« Tout est lié ». De l’influence du cosmos sur les plantes

Osons aborder un sujet encore tabou : la plante, notamment sa croissance, est en synchronicité avec les grands rythmes astronomiques [1]. Cette connexion entre les plantes et les astres est aujourd’hui établie notamment grâce au courage et à la persévérance d’un ingénieur forestier suisse, spécialiste de chronobiologie, Ernst Zürcher [2]. Et d’abord une anecdote, pour montrer combien, dans notre univers rationaliste et mécaniste, nous peinons encore à concevoir une telle influence. C’est Francis Hallé, spécialiste reconnu des arbres, qui rapporte l’événement. En 1995, le botaniste montpelliérain organise un congrès international intitulé « L’arbre, biologie et développement » où il invite son ami Ernst à venir parler de ses recherches.

 

« Lorsqu’Ernst est monté à la tribune et a pris la parole pour décrire l’influence de la Lune sur le rythme de germination d’un arbre tropical, Maesopsis eminii (Rhamnaceae), beaucoup de mes collègues sont sortis avec ostentation ou ont commencé à discuter entre eux, à bâiller ou à rire, dans l’intention évidente de déstabiliser le conférencier. Contrastant avec la courtoisie habituelle de ces congrès scientifiques, ce comportement choquant signifiait : ‘Manifester le moindre intérêt, ce serait nous compromettre avec l’obscurantisme’. Au cours des années qui ont suivi, Ernst a montré que l’obscurantisme était bel et bien du côté de ses adversaires ; et je tiens à saluer l’audace d’un chercheur allant à contre-courant des idées reçues [3] ».

1) Influence du Soleil

Le sujet est très connu et demande moins qu’on s’y attarde. Si on considère l’influence du Soleil sur la Terre en particulier et sur les végétaux en particulier du point de vue du temps, double est la rythmique : journalière (l’alternance binaire des jours et des nuits) et annuelle (l’alternance quaternaire des saisons, au moins pour les zones tempérées).

a) Preuve

La preuve générale est la suivante. Ce qui arrive le plus souvent est naturel ; en termes plus actuels, la nature se caractérise par la régularité. Or, nous observons d’une part, chez les végétaux une alternance entre l’activité, parfois intense, et une mise en repos ; d’autre part, une coïncidence entre ce rythme biologique et la cadence des relations entre le Soleil et la Terre, plus précisément l’ensoleillement de notre planète.

On peut adjoindre deux preuves particulières. La première concerne le rythme annuel. Par exemple, la succession des stades phénologiques et morphologiques (l’état des méristèmes et des structures anatomiques correspondantes) reflète celle des saisons. Déjà le poète grec Hésiode, contemporain d’Homère, le relevait dans son ouvrage, Des travaux et des jours.

La seconde concerne le rythme circadien. L’alternance des jours et des nuits rythme l’ouverture et la fermeture des stomates ; or, ceux-ci, présents sur les faces inférieures des feuilles, régulent notamment les échanges gazeux dont on sait l’importance vitale pour les apports en dioxyde de carbone et en eau.

Il faudrait aussi explorer la synchronisation des plantes avec un autre rythme solaire, plus lent celui-là, le cycle des taches solaires, dont la période est d’environ 11 ans. L’on a pu observer une synchronicité entre la formation des cernes de plusieurs espèces d’arbres et le cycle de l’activité solaire [4]. Nous reviendrons sur ce point en parlant des planètes.

b) Objection

1’) Exposé

Une difficulté majeure est opposée à cette rythmicité exogène : l’existence de rythmes endogènes, c’est-à-dire indépendants de ces cadences survenant du dehors. En effet, multiples sont ces rythmes intérieurs : par exemple, les cernes d’accroissement de nombreuses espèces ligneuses tropicales présentent une alternance régulière de tissus parenthymateux avec des zones de fibres ou de vaisseaux. L’une des fréquences les plus hautes correspond aux oscillations, d’une période de 40 minutes environ, dans la tension en eau et la transpiration produite par les feuilles du cotonnier (Gossypium specialis). Surtout, l’autorythmique la plus observée en milieu contrôlé (donc avec des conditions constantes garantissant son existence) est celle de la position des feuilles du haricot sabre (Canavalia ensiformis) qui est largement supérieure à 24 heures ; or, cette durée est celle du jour ; donc, le haricot est animé par un rythme indépendant du cycle solaire. Cette expérience, notamment mobilisée par le biologiste allemand Erwin Bünning, a conduit, dans les années 1930, à parler de « rythmes endogènes » et d’« horloge biologique interne » [5].

2’) Réponse

Mais le dossier a été réouvert dans les années 2010. Un réexamen minutieux a permis de constater que, pour une plante donnée, le mouvement s’initialisait toujours après 6,2 heures ou un multiple de cette durée après le début du mouvement précédent. Or, les marées gravimétriques se produisent 4 fois par jour, toutes les 6,2 heures ; autrement dit, elles obéissent à un rythme circadien de 24 heures, 50 minutes et 28 secondes (soit presque 24,8 heures). Il y a plus, car, juxtaposant deux propositions avec un même prédicat, ce raisonnement ne peut formellement conclure. La seule force connue agissant sur la Terre à ce rythme est la force gravitationnelle exercée par la Lune. Donc, du point de vue logique, il est permis d’intervertir sujet et prédicat de la majeure. Voilà pourquoi l’inventeur de la découverte a intitulé son ouvrage « Adieu à l’horloge interne » [6] !

2) Influence de la Lune

a) Approche dialectique. Le savoir traditionnel sur les arbres

Nous entrons dans le sujet dont l’introduction rappelait combien il est controversé. Il est déjà passionnant que le fait d’une concordance entre rythmes végétaux et rythmes lunaires a été relevée par de nombreux peuples premiers ou indigènes et, plus proche, fait aussi partie d’un « savoir paysan » que l’on écoute aujourd’hui plus volontiers. Comment ne pas être frappé par la concordance des témoignages ?

Ce que beaucoup d’hommes, plus encore, de peuples sans connexion, donc de sources indépendantes, disent de semblable, est probablement vrai. Cette prémisse exprimant le principe de tradition se fonde sur un argument implicite : ce qui est même provient du même ; or, double en est la possible source, le sujet ou l’objet ; or, ici, les sujets sont indépendants ; l’origine est donc objective ; or, est vrai ce qui est adéquat à l’être, c’est-à-dire l’objet. Bien évidemment, ces savoirs traditionnels (au sens épistémologique, par exemple celui développé par Josef Pieper [7]) peuvent être rendus impurs par la contamination d’autres savoirs, superstitieux, idolâtriques, et des affects par exemple de peur.

Or, des peuples provenant de zones aussi diverses que les Alpes, la Finlande, la Grèce, le Proche-Orient, l’Inde, la Corée ou le Brésil, énoncent les mêmes règles générales d’abattage en fonction des cycles lunaires : par exemple, la période de la Lune décroissante (ce qui n’est pas la même chose que la Lune descendante, ainsi que nous allons le dire) est la plus favorable pour l’abattage d’arbres, c’est-à-dire pour l’obtention de bois durable et imputrescible (résistant aux insectes et aux champignons) [8]. C’est ainsi que le premier scholarque du Lycée, Théophrase d’Érésos, affirme que, si la coupe de l’arbre se fait au début de la Lune décroissante, alors le bois devient plus dure et moins sensible aux pourritures [9]. D’autres règles empiriques venues des traditions ancestrales concernent la germination des plantes cultivées.

b) Approche scientifique

1’) Notions prérequises

Il convient de distinguer trois types de rythmicité lunaire, dont les deux premières sont souvent confondues.

Le premier cycle est celui des phases de la Lune ou rythme lunaire synodique. Sa période « mensuelle » est de 29,531 jours, qui est le temps de la révolution lunaire autour de la Terre. L’on distingue la « phase ou Lune croissante » qui correspond au passage d’une nouvelle Lune à la pleine Lune, et la « phase ou Lune décroissante » qui correspond au passage de la pleine Lune à la nouvelle Lune. Mais, nous allons le redire, ce rythme synodique mensuel se subdivise en sous-rythmes, notamment liés à l’échelle circadienne : ce dernier rythme est lié au mouvement des marée, donc à la rotation quotidienne de la Terre ; sa période principale est de 24,8 heures.

Ces phases se font connaître par l’éclairement de la Lune telle qu’elle apparaît de la Terre (différemment selon l’hémisphère). L’on connaît 8 moments (4 x 2) : nouvelle Lune (qui, paradoxalement, correspond en réalité à une absence totale de visibilité de la Lune) ; premier croissant ; premier quartier ; gibbeuse croissante : pleine Lune (toute la Lune est éclairée) ; gibbeuse décroissante ; dernier quartier ; dernier croissant.

Le deuxième cycle est le rythme lunaire tropique. Il se fonde sur la hauteur de la trajectoire lunaire par rapport à l’horizon. Le mois « tropique » a une période de 27,32158 jours. L’on distingue la « Lune montante » qui correspond à une élévation croissante de la trajectoire de notre satellite et la « Lune descendante » qui correspond à sa descente. Faut-il le préciser, l’on confond souvent « Lune montante » et « Lune croissante », ainsi que « Lune descendante » et « Lune décroissante » ; pourtant, il y a une différence de 2,21 jours entre les deux cycles.

Le troisième cycle est le rythme lunaire sidéral. Il correspond au rythme de passage de la Lune devant les constellations du Zodiaque proches du plan de l’écliptique ; il est lié à sa révolution autour de la Terre. Très proche du rythme tropique, la période est de 27,32166 jours.

Il faut ajouter un quatrième cycle, le cycle lunaire anomalistique. Il correspond au rythme de la distance entre la Lune et la Terre. Il alterne l’éloignement ou apogée et le rapprochement ou périgée. Sa période est, là encore, plus proche du rythme tropique, puisqu’elle est de 27,55455 jours.

2’) Application. Influence du rythme synodique

Nous considérerons principalement le premier des trois rythmes. Nous allons voir en détail que la Lune module les processus biologiques de la plante selon le cycle synodique : précisément, le rythme est triple, quotidien (avec les deux flux et reflux des marées gravimétriques), hebdomadaire et mensuel. La Lune agit aussi sur les cycles végétaux selon le cycle tropique en fonction de la Lune montante et descendante.

Nous allons considérer d’abord et principalement la cause, à savoir les rythmes lunaires (synodiques) qui sont en cause ; puis nous évoquerons les effets sur la plante.

3’) Influence du côté de la cause lunaire

Double est le rythme lunaire : mensuel et quotidien.

a’) La rythmicité mensuelle

1’’) Exposé des expériences

L’une des toutes premières études répondant à des critères scientifiques date de 1923 [10] et fut précisée en 1947 [11]. Toutes deux furent publiées dans la très sérieuse et très réputée revue britannique Nature. Elle a d’abord observé une nette corrélation entre la vitesse de germination de graines de moutarde (Sinapis specialis) et la lumière lunaire : celle-ci accélère celle-là. Elle a ensuite précisé les facteurs en cause et le processus permettant cette corrélation. Du côté de la Lune, il s’agit de la polarisation de sa lumière qui varie selon les moments du cycle. Du côté de la plante, la lumière polarisée stimule l’amylase ; or, cette enzyme hydrolyse les grains d’amidon ; or, ce polymère glucidique constitue l’une des principales réserves d’énergie de la plante ; or, le processus de germination nécessite beaucoup d’énergie. Donc, les variations de lumière lunaire plus intenses accélèrent la décomposition de l’amidon et facilitent ainsi la germination.

Ces travaux remarquables furent confirmés par des essais en laboratoire effectués avec un matériel très homogène (donc n’interférant pas) et portant sur les concordances entre la variation de la croissance des plantes et le rythme synodique de la Lune. Entre 1927 et 1935, la chercheuse Lili Kolisko a semé des graines d’espèces maraîchères, florales et céréalières (laitue, chou blanc, etc.) deux jours avant la pleine Lune [12]. Or, elle constata qu’elles avaient une meilleure germination, bénéficièrent d’une croissance plus rapide, produisirent des inflorescences plus nombreuses et fournirent plus de graines que les graines semées deux jours avant la nouvelle Lune. Or, germination, croissance, production de fleur et de graine sont les trois opérations fondamentales du vivant en général et du végétal en particulier. Donc, la Lune aide, stimule la vie du végétal. Ces résultats furent confirmés et précisés : Lili Kolisko a observé que la diversité de l’efficacité n’est pas continue comme on pourrait l’imaginer (par exemple, une germination toujours plus prompte au fur et à mesure où notre satellite est visible), mais en rupture. En effet, grande est la différence entre ces opérations qui sont à leur acmé le jour idéal qui est deux jours avant la pleine Lune, et celles qui ont lieu à la date de la pleine Lune. Or, la différence de 2 jours est minime. Donc, est à nouveau montré, que la Lune influence grandement la plante.

Précisons qu’il s’agit d’une cause non pas principale (qui est interne à la plante), mais adjuvante ou dispositive ; ce facteur n’est pourtant pas à négliger. Analogiquement, pour ne pas causer (à titre perficiens) la réaction chimique, une enzyme l’accélère considérablement (parfois des millions de fois !). Ajoutons que les trois actes qui suivent le semis, ne sont pas juxtaposés, mais forment un cycle coordonné. Est ainsi suggérée une concordance, voire une résonance entre les cycles, terrestre et cosmique.

William Jackson Milton a publié une thèse à la Northwestern University à Evanston dans l’Illinois, qui est malheureusement presque passée inaperçue [13]. Il a fait des séries de semis journaliers en laboratoire de la jeune pousse du maïs (coléoptile) et il a mesuré le développement une semaine après le semi. Il a ensuite évalué la pousse avec les variations du rythme synodique lunaire. Il a alors constaté que le maximum situé avant la pleine Lune contraste doublement : avec le minimum situé entre le troisième quartier et la nouvelle Lune ; avec les minima du moment exact du premier quartier et de la pleine Lune. On peut donc conclure une synchronisation entre la rythmicité hebdomadaire des semis et celle des quartiers de Lune, bref, une influence de la Lune sur nos plantations. L’on voit aussi que, pour qu’une telle corrélation apparaisse, il faut procéder à des expérimentations minutieuses.

Aujourd’hui, de nombreuses études montrent les fluctuations des propriétés du bois en fonction des rythmes lunaires et confirment donc le savoir traditionnel. C’est ainsi que l’influence des dates d’abattage sur la qualité du bois a été établie à Dresde [14], Freiburg-im-Brisgau [15] et Zurich [16]. Ces études, portant sur des épicéas coupés à 6 dates (3 présumées favorables et 3 présumées défavorables) du cycle de la Lune, sont convergentes sur les variations de la densité du bois après séchage [17].

Des études ont étendu et confirmé ces observations à d’autres zones, par exemple africaines [18]. Deux chercheurs ont établi dans les années 1930 en Inde que la teneur en eau du bambou Dendrocalamus strictus augmentait de la pleine à la nouvelle Lune, puis diminuait de cette nouvelle Lune à la pleine Lune [19].

Ajoutons que, malheureusement, tous les travaux n’ont pas la même rigueur. Par exemple, les intéressants travaux de Maria Thun sur le style de croissance des plantes en fonction de la position de la Lune dans le zodiaque lors du semis, pour être systématiques et sur le long terme, ne respectent pas les standards scientifiques actuels et ne peuvent donc être considérés comme valides [20].

2’’) Objection

Dans un article de la revue déjà citée Nature, le chercheur Cyril F. C. Beeson critique la thèse de l’influence botanique des rythmes lunaires en 1946 [21]. Pour cela, il se fonde sur les travaux d’un autre scientifique, allemand, Ernst Rohmeder, de 1938 ; or, lui-même cherchait à valider les études de Lili Kolisko. Donc, Beeson s’attaque par ricochet aux études avancées ci-dessus. Qu’a montré Rohmeder ? Sans entrer dans le détail, son expérimentation méticuleuse a porté sur pas moins de 104 400 graines homogènes d’épicéa (Picea abies) à haut pouvoir germinatif semées en 1936 (pendant 4 mois) et 1937 (pendant 7 mois) en fonction du mois synodique lunaire. Il en a conclu que ces essais « ne fournissent aucun argument indiquant que le changement des phases lunaires puisse influencer la germination des graines d’épicéa [22] ».

Dans une étude scientifique, Ernst Zürcher a repris ces résultats [23]. En effet, étrangement, l’article de Rohmeder ne se fonde pas sur une analyse statistique. Pourtant, seule celle-ci permettrait d’aboutir à une conclusion rigoureuse, surtout avec un aussi grand nombre de graines. Le chercheur suisse a donc appliqué un outil statistique, l’analyse de variances, aux données regroupées pendant les deux années d’observation. Or, il a observé des fluctuations faibles, mais mathématiquement significatives, selon la période où est effectué le semis : les semis faits entre le premier quartier et la pleine Lune sont 2,8 % supérieurs à ceux qui suivent la nouvelle Lune. Les résultats sont d’autant plus éloquents que le Picea abies est une essence forestière de premier ordre.

b’) Influence du côté de la cause. La rythmicité « quotidienne »

La découverte liant cycles lunaires et végétaux qui a peut-être le plus marqué le monde scientifique date de 1998 et, de nouveau, est parue dans la revue Nature et due à un groupe pluridisciplinaire conduit là encore par Ernst Zürcher [24]. Les chercheurs sont partis d’études opérées par un médecin californien dès les années 1940 sur les variations du diamètre du fût d’arbres maintenus en condition constante [25]. Ils ont alors corrélé ces variations à un rythme lunaire particulier : le rythme synodique lunaire journalier correspondant aux marées gravimétriques. Cette dernière expression paraît de prime abord contradictoire. Pour bien la comprendre, il faut opérer deux distinctions. D’abord, double est la cadence quotidienne. La première est solaire : les processus physiologiques suivent un rythme photo-thermopériodique de 24 heures. Mais il y en a une deuxième, d’origine lunaire qui suit un rythme de 24,8 heures. Et ici intervient la seconde distinction. Notre satellite est assurément influencé par la Terre, mais il l’est aussi par le Soleil via la Terre, par les alignements que sont les conjonctions ou, à l’inverse, les oppositions ; or, ces alignements suivent la rythmique des marées gravimétriques. Il a donc été établi que les arbres bénéficient de l’influence luni-solaire circadienne.

Une étude faite douze ans plus tard par un chercheur de l’université de Bristol et d’autres collègues a d’abord confirmé la précédente, puis elle a précisé le mécanisme de cette rythmicité cosmique sur les plantes : les variations du champ géomagnétique. En effet, la Lune le module ; or, les plantes sont sensibles à ce champ [26]. Une confirmation plus générale de la synchronicité lunaire de ce mécanisme a été apportée par un chercheur de l’université d’Innsbruck [27]. Grâce à un dispositif extrêmement sensible, il a mesuré les potentiels bioélectriques d’arbres sur pied, l’épicé (Picea abies), l’arolle ou le pin cembro (Pinus cembra). Or, il a constaté qu’ils sont rythmés doublement : selon le cycle journalier des marées gravimétriques et selon le cycle mensuel des cycles synodiques. Cette étude élargit même le rôle de ces marées à la pression atmosphérique. Quoi qu’il en soit, nous sommes conduits à nous interroger sur la médiation possible de l’électrophysiologie végétale : la Lune n’exercerait-elle pas son action par la médiation des processus électriques ?

4’) Influence du côté de la plante

Jusqu’à maintenant, nous avons considéré les différents rythmes lunaires et leur influence. Considérons maintenant non plus la cause, mais les effets. Ceux-ci se font sentir sur les mouvements même de l’arbre. Par exemple, une récente étude a étendu le rôle joué par les modifications gravimétriques journalières à la croissances des racines de l’arabette des dames (Arabidopsis thaliana), la Drosophile végétale des laboratoires [28]. Dans une monographie elle aussi récente sur la sève de l’if, un chercheur espagnol a montré que celle-ci varie dans sa couleur, son odeur, sa saveur et sa consistance (il manque la sonorité dont le liquide est exempt). Or, ces variations sont notamment liées aux phases lunaires [29].

Mais nous avons vu que les cycles lunaires jouent même sur la forme de l’arbre, à savoir sur les diamètres des troncs. Au fond, ce fait ne saurait étonner : la fonction rétroagit sur la forme. D’ailleurs, une étude plus ancienne avait déjà montré que les rythmes de la Lune agissent sur la morphologie des bourgeons d’arbres. On la doit à Lawrence Edwards, un chercheur autodidacte anglais au début des années 1980 [30]. Mais nous allons l’étudier dans le prochain paragraphe.

Voire, selon une récente étude de Peter Barlow, cette influence circadienne des marées gravimétriques s’étend aux variations de forme des feuilles (outre les mouvements foliaires et les modulations des potentiels électriques) [31].

5’) Application. Influence du rythme sidéral

Historiquement, la première influence décrite de la Lune sur les plantes met en jeu le troisième cycle, le rythme sidéral qui concerne la position de la Lune par rapport aux constellations fixes [32]. C’est ce qu’atteste la découverte à Médînet Mâdi en Égypte d’écrits qui pourraient remonter à l’ancienne Perse. Un écrit manichéen, les Kephalaia, traite notamment des douze constellations du zodiaque [33]. Et celles-ci sont distribuées selon les quatre éléments : feu, terre, air, eau. Or, les douze Zodia sont corrélés à quatre êtres naturels différents : les animaux quadrupèdes (en fait tous les animaux), les plantes, les hommes (précisément l’histoire de l’humanité) et l’eau. Précisément, les corrélations se font par quatre groupes de trois. Le tableau suivant les synthétise :

 

Signes du Zodiaque Bélier, Lion, Sagittaire Taureau, Vierge, Capricorne Gémeaux, Balance, Verseau Cancer, Scorpion, Poissons
Les quatre éléments Feu Terre Air Eau
Les entités naturelles Animaux quadrupèdes Plantes Devenir de l’humanité Eau

 

Cette influence qui, ici, relève seulement des phytopratiques traditionnelles des forestiers, a été scientifiquement établie. C’est ainsi qu’on a observé des variations concernant les propriétés du bois qui relèvent à la fois du cycle synodique et du cycle sidéral [34]. En particulier, en 2003-2004, Ernst Zürcher a réalisé une vaste étude sur 4 sites suisses avec 48 abattages successifs chaque lundi et chaque jeudi, pendant une durée de 5 mois et demi, de 3 arbres, épicéas (Picea abies) et châtaignier (Castanea sativa) par site (soit 600 arbres) [35]. Et les échantillons testés étaient de forme prismatique, prélevés à hauteur de poitrine le même jour sur chacun des arbres abattus plus tard et concernant l’aubier et le bois du fût. Or, les analyses standardisées au laboratoire ont étudié les variations de plusieurs cycles lunaires. Les résultats ont montré des corrélations statistiquement significatives : sans surprise avec la rythmicité synodique ; avec surprise avec la rythmicité sidérale.

Il faut ajouter que cette dernière corrélation est beaucoup plus complexe que les corrélations synodiques (plusieurs minima et maxima alternent au sein de chaque mois lunaire) et que celle imaginée par la tradition (par exemple, la règle formulée par Théophraste ci-dessus semble concerner les influences synodiques sur l’épicéa). Cette complexité théorique entraîne aussi une complexité méthodologique : la multiplication des dates d’abattage est nécessaire pour observer des régularités [36].

6’) Les mécanismes

Après les faits, les causes. L’une des principales raisons du scepticisme vient de l’absence d’évidence de connexion causale entre une réalité aussi éloignée qu’est la Lune et cette réalité si proche qu’est l’arbre. Voilà pourquoi le chronobiologiste français Lucien Baillaut disait que,

 

« en matière lunaire, le sympathisant […] souhaitera qu’on lui montre quel est le support du lien entre la Lune et l’être vivant et qu’on lui décortique l’enchaînement des phénomènes, ou au moins qu’on lui propose une hypothèse [37] ».

 

Nous avons évoqué différents processus expliquant ces fluctuations lunaires sur l’arbre, par exemple, l’électrophysiologie végétale. Aujourd’hui, les hypothèses se multiplient.

a’) La force gravitationnelle ?

Nous avons évoqué les phénomènes de marées gravimétriques ; or, celles-ci sont liées à l’influence gravifique de la Lune. Ne pourrait-on pas la convoquer ? De plus, une telle explication aurait le mérite de la similitude (il se passe dans les arbres ce qui se passe avec les océans), de la simplicité (les lois de la gravitation sont bien connues depuis Newton), de l’évidence (écartant toute influence occulte, astrologique, horresco referens !).

Néanmoins, il faut écarter la force tidale exercée par la Lune. En effet, deux causes concurrentes annulent leurs effets réciproque. Or, pour un objet présenté à la surface de notre globe, la pesanteur terrestre est dix millions de fois supérieure à la pesanteur lunaire. Celle-là annule donc pratiquement les effets de celle-ci. Par exemple, pour le plus grand arbre mesuré en Europe, un sapin blanc ou pectiné (Abies alba) de la Forêt Noire, dont la taille était de 68 mètres et dont le poids était estimé à 100 tonnes, la force gravitationnelle provenant de la Lune correspond à la traction qu’exerceraient 2 morceaux de sucre, soit 8 grammes !

Cette conclusion devra toutefois être relativisée avec le modèle décrit plus bas par Gerhard Dorda.

b’) Le champ magnétique ?

La Lune exerce un champ magnétique par le biais des marées gravimétriques, la période de ce champ étant un demi-jour lunaire, soit 12 heures 25 minutes. Mais, de nouveau, le champ sélénomagnétique (de provenance lunaire) est infime face au champ géomagnétique.

Toutefois, de même, l’on ne peut écarter totalement cette cause, si l’on en croit l’expérience suivante. Martial Rossignol et ses collègues ont montré que les phénomènes électromagnétiques comme la polarisation de la lumière, la modulation de la longueur d’onde, l’ionisation de l’atmosphère et la pression atmosphérique, sont liés aux cycles lunaires. Or, les cellules végétales (mais aussi animales) possèdent des potentiels bioélectriques. Donc, les processus électromagnétiques pourraient exercer une influence sur leur induction et ainsi, sur l’organisme vivant [38].

c’) L’eau

Il semble que l’un des médiateurs par excellence soit l’eau. Comment s’en étonner ? Elle constitue le principal composant du milieu interne du vivant.

Nous notions ci-dessus que l’eau est très probablement l’un des facteurs qui joue dans l’influence des astres, notamment la Lune, sur l’arbre. Au dehors, par le biais de l’atmosphère ; nous avons, en effet, vu que les marées gravimétriques influencent la pression atmosphérique. Mais, plus encore, au dedans. De fait, les propriétés du bois dépendent de la teneur en eau : ainsi, un bois peu hygroscopique est moins sensible au pourrissement qu’un bois très hygroscopique.

Les études des chercheurs le confirment. Giorgio Piccardi [39], Joseph Eichmeier [40] ou Solco Tromp [41] ont montré que certaines réactions chimiques en milieu aqueux subissent des variations cycliques. De même, Vladimir Voeikov et Emilio Del Giudice ont observé que la capacité qu’a l’eau de réagir avec l’oxygène et sa capacité électronique fluctuait avec le temps [42] – au point qu’ils ont inventé le concept de respiration de l’eau [43].

 

Affinons le mécanisme. Dans les années 1920, des chercheurs ont observé les variations de la tension superficielle de l’eau : ils mesuraient dans des tubes capillaires extrêmement fins la fréquence de formation des gouttes [44]. Or, si le capillaire est très fin, l’eau montre des variations liées non seulement aux rythmicités lunaires synodiques (qu’elles soient mensuelles ou quotidiennes), mais aux conjonctions planétaires ! C’est comme si l’étroitesse des tuyaux élémentarisait l’eau et la rendait encore plus docile aux influences exogènes, ici cosmiques. Or, l’eau des arbres est contenue dans des systèmes capillaires particulièrement fins.

Un mécanisme permet encore de préciser. Un chercheur en physique théorique, Gerhard Dorda (qui, avec Klaus von Klitzing, est le coauteur de l’effet Hall quantique, couronné du prix Nobel de physique en 1985) a proposé un nouveau modèle astro-géophysique du rôle de la gravitation sur les processus vivants [45]. En effet, les aspects statiques et dynamiques de la gravitation varient en fonction du mouvement orbital des corps célestes ; précisément, la force tidale et le temps sont « quantisés ». Or, cette discrétisation influe considérablement la structure supramoléculaire de l’eau [46] : les molécules s’agrègent ou se séparent de manière réversible, à partir notamment des liaisons hydrogène ; voire ces agrégations seraient des états de cohérence (clusters), donc sensibles à la résonance. L’influence relative des astres a pu être quantifiée : l’interaction entre le Soleil et la Terre est 2 200 fois moindre que l’interaction entre la Lune et la Terre ! De plus, cette seconde interaction est doublement modulée, selon le rythme circadien et le rythme mensuel déjà souvent mentionnés. L’eau de l’arbre fluctue donc en fonction de ce système à trois corps (célestes : Terre, Lune et Soleil). Cette découverte est tellement extraordinaire que Dorda n’hésite pas à conclure que la variation rythmique de l’eau au sein de l’organisme végétal, autrement dit ce que l’on appelle la chronobiologie ou l’horloge biologique, est d’origine cosmique, liée au système des trois corps, avec une influence prépondérante de la Lune. Ce modèle fut validé de manière indépendante [47] et interprété dans le sens du rôle premier des cycles lunaires [48].

d’) Croisement de l’eau et de la force électromagnétique

Croisons ces deux dernières médiations : la force électromagnétique et le support qu’est l’eau. Grâce à une méthode expérimentale inédite, Philippe Vallée a montré que les champs électromagnétiques faibles et de basse fréquence exercent un effet durable sur l’eau. Précisément, ils influent sur les interfaces entre l’eau et les inclusions solides ou gazeuses en son sein. Or, l’eau interfaciale est omniprésente chez les vivants et joue un rôle fondamental [49].

Il faut bien entendu joindre ces expériences à celle de Gerald Pollack sur la quatrième phase de l’eau, en quelque sorte à « cristaux liquides », lorsqu’elle est mise en contact avec les membranes hydrophiles à propriétés diélectriques (cf. article « Le devenir de l’eau pendant la photosynthèse ») ; or, c’est justement ce qui caractérise les cellules du bois.

3) Influence d’autres astres

Ce qui est vrai du Soleil et de la Lune l’est même des planètes du Système solaire. Détaillons l’expérience de Lawrence Edwards. Le bourgeon peut adopter notamment trois types de forme, sphérique, elliptique ou ovoïde. Et ces formes peuvent être modélisées par un paramètre unique dit paramètre lambda. Or, si, sans surprise, la forme varie lors du débourrage (c’est-à-dire lorsque les arbres laissent apparaître les jeunes feuilles et fleurs présentes dans les bourgeons, ce que l’on appelle la bourre), elle varie aussi tout au long de l’hiver, plus subtilement et même paradoxalement, puisqu’il s’agit d’une période de repos végétatif. Le paramètre lambda permet même d’observer que ces variations suivent une rythmique rappelant une respiration ou un battement cardiaque, comme si les bourgeons s’ouvraient et se fermaient en alternance. Or, Edwards a aussi montré que ces fluctuations périodiques étaient synchrones avec les astres. Et c’est ici que le champ s’élargit. Pour certaines espèces, la plante suit les lunaisons synodiques, c’est-à-dire la position de la Lune par rapport au Soleil. Mais pour d’autres espèces, les variations de lambda suivent l’alignement de la Lune avec des planètes : le hêtre (Fagus sylvatica) avec Saturne, le chêne (Quercus specialis) avec Mars !

Nous faisions état plus haut d’une synchronicité entre l’apparition des cernes chez certains arbres et le cycle de 11 ans caractéristique de l’activité solaire. Or, selon certains astronomes, ces taches seraient liées non pas à des facteurs internes au Soleil, mais aux révolutions de certaines planètes : Jupiter, du fait de sa taille exceptionnelle, et Mercure, du fait de sa proximité, produisent de véritables « marées planétaires ».

4) Conséquences pratiques

La chronobiologie lunaire confirme certaines pratiques ancestrales. Donnons-en quelques illustrations.

La pharmacologie végétale a tout intérêt à respecter les cycles lunaires. En effet, un produit est d’autant plus actif que le principe justement qualifié d’actif est concentré. Or, cette concentration varie selon le cycle lunaire.

Le bois sera lui-même de qualité supérieure si l’arbre est abattu dans le respect du rythme notamment synodique de la lune, ainsi que nous l’avons vu. De même la reforestation sera de qualité supérieure, c’est-à-dire obtiendra des plants plus capables de résister aux maladies. Il en sera aussi de même du taux de germination. Or, une telle amélioration dans la qualité du bois sera particulièrement sensible dans les habitations construites en bois ou dont l’aménagement intérieur est en bois. En effet, outre la résistance aux différentes contraintes mécaniques (traction, compression et flexion), le bois possède trois propriétés physiques : c’est un isolant thermique (le bois de l’allumette brûle bien plus lentement qu’une feuille de papier journal, par exemple) ; c’est un condensateur thermique (comme l’eau, il accumule beaucoup de chaleur et la restitue lentement et graduellement, sans passer par la combustion) ; c’est sa qualité hygroscopique (c’est-à-dire sa capacité à absorber et restituer l’humidité, donc à équilibrer le degré d’eau présent dans l’environnement) [50]. Ainsi, un bois bien coupé optimisera ces propriétés déjà très appréciables.

Voire l’amélioration peut aller jusqu’à concerner la sélection ou la production de nouvelles espèces végétales. Entre 1944 et 1964, un agriculteur en biodynamie (la discipline suscitée par Steiner), Martin Schmidt, a développé une nouvelle variété de seigle, qui est aujourd’hui reconnue et cultivée ; or, sa méthode prend en compte, outre l’emplacement des graines sur l’axe de l’épi, la rythmique de l’espèce [51].

Le feu de bois semble présenter des vertus thérapeutiques si l’on en croit Hildegarde de Bingen : « Qui est torturé par le rhumatisme, doit allumer un feu de bois d’orme (Ulmus glabra) et se chauffer à ce feu, et le rhumatisme disparaîtra sur-le-champ [52] ». Un mécanisme inattendu ne serait-il pas vibratoire. En effet, un feu de bois ne dégage pas seulement de la chaleur et de la lumière, mais aussi un son doux, apaisant, enveloppant. Voire un son de basse fréquence ? Or, l’on a montré que le ronronnement du chat, dont la fréquence se situe entre 23 et 30 Hz (avec une forte harmonique à 50 Hz) favorise la guérison, notamment dans les processus d’ossification après fracture. Le fait est suffisamment attesté pour qu’on utilise ces sons basse fréquence afin de favoriser la calcification des astronautes maintenus en apesanteur.

Un autre dynamisme mis en jeu est anthropologique. Pour John Michell, le spécialiste de la géométrie sacrée dans la construction des sanctuaires, l’homme est à la recherche de son propre centre, et cela en relation avec le cosmos qui l’entoure. Or, l’homme ou plutôt les hommes s’installent, s’asseoient spontanément autour du feu ; d’ailleurs, dans une hutte circulaire, celui-ci se trouve au centre de ce qui est justement appelé foyer, voire chauffe et transforme ce qui va devenir la nourriture, lieu de reconstitution et de communion symbolisante [53].

5) Relecture philosophique

a) ) Importance des savoirs traditionnels

Il est désormais établi rigoureusement que la Lune exerce une influence notable sur les végétaux, tant les plantes que les arbres. Ces découvertes incitent à prêter attention aux savoirs traditionnels et paysans, ainsi que le pape François nous invite à le faire :

 

« Il est indispensable d’accorder une attention spéciale aux communautés aborigènes et à leurs traditions culturelles. Elles ne constituent pas une simple minorité parmi d’autres, mais elles doivent devenir les principaux interlocuteurs, surtout lorsqu’on développe les grands projets qui affectent leurs espaces. En effet, la terre n’est pas pour ces communautés un bien économique, mais un don de Dieu et des ancêtres qui y reposent, un espace sacré avec lequel elles ont besoin d’interagir pour soutenir leur identité et leurs valeurs. Quand elles restent sur leurs territoires, ce sont précisément elles qui les préservent le mieux [54] ».

b) Au fondement : la rythmique

La relation avec le cosmos se caractérise par l’entrelacement étroit entre l’espace et le temps. L’harmonie synchronique se double, plus, s’enrichit de la rythmique diachronique.

Le vivant, tous les vivants, ne se contentent pas de s’inscrire dans une temporalité évolutive, donc linéaire, mais dans une temporalité rythmée, donc circulaire. La première est innovante et la seconde est, pour une part, répétitive ou plutôt, en termes positifs, rituelle. L’étude des rythmes du vivant s’appelle chronobiologie – ce qui dit assez que le temps n’est pas conçu comme une instance extrinsèque, mesurant l’organisme et son milieu du dehors.

Il est fascinant de noter que la chercheuse citée ci-dessus Lili Kolisko s’est inspirée des suggestions du fondateur de la méthode d’agriculture biodynamique… : Rudolf Steiner [55]. Or, l’on sait combien celui-ci proposait une vision à la fois holistique, rythmique et spirituelle de la nature.

Avec beaucoup d’autres chercheurs, Zürcher souligne la médiation obligée de l’eau. Il relèvera(it) d’une étude à part entière d’en rendre raison par les sommets, en montrant, dans une perspective sapientielle, que l’eau n’est si universellement féconde et communionnelle (au point d’unifier la Terre et le système solaire) que parce qu’elle est universellement réceptive, autrement dit parce qu’elle est une profondeur de réception. Nous avons aussi noté la possible médiation des mécanismes électriques ; or, ceux-ci peuvent aussi fluctuer harmoniquement et présentent une subtilité et une fluidité qui les rendent aptes à la résonance.

c) Une harmonie cosmique

Outre les importantes applications pratiques, la chronobiologie en son élargissement cosmique doit aussi, plus fondamentalement, nous incliner à revisiter notre conception du cosmos. Comme souvent, ce qui est le lieu du combat, du drame, de la crise, donc de l’éventuel rejet (comme l’atteste l’anecdote ouvrant l’article), devient aussi le lieu des enjeux les plus cruciaux à relever, des vérités les plus importantes à sauver : « il s’agit ici de comprendre comment une partie (le bois d’une certaine essence ligneuse) fluctue dans ses propriétés en fonction d’un grand tout (les mouvements célestes) [56] ». Une telle affirmation qui contredit orthogonalement les préjugés analytiques du modèle mécaniste de la science (le tout n’est que la somme des parties, au point que la vérité réside seulement dans celles-ci) risque aussi de nous verser dans le préjugé symétrique inspiré par une philosophie de la non-dualité, qui mine certaines conceptions holistiques (le tout est tellement plus que la somme des parties que la vérité réside seulement dans celui-ci). Comment ne pas être fasciné par cette influence des rythmes lunaires sur les différents mouvements de la plante, électriques, chimiques et biologiques, et jusque sur sa configuration ? [57] Notre nature est beaucoup plus une que nous ne le pensons. Bref, « tout est lié [58] », à un point que nous n’imaginons pas. Sans que ce systémisme généralisé conduise à abandonner la différence entre les individus et la hiérarchie des espèces…

Pascal Ide

[1] Outre toutes les autres études citées plus bas, cf. Mike Popp, « Hat der Mond einen Einfluss auf das Pflanzenwachstum ? », Z. Pflanzenernährung und Bodenkunde, 11 (1933) n° 4, p. 145-150 ; Hartmut Spiess, Chronobiologische Untersuchungen mit besonderer Berücksichtigung lunarer Rhythmen im biologische-dynamischen Pflanzenbau, Institut für Biologisch-dynamische Forschung, Darmstadt, 2 vol., 1994 ; Nicholas Kollerstrom & Gerhard Staudenmaier, « Evidence for Lunar Sidereal Rhythms in Crop Yield: A Review », Biological Agriculture and Horticulture, 19 ((2001) n° 3, p. 247-259.

[2] Outre les études citées ci-dessous, cf. Ernst Zürcher, « Rythmicités dans la germination et la croissance initiale d’une essence forestière tropicale », Schweizerische Zeitschrift für Forstwesen-Journal forestier suisse, 143 (1992) n° 12, p. 951-966.

[3] Francis Hallé, « Préface », Ernst Zürcher, Les arbres entre visible et invisible. S’étonner, comprendre, agir, Arles, Actes Sud, 2016, p. 11-12. Sur notre sujet, cf. le chap. 4 qui est notre source principale.

[4] Cf. Wolfgang H. Berger, « Discovery of the 5,7 – year Douglas cycle. A pioneer’s quest for solar cycles in tree-ring records », The Open Geography Journal, 4 (2011) n° 1, p. 131-140.

[5] Cf. Erwin Bünning, « Über die Erblichkeit der Tagesperiodizitat bei den Phaseolus-Blattern », Jahrbücher für Wissenschaftliche Botanik, 77 (1932) ; « Die endogene Tagesperiodik als Grundlage der photoperiodischen Reaktion », Berichte der Deutschen Botanischen Gesellschaft, 54 (1936).

[6] Cf. Gunther Klein, Farewell to the Internal Clock. A Contribution in fhe Field of Chronobiology, New York, Springer, 2007.

[7] Cf. Josef Pieper, Le concept de tradition, trad. Claire Champollion et al., introd. Kenneth Schmitz, coll. « Josef Pieper », Genève, Ad Solem, 2008.

[8] Pour le détail, cf. Ernst Zürcher, Les arbres entre visible et invisible, chap. 5.

[9] Cf. Théophraste, Recherches sur les plantes, L. V, i, 3, éd. et trad. Suzanne Amigues, Paris, Les Belles Lettres, 5 vol., tome 3 : Livres V-VI, 1993.

[10] Cf. Elisabeth Semmens, « Effect of moonlight on the gerination of seeds », Nature, 111 (1923), p. 49-50.

[11] Cf. Elisabeth Semmens, « « Chemical effects of moonlight », Nature, 4044 (1947), p. 613.

[12] Cf. Lili Kolisko, « Der Mond und das Planfzenwachstum », Wachsmuth (éd.), Gäa-Sophia. Jahrbuch der Naturwissenchaftlichen Sektion am Goetheanum, Dornach, 2 (1927), p. 358-379, et 4 (1929), p. 84-94 ; « Der Mond und das Planfzenwachstum », Mitteilungen des Biologischen Institutes am Goetheanum, Dornach, 1934, n° 1, p. 19-21 et n° 2, p. 17-24 ; 1935, n° 3, p. 17-19 et n° 4, p. 3-14.

[13] William Jackson Milton, Exigenous Variations in Plant (Zea mais) Germination and Growth in Darkness and « Constant » Temperature, Modified by Uniform Daily Rotation, Evanston, Northwestern University, 1974.

[14] Cf. Jens Triebel, Mondphasenabhängiger Holzeinschlag.Literaturbetrachtungund Untersuchung ausgewählter Eigenschaftendes Holzes von Fichten (Picea abies Karst.), mémoire, TU Dresde, Institut für Forstbenutzung und Forsttechnik, 1998.

[15] Cf. Ute Seeling, « Ausgewählte Eigenschaften des Holzes der Fichte (Picea abies (L.) Karst.) in Abhängigkeit vom Zeitpunkt der Fällung », Schweizerische Zeitschrift für Forstwesen-Journal forestier suisse, 151 (2000) n° 11, p. 451-458 ; Ute Seeling & A. Herz, Einfluss des Fällenzeitpunktes auf das Schwindungsverhalten und die Feuchte des Holzes von Fichte (Picea abies). Literaturübersicht und Pilotstudie, Freiburg-im-Brisgau, Albert-Ludwigs-Universität Freiburg-im-Brisgau, Institut Forstbenutzung und Forstliche Arbeitswissenschaft, document de travail, 1998.

[16] Cf. Mihaly Bariska & Patrick Rösch, « Fällzeit und Schwindverhalten von Fichtenholz », Schweizerische Zeitschrift für Forstwesen, 151 (2000) n° 11, p. 438-443.

[17] Cf. Ernst Zürcher & Daniel Mandallaz, « Lunar synodic rhythm and wood properties. Traditions and reality », Labrecque (éd.), L’arbre 2000 The Tree, 4e colloque international sur l’arbre, 20-26 août 2000, Institut de recherche en biologie végétale-Jardin botanique, Montréal, Isabelle Quentin Éd., 2001, fig. 5, en haut.

[18] Cf., par exemple N. Bagnoud, Rythmicités dans la germination et la croissance initiale de 4 essences ligneuses de la zone soudano-sahélienne. Essai lunaison, Berne, Groupe de foresterie pour le développement, ier Sikasso, Mali/Intercoopération, 1995.

[19] Cf. Cyril F. C. Beeson & M. Bhatia, « On the biology of the Bostrichidae », Indian Forest Records, New Serie, 2 (1937) n° 12, p. 223-323.

[20] Maria Thun édite chaque année un Cahier des semis.

[21] Cf. Cyril F. C. Beeson, « The moon and plant growth », Nature, 158 (1946), p. 572-573.

[22] Cf. Ernst Rohmeder, « Der Einfluss der Mondphasen auf die Keimung und erste Jugendentwicklung der Fichte », Fostwissenschaftliches Zentralblatt, 1938, p. 593-693 et 634-646.

[23] Cf. Ernst Zürcher & Rodolphe Schlaepfer, « Lunar Rhythmicities in the biology of trees, especially in the germination of european Spruce (Picea abies Karst.). A New statistical analysis of previously published data », Journal of Plant Studies, 3 (2014) n° 1, p. 103-113,

[24] Cf. Ernst Zürcher, Maria-Giulia Cantiani, Francesco Sorbetti-Guerri & Denis Michel, « Tree stem diameters fluctuate with tide », Nature, 392 (1998) n° 6677, p. 665-666.

[25] Cf. Harold S. Bur, « Moon-madness », Yale Journal of Biology and Medicine, 16 (1944) n° 3, p. 249-156 ; « Diurnal potentials in the maple tree », Yale Journal of Biology and Medicine, 17 (1945) n° 6, p. 727-734 ; « Tree potential », Yale Journal of Biology and Medicine, 19 (1947) n° 3, p. 311-318 ; Blueprint for Immortality. The Electric Patterns of Life, Saffron Walden, Charles William Daniel Company Ltd., 1972.

[26] Cf. Peter Barlow, Miroslaw Mikulecky & Jaroslav Strestik, « Tee-stem diameter fluctuates with the lunar tides and perhaps with geomagnetic activity », Protoplasma, 247 (2010) n° 1-2, p. 25-43.

[27] Cf. Kurt Holzknecht, Elektrische Potentiale im Splintholz von Fichte und Zirbe im Zusammenhang mit Lima und Mondphasen, Thèse, Innsbrück, Université d’Innsbrück, Naturwissenschaftliche Facultät, Institut für Botanik, 2002.

[28] Cf. Peter Barlow & Jochen Fisahn, « Lunicolar tidal force and the growth of plant roots, and some other of its effects on plant povements », Annals of Botany, 110 (2012) n° 2, p. 301-318.

[29] Cf. David F.-Q. Mattaranz, La savia del tejo, Madrid, CM Impresores, 2015.

[30] Cf. Lawrence Edwards, The Field of Form, Edimburgh, Floris Books, 1982 ; The Vortex of Life. Nature’s Patterns in Space and Time, Edimburgh, Floris Books, 1993.

[31] Cf. Peter W. Barlow, « Moon and cosmos. Plant growth and plant bioelectricity », Alexander Volkov (éd.), Plant Electrophysiology, Berlin-Heidelberg, Springer, 2012, p. 249-280.

[32] Cf. Stephan Baumgartner & Heidi Flückiger, « Mistelbeeren – Spiegel von Mond- und Sternbild-Konstellationen », Mistilteinn, 5 (2004) n°, p. 4-19.

[33] Kephalaia (Manichäische Handschriften der Staatlichen Museen zu Berlin), Carl Schmidt (éd.), Stuttgart, Kohlhammer, 1940, chap. 69 et 70.

[34] Cf. Ernst Zürcher, Rodolphe Schlaepfer, Marco Conedera & Fulvio Giudici, « Looking for differences in wood properties as a function of the felling date. Lunar phase-correlated variations in the drying behavior of Norwy Spurce (Picea abies Karst.) and Sweet Chestnut (Castanea sativa Mill.) », Trees, 24 (2010) n° 1, p. 31-41.

[35] Cf. Ernst Zürcher et al., « Looking for differences in wood properties as a function of the felling date ».

[36] Cf. Antonio Villasante, Santiago Vignote & David Ferrer, « Influence of lunar phase of tree felling on humidity, weight densities and shrinkage in Hardwoods (Quercus humilis) », Forest Products Journal, 60 (2010) n° 5, p. 415-419.

[37] Cf. Lucien Baillaud, « Chronobiologie lunaire controversée : de la nécessité de bonnes méthodologies », Bulletin du Groupe d’étude des rythmes biologiques, 35 (2004) n° 3, p. 3-16.

[38] Cf. Martial Rossignol, Line Rossignol, Roelof A. A. Oldeman & Soraya Benzine-Tizroutine, The Struggle of Life. Or the Natural History of Stress and Adpatation, Wageningue, Grafish Service Centrum Van Gils b.v., 1998.

[39] Cf. Giorgio Piccardi, « Causality and Astro-geophysical Phenomena », Geofisica e Meteorologia, 15 (1966) n° 3-4, p. 75-77 ; « Two considerations on Fluctuating Phenomena », Geofisica e Meteorologia, 17 (1968) n° 3-4, p. 95-97.

[40] Cf., par exemple, Helmut Z. Baumer & Joseph Eichmeier, « Relationship between the diffusion time of ions in gelatin films and the absolute humidity in free air », International Journal of Biometeorology, 23 (1979) n° 1, p. 69-75.

[41] Cf. Solco W. Tromp, Der Einfluss von Wetter und Klima auf den Menschen, Frankfurt am Main, s.n., 1969.

[42] Cf. Nadia Marchettini, Emilio Del Giudice, Vladimir Voeikov & Enzo Tiezzi, « Water: A medium where dissipative structures are produced by a coherent dynamics », Journal of Theoretical Biology, 265 (2010) n° 4, p. 511-516 ; Emilio Del Giudice, Alberto Tedeschi & Vladimir L Voeikov, « The role of water in the information exchange between the components of an ecosystem Larissa S Brizhik », Ecological Modelling, 222 (2011) n° 16, p. 2869-2877.

[43] Cf. Vladimir Voeikov & Emilio Del Giudice, « Water respiration: the base of the living state », Water, 1 (1 july 2009), p. 52-75.

[44] Cf. Georg Wilhelm Maag, Planeteinflüsse, Constanz, West-Ost Verlag, 1928.

[45] Cf. Gerhard Dorda, Sun, Earth, Moon. The Influence of Gravity on the Development of Organic Structures. Partie II. The Influence of Moon, Sudeten deutsche Akademie der Wissenschaften und Künste, München, 2004, vol. 25, p. 29-44.

[46] La structure supramoléculaire ou solidaire correspondrait en quelque sorte à la structure physique versus la seule composition de la molécule solitaire qui correspond à la structure chimique.

[47] Cf. Mario Cantiani, Maria-Giulia Cantiani & Francesco Sorbetti-Guerri, « Rythmes d’accroissement en diamètre des arbres forestiers », Revue forestière française, 46 (1994) n° 4, p. 349-358.

[48] Cf. Ernst Zürcher et al., « Tree stem diameters fluctuate with tide ».

[49] Cf. Philippe Vallée, Étude de l’effet de champs électromagnétiques basse fréquence sur les propriétés physico-chimiques de l’eau, Thèse de doctorat, Université Pierre-et-Marie-Curie (Paris-VI), 2004.

[50] Pour le détail, cf. Ernst Zürcher, Les arbres entre visible et invisible, p. 136-141.

[51] Cf. les deux documents sur le site « Soin de la terre ». L’un est en allemand : Jörgen Beckmann & Georg W. Schmidt, Die Methode der Pflanzenregeneration von Martin und Georg W. Schmidt. Eine Zuchtmethode für Getreide im Ökologischen Landbau, Barsinghausen, 2003 ; l’autre, en français : Georg W. Schmidt, Regénération des plantes, trad. Thomas Kuhn, Paris, Mouvement de culture biodynamique, 1986.

[52] Cf. Hildegarde de Bingen, Physica. Liber subtilitatum diversarum naturarum creaturarum, 1151-1158 : Le livre des subtilités des créatures divines. Physique, trad. Pierre Monat, Grenoble, J. Millon, 31996.

[53] Cf. John Michell, The Sacred Center. The Ancient Art of Locating Sanctuaries, Rochester, Inner Traditions, 2009.

[54] François, Lettre encyclique Laudato sì sur la sauvegarde de la maison commune, 24 mai 2015, n. 146.

[55] Cf. Rudolf Steiner, Agriculture. Fondements spirituels de la méthode biodynamique, 9 conférences, 1924, Genève, Éd. Anthroposophiques, 1974 ; coll. « Science de l’esprit », trad. Marcel Bideau, Yverdon-les-Bains (Suisse), Anthroposophiques Romandes, 1984, 2011.

[56] Ernst Zürcher, Les arbres entre visible et invisible, p. 124.

[57] Méprisée face à la double primauté, celle solaire de rayonnement, et celle terrestre, de fructification (de fécondité reçue), la Lune mériterait une attention philosophique. Au-delà de sa signification symbolique (Lune, symbole par excellence du féminin), qui n’est d’ailleurs pas sans fondement cosmologique (la Lune nous est connue par sa réception toute passive de la lumière solaire qu’elle nous réfléchit), la Lune exerce une fonction immédiate de stabilisation (la taille inhabituelle de ce satellite fixe la Terre sur l’écliptique et donc interdit des fluctuations qui conduiraient au minimum à de brutaux changements de température et au maximum à de larges extinctions d’espèce) et une fonction médiatrice, peut-être de l’ordre de la résonance, via les champs électro-magnétiques.

[58] « Tutto è connesso » (François, Lettre encyclique Laudato sì, n. 16, 70, 91, 92, 117, 120, 138, 142, 240).

13.9.2019
 

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