pédagogique ? Continuons la lecture de Fessard :

 

« Qu’il s’agisse de la mère, attentive à reprendre le babillage spontané de l’enfant pour en sélectionner les significations utilisables et à redresser leur emploi malhabile, ou du père qui exige la correction du parler en même temps que la sincérité et la véracité de son utilisation, cet apprentissage exige de leur part que leur savoir et leur puissance se mettent au service de l’impuissance et de l’ignorance de celui qu’ils veulent éduquer. Pour élever et enrichir l’enfant, il leur faut donc ne pas retenir jalousement leurs prérogatives d’adultes, mais s’en dépouiller [on reconnaît les termes même de Ph 2,6-7], sans être jamais assurés que leur don attirera la reconnaissance plutôt que l’ingratitude. Comment ne pas voir qu’un tel dépouillement, si naturel et spontané qu’il soit, correspond de façon infime certes, mais exacte au mouvement de l’exinanivit [la kénose du même hymne aux Philippiens] qui du Père se transmet au Fils avant de lui faire retour par le don de l’Esprit ? Sans doute, au niveau des relations d’éducation morale et sociale qui en est le corollaire, s’accomplit normalement dans un climat de tendresse d’un côté, de jeu de l’autre, qui voile aux partenaires le renversement radical du rapport Maître-Esclave effectué au cours de ce processus et leur permet d’en payer facilement le prix. Pas au point cependant que, devant les contraintes réciproques que requiert ce renversement, l’enfant n’ait à réprimer colères et emportements ou à vaincre paresse et indolence, de même que ses parents et éducateurs ont à surmonter impatiences et lassitude. Mis à part des échecs dont le nombre est infime et qu’expliquent soit le handicap physique ou psychique des enfants, soit l’aberration de l’instinct parental, on peut dire que le succès de cette interférence élémentaire entre structures de communication et de subordination est universel dans toute la diversité des langues et des sociétés humaines. S’il en était autrement le développement même de l’espèce humaine serait inexplicable [32] ».

4) En théologie :  une nouvelle preuve de l’existence de Dieu

On l’a vu au début du chapitre sur la liberté, Fessard refuse les preuves classiques de l’existence de Dieu qui ne font appel qu’à la raison au détriment de l’engagement de la liberté. Mais cela ne signifie pas qu’il tombe dans un agnosticisme fidéiste en théodicée. Au contraire, puisqu’il ébauche une nouvelle preuve de l’existence de Dieu, fidèle à sa forme d’esprit augustinienne. Faut-il s’en étonner, Fessard part de la preuve ontologique, mais dont il renouvelle non la méthode mais le contenu à partir des recherches linguistiques actuelles.

Voici le texte d’une note rédigée le 21 mai 1965. Fessard rappelle d’abord l’argument anselmien et sa reprise hégélienne, et conclut ainsi : « Cette preuve échappe à la critique kantienne pour qui l’Absolument nécessaire ou Inconditionné n’est qu’un concept-limite, extrapolation du concept de causalité, valable dans les sciences, mais, en métaphysique, fruit de l’illusion transcendantale. Et, en fait, Hegel l’appuie sur le langage, notamment dans la Section  de la Phénoménologie, où il surmonte le dualisme kantien du phénomène et de l’en-soi par l’explication, tautologie qui exprime de façon verbale la nécessité de la loi du phénomène, mais dont le mouvement, s’il est réfléchi, révèle à l’entendement qu’il n’est pas seulement conscience d’un objet, d’un côté sensible, de l’autre intelligible, mais conscience de Soi, Infinité et Vie, qui lie sensible et intelligible.

Puis, il propose deux arguments, l’un à partir du langage, l’autre à partir du dialogue. Voici le premier : « La même analyse pourrait être reprise, semble-t-il, en partant du langage qui est toujours et essentiellement lien d’un signifiant sensible et matériel avec un signifié intelligible et spirituel. On pourrait ainsi montrer que l’athée […] est à la lettre insipiens ou in-sensé, en d’autres termes se contredit, mais de telle manière que la reconnaissance d’une telle contradiction exige l’exercice de sa liberté, son consentement à l’être ».

Second argument : « Le même argument pourrait être approfondi en partant du dialogue, qui est la source du langage. Pour que Moi et Toi nous nous comprenions, il faut que chacun admette une Vérité qui nous dépasse, et que chacun veuille la liberté de l’autre. Comme les linguistes reconnaissent que le sens de toute phrase dite est relatif non seulement à Moi qui la dis, à Toi qui l’entends, mais à un tiers interprétant, il ne paraît pas impossible de montrer, en s’appuyant sur Hegel, qu’en cas de désaccord, Moi et Toi devons en chercher la source auprès d’un Soi, à la fois immanente à nous deux et nous transcendant, Logos qui est source et fondement de toute Vérité que nous pouvons nous communiquer, et modèle de la Liberté que nous devons imiter pour pouvoir nous accorder ».

Or, l’argumentation de Fessard est tout sauf intellectualiste ou cérébrale. Si la parole humaine est une preuve de l’existence de Dieu, c’est qu’elle engage celui qui parle dans la Vérité qui ne vient pas de lui. Un signe de cet engagement est que la parole vaut plus que la vie. Or, c’est le Verbe de Dieu qui est la Vérité s’incarnant et se sacrifiant dans le respect de la liberté de chaque homme. Par conséquent, la parole humaine, beaucoup plus qu’une preuve de Dieu en est l’expression, la présence historique. En ce sens, elle est véritablement sacramentelle. Voilà pourquoi Fessard refusait de faire de la parole un signe au sens formel habituel, mais y lisait un signe efficace, de la même structure que le sacrement. Mais, dira-t-on, Socrate n’a-t-il pas lui aussi sacrifié sa vie à la vérité ? Sans aucun doute, mais n’était-il pas « presque un Christ païen », selon le mot de Fessard [33] ?

Fessard conclut de manière plus générale : « Développée au moyen des trois dialectiques que nous connaissons, une telle preuve aurait l’intérêt d’aboutir à un Dieu non seulement Soi et vivant, mais parlant et parlant à chacun par l’autre dans l’Histoire [34] ».

Pascal Ide

[1] AH, I, p. 19.

[2] AH, I, p. 52.

[3] AH, I, p. 157.

[4] AH, I, p. 210.

[5] D I, p. 15.

[6] Notamment, il dialogue longuement en D III, p. 115-212.

[7] Cf. D III, p. 492-513.

[8] MS, p. 167. Souligné dans le texte.

[9] Adolf Hitler, Mon combat, trad. Godefroy-Demombynes, p. 294.

[10] Ibid., p. 297.

[11] Ibid., p. 299.

[12] MS, p. 159.

[13] MS, p. 135.

[14] PN, p. 219-220.

[15] Gaston Fessard, Église de France, prends garde de perdre la Foi !, Paris, Julliard, 1979.

[16] Ibid., p. 136.

[17] Ibid., p. 136.

[18] Ibid., p. 152 ; cf. aussi p. 148 « sans trop s’inquiéter d’une critique rationnelle », et cela au nom même du pluralisme des cultures et des aspirations légitimes.

[19] Ce document fut adopté par l’assemblée plénière de l’Episcopat rassemblée à Lourdes du 24 au 28 octobre 1972 Documentation Catholique, 19 novembre 1978, n° 1620.

[20] Cité Ibid., p. 153.

[21] n° 332 et 333. Cf. la présentation et l’application Ibid., p. 136 à 144.

[22] Ibid., p. 141.

[23] Ibid., p. 142.

[24] Ibid., p. 141.

[25] René Coste, Analyse marxiste et foi chrétienne, Paris, éd. Ouvrières, 1976, p. 194. Ces propos sont d’autant plus intéressant que l’auteur dit qu’il « éprouve une profonde admiration » pour Marx (p. 15 et 16). Il semble même qu’il maximise la pensée d’Althusser (il parle de « l’immense prestige intellectuel d’Althusser » p. 231), par une commune ignorance de Hegel.

[26] Ibid., p. 123.

[27] AH I, p. 49. Cf. PN, p. 224-226.

[28] Sur l’application de la dialectique maître-esclave à la relation maître-disciple, cf. Gaston Fessard, Autorité et bien commun, Paris, Aubier, 1944, 2e éd. augmentée d’une Postface, coll. R.E.S., 1969, p. 25-32 ; et à l’apprentissage de l’enfant, cf. Chrétiens marxistes et Théologie de la libération, p. 302 s.

[29] MS, p. 165.

[30] MS, p. 166.

[31] Chrétiens marxistes et Théologie de la libération, p. 302-303.

[32] Ibid., p. 308-309.

[33] Réponse à Dominique Folscheid, le 7 mai 1978, dans le cadre d’un séminaire d’intellectuels chrétiens réunis par Claude Bruaire pendant plusieurs années (MS, p. 35 et note 42).

[34] Texte publié par Édouard O’Neill, Croquis, Faculté de Philosophie de Chantilly, 1965, p. 9-10. À noter cette ébauche dans un article de 1949, où Fessard réfléchit à partir de Hamann s’interrogeant sur le rôle « sacramentel » du langage. Réagissant contre le rationalisme de l’Aufklärung, Hamann constate que Dieu se révèle à l’homme dans la nature mais aussi dans la parole « Dans la parole s’opère la communication des idiomes de la nature divine et de la nature humaine. Aussi est-ce en se reconnaissant dépendant de la Parole de Dieu que le langage humain peut remplir son véritable rôle déchiffrer les intentions divines dans les phénomènes naturels et les événements de l’histoire. Si la raison se prétend  et veut d’elle-même révéler le contenu de la nature et de l’histoire, elle ne peut aboutir qu’à des antinomies où elle se détruit. » (Gaston Fessard, « L’actualité prophétique de Hamann », Études, octobre 1949, p. 117)

17.7.2020
 

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