Jalons pour une Histoire de la Philosophie de la nature I-5 Aristote bis

B) La physique des corps célestes ou astronomie

Aristote étudie plusieurs aspects de l’univers des corps célestes. La plupart se dédui­sent des considérations qui viennent d’être posées.

1) Le cosmos en général

Pour Aristote, l’Univers a une grandeur finie [1]. Cela tient à une raison qui vaut pour presque tous les philosophes grecs : l’infinitude est signe d’imperfection, la finitude seule est synonyme de perfection, d’achèvement. À quoi s’ajoute une longue réflexion sur l’in­fini. Résumons les principaux arguments d’Aristote en faveur de la finitude du monde. Un univers de grandeur infinie serait doté de lieu à des distances infinies ; or, un mouvement est borné par un terme, ainsi que nous l’avons vu : ce terme est sa finalité, ce vers quoi il se porte : comment un corps « serait-il porté là où aucun corps en mouvement n’a aucune possibilité de jamais parvenir [2]» ? Tout proche est l’argument selon lequel on ne pour­rait, dans un Monde infini, distinguer des directions a priori (haut et bas, droite et gauche, avant et arrière) ; mais le mouvement se porte naturellement, c’est-à-dire par nature, vers ces directions : « ce qui n’a ni centre ni extrémité, ni haut ni bas, ne peut fournir aux corps aucun lieu en vue de leur translation [3] ». Enfin, un monde infini sépare les corps à l’in­fini, creuse entre eux une distance infinie ; or, l’observation nous montre que tous les corps célestes accomplissent un mouvement de rotation quotidienne ; mais un mouve­ment infini ne peut être accompli dans un temps fini (ici la journée) ; il est donc absurde que d’imaginer que le monde, notamment des astres, est infini.

La conséquence en est qu’il y a une surface qui limite le ciel ultime et borne l’Univers : « Au-delà du Ciel, il ne peut exister aucun corps et il ne peut y en avoir aucun [4] ». Comprenons bien : il n’y a pas de vide au-delà du Ciel. En effet, pour Aristote, le vide est un lieu sans corps mais apte à en recevoir ; or, par définition, aucun corps ne peut exister ni n’existe dans l’au-delà du Ciel. Donc l’Univers n’est pas borné par le vide : hors de l’Univers, il n’y a pas plus de vide que de lieu. « le tout n’est pas quelque part. En effet la chose qui est quelque part est d’abord par elle-même une chose, ensuite en suppose une autre à côté, en laquelle consiste l’enveloppe ; or, à côté du tout de l’Univers il n’y a rien en dehors du tout et par suite tout est dans le ciel, car le ciel est le tout, c’est bien entendu [5] ».

Ce qui invite à tirer deux conclusions. Tout d’abord, hors de l’Univers, un corps ne peut se mouvoir localement, puisqu’il n’existe pas de lieu. Par ailleurs, il ne peut exister une ligne droite actuelle de longueur infinie. D’où la question qu’il convient de se poser : quelle est la figure, la forme de l’Univers ?

2) Nature des mouvements de corps célestes

Nous avons vu que l’Univers était fini et pourtant éternel. Quel type de mouvement peut donc lui correspondre ? C’est-à-dire quel mouvement peut être à la fois fini et perpétuel ?

Aristote distingue trois sortes de mouvements locaux ou translations : deux mouve­ments simples, le mouvement rectiligne et le mouvement circulaire et un mouvement mixte qui conjugue les deux mouvements simples. « Tout transporté est mû, soit en cercle, soit en ligne droite, soit d’un mouvement mixte [6] ». Or, le mouvement mixte ne peut qu’hériter des propriétés des mouvements élémentaires. Donc il suffit de les considérer. Mais un mouvement en ligne droite dans un espace fini doit lui-même être limité : tôt ou tard, il doit revenir sur ses pas, autrement dit il est discontinu. Il demeure un seul mouve­ment perpétuel et fini : le mouvement local circulaire [7]. Voilà pourquoi il est le plus parfait des mouvements et le seul convenant pour l’univers.

À quoi il faut ajouter un autre argument tiré d’une considération sur le corps, la relation entre le corps et le mouvement qui lui est propre. À chaque corps correspond un mou­vement naturel déterminé. Si donc le corps est simple, ce mouvement sera simple. Or, il existe deux sortes de mouvements simples : rectiligne et circulaire. Il existera donc deux sortes de corps simples. Mais les corps qui nous entourent, c’est-à-dire les corps sublu­naires, sont doués à l’évidence de mouvements rectilignes. Il demeure donc que les corps célestes qui sont différents sont doués d’un mouvement circulaire [8].

Le mouvement des corps célestes est circulaire et uniforme et s’accomplit donc toujours dans le même sens. En effet, une accélération ou une décélération n’aurait de sens que si la substance du Ciel jouait un rôle à l’égard d’un autre mouvement, ce qui n’est pas le cas. Retenons l’un des arguments d’Aristote :

 

« puisque tout mobile est mû par quelque moteur, il faut nécessairement que l’irrégularité du mouvement provienne soit du moteur, soit du mobile, soit des deux. […] Or, rien de tout cela ne peut se produire pour le Ciel : en ce qui concerne le mobile, […] il est premier, simple, inengendré, incorruptible et ab­solument immuable ; quant au moteur, il a bien plus de titre encore à posséder ces carac­téristiques […]. Puisque donc le mobile ne change pas, alors qu’il est un corps, le moteur ne saurait non plus changer, puisqu’il est incorporel [9] ».

 

Aristote retrouve donc, en le justifiant, l’axiome de base de l’astronomie pythagori­cienne et platonicienne : tout mouvement astral est circulaire et uniforme.

3) Durée du cosmos et éternité des corps célestes

L’Univers est éternel, c’est-à-dire sans commencement ni fin.

Or, la corruption suppose une transformation de la substance en son contraire. Mais les substances contraires ont des mouvements opposés. Or, l’expérience montre que les astres ont des mouvements de rotation qui ne sont pas contraires.

De plus, l’altération entraîne des mouvements contraires à type de dilatation ou de contraction. En conséquence, le corps céleste est incorruptible, qu’il ne vieillit pas, bref qu’il est éternel.

Ce corps supérieur s’appelle éther. En effet, le terme aither évoque le terme éternel (aithein), remarque Aristote. « les Anciens ont donné le nom d’éther au lieu le plus élevé, dérivant son appellation du fait qu’il court perpétuellement pendant l’éternité du temps [10] ».

4) La substance des corps célestes

Les quatre éléments sont soumis à altération, génération et corruption, selon Aristote qui n’adhère en rien à la théorie atomiste. Or, les corps célestes sont inaltérables et in­corruptibles. Voilà pourquoi ils doivent être composés d’une autre essence, une cin­quième essence. Cet ‘orichalque’ est le constituant des cieux incorruptibles. La quintes­sence (au sens étymologique du terme) inengendrable et incorruptible ne peut venir des quatre éléments ni se transforme en eux. Elle n’est donc pas faite de feu comme le pen­saient les prédécesseurs d’Aristote.

« En constituant les cieux avec cette substance éternelle, la Physique péripatéticienne se sépare de la Physique des Pythagoriciens et de Platon ; pour ceux-ci, en effet, il n’existait que quatre éléments corporels ; composés d’un feu très pur, le Ciel et les astres n’étaient pas séparés des corps sublunaires par la barrière infranchissable qu’Aristote élève entre eux [car, pour eux, la barrière se situe, plus radicalement, entre le monde des corps et le monde des esprits]. Que d’efforts il faudra pour renverser cette barrière [11]! »

5) Configuration des corps célestes

« Le Ciel a nécessairement une forme sphérique, qui est, en effet, la forme la plus ap­propriée à sa substance, et qui est aussi naturellement première [12] ». Cette opinion d’Aristote est aussi celle de Platon [13] et même des Eléates [14]. Il en est de même pour les corps célestes. Pourquoi ?

La sphère est la figure la plus parfaite. Lisons l’argumentation d’Aristote : « Toute figure plane est ou bien rectiligne, ou bien curviligne. La rectiligne est circonscrite par plusieurs lignes, et la curviligne par une seule [15]. Mais, puisque, en chaque genre, l’un est natu­rellement antérieur au multiple, et le simple au composé, le cercle sera la première des figures planes ». Second argument :

 

« si parfait est ce en dehors de quoi ib ne peut rien ap­préhender [16], et si à la ligne droite une addition est toujours possible, et à la ligne circu­laire ne l’est jamais, il est manifeste que la ligne qui enveloppe le cercle sera parfaite. Par conséquent, si le parfait est antérieur à l’imparfait, pour cette raison encore le cercle sera antérieur aux autres figures [17] ».

 

Or, le Ciel est le corps le plus parfait : il est mu selon le mouvement suprême, ainsi que nous l’avons vu. Donc le Ciel adopte une forme sphérique.

Dès lors, la structure de l’Univers céleste est la suivante. Aristote fait implicitement ap­pel aux notions de contiguïté et de continuité élaborées dans sa Physique [18] :

 

« Et puisque la première figure est celle du premier corps, et que le premier corps est celui qui se trouve à la circonférence la plus extérieure, le corps doué de mouvement circu­laire sera de forme sphérique. De même, par suite, pour le corps qui lui est continu : car ce qui est continu avec le sphérique est lui-même sphérique. On peut en dire autant aussi pour les corps situés entre ceux-là et le centre, car les corps qui sont enveloppés par le sphérique et en contact avec lui, sont nécessairement, dans leur totalité, sphé­riques ; mais les corps situés au-dessous de la Sphère des planètes sont en contact avec la sphère qui est au-dessus. Par conséquent, la sphère sera tout entière sphérique, car tous les corps qu’elle contient sont en contact et continus avec les sphères [19] ».

 

Du plus intérieur au plus extérieur. Toutes les sphères sont homocentriques, le centre étant la Terre. On trouve d’abord une sphère contenant tous les corps sublunaires qui ne sont pas composés de la quintessence. On le verra plus loin, selon leur lieu naturel, on rencontre, mais pas d’une manière parfaitement ordonnée : la terre, puis l’eau (au-des­sus de la terre), l’air et enfin le feu, chacun disposé en sphères successives.

Puis, viennent les corps célestes incorruptibles : ils sont rangés en une série de globes sphériques, concentriques à cette première sphère et contigus les uns aux autres. On trouve d’abord les astres errants (qui sont au nombre de sept pour Aristote) : la Lune, le Soleil et les cinq planètes connues : Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne. Vient enfin la sphère des étoiles fixes qui tournent d’un mouvement diurne, autour de l’axe du monde. Les étoiles, fixes ou errantes, sont d’une sphéricité parfaite et composées de la sub­stance inaltérable, incorruptible qu’est l’éther ; elles sont animées non pas d’un mouve­ment propre, par exemple de rotation, ainsi que certains le croient, mais du mouvement même de l’orbe au sein de laquelle leur corps se trouve : Aristote en veut pour preuve que la Lune présente toujours la même face.

 

« Que les astres ne soient pas doués d’un mouvement de progression par rotation, c’est manifeste : car là où il y a progression, il y a nécessairement conversion sur soi-même. Or, la ‘face’ de la Lune, comme on l’appelle, on la voit toujours. Par conséquent, puisque, si les astres se mouvaient par eux-mêmes, ils auraient vraisemblablement des mouvements spéciaux, mouvements qu’on n’observe jamais en eux, il est évident qu’ils ne sauraient avoir aucun mouvement par eux-mêmes [20] ».

 

Le système aristotélicien n’est donc pas d’une structure globale différente de celui de Platon ou d’Eudoxe. Son originalité tient à la rigueur de sa méthode et sa construction à partir des principes qui lui sont propres.

6) Le moteur des corps célestes

a) Existence

Après avoir étudié les mouvements locaux des astres du Ciel et leur configuration, il faut maintenant, en bonne logique aristotélicienne, s’enquérir de leur moteur. En effet, pour Aristote (mais non pour la physique moderne, newtonienne et postnewtonienne), tout mouvement est causé par un moteur (grosso modo, ce que la mécanique appelle une force) : la matière se meut, par définition, parce qu’elle est privée de la forme qui l’achève ; si la matière n’est pas la forme, elle ne peut se la donner ; elle doit donc la re­cevoir d’un être en acte. Or, communiquer une forme, un acte, c’est être moteur. Voilà pourquoi le mobile requiert un moteur.

Or, il existe deux sortes de mobiles : ceux qui sont en eux-mêmes le principe de leur mouvement ; ceux qui trouvent hors d’eux-mêmes ce principe. Les êtres auto-mobiles (qui sont à la fois moteurs et mus) sont les êtres vivants [21]. Si donc les orbes célestes étaient animées, il n’y aurait pas à chercher hors d’elles le principe de leur mouvement. Mais Aristote refuse aux corps célestes la caractéristique d’être vivant, justement parce que leurs moteurs sont distincts d’eux. La matière céleste, la quintessence requiert donc un moteur céleste.

Or, le mouvement céleste est éternel. Il faut donc que son moteur soit éternel : sa sub­stance devra donc être toujours en acte. Or, la matière comporte de la puissance. Il faut donc que les moteurs célestes soient des substances séparées et immatérielles. Et, puisque le mouvement comporte toujours un mélange d’acte et de puissance, ces mo­teurs seront actes purs, donc parfaitement immobiles.

b) Nature du mouvement

Comment le Moteur meut-il le Ciel, les orbes des étoiles fixes ? Il y a là une difficulté considérable : car l’immobile ne peut se transmettre au mobile ; il ne peut donc mouvoir comme une cause motrice, efficiente. Selon les principes aristotéliciens, la cause finale meut. Ce premier moteur meut non pas comme une cause efficiente, mais comme une cause finale. Comment ? En tant qu’il est intelligible et désirable. En effet, lorsque l’intel­ligence contemple le beau, le désir de ce qui est beau naît dans la volonté et l’intelligible devient désirable. Or, le désir suscite le mouvement. Or, la substance simple, immaté­rielle, immobile qui est divine est éminemment belle, contemplable. Dès lors, elle suscite le désir et communique un mouvement : d’elle naît la rotation uniforme et éternelle.

c) Pluralité des moteurs

La rotation éternelle et uniforme que le premier Moteur communique au Ciel ne peut qu’être unique : c’est la rotation diurne de l’orbe suprême (que l’on observe en consta­tant le mouvement des étoiles fixes se levant et se couchant chaque nuit). Or, l’expé­rience montre que, dans la substance céleste, il y a d’autres rotations que la rotation diurne, celles dont résultent les mouvements propres apparents des astres errants. Il est donc nécessaire qu’existe autant de substances éternelles par nature que de mouve­ments célestes. Autrement dit, il existe différents mouvements éternels, continus et uns, qui sont ceux des planètes ; mais chaque mouvement éternel exige l’action d’une cause efficiente éternelle ; or, le premier Moteur immobile meut le premier Ciel, c’est-à-dire la Sphère des Fixes, d’un mouvement continu, éternel et un. Il faut donc de multiples sub­stances intellectuelles ou Intelligences pour mouvoir les différentes planètes.

Lisons le texte :

 

« Puisque ce qui est mû est nécessairement mû par quelque chose, que le premier Moteur est immobile par essence, et qu’un mouvement éternel doit être im­primé par un être éternel, et un mouvement unique par un être unique ; que, d’autre part, outre le simple mouvement de translation du Tout, mouvement qu’imprime, disons-nous, la Substance première et immobile, nous voyons qu’il existe d’autres mouvements de translation éternels, ceux des planètes (car un corps qui se meut circulairement est éter­nel et incapable de repos), il est dès lors nécessaire que chacun de ces mouvements de translation aussi soit produit par une substance à la fois immobile par soi et éternelle [22] ».

 

En conséquence, « il est manifeste qu’autant il y a de mouvements des astres, autant il doit y avoir de substances, éternelles de leur nature, essentiellement immobiles et sans étendue [23] ».

Partant de là, Aristote s’interroge sur le nombre précis de substances immatérielles qui meuvent les sphères célestes. Cette enquête relève de l’Astronomie mathématique. ex­pose les deux systèmes d’Eudoxe de Cnide et de Callippe qui comportent, le premier, 26 Sphères et Intelligences et, le second, 33 Sphères et Intelligences. Mais ces deux pre­mières hypothèses étaient purement géométriques. En regard, Aristote argumente en physicien et veut tenir compte de l’influence réciproque des mouvements des divers systèmes : notamment les Sphères concentriques sont en contact, de sorte que la Sphère intérieure d’un système extérieur meut la Sphère extérieure du système plus in­térieur. Mais les mouvements observés ne sont pas uniformes, voire identiques, comme l’impliquerait un simple emboîtement. Aussi, le Stagirite doit-il supposer l’existence de Sphères compensatrices mues par un mouvement rétrograde [24] ; or celles-ci doivent être en nombre égal à celui de Callippe, moins une. Puisque Callippe a besoin de 33 Sphères pour chacune des 5 planètes (Saturne, Jupiter, Mars, Vénus et Mercure) et du Soleil ; mais la Lune ne demande pas de Sphère compensatrice. Le résultat est dès lors de 55 Sphères et Intelligences séparées [25].

Il reste enfin à démontrer que le nombre de substances éternelles immobiles doit être le même que celui des mouvements planétaires. En effet, chaque substance libre de toute influence extérieure, parfaite, est une fin et meut comme objet de désir, à titre de cause finale : puisque le Premier Moteur meut à ce titre la Sphère des Étoiles fixes. Or, tout mouvement a pour objet d’expliquer le comportement d’un Corps céleste : la translation, pour parler comme Aristote, a pour fin, doit exister en vue d’un astre, car une translation a pour fin, soit elle-même, soit une autre translation ; or, ce sont les Astres qui constituent les premiers mouvements ; mais « on ne peut remonter ainsi à l’infini, la fin de toute translation sera donc un des Corps divins qui se meuvent dans le Ciel [26] ». Donc, le nombre des substances immobiles est exactement celui des mouvement exigés pour rendre compte des différents mouvements des Corps célestes : « S’il n’est pas possible qu’il n’y ait aucun mouvement de translation qui ne soit ordonné au mouvement de translation d’un astre, et si, en outre, toute réalité, toute substance impassible et ayant par soi atteint le Bien par excellence, doit être considérée comme une fin, il ne saurait y avoir d’autre nature en dehors de celles que nous avons indiquées, et le nombre des mouvements célestes est nécessairement celui des substances immobiles [27] ». Mais Aristote a bien conscience que ses conclusions sont seulement probables.

Il pourrait se poser une objection. Aristote traite des substances intellectuelles ou Intelligences dans un célèbre chapitre de sa Métaphysique, entre deux développements encore plus illustres consacrés au Premier Moteur. Cette brusque plongée dans la cos­mologie a justifié que certains auteurs contestent l’authenticité du chapitre, ce que réfute Tricot [28]. Notamment, n’y a-t-il pas un contraste insolite entre l’unicité du premier Moteur et la multiplicité des Sphères ? De même Plotin se demande comment, chaque moteur immobile étant un, leur grand nombre peut concourir à l’unicité de l’Univers [29].

En fait, les apories se résolvent à partir du moment où l’on distingue l’unique Premier Moteur et les Intelligences des Sphères comme Dieu et les Anges ; or, les Anges (les Angeli rectores de Kepler) sont subordonnés à Dieu. Et rien dans le texte d’Aristote n’in­terdit une telle interprétation qui est, en l’occurrence, celle de saint Thomas : « Il est im­possible d’expliquer la cause finale qu’exerce le premier Moteur aristotélicien, sans po­ser l’animation des Sphères par des Intelligences qui, mues par le désir, meuvent ainsi les planètes dont l’ensemble constitue l’Univers [30] ». Il demeure, comme le constate Etienne Gilson, que le panthéisme – ou du moins l’hénothéisme – a laissé son empreinte dans l’esprit d’Aristote [31].

Il demeure que la réflexion astronomique s’achève en théologie :

 

« La Physique d’Aris­tote, conclut Pierre Duhem, aboutit ainsi à une conclusion bien voisine de celle qu’avait formulée la Philosophie platonicienne », à savoir que l’astronomie « doit enseigner avec exactitude combien il y a d’intelligences divines, selon quel ordre elles se subordonnent les unes aux autres et au Dieu suprême : pour l’un comme pour l’autre, le géomètre qui cherche à sauver les mouvements apparents des astres errants en composant entre elles des rotations uniformes accomplit une tâche sacrée ; il pose les bases d’une Théologie rationnelle [32] ».

C) La physique des corps sublunaires ou mécanique

1) La dynamique aristotélicienne ou la quantification du mouvement

Aristote est sans doute un piètre mathématicien. Il demeure qu’il s’est posé la question de la quantification du mouvement, en ses termes : il a évalué le mouvement sous le rapport de la grandeur ou de la quantité. L’évaluation quantitative est donc une question qu’il se pose, même si la réponse nous paraît aussi pauvre qu’erronée.

Cela étant, la vitesse ou grandeur du mouvement n’est pas conçue comme le rapport d’une distance sur un temps. Elle est « prise comme une sorte d’indice global, inanalysé, de la grandeur des mouvements, et au moyen de laquelle une comparaison entre ces derniers peut être instaurée [33] ». Autrement dit, chaque vitesse, quoiqu’identifiée à la grandeur, sera conçue de manière qualitative.

Il est toutefois possible de distinguer deux approches de la grandeur du mouvement, et cette distinction sera de grande importance au xive siècle : soit dans ses effets, c’est-à-dire la distance parcourue, soit dans ses causes, c’est-à-dire le moteur qui meut. De ce point de vue, une étude du mouvement en ses effets est assez proche de notre moderne étude mathématique du mouvement, car la grandeur se quantifie davantage que les forces motrices.

a) Le mouvement naturel considéré en ses effets

Aristote pense que l’on peut comparer, quant à la grandeur, précisément, la vitesse, les mouvements locaux, du moins à l’intérieur d’une même catégorie : « Le plus rapide et le plus lent constituent une notion qui s’applique à tout changement [34] ».

Aristote traite des mouvements uniformes. Il en a une connaissance objective, quoi­qu’approximative. En effet, la plus grande vitesse se reconnaît, note-t-il, à ce que le corps plus rapide franchit une plus grande distance en un temps égal ou une distance égale en un temps inférieur au corps plus lent [35].

En revanche, Aristote demeure très vague lorsqu’il traite des mouvements non-uni­formes. Il est incapable de les définir [36]. Telle est l’une des lacunes les plus importantes de la dynamique aristotélicienne.

b) Le mouvement naturel considéré en ses causes

Considérons ensuite le mouvement en ses causes. Elle est bien difficile à comprendre, tant elle diffère de la physique moderne, newtonienne. Partons de ce que la mécanique classique dit du mouvement. Elle distingue deux éléments : la force qui meut et la masse qui est mue. Chez Aristote, rien de semblable. Pour lui, ce qui est est un corps et elle n’est nullement équivalente à la notion de masse. Quant à la force qui meut, elle n’est pas simple (comme le montre une vision mathématique, ici vectorielle de la nature), mais double. Précisément, tout corps est mû par deux forces : une puissance et une résis­tance. La puissance permet au corps d’être mû ; mais la résistance est tout autant néces­saire, quoique de manière négative : sans elle, le corps atteindrait aussitôt son but, sa puissance serait aussitôt actualisée. Par conséquent, la vitesse du corps dépend tout autant de la grandeur de la puissance que de celle de la résistance.

Aristote fonde sa thèse sur l’observation. Une expérience classique servira d’illustra­tion. Laissons Duhem nous l’exposer :

 

« Au Pirée, Aristote observe un groupe de ha­leurs ; le corps penché en avant, ils pèsent de toute leur force sur un câble amarré à la proue d’un bateau ; lentement, la galère approche du rivage avec une vitesse qui semble constante ; d’autres haleurs surviennent et, à la suite des premiers, s’attellent au câble ; le vaisseau fend maintenant l’eau plus vite qu’il ne la fendait tout à l’heure ; mais tout à coup, il s’arrête ; sa quille a touché le sable ; les hommes qui étaient assez nombreux et assez forts pour vaincre la résistance de l’eau ne peuvent surmonter le frottement de la coque sur le sable ; pour tirer le bateau sur la grève, il leur faudra un nouveau renfort. Ne sont-ce pas là les observations qu’Aristote s’est efforcé de traduire en langage mathé­matique [37] ? »

 

La puissance est représentée par les haleurs et les résistances ont successi­vement été l’eau, puis la terre (le sable).

Mais il y a d’autres exemples, comme la chute d’un corps dans un milieu comme l’air. La puissance, pour Aristote, est représentée par la gravité du mobile et la résistance par le fluide (ici de l’air, mais cela pourrait être de l’eau) traversé par le mobile : « L’expérience montre que le même poids et corps est transporté plus vite pour deux raisons : soit une différence du milieu traversé, qui peut être par exemple l’eau, ou la terre, ou l’air, soit, toutes choses égales d’ailleurs, une différences des mobiles par suite de l’excès de la pesanteur ou de la légèreté [38] ».

c) Formalisation

Peut-on préciser les lois régissant la vitesse du mobile en fonction de la puissance et de la résistance (mais en sens inverse) ? Pour Aristote, les lois sont envisagées seule­ment selon la simple proportionnalité. La grandeur est fonction croissante d’une autre grandeur.

Application : si la puissance qui meut le mobile et la résistance qui le retient demeurent constantes, le mouvement ne sera pas uniformément accéléré comme le montre la phy­sique newtonienne, mais uniforme. De même, si la résistance décroît alors que la puis­sance demeure invariable, la vitesse augmentera, afin de demeurer inversement propor­tionnelle à la résistance.

Lisons deux textes décisifs [39]. Un texte important des Physiques pose ce que Tricot appelle « les équations fondamentales de la Dynamique » aristotélicienne [40] :

 

« Soit donc A le moteur, B le mû, C la grandeur selon laquelle il est mû, et D le temps dans lequel il est mû. Dans un temps égal une force égale, à savoir A, mouvra la moitié de B du double de C, mais de C dans la moitié de D ; de cette façon, en effet, la proportion est gardée. Et, si la même force meut le même corps dans tel temps et de telle quantité, elle le mouvra d’une quantité moitié dans un temps moitié ; et une force moitié mouvra un corps moitié d’une quantité égale dans un temps égal [41] ».

 

Aristote poursuit en donnant une illustra­tion symbolisée.

Autrement dit, le Stagirite compare deux translations ; or, a) les distances parcourues sont entre elles et les poids déplacés sont entre eux comme les temps entre eux ou les forces entre elles ; b) à rebours, les distances parcourues sont en raison inverse des poids déplacés et réciproquement ; de même, les temps sont en raison inverse des forces, et réciproquement.

Second texte qui énonce aussi une loi des vitesses : « La vitesse du corps plus petit par rapport à celle du plus grand sera dans la proportion du corps plus grand au corps plus petit. Donc le corps sans poids parcourra la même distance que le corps pesant, dans le même temps [42] ».

Conséquence : puisque la vitesse prise par le mobile est inversement proportionnelle à la grandeur de la résistance et proportionnelle à la grandeur de la puissance, la vitesse ne dépend que du rapport de la puissance à la résistance, elle lui est proportionnelle [43].

Dernier texte : « Si un poids donné parcourt une distance donnée en un temps donné, un même poids plus quelque chose parcourra la même distance en un temps plus court, et les temps seront inversement proportionnels aux poids : par exemple, si le demi-poids se meut en tel temps, un poids double se mouvra en la moitié de ce temps [44] ». Formalisons : si un poids P se meut en t, un poids 2P se mouvra en t/2. Autrement dit, la vitesse de chute sera proportionnelle à la puissance qui meut, c’est-à-dire à la gravité du mobile.

En résumé, une formule résume ces analyses : v = P/M, où v est la vitesse, P, le poids absolu et M, la résistance du milieu. Clavelin qui propose la formule note qu’elle est ana­chronique, car Aristote ne peut que comparer des vitesses et écrire des rapports du type : V/V’ = P/P’ ou V/V’ = M/M’ [45]. On comprend dès lors que si M, la résistance, est nulle, la vitesse tend vers l’infini ; or, un milieu de résistance nulle est un milieu vide ; voilà pour­quoi le vide n’existe pas, comme on le dira ailleurs.

d) Le mouvement violent

Tournons-nous enfin vers le mouvement non plus naturel mais violent. L’analyse est très similaire. Seule change la cause, c’est-à-dire d’une part la force motrice responsable du mouvement : ce n’est plus la gravité du corps, mais la force. La vitesse du mouvement sera directement proportionnelle à cette force. Et celle-ci, estime Aristote est soit une poussée, soit une traction, soit une projection. Bien évidemment, Aristote ne la quantifie pas. La cause est d’autre part constituée par la force de résistance qui sera ici le poids du mobile.

Là encore, une formule élémentaire donne la vitesse : v = F/P, F étant la force initiale et P le poids du corps qui fait résistance. Cette formule, on le constate, est isomorphique à la formule décrivant le mouvement naturel. Il est certain que la distinction tranchée éta­blie par Aristote entre mouvements naturels et mouvements violents lui interdirait ce rap­prochement. Il n’est toutefois pas impossible de parler, à la suite de Pierre Duhem, d’une sorte de loi fondamentale de la physique péripatéticienne : v = F/R, où F, la force motrice, s’identifie au poids ou à la force explicative du mouvement violent et R, la résistance, au milieu ou au poids. Cette loi dit donc qu’un corps est doué d’une vitesse uniforme direc­tement proportionnelle à la force qui lui est appliquée et inversement proportionnelle à la résistance qui lui est exercée : « Si une certaine force (ichtus) ou puissance (dunamis) meut un certain corps avec une certaine vitesse, il faudra une force ou puissance double pour mouvoir le même corps avec une vitesse double [46] ».

e) Évaluation critique

Médiocre mathématicien, Aristote ne connaît que cette seule fonction mathématique [47]. Il n’envisage la nature qu’en puissance d’ordre 1 et ignore la puissance 2. Or, cela l’en­traîne dans des contradictions internes. En effet, si on maintient constante la grandeur de la puissance et que l’on fait croître la grandeur de la résistance jusqu’à ce qu’elle égale la puissance, la vitesse devra s’annuler pour Aristote. Or, il a dit que cette vitesse est proportionnelle au rapport puissance-résistance.

Aristote s’est forcément formulé cette objection dirimante ; a-t-il cru qu’il suffisait d’ajou­ter à la considération des Physiques cette simple constatation pour y répondre [48] ? Les commentateurs le constateront, mais négligeront d’y répondre, sans percevoir que cette objection entraîne avec elle toute la Dynamique aristotélicienne. Au fond, ils devaient être tellement convaincus de sa vérité, elle-même fondée sur l’adéquation de cette théo­rie avec l’expérience courante, qu’ils ont négligé de l’analyser en détail.

Il demeure que la notion de désir, d’appétit lui fait toucher de manière non formalisée une autre fonction : l’accélération. Aristote ne dit-il pas : « la terre se meut d’autant plus rapidement qu’elle est plus rapprochée du centre, et le feu, qu’il est plus près du haut [49] ». Aristote ajoute, ce qui est passionnant et est éclairant au vu de la théorie de la rela­tivité restreinte : « Si le mouvement était infini, la rapidité serait aussi infinie et, si la rapi­dité l’était, la pesanteur et la légèreté le seraient aussi [50] ».

Derrière ces objections, il y a une question fondamentale de méthodologie. Pour Aristote, les expériences de la chute d’un corps ou de sa traction hors de l’eau sont des expériences simples, élémentaires, puisqu’elles concernent des corps élémentaires : l’eau, la terre, l’air. Or, un physicien moderne observerait que les expériences fondatrices de la Dynamique aristotélicienne sont en réalité extraordinairement complexes : un nombre important de facteurs s’y combinent. Il est donc impossible de formuler une science et des équations du mouvement à partir d’événements aussi complexes.

De plus, « la physique aristotélicienne forme ainsi une admirable théorie parfaitement cohérente qui, à dire le vrai, ne présente qu’un défaut (outre celui d’être fausse) : le défaut d’être démentie par l’usage quotidien du lancer [51] ».

2) Les corps élémentaires le grave et le léger

Appliquons les principes généraux de la Dynamique aux différents mobiles.

a) Mouvement général
1’) Exposé

Rappelons-nous le principe défini ci-dessus : à chaque substance simple correspond un et un seul mouvement naturel et simple. Or, il y a deux sortes de mouvements simples : la translation rectiligne et le mouvement circulaire [52]. Mais nous avons vu que le mou­vement circulaire convenait par nature à la substance céleste. Il reste donc que le mou­vement rectiligne convient aux corps contenus sous la concavité de l’orbe lunaire qui sont aussi les corps corruptibles.

Or, les translations rectilignes simples sont de deux sortes : soit dirigée vers le bas, soit dirigée vers le haut. Or, le mouvement vers le bas est dirigé vers le centre de la Terre : il est centripète ; de plus, il caractérise les corps lourds ou, étymologiquement, graves. Le mouvement vers le haut est dirigé vers la région qui confine à l’orbe de la lune : il est centrifuge ; de plus il caractérise les corps légers. En conséquence, le mouvement cen­tripète est naturel aux corps lourds et le mouvement centrifuge est naturel aux corps lé­gers.

Citons un clair passage d’Aristote :

 

« Tout mouvement qui est selon le lieu et que nous appelons translation, est ou rectiligne, ou circulaire, ou un mélange de ces deux mouve­ments, puisque ce sont les deux seuls mouvements simples. La cause en est que ces grandeurs sont les seules qui soient simples, à savoir la ligne droite et la ligne circulaire. Est un mouvement circulaire le mouvement qui tourne autour du centre, et en ligne droite celui qui se dirige vers le haut ou vers le bas. Je qualifie de vers le haut celui qui part du centre, et vers le bas celui qui va vers le centre. Par conséquent, il faut nécessairement que toute translation simple, ou bien s’éloigne du centre, ou bien tende vers le centre, ou bien tourne autour du centre ».

 

Ayant ainsi distingué les différents types de mouvement, Aristote applique cette distinc­tion aux différents types de corps :

 

« Étant donné que, parmi les corps, les uns sont simples, et les autres composés des corps simples (j’appelle simples ceux qui possèdent naturellement un principe de mouvement, par exemple le feu, la terre et leurs espèces [53], ainsi que les éléments analogues à ceux-là [54]), il faut nécessairement que, pour les mouvements aussi, les uns soient simples, et les autres, mixtes de quelque façon, et que les mouvements des corps simples soient simples, et les mouvements des corps compo­sés, mixtes, et, dans ce dernier cas, le mouvement sera celui de l’élément qui prédomine. Puis donc qu’il y a un mouvement simple, et que le mouvement circulaire est simple, que, d’autre part, le mouvement du corps simple est simple, et le mouvement simple celui d’un corps simple (car si c’est le mouvement d’un corps composé, il s’effectuera d’après l’élément prédominant), il est de toute nécessité qu’il existe un corps simple dont la na­ture soit de se mouvoir selon la translation circulaire, conformément à sa propre nature [55] ».

2’) Objection et réponse

Une objection va permettre de rencontrer une distinction, essentielle, pour Aristote. Nous la connaissons mais nous allons en mesurer toute la fécondité. Il arrive que des corps lourds montent ou que les corps décrivent des courbes, donc des mouvements qui ne sont ni rectilignes ni dirigés vers le bas, lieu naturel du corps grave.

Aristote reconnaît parfaitement l’existence de tels mouvements. Mais ils distinguent deux sortes de mouvements : les mouvements naturels qui portent le corps vers son lieu naturel et les mouvements violents qui les écartent de ce lieu naturel. Les deux types de mouvement décrits sont donc des mouvements violents. Par exemple, les comètes, les météores se forment au sein d’une sphère ignée située dans la sphère immédiatement au-dessous de l’orbe de la Lune ; dès lors, le feu tourne d’Orient en Occident : tel est le mouvement observé. Or, le mouvement du feu, corps léger est naturellement le mouve­ment rectiligne ascendant. Par conséquent, ces corps ignés subissent un mouvement violent en s’écartant de leur trajectoire naturellement verticale.

b) Fondement

Le fondement de ce mouvement est la notion de lieu naturel. En effet, le mouvement a pour terme, achèvement le repos ; or, ce repos est localisé, se produit dans un lieu ; voilà pourquoi on parle de lieu naturel. Comment l’entendre ? Certes, il existe comme une pa­renté, une affinité entre le corps et le lieu où il se repose. [56]

Mais en quoi consiste cette affinité ? On peut la concevoir comme une attirance du semblable pour le semblable : c’est la doctrine du Timée. On peut faire remarquer que la théorie électromagnétique ne dit pas mieux, en constatant que les charges de signes contraires (positif-négatif) ou que les pôles de polarité contraires (nord-sud) s’attirent (similitude par contraste). Voire, la théorie de la gravitation universelle dit la même chose, de façon générale en estimant que la matière attire la matière. Selon cette doc­trine, l’affinité est celle d’une partie de la matière pour le tout dont elle est détachée : par exemple, une pierre détachée de la terre et élevée au-dessus du sol, tendrait à rejoindre la place qu’elle a quittée par violence, à laquelle elle a été arrachée.

Or, Aristote, fin observateur de la nature, repousse formellement cette doctrine : l’expé­rience en montre l’erreur. Alors, vers quoi est attiré le corps ? Vers le centre du Monde : c’est « de cette façon qu’il est préférable de comprendre ce qu’ont dit les anciens philo­sophes, que le semblable se meut vers le semblable, car cela n’arrive pas dans tous les cas. Si, en effet, on mettait la Terre à la place où la Lune se trouve présentement, cha­cune des parties de terre ne se dirigerait pas vers elle, mais bien vers l’endroit même où la Terre est à présent [57] ». Comprenons bien : ce n’est pas le centre de la Terre qui est ici mis en valeur, mais le Monde lui-même. Tout mouvement converge vers le centre de l’Univers.

c) Application aux corps qui se meuvent

Dans le vocabulaire d’Aristote : quels sont les mobiles ?

1’) Les corps purement et simplement graves ou légers

Le feu se porte naturellement, c’est-à-dire comme à son lieu naturel, vers la région qui confine à l’orbe de la Lune et la terre, elle, vers la région qui est au centre du Monde : « nous avons à distinguer le lourd absolu, qui siège au bas de toutes choses, et le léger absolu, qui est à la surface de toutes choses. Je dis absolu, en m’attachant au genre même du lourd et du léger [58], et seulement pour les corps dans lesquels ne sont pas unies ces deux déterminations. Par exemple, il apparaît manifestement que le feu, quelle que soit sa quantité, se porte vers le haut, si aucun obstacle étranger ne s’y oppose en fait, et la terre vers le bas [59] ». Et Aristote précise plus loin : « l’observation nous montre le feu se portant vers le haut dans l’air lui-même, quand l’air reste en repos [60] ». Par consé­quent, le feu élémentaire est simplement et absolument léger, et la terre élémentaire est simplement et absolument grave, lourde.

2’) Les corps relativement (secundum quid) graves ou légers

Considérons seulement les éléments restants : eau et air [61]. On constate qu’il y a une gradation de sorte que l’on peut échelonner les éléments de la manière suivante : terre-eau-air-feu. Eau et air sont relativement soit graves soit légers selon le point de vue, se­lon le corps auquel on les compare.

Quels sont les mouvements des corps relativement graves et légers ? Un corps tend à monter ou à descendre non pas purement et simplement, mais relativement, en fonction du corps qui est au-dessous pour la descente et au-dessus pour la montée. Par exemple, une bulle d’air monte lorsqu’elle a de l’eau au-dessus d’elle, alors qu’une goutte d’eau descend lorsqu’elle se trouve au sein de l’air.

Dès lors, quels sont les lieux naturels de ces corps ? Un corps intermédiaire sera en re­pos, donc aura atteint son lieu naturel, lorsqu’il aura au-dessous de lui un corps plus lourd et au-dessus de lui un corps plus léger. Précisément, ces éléments se trouveraient dans leurs lieux naturels s’ils occupaient les places suivantes autour du centre du Monde : la terre, puis l’eau entourant la terre, l’air entourant l’eau et le feu entourant l’air.

Par certains côtés, nous retrouvons des notions de mécanique élaborées sous le nom d’équilibres stable et instable.

3) La Terre dans sa globalité

a) Sa figure sphérique

Dans « un des plus remarquables chapitres du Traité du Ciel [62] », Aristote entreprend de démontrer la sphéricité de la Terre. Il fait appel à deux sortes d’arguments : expérimen­taux ou observationnels et déductifs. Les premiers constatent un fait (le to oti, la preuve quia) et les seconds tentent d’en fournir la cause (le to dioti, la preuve propter quid).

1’) Preuves d’observation

La preuve la plus évidente est fournie par les éclipses de Lune. En effet, elles sont liées à un obscurcissement du Soleil par la Terre ; or, cet obscurcissement projette l’ombre de la Terre sur la Lune ; or, cette figure est circulaire. « Cet argument est le plus probant que l’Antiquité ait connu, commente Duhem ; il ne paraît pas, cependant, qu’il ait été repris par aucun des cosmographes grecs ou latins qui sont venus après Aristote [63] ».

Une autre preuve est tirée de l’observation suivante : le voyageur qui s’avance du Nord au Sud, voit certaines constellations descendre et disparaître sous l’horizon, alors que d’autres, d’abord scellées, montent dans le ciel. Or, cela ne peut s’expliquer que si la Terre est de forme sphérique. Plus encore, on peut utiliser cette observation pour calculer le diamètre de la Terre. Cette détermination est la plus ancienne qui nous soit parvenue.

La preuve de l’horizon est sujette à caution.

Enfin, à ces deux arguments observationnels communs à tout physicien, Aristote va faire appel à un principe propre à sa conception physique de l’Univers. Tous les graves, par leur mouvement propre et naturel, tendent au centre du Monde. Or, la ligne de chute à la fois varie et ne varie pas selon les points de chute : ces lignes ne sont pas parallèles, mais elles sont toutes verticales, de sorte qu’elles sont normales à la surface de ce corps. Mais la figure décrite par ces lignes est celle d’une surface sphérique. Donc…

2’) Preuves causales

Mais Aristote va plus loin ; il veut rendre compte causalement, expliquer cette sphéricité de la Terre. Pour cela, il va faire appel à un argument profond lié à sa théorie du grave, on dirait : de la pesanteur. Lisons Aristote :

 

« Quant à sa forme, elle est nécessairement sphérique. En effet, chaque portion de terre a un poids jusqu’à son arrivée au centre, et la plus petite, poussée par la plus grande, n’amène pas une surface ondulée [64], mais plutôt un tassement et une réunion d’une partie à une autre, jusqu’à ce que le centre soit atteint. Il faut concevoir ce que nous disons là comme si la Terre se formait de la façon que décrivent certains physiologues [65]. Avec cette différence toutefois que c’est la vio­lence qu’ils donnent pour cause du mouvement vers le bas, alors qu’il est préférable de s’en tenir à la vérité, et de dire que le mouvement vers le bas a lieu parce que la chose pesante est douée naturellement d’un mouvement vers le centre. Quand donc les élé­ments composant le mélange n’existaient qu’en puissance, au moment de leur sépara­tion ils se dirigeaient également de tous les points vers le centre. Peu importera, d’ail­leurs, que les parties, qui vinrent ensemble vers le centre, aient été distribuées aux ex­trémités d’une manière égale, ou selon un autre mode de répartition. Qu’ainsi donc, un mouvement, partant semblablement de tous les points de l’extrémité vers un centre unique, se produise, il est évident que la masse totale sera nécessairement semblable sur chaque côté. Car si une quantité égale est ajoutée à chaque côté, il est de toute né­cessité que l’extrémité de la masse totale soit à égale distance de son centre, autrement dit que la figure soit une sphère. Et rien ne servirait d’objecter à notre argument qu’il n’y a pas, en provenance de tous côtés, rassemblement uniforme de ses parties au centre : car toujours la quantité plus grande, trouvant devant elle la quantité plus petite, doit néces­sairement la pousser en avant jusqu’au centre, toutes deux ayant une impulsion [un ap­pétit, une tendance vers le centre], et la plus pesante poussant en avant, jusqu’à ce centre, le poids le plus faible [66] ».

 

Et Duhem de commenter : « Sous une forme bien sommaire et bien vague encore, ce passage contient le germe d’une grande vérité, qui ira se développant à travers les siècles : c’est à la pesanteur que la Terre doit sa figure [67] ».

3’) Précisions sur la nature de la sphéricité

Aristote sait très bien que la Terre n’est pas absolument sphérique : l’existence des montagnes et des dépressions est là pour en témoigner. La cause en est la rigidité des éléments qui la composent et qui gênent la mise en forme sphérique. Aussi la Terre n’est-elle pas ronde, mais tend-elle seulement à l’être.

En revanche, l’eau adopte une forme sphérique. Cela tient à sa fluidité. Aristote a pris le soin de le montrer. Plus exactement, il montre que si une face plane venait à interrompre la parfaite sphéricité, cette face ne pourrait persister à exister et la figure sphérique ten­drait à se restaurer grâce à la pesanteur [68]. Le raisonnement est certes sommaire. Du moins, pour la première fois, on tente de traiter mathématiquement un phénomène d’hy­drostatique.

b) Sa situation au centre du Monde

Aristote montre non seulement que la Terre est sphérique ou plutôt tend vers cette fi­gure, et que la surface des mers est ronde, mais que ces deux surfaces, de la Terre et des mers, ont le même centre que le centre du Monde.

Pourquoi ? [69] Les différentes parties de la Terre ont tendance à se porter au centre de l’Univers. Or, ces mouvements s’équilibrent les uns les autres, comme se compensent les tendances à descendre qui sollicitent deux poids égaux placés dans les deux pla­teaux d’une balance à fléau qui serait juste.

c) Son immobilité

Diverses sont les opinions des prédécesseurs et contemporains d’Aristote sur la ques­tion de la situation et de la mobilité de la Terre. Au temps d’Aristote, la doctrine de Philolaüs place la terre hors du centre du Monde qui, lui, est occupé, par le feu. D’autres pythagoriciens, postérieurs à Philolaüs (Hicétas, Écphantus), donnent à la Terre une ro­tation propre, pour sauver la circulation diurne des astres. Enfin, nous verrons plus loin, la doctrine d’Héraclide du Pont sur le mouvement de translation de la Terre autour du soleil.

Aristote, quant à lui, estime que la Terre est immobile, au centre de l’Univers. On voit donc que sa doctrine est loin de faire l’unanimité.

Pierre Duhem classifie sous quatre chefs principaux son argumentation [70].

1’) Preuve par les effets

Écoutons Aristote. Il vient d’établir que le Ciel est doué d’un corps circulaire qui, par nature, se meut toujours en cercle.

 

« Pourquoi donc le corps tout entier du Ciel n’a-t-il pas le même caractère que cette partie-là ? C’est parce qu’il faut nécessairement qu’une partie du corps qui se meut circulairement reste en place, à savoir celle qui occupe le centre, et de ce corps aucune partie ne peut demeurer en repos, ni absolument en aucun de ses points, ni au centre, car alors le mouvement naturel du corps se ferait dans la di­rection du centre [71] ».

 

Autrement dit, le mouvement du Ciel exige un corps immobile étranger au Ciel et qui est au centre : c’est la Terre.

Exposons son raisonnement : une sphère animée d’un mouvement de rotation est fixe. Mais pour conclure que ce centre fixe est la Terre, il nous manque une prémisse qu’Aristote n’expose pas, à savoir que ce centre fixe ne peut être seulement géomé­trique, mais physique : ce doit être une portion de matière. Ce qui permet de l’affirmer est le témoignage des plus pénétrants interprètes et commentateurs d’Aristote, Simplicios, Alexandre d’Aphrodise et Thémistios. Écoutons seulement le premier :

 

« Si l’on préten­dait que c’est autour de son centre même que le Ciel se meut, on affirmerait, semble-t-il, une chose impossible ; le centre, en effet, n’est autre chose que le terme d’un corps ; il ne peut demeurer immobile lorsque se meut le corps dont il est le terme ; le centre n’a point d’existence par lui-même ; puis donc que le centre ne peut être immobile, le Ciel ne sau­rait tourner autour de lui [72] ».

 

Il nous faut une seconde prémisse qui, là, est explicitée : cette matière doit être d’une na­ture différente de celle du Ciel. En effet, tout corps qui se tient immobile sans violence dans un lieu se trouve donc dans un lieu naturel et y tendra par un mouvement naturel. Si donc la substance céleste se tient en repos dans le centre du Monde, elle devra s’y porter et le Ciel aura pour mouvement naturel le mouvement centripète caractéristique des corps graves. Or, nous avons vu que le Ciel n’était animé que d’un mouvement simple, le mouvement circulaire. C’est donc que le corps central immobile n’est pas constitué de la même substance que celle du Ciel. Or, la substance céleste est quintes­sence incorruptible et inengendrable. En conséquence, au centre du cosmos se trouve une substance composée d’une matière corruptible, d’une nature différente : la Terre.

Et Duhem de commenter : cette théorie qui déduit l’existence de la Terre de celle du Ciel est « l’une des doctrines les plus audacieusement originales que le Stagirite ait for­mulée [73] ».

2’) Preuve par des raisons physiques par observation

C’est un fait d’observation que la Terre est pesante. Or, le mouvement naturel de tout corps pesant est le mouvement rectiligne descendant. De plus, chaque partie de la terre, lorsqu’elle est libérée (par exemple arrachée à son support) se meut vers le centre du Monde ; or, le mouvement qui est naturel à chaque partie doit aussi être naturel au tout ; c’est donc que le tout de la Terre doit se porter vers le centre d’un mouvement rectiligne. Mais Aristote a posé comme axiome qu’un corps simple, une substance simple est doué d’un mouvement naturel simple. Et la terre est un élément simple. Elle ne peut donc être soumise à deux mouvements naturels simples, rectiligne et circulaire. La Terre ne peut donc se mouvoir, par nature, de façon circulaire.

Or, un mouvement peut être soit naturel, soit violent. Le mouvement circulaire de la Terre ne peut-il être violent, contrarié ? Non, car un mouvement violent ne peut être éter­nel. C’est là un autre axiome aristotélicien : tôt ou tard, la nature reprendra ses droits et son cours normal : « son mouvement ne peut être éternel, puisqu’il est forcé et contre na­ture, car l’ordre du Monde est éternel [74] ».

3’) Preuves d’observation

Aristote fournit deux raisonnements davantage fondés sur l’observation :

 

« Tout ce qui se meut d’un mouvement circulaire est manifestement laissé en arrière et doué de plusieurs mouvements au lieu d’un seul, à l’exception toutefois de la première Sphère. Par consé­quent, il est nécessaire que la Terre, elle aussi, soit qu’elle se meuve autour du centre, soit qu’elle réside au centre, se meuve de deux mouvements de translation. Mais s’il en est ainsi, il y aura nécessairement des mutations et des mouvements de conversion des étoiles fixes. Or, l’observation ne constate rien de semblable, mais toujours les mêmes étoiles ont leur lever et leur coucher aux mêmes régions de la Terre [75] ».

 

Reprenons ce difficile raisonnement : les orbes célestes se meuvent non pas d’un seul mouvement de rotation, mais de deux ou plusieurs qui se composent entre eux ; cette loi devrait s’étendre à la Terre. Or, un tel mouvement serait observable. En effet, Aristote ignorait tout de l’immensité de l’espace : un mouvement tel que celui envisagé par Philolaüs de­vrait donc engendrer un effet de parallaxe.

Cet argument d’observation est d’une grande force pour montrer que la Terre est fixe. Par exemple, lorsqu’Aristarque de Samos proposera le premier système héliocentrique, donc supposera que la Terre est mobile, il reculera la sphère des étoiles fixes extrême­ment, afin que la vision de ces étoiles demeure sensiblement dans la même direction, malgré le mouvement de la Terre.

Aristote propose une preuve encore plus expérimentale. Si, d’un endroit donné, on jette une pierre, autant de fois que l’on voudra, on observe que cette pierre retombera tou­jours à la même place, celle d’où elle fut lancée verticalement. Or, un mouvement de la Terre entraînerait la pierre, dévierait la chute ou ferait chuter la pierre plus loin. C’est donc que la Terre est immuable.

Il faut mesurer le poids de cet argument très simple, tiré de l’expérience, pour établir l’immobilité de la Terre. Il faudra bien des siècles et beaucoup de génie pour en montrer l’inanité. Galilée lui-même ne saura pas vraiment le confondre ; il reviendra à Gassendi de donner la solution exacte du problème posé par Aristote [76].

4’) Preuve causale physique

Jusqu’à maintenant, il n’a été donné que des arguments extrinsèques, par l’effet ou par les faits. Mais quelle est la cause, le to dioti de cette immobilité ? En effet, le propre d’une science est de raisonner par la cause, de donner la lumière causale sur le point aporé­tique.

Nous observons que ce n’est pas violence, mais par nature, que les graves se portent vers le centre. Écartés de leur lieu naturel, ils y reviennent et se reposent dans leur lieu naturel qui est le centre. Or, les parties de la terre se distribuent autour du milieu du Monde de sorte que leurs poids se fassent mutuellement équilibre. Cet équilibre entre les pesanteurs des différentes portions de la terre entraîne donc l’immobilité de la terre entière.

Duhem remarque que nous sommes quelque peu troublés par cette argumentation, car rien chez Aristote n’est équivalent à note principe d’inertie : celui-ci suppose qu’un corps se meut même si aucune force ne lui est appliquée ; or, pour Aristote, qui dit mouvement dit cause, donc force.

5’) Preuve causale métaphysique

On pourrait ajouter une raison d’ordre métaphysique qui manifeste la profonde intelli­gibilité, harmonie, unité du système aristotélicien du monde. Le Premier moteur meut à titre de cause finale, comme Souverain Bien. Les intelligences célestes le connaissent et le désirent, de sorte qu’elles meuvent vers lui les orbes auxquelles elles sont préposées. Or, la cause meut par assimilation. Donc, plus un corps est noble, plus il ressemblera au Premier Moteur. Voilà pourquoi l’orbe suprême, celle des étoiles fixes, qui est le corps le plus voisin du premier Moteur, est mue vers lui d’un mouvement unique ; les orbes, les cieux inférieurs tendent aussi vers ce premier Moteur, mais par un mouvement plus compliqué, composant plusieurs rotations simples ; enfin, la Terre est le corps de l’Uni­vers qui est le plus imparfait et le plus éloigné du premier Moteur : voilà pourquoi elle demeure en constante immobilité. Autant le Premier Moteur, acte pur, est immobile par surabondance de mouvement, par achèvement, autant la Terre est immobile, par in­achèvement, par défaut d’acte. Elle est toute proche de la puissance pure : elle est, dans l’ordre du mouvement et du lieu, l’analogue de la matière prime dans l’ordre des sub­stances matérielles et, dans l’ordre spirituel, l’intelligence humaine.

En tout cas, telle fut l’argumentation d’Aristote qui allait entraîner l’adhésion de la plu­part des astronomes et des physiciens pendant de longs siècles, presque deux millé­naires.

d) Conséquence d’importance

Ce tout dernier argument invite à conclure que le caractère central de la Terre n’est donc nullement un signe de perfection, contrairement à ce que l’on a trop dit. Les corps les plus parfaits sont décentrés : c’est le haut qui, pour le Grec en général et pour Aristote en particulier, est le signe de la noblesse. C’est ainsi que le feu, le plus subtil et le plus parfait des éléments, se porte vers le haut. Or, le haut est occupé par la sphère des fixes. En revanche, le bas ou le centre est plutôt symbolique d’une exclusion ou d’un manque de noblesse.

Un signe en est la disposition des organes du corps humain : le cerveau qui est l’or­gane le plus noble est situé en haut. Or, le corps humain est un microcosme, un raccourci d’univers.

4) La pluralité ou l’unicité du monde

Enfin, les considérations précédentes permettent de répondre à la question suivante : l’Univers est-il un ou plusieurs ? En effet, nous avons vu le mouvement, la mécanique des corps physiques (graves et légers), la mécanique de l’Univers, la mécanique céleste. Aussi, Aristote se demande-t-il s’il « existe plusieurs cieux [77] ». La réponse est résolument négative.

a) Preuve

Voici le raisonnement. Un corps se porte naturellement vers le lieu de son repos ; ce n’est que forcé, contraint que le corps se maintient dans un lieu qui ne lui est pas naturel. Nous l’avons déjà vu. Aristote se fonde sur la distinction connue du mouvement naturel et du mouvement violent.

Or, et cette seconde prémisse « ne tient que par un lien assez lâche à l’ensemble de » la Physique d’Aristote [78] : s’il existe un monde hors de celui que nous connaissons, il sera constitué d’éléments spécifiquement identiques à ceux qui composent le nôtre. Si ce monde n’était pas composé de terre, d’eau, d’air et de feu, il ne mériterait même pas d’être appelé monde : le terme serait absolument équivoque. Pour être appelé monde, il doit être de même espèce, donc être doué des mêmes propriétés spécifiques.

Si donc cet autre monde existe, il sera porté vers les mêmes lieux naturels. Soit il est au centre du premier monde, et il est immobile, puisqu’il est dans un lieu qui lui est naturel ; aussi se confondra-t-il avec le premier monde. Soit cet autre monde n’est pas dans son lieu propre ; il va donc y tendre, s’éloigner du centre du premier monde ; or, un monde n’existe que parce qu’il a un lieu, un centre propre. Là encore, le seconde monde s’ef­face. Et l’on voit que c’est non pour des raisons idéologiques, mais dynamiques, phy­siques que son existence est niée.

b) Objection

Il semble logique – surtout à nos modernes habitudes d’esprit – d’opposer à Aristote l’objection suivante. Une portion de terre pourrait se mouvoir non pas toute vers un seul centre, mais vers les deux centres des deux mondes. Comment ? La tendance vers un centre est fonction de la distance (nous inverserions aujourd’hui la formule : l’attraction exercée par un corps est fonction de sa distance). Par conséquent, la portion de terre se portera vers tel ou tel centre en fonction de la proximité du centre.

La réponse à l’objection nous reconduit au cœur de la physique du Stagirite. Aristote raisonne tout différemment du moderne. Pour lui, un corps grave ne se porte pas au centre du Monde selon une force proportionnelle à la distance du centre, mais selon sa nature même : par définition, un corps grave est celui qui est en puissance à retourner vers le centre du Monde. Or, la distance n’importe pas à la nature du corps. Aussi deux corps graves inégalement éloignés d’un même centre se rapportent différemment à notre intelligence, mais non à leur nature spécifique ; et cette nature, c’est d’être en puissance, en appétit de ce centre. Or, cette puissance ne comporte pas de degré pour Aristote. Elle ne peut que s’actualiser en accédant au centre du Monde. [79]

De plus, un même élément, la terre, est un corps naturel simple ; or, à corps simple, lieu simple et donc unique ; voilà pourquoi la Terre qui est composé de terre ne peut tendre que vers un lieu, et non vers plusieurs centres distincts. Et cette unité n’est pas seule­ment spécifique, mais numérique.

c) Conséquence

Par conséquent, hors de la sphère étoilée qui borne notre monde, il ne se trouve pas de corps [80]. En effet, hors de l’Univers, il pourrait y avoir soit de la matière, soit du vide. Or, il ne peut y avoir de corps, donc de matière, ni naturellement, ni par violence. Par nature, car l’élément a déjà un lieu naturel en notre monde ; or, un même élément ne peut avoir deux lieux naturels. Par violence, car un corps est dans un lieu par violence si ce lieu convient naturellement à quelque autre corps ; or, on vient de montrer qu’aucun corps n’avait son lieu naturel hors de la dernière sphère céleste.

Du moins, ne peut-on dire qu’il existe du vide hors des limites du Monde ? En effet, pour Aristote, qui n’a rien d’un abdéritain, le vide désigne un lieu qui ne contient pas de corps mais pourrait en contenir, en recevoir un ; or, nul corps ne peut se trouver hors de la dernière sphère. En conséquence, il ne s’y trouve pas de vide.

On pourrait ajouter qu’il n’y a pas non plus de lieu, ni même de temps, puisque lieu et durée suppose un corps susceptible de changer.

Par conséquent, le Monde contient en son sein toute la matière actuellement existante, et aussi le lieu et le temps. Peut-on en tenter une réinterprétation heideggérienne, comme l’a proposé Rémi Brague ?

D) Conclusions

Certains auteurs écartent d’emblée Aristote. Que l’on songe aux critiques aussi ex­trêmes que mal informées du rationaliste Pierre Couderc, astronome de son état. D’autres proposent des distinctions. L’helléniste Antoinette Virieux-Reymond concluait d’une étude sur Aristote et la biologie que si ses théories sont devenues caduques, « la méthode qu’il a suivie est encore celle de nos biologistes qui accordent plus d’impor­tance à l’observation et à l’expérimentation qu’aux théories [81] ». C’est déjà immense, mais la philosophie de la nature en son contenu est-elle totalement frappée d’obsoles­cence ? Voici quelques autres opinions.

1) Évaluation de Pierre Duhem

a) Évaluation générale

Tout d’abord, il faut savoir reconnaître à Duhem son admirable probité scientifique. L’historien des doctrines a salué les intuitions d’Aristote. Par exemple, à propos du mou­vement mixte par opposition aux mouvements simples, rectiligne et circulaire.

 

« Que tout autre mouvement ait été regardé par Aristote comme un mélange du droit et du circulaire, on serait peut-être tenté d’y voir une marque de connaissance géométriques bien super­ficielles ; mais si l’on veut bien observer que l’un des théorèmes les plus féconds de la Cinématique se formule ainsi : le mouvement infiniment petit le plus général d’un corps solide se compose d’une rotation infiniment petite autour d’un certain axe [c’est-à-dire un mouvement circulaire] et d’une translation infiniment petite parallèle à cet axe, on avouera, croyons-nous, que l’intuition du Philosophe avait singulièrement devancé, en cette circonstance, la science déductive des géomètres [82] ».

 

Duhem propose une remarquable conclusion sur l’évolution ultérieure de la théorie physique et surtout cosmologique d’Aristote [83]. Il en souligne d’abord l’harmonie et l’ap­parente solidité : « L’humanité n’a jamais vu aucune synthèse dont l’ensemble ait autant d’unité, dont les diverses parties fussent aussi intimement reliées les unes aux autres ».

Or, et le jugement tombe comme un couperet :

 

« De la Physique d’Aristote, cependant il ne restera pas pierre sur pierre. La Science moderne, pour se substituer à cette Physique, en devra démolir successivement toutes les parties ; sans doute, maint frag­ment, emprunté au monument antique, sera repris pour bâtir les murs du nouvel édifice ; mais avant de trouver place dans cet appareil pour lequel il n’avait pas été taillé, il lui faudra recevoir une figure toute différente de celle qu’il affectait jadis ».

 

Pour y voir clair, il faut distinguer deux théories au sein de la physique aristotélicienne, ce que nous appellerions aujourd’hui l’astronomie ou physique des astres et la méca­nique ou physique des corps sublunaires.

b) Évaluation de l’astronomie

« La première repose sur ce dogme fondamental : Tous les mouvements de la substance céleste sont des mouvements circulaires et uniformes qui ont pour centre le centre du Monde ». Autrement dit, le système aristotélicien est homocentrique.

Or, la mécanique céleste fut aussitôt combattue après la mort d’Aristote. Elle sera niée au nom même du principe de méthode mis en place par le Stagirite, à savoir le respect des faits. C’est ainsi que l’on verra naître le système des épicycles et des excentriques d’Hipparque et Ptolémée. Mais jusqu’à la Renaissance, les aristotéliciens contesteront ce système. La querelle entre systèmes homocentriques et systèmes excentriques ne s’achèvera que lorsqu’un un nouveau système les récusera tous deux : le système hélio­centrique copernicien. En fait, Copernic exhumera un système qui existait déjà mais qui n’avait pas eu de fortune.

c) Évaluation de la mécanique

« La seconde est dominée par la notion du lieu naturel : elle précise les lois des mouve­ments naturels par lesquels les corps graves ou légers tendent à leurs lieux propres ».

Ici, il faudra plus longtemps pour que la mécanique ces mouvements sublunaires cède la place à une autre vision physique de la nature. La contestation sera plus longue à ve­nir. Elle viendra, là aussi, à la Renaissance : « Dans la pesanteur, on cessera de voir une puissance par laquelle chaque corps grave se porte au centre du Monde, avec une in­tensité que l’accroissement de la distance n’affaiblit pas ». Et Duhem, avec un remar­quable sens synthétique, résume les différentes étapes qui vont de Copernic à Newton, via Képler :

 

« On y verra, d’abord, une action, analogue à une attraction magnétique, par laquelle chaque astre retient ses diverse parties et les ramène à lui lorsqu’elles en ont été écartées ; c’est une telle hypothèse que le système de Copernic mettra en faveur. Plus tard, on commencera d’y voir, avec Képler, l’effet d’une attraction universelle par la­quelle toute masse matérielle se porte vers tout autre masse matérielle ; et, deux mille ans après Aristote, cette hypothèse triomphera dans l’œuvre de Newton ».

 

Mais alors, la mécanique sublunaire et céleste aura été unifiée en une discipline unique : la théorie de la gravitation universelle.

2) Évaluation d’Alexandre Koyré

Pour Aristote, explique Koyré,

 

« la nature de l’être physique est qualitative et vague. Elle ne se conforme pas à la rigidité et à la précision des concepts mathématiques. C’est toujours du ‘plus ou moins’. Donc, […] la philosophique, qui est la science du réel, n’a pas besoin d’examiner les détails ni d’avoir recours aux déterminations numériques en formulant ses théories du mouvement ; tout ce qu’elle doit faire, c’est d’en énumérer les principales catégories (naturel, violent, rectiligne, circulaire) et d’en décrire les traits gé­néraux, qualitatifs et abstraits [84] ».

 

En regard, pour Koyré, le triomphe de la science classique, de Galilée à Newton, est un triomphe et une incarnation, une mise en œuvre des intuitions d’Archimède et, au-delà, de Platon : « La science nouvelle est pour lui [Galilée et, en définitive, Koyré] une preuve expérimentale du platonisme [85] ».

3) Évaluation de Maurice Clavelin

Maurice Clavelin est beaucoup plus mesuré, mais pas moins critique.

Voici comment Clavelin résume son apport et comment la pensée mécanique d’Aristote apparut à ceux qui l’acceptèrent. On peut l’organiser, « pour l’essentiel, en trois groupes bien distincts de principes et d’affirmations au demeurant étroitement solidaires ». Nous systématiserons en faisant appel au Tableau II [86]. Le premier groupe fait seul partie de la philosophie de la nature, et les deux autres de la cosmologie.

 

– « En premier lieu un ensemble de propositions directement issues de la conception générale du mouvement et qui constituent l’analyse intrinsèque du mouvement local ». Les propositions sont au nombre de trois : le mouvement n’est qu’un processus transi­toire ; il est l’acte conjoint d’un moteur et d’un mobile ; il est continu.

– « Un deuxième ensemble de propositions, dont l’origine se trouve dans la cosmologie, détermine le cadre et les corps sans lesquels le mouvement est à proprement parler in­concevable : nous dirons qu’elles représentent le fondement cosmologique du mouve­ment local ». Il y a aussi trois propositions : structure d’ordre a priori ; théorie des élé­ments, immobilité de la Terre.

– « Enfin un troisième groupe de propositions, dont le but est de décrire le mouvement local dans ses modalités d’accomplissement, équivaut à une analyse descriptive du mouvement local ».

 

Voici ces trois propositions : classification des mouvements, descrip­tion des forces motrices et des forces de résistance, évaluation des mouvements sous le rapport de la grandeur.

4) Evaluation propre

Ma conclusion sera beaucoup plus réservée. Cela n’empêche pas ces auteurs d’écrire des erreurs, par exemple dans leur interprétation du mouvement processus. Clavelin, comme Koyré, n’ont pas assez vu et exploité la distinction essentielle introduite par Aristote entre mouvement local et mouvements qualitatif et quantitatif : pour le premier, les contraires demeurent extrinsèque. « Dans la physique aristotélicienne, écrit Koyré, le mouvement est un processus de changement et affecte toujours le corps en mouvement [87] ». Or, justement il traite du mouvement de translation.

Surtout, la faiblesse commune à toutes les conclusions précédentes est leur incapacité ou leur oubli de distinguer différents niveaux d’universalité dans leur discours.

Résumons toutefois les multiples conclusions de la philosophie de la nature d’Aristote. Car tous vont se trouver ébranlés dans presque deux millénaires. Ma répartition sera différente de celle de Clavelin :

a) Conclusions (et principes) généraux

– L’ordre du cosmos.

– La nature est un principe intrinsèque de mouvement.

– Le mouvement est l’actuation d’un sujet en puissance. Il est donc un processus et non un état.

– Le mouvement est l’acte conjoint du moteur et du mobile : moteur et mobile sont en contact et extérieurs l’un à l’autre. D’où le refus d’une action à distance.

– Le refus du vide.

– Les trois espèces de changement.

– La distinction essentielle entre mouvement naturel et mouvement violent.

– La distinction essentielle entre le mouvement et le repos.

– La distinction ébauchée entre mouvements uniformes et mouvements non-uniformes.

– L’existence de lieux naturels.

– Le mouvement local est continu.

b) Conclusions astronomiques

– La différence de nature entre le monde sublunaire et le monde céleste.

– L’univers est fini et sphérique.

– La Terre est immobile.

– La Terre est au centre du monde.

– Les orbes célestes sont circulaires.

– Les astres sont incorruptibles.

c) Conclusions mécaniques

– Le mouvement circulaire est un mouvement simple et premier.

– Le mouvement rectiligne est un mouvement simple et premier.

– L’attribution d’un mouvement simple à un corps simple. Donc l’impossibilité du prin­cipe de composition des mouvements.

– La distinction des quatre éléments et leur lien aux mouvements et aux lieux naturels.

– La loi de proportionnalité de la vitesse et de la force motrice (moyennant la résis­tance).

– Le caractère qualitatif de la vitesse.

– L’impossibilité d’un mouvement du mouvement, donc d’une quantification de l’accélé­ration.

– L’impossibilité d’un principe de relativité.

Le travail sera d’évaluer les mutations, leur raison et de nous interroger sur une éven­tuelle distinction entre ce qui est pérenne et ce qui est caduc dans les principes ci-des­sus. Pour un Galilée et les galiléens (d’hier et d’aujourd’hui), tout l’édifice s’effondre dé­but de l’âge moderne ; peut-on tenir ce même discours à la fin du xxe siècle ?

Pascal Ide

[1] Cf. Physique, L. III, ch. 4 et 5. Cf. De Cœlo, L. I, ch. 4-6.

[2] De Cœlo, L. I, ch. 7, 274 b 17-18, p.

[3] Ibid., 276 a 8-10, p.

[4] De Cœlo, L. I, ch. 9, 278 b 24-25, p. 44. Trad. modifiée.

[5] Cf. Physique, L. IV, chap. 5, 212 b 13, p. 134.

[6] Physique, L. VIII, ch. 8, 261 b 28-30, p. 129.

[7] Cf. Ibid., 261 b 31 – 262 b 8, p. 129 et 130.

[8] De Cœlo, L. I, ch. 2.

[9] De Cœlo, L. II, ch. 6 en entier, ici 288 a 30-b 6, p. 83.

[10] De Cœlo, L. I, ch. 3, 270 b 22-24, p. 12. Sur l’éternité des astres, cf. le chap. 3 en entier.

[11] Pierre Duhem, Le Système du monde, tome I, p. 173.

[12] De Cœlo, L. II, ch. 4, 286 b 10-12, p. 76.

[13] Cf. Timée, 33.

[14] Cf. Parménide, Fragment 8 et Mélissos, Fragments 7 et 8.

[15] Pour comprendre cette constatation, il faut se rapporter à la théorie aristotélicienne du lieu comme corps enveloppant une seule ligne extérieure suffit pour entourer un cercle, alors qu’il faut plusieurs lignes (ou une ligne brisée) pour envelopper une figure non circulaire, donc polygone, par exemple un carré.

[16] Aristote renvoie à la définition des Physique, L. III, ch. 6, 207 a 8.

[17] De Cœlo, L. II, ch. 4, 286 b 14-23, p. 76.

[18] Cf. Physique, L. V, ch. 3, 226 b 21-227 a 31.

[19] De Cœlo, L. II, ch. 4, 287 a 2-11, p. 77 et 78.

[20] De Cœlo, L. II, ch. 8, 290 a 24-29, p. 90.

[21] Cf. Physique, L. VIII, ch. 4, 255 a 5, p. 112.

[22] Aristote, Métaphysiques, L. XII, ch. 8, 1073 a 25-34, trad. et commentaire de Jules Tricot, coll. « Bibliothèque des textes philosophiques », Paris, Vrin, 21953, tome 2, p. 689.

[23] Ibid., 1073 a 36-38, p. 690.

[24] Ces « Sphères tournent en sens inverse et ramènent à la même position la Sphère la plus éloignée de l’astre qui, dans chaque cas, est placé en deçà de l’astre donné » (Ibid., 1074 a 2-4, p. 693).

[25] Pour le détail du raisonnement et du calcul, cf. Jules Tricot, dans Aristote, Métaphysiques, L. XII, ch. 8, note 4, p. 694.

[26] Aristote, Métaphysiques, L. XII, ch. 8, 1074 a 28-30, p. 697.

[27] Ibid., 1074 a 17-22, p. 696.

[28] Cf. Ibid., note 2, p. 686 et 687.

[29] Plotin, Ennéades, V, 1, 9, 7-27.

[30] Marcel de Corte, dans Revue de philosophie, novembre-décembre 1933, p. 630.

[31] L’esprit de la philosophie médiévale, Paris, Vrin, 1931, p. 48s. Cf. aussi Yves Floucat, Pour une philosophie chrétienne. Eléments d’un débat fondamental, coll. « Croire et savoir » n° 3, Paris, Téqui, 1981, p. 22-33.

[32] Pierre Duhem, Le Système du monde, fin du chap. IV, 6, p.

[33] Maurice Clavelin, La philosophie naturelle de Galilée, p. 70.

[34] Physique, L. IV, ch. 14, 222 b 31-32, p. 159.

[35] Cf. Physique, L. VI, ch. 2, 232 a 23 – b 20.

[36] Le seul texte qui traite, au moins indirectement de cette question est en Physique, L. VI, ch. 7 (237 b 28 – 238 a 11), mais doit être fortement sollicité.

[37] Ibid., p. 195. Cf. par exemple Physique, L. VII, ch. 5, 250 a 15-18, p. 88.

[38] Physique, L. IV, ch. 8, 215 a 25-29, p. 141.

[39] On se reportera aux profondes analyses d’Henri Carteron, La notion de force dans le système d’Aristote, Paris, Vrin, 1923, p. 11s.

[40] Cf. De Cœlo, L. III, ch. 2, note 2, p. 131.

[41] Physique, L. VII, ch. 5, 249 b 30 – 250 a 7, p. 87 et 88.

[42] De Cœlo, L. III, ch. 2, 301 b 11-13, p. 130.

[43] Cf. Physique, L. VII, ch. 5, 250 a 7s, p. 88.

[44] De Cœlo, L. I, ch. 6, 273 b 29 – 274 a 2, p. 24.

[45] Maurice Clavelin, La philosophie naturelle de Galilée, p. 71, note 191.

[46] Pierre Duhem, Études sur Léonard de Vinci, 3 volumes, Paris, 1905 à 1913, ici vol. 3, p. 58 ; cf. aussi « De l’accélération produite par une force constante », in Extraits de comptes rendus du deuxième congrès international de philosophie, Genève, 1904, p. 861.

[47] Cf. Gaston Milhaud, Études sur la pensée scientifique chez les Grecs et les Modernes, Paris, Société française d’imprimerie et de librairie, 1906, p. 112-117.

[48] Cf. Physique, L. VII, ch. 5, 250 a 9-18, p. 88.

[49] De Cœlo, L. I, ch. 8, 277 a 28-30, p. 38.

[50] Ibid., 277 a 31-32, p. 38.

[51] Alexandre Koyré, « Galilée et Platon », Études d’histoire de la pensée scientifique, coll. « tel », Paris, Gallimard, 1973, p. 166-195, p. 177.

[52] Physique, L. VIII, ch. 8, 261 b.

[53] Comme le sable et la pierre pour la terre, la flamme et la lumière pour le feu (cf. par exemple Platon, Timée, 58 c).

[54] Comme l’air, l’eau et le cinquième élément (dont il sera question plus tard).

[55] De Cœlo, L. I, ch. 2, 268 b 17 – 169 a 7, p. 4 à 6.

[56] Cf. Physique, L. IV, ch. 5.

[57] De Cœlo, L. IV, ch. 3, 310 b 1-5, p. 164 et 165.

[58] « Indépendamment de leur réalisation dans les corps qui ne sont ni absolument lourds ni absolument légers », commente Jules Tricot (note 2, p. 168).

[59] De Cœlo, L. IV, ch. 4, 311 a 17-21, p. 168.

[60] Ibid., 311 b 21-22, p. 170.

[61] Cf. Ibid., L. IV, ch. 5, 312 b 2-19, p. 173-174.

[62] Pierre Duhem, Le Système du monde, p. 211. Cf. De Cœlo, L. II, ch. 14.

[63] Ibid., p. 211.

[64] C’est-à-dire irrégulière, comme les vagues de la mer.

[65] Ou physiciens par exemple, Anaxagore explique la formation du monde par un mouvement de rotation communiqué par le Nous à une partie de la masse, de sorte que le mouvement rotatoire s’étend toujours plus et produit, par sa rapidité le rare et le dense, le froid et le chaud.

[66] De Cœlo, L. II, ch. 14, 297 a 8-30, p. 114 et 115.

[67] Pierre Duhem, Le Système du monde, p. 212 et 213.

[68] De Cœlo, L. II, ch. 4, 287 a 30 – b14, p. 79 et 80.

[69] De Cœlo, L. II, ch. 14, 296 b,

[70] Cf. Pierre Duhem, Le Système du monde, p. 219-230.

[71] De Cœlo, L. II, ch. 3, 286 a 12-16, p. 73 et 74.

[72] Simplicius, In Aristotelis libros de Cœlo commentaria, L. II, ch. 3, S. Karten éd., Trèves, 1865, p. 178b ; Éd. Heiberg, Berlin, 1894, p. 398.

[73] Pierre Duhem, Le Système du monde, p. 221.

[74] De Cœlo, L. II, ch. 14, 296 a 33-34, p. 112. Je reprends la traduction de Pierre Duhem (Le Système du monde, p. 112) qui met un « car », là où Tricot traduit « or ».

[75] De Cœlo, L. II, ch. 14, 296 a 34 – b 6, p. 112.

[76] Pierre Duhem en rappelle le cœur « la vitesse initiale de la pierre n’est pas seulement la vistesse verticale et dirigée de bas en haut que l’observateur lui a imprimée en la lançant ; il faut y joindre la vitesse dont cet observateur, lié à la terre, est animé ; la composition de ces deux vitesse initiales explique pourquoi la pierre retombe presque exactement au lieu d’où elle a été jetée ». (Le Système du monde, p. 228)

[77] De Cœlo, L. I, ch. 8, 276 a 18, p. 34.

[78] Pierre Duhem, Le Système du monde, p. 231.

[79] Je crois que cette conclusion peut être aménagée grâce à la notion d’appétit.

[80] Cf. De Cœlo, L. I, ch. 9, p. 41-46.

[81] « Aristote et la biologie », in Centre international d’études platoniciennes et aristotéliciennes, Energeia. Études aristotéliciennes offertes à Mgr. Antonio Jannone, Paris, Vrin, 1986, p. 192-198, ici p. 197 et 198.

[82] Pierre Duhem, Le Système du monde, p. 171.

[83] Pierre Duhem, Le Système du monde. Histoire des doctrines cosmologiques de Platon à Copernic, Paris, Hermann, tome 1, nouveau tirage, 1988, p. 240 et 241.

[84] Alexandre Koyré, « Galilée et Platon », p. 189. Et de renvoyer à Galilée, Dialogo, in Opere, tome VII, p. 242.

[85] Ibid., p. 195. C’est la dernière phrase de l’article.

[86] Maurice Clavelin, La philosophie naturelle de Galilée, p. 73.

[87] « Galilée et Platon », p. 184, n. 2.

15.3.2021
 

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