Les lois de l’éducation selon Céline Alvarez

Les lois de l’éducation selon Céline Alvarez

Je propose ici une synthèse partielle du remarquable ouvrage de Céline Alvarez sur l’éducation des petits enfants [1], n’hésitant pas à l’enrichir d’autres études et de lui adjoindre des commentaires philosophiques et une mise en ordre personnelle.

A) Le contexte du travail

D’un côté, notre contexte est particulièrement alarmant. Un exemple parmi beaucoup. Voici comment s’ouvre le rapport 2007 du Haut Conseil de l’éducation :

 

« Chaque année, quatre écoliers sur dix, soit environ 300 000 élèves, sortent du CM2 avec de graves lacunes : près de 200 000 d’entre eux ont des acquis fragiles et insuffisants en lecture, écriture et calcul ; plus de 100 000 n’ont pas la maîtrise des compétences de base dans ces domaines. Comme la fin du CM2 n’est plus la fin de l’école obligatoire, leurs lacunes empêcheront ces élèves de poursuivre une scolarité normale au collège. De tels résultats expliquent pour une grande part l’ampleur des controverses sur les méthodes d’apprentissage [2] ».

 

De l’autre, nous trouvons la passionnante expérience de Céline Alvarez dans cette école de Gennevilliers. Je renvoie à l’exposé détaillé qu’elle en fait au début et tout au long de l’ouvrage [3]. C’est d’abord sa réussite qui rend celui-ci attractif et convaincant.

Sa démarche se fonde sur trois sources repérables : sa pratique, la méthode Montessori, les études en neurosciences. Aussi commencerai-je par quelques très brèves notions de neurosciences.

B) Lois neurologiques générales

Considérons de manière survolée l’être et le devenir du cerveau.

1) La structure du cerveau

Le cerveau humain possède différentes caractéristiques propres.

a) L’immaturité initiale du cerveau

1’) Loi neurologique

Nous naissons avec un cerveau très immature. Et cette immaturité cérébrale

 

« rend l’être humain extrêmement vulnérable aux environnements appauvris ». Mais elle « est une grande nécessité, puisque l’Homme, plus que tout autre mammifère, est doté de la capacité à raisonner, à imaginer, à créer ; il innove sans cesse. Si son petit voyait le jour avec une intelligence mature, comme c’est le cas pour les autres mammifères, il naîtrait terminé, avec une intelligence finalisée disposant de peu de plasticité, et il serait bien incapable d’absorber les bonds évolutifs des générations précédentes. Il naîtrait déterminé, sa vie serait bien paisible et sécure, mais totalement non évolutive. Or, en projetant le petit de cet inventeur-né qu’est l’Homme de façon prématurée dans le monde, la nature l’oblige à prendre en marche le train de l’Humanité et lui offre la possibilité, dans les premières années de sa vie, d’incarner sans effort, dans ses fibres neuronales encore immatures, la culture de ses parents. […] Cette naissance prématurée est donc un véritable coup de maître [4] ».

2’) Interprétation philosophique

L’immaturité est d’abord le synonyme de l’indétermination ; or, celle-ci permet la créativité.

3’) Applications pédagogiques

Une conséquence de cette grande vulnérabilité est l’attention à la nourriture offerte au cerveau. En particulier, une grande menace actuelle vient de la télévision, à cause notamment de l’absence d’interaction et de la passivité qu’elle induit [5].

b) La plasticité du cerveau

« Plasticité » est en train de subir le sort et la rançon du succès : plus un terme est utilisé, plus son signifié devient vague. Précisément, il recouvre trois activités coordonnées que nous décrirons plus bas : création, renforcement et élimination des connexions synaptiques.

c) L’importance de l’épigénétique

1’) Loi neurologique

Depuis une quinzaine d’années, les chercheurs sont sortis du dogme du tout-génétique qui a dominé la biologie pendant presque un demi-siècle, pour valoriser le deuxième pôle, l’environnement, aussi appelé épigénétique, en référence au premier pôle qu’est la génétique. Une belle histoire, qui peut aussi être prise comme une parabole, permet de comprendre l’importance de l’épigénétique à côté de la génétique. Les larves d’abeille sont toutes prédisposées génétiquement à devenir des ouvrières. Pourtant, nous le savons, l’une d’entre elles deviendra la reine. La différence ne tient donc pas à la génétique. Elle est due à l’environnement, précisément au régime : une larve devient reine lorsqu’elle est seulement nourrie de gelée royale.

Eh bien, il en est de même pour l’être humain. Nous naissons tous avec un certain nombre de prédispositions génétiques ; mais c’est l’épigénétique, la gelée royale, qui décidera si nous devenons roi (reine) ou ouvrier (ouvrière).

2’) Applications pédagogiques

Cette gelée royale s’appelle environnement stimulant, paisible, interactions aimantes, etc.

d) L’interconnexion du cerveau

1’) Loi neurologique

Contrairement aux autres organes, le cerveau ne cherche pas d’abord à faire (fabriquer des hormones comme les glandes, faire circuler le sang comme le cœur), mais à lier. En caricaturant à peine, l’encéphale en général, et l’encéphale humain en particulier, n’est pas substance ou opération, il est relation. Il cherche à connecter le plus possible d’éléments entre eux. De fait, on estime aujourd’hui à 300 000 milliards les connexions d’un cerveau adulte et 1 million de milliards celles d’un cerveau d’enfant. Selon une analogie parlante faite par Tiffany Shlain, aujourd’hui, le réseau Internet possède environ 100 000 milliards d’hyperliens (c’est-à-dire de liens entre deux pages web) [6]. Le cerveau d’un enfant, a fortiori d’un bébé, est donc dix fois plus interconnecté que la toile qui, pourtant, couvre presque toute la surface de la Terre !

Or, là encore, cette forte activité organique est corrélée à une réalité psychique, le besoin compulsif d’apprendre et la facile imprégnation : le petit enfant retient presque tout ce qu’il apprend.

2’) Applications pédagogiques

La conséquence pédagogique est là encore l’importance d’un environnement stimulant.

2) Les trois lois de croissance du cerveau

Si le cerveau est immature et indéterminé, il doit croître, se développer, mûrir. Cette croissance obéit à trois lois qui sont autant d’actes.

a) La loi de création

1’) Énoncé de la loi

Le cerveau crée en permanence des liaisons entre les neurones – notamment à l’origine –. Précisément, entre la naissance et l’âge de 5 ans, 700 à 1 000 nouvelles connexions se créent chaque… seconde [7] !

Or, à ce bouillonnement organique correspond aussi, au plan psychique, une soif inextinguible de savoir, une passion pour l’exploration.

2’) Interprétation philosophique

Le substantif « bouillonnement » traduit le latin ebullitio, lui-même emprunté à maître Eckhart (non sans lorgner du côté de saint Albert le Grand). Il cherche à traduire cet état très particulier de cet organe si particulier qu’est le cerveau : le foisonnement non directionnel, sa profusion permanente. Or, c’est l’application sommitale d’une loi constante (qui d’ailleurs traverse les différents ordres) selon laquelle la substance ébauche en permanence son opération, s’y prépare et, ce faisant, répète, en aval, la donation première qui, en amont, la fait être (en lui donnant d’être).

De plus, ce parallèle est très signifiant de l’union du corps et du psychisme, ainsi que de l’orientation de celui-là pour se mettre au service de celui-ci (Aristote disait déjà que l’âme est cause finale du corps).

3’) Applications pédagogiques

La conséquence pédagogique est immédiate : dire à tout bout de champ à un petit enfant qui ne cesse de toucher, observer le monde, nous appeler, « ne touche pas à ça », « tiens-toi tranquille », etc., c’est contrarier un mouvement naturel, voire freiner une dynamique éminemment constructive.

b) La loi de stabilisation ou renforcement

1’) Énoncé de la loi

On pourra s’étonner de ce que le cerveau d’enfant possède trois fois plus de connexions que le cerveau d’adulte. Le premier ne devrait-il pas alors être trois fois plus intelligent que le second ? Or, ce n’est pas le cas. La raison en est que le cerveau a besoin de connexions bien stabilisées.

La loi neurologique est alors la suivante : les connexions les plus souvent utilisées sont les plus stables, celles qui demeurent.

Or, là encore, il y a correspondance psychique : les expériences les plus régulièrement vécues et répétées s’incarnent dans des connexions plus souvent empruntées. Mais on peut et doit préciser : les coupes synaptiques opérées par le cerveau concernent non le contenu des expériences, mais leur fréquence. Les connexions les plus fréquentées demeurent, les autres disparaissent.

2’) Interprétation philosophique

Pour peu qu’elle continue à se vérifier, la loi de sélection par stabilisation présente un riche sens philosophique. En effet, l’organisme ne peut reconnaître que la fréquence des stimulus ; or, cette fréquence ne dit rien du contenu qui, de fait, peut être très varié. L’enfant peut autant passer trois heures par jour à regarder Dragon Ball-Z que jouer avec ses cousins qui sont ses aînés. La stimulation cérébrale est présente dans les deux cas, mais seule la seconde est structurante.

Cette incapacité à discerner – pour autant que les neurosciences le savent, et l’on sait combien nous en sommes au tout début – s’explique par la différence nature-esprit (cerveau-pensée), mais aussi par la causalité équivoque exercée par les médiations matérielles : à un même processus organique, comme une connexion neuronale, correspondent de multiples réalités psychiques.

De plus, le cerveau ne peut accéder qu’à une information, la fréquence, donc la quantité, point à un contenu qualitatif. Il en est de même d’ailleurs dans la sensation : les neurones sensoriels codent la fréquence des potentiels d’action. Or, la qualité est irréductible à la quantité.

c) La loi d’élagage

1’) Énoncé de la loi

Après la création et le renforcement des circuits, le troisième acte du cerveau est l’élagage, c’est-à-dire la destruction des connexions inutiles. Il sélectionne, trie les connexions qui, moins parcourues, dégénèrent.

Or, là encore, il y a correspondance psychique : les expériences les moins vécues ne donnent lieu à aucun habitus.

2’) Interprétation philosophique

Nous avons observé qu’un certain nombre de processus psychiques (mentaux) étaient similaires à des processus physiques (neuronaux). Faut-il en conclure à une sorte d’analogie de proportionnalité ? L’on sait combien cette théorie, élaborée au point de départ pour sauver le spiritualisme, devient dualiste et conduit, par réaction, au matérialisme. Au nom du principe d’économie : si les mécanismes se superposent exactement, un seul suffit.

C) Lois naturelles de la pédagogie

Appliquons ces faits neuropsychiques à la pédagogie. Un certain nombre de règles pratiques en découlent.

1) Préalable

a) De quoi parle-t-on ?

Céline Alvarez intitule son ouvrage « les lois naturelles de l’enfant » – ce qui est on ne peut plus choquant à l’époque du constructivisme social, pour qui tout est construit et rien n’est donné, autrement dit naturel –. Pourtant, elle emprunte l’adjectif aux chercheurs eux-mêmes qui qualifient l’attitude pédagogique que l’on va décrire de « naturelle », c’est-à-dire à la fois de posture spontanée prise par l’adulte et l’enfant, et de posture adaptée aux besoins du second [8].

Précisons aussi que naturel ne s’identifie pas seulement au corps, mais aussi à l’esprit humain. Alors que, depuis deux siècles, on oppose nature et culture, corps et âme, la pédagogie actuelle (avec le soutien des neurosciences) refuse ce cloisonnement en découvrant que la culture, l’esprit humain obéissent aussi à des lois naturelles, c’est-à-dire structurelles, innées, universelles.

b) Quel plan suit-on ? Le « système » de l’éducation

L’éducation fait d’abord intervenir deux acteurs : l’enfant et l’éducateur. Mais elle prend aussi en compte le milieu ; et celui-ci se dédouble, selon qu’il est porteur d’informations (riche d’objets cognitifs) et porteur d’affection (d’enveloppement). Donc, l’acte éducatif doit considérer de manière systémique et holistique l’interaction de ces quatre facteurs en étroite connexion. Nous allons ainsi envisager successivement les lois d’apprentissage côté enfant, côté éducateur, côté environnement (cognitif) et côté enveloppement (affectif) [9].

2) L’apprentissage du côté de l’enfant. En général

Au point de départ, le petit d’homme est en puissance à tout (a) ; il n’est toutefois pas indifférent, mais disposé à certaines fins (b), du dedans (c) et à certaines périodes sensible (d).

Après le versant inné, considérons le versant acquis. Bien évidemment, il est hors de question d’être exhaustif. Nous nous limiterons à trois lois [10]. Pour apprendre, l’enfant doit acquérir, avant tout objet plus précis, trois dispositions fondamentales (e). L’apprentissage ne consiste pas tant en une information qu’en une intégration de l’erreur, c’est-à-dire une correction d’un précédent savoir (f). Enfin, tout savoir commence par les sens (g).

a) La potentialité

1’) Énoncé de la loi

L’enfant est d’abord et avant tout ouvert à tous les possibles. L’être humain n’est en rien déterminé. De plus, il a une capacité d’apprentissage extrêmement précoce.

2’) Preuve scientifique

Par exemple, une expérience menée par des chercheurs de l’institut Max-Planck, à Leipzig, a montré que des bébés de 4 mois étaient capables, en 15 minutes, de savoir si une phrase qu’ils n’avaient jamais entendue était syntaxiquement correcte ou non !! (ce que nous ne savons pas faire consciemment, nous, adultes) En effet, ils ont fait écouter une série de phrases simples (par exemple, « la sœur chante ») pendant trois minutes. Puis, ils ont fait écouter une autre série de phrases en leur ajoutant des phrases grammaticalement incorrectes (par exemple, « le frère est chanté »). En même temps, ils ont mesuré l’activité cérébrale des jeunes enfants. Or, il s’est avéré que celle-ci se modifiait entre l’écoute des premiers et des seconds types de phrase. Donc, le psychisme du très jeune enfant est capable d’extraire à une célérité exceptionnelle les règles complexes du langage [11].

Inversement, une étude a comparé des enfants dont les activités extra-scolaires étaient très contrôlées : cours très structurés de piano, de sport, etc., et des enfants s’adonnant après l’école à différentes activités libres (jeux, rencontres amicales ou familiales, lecture, dessin, etc.). Or, les résultats ont montré que le premier groupe d’enfant avait développé bien moins de compétences exécutives (nous en parlerons plus bas : capacité d’être attentif, se contrôler, se fixer des objectifs, etc.) que le second [12]. Donc, l’enfant a besoin que cette omnipotentialité ne soit pas bridée par des activités trop orientées, trop déterminées.

3’) Interprétation philosophique

Ces expériences confirment une vérité philosophique établie par Aristote il y a 24 siècles : l’intelligence humaine est « table rase, tabula rasa », vierge d’idées innées, de notions déjà présentes. De même que l’affectivité de l’homme n’est pas commandée par des instincts (autre que l’instinct de succion, vite perdu), de même son intelligence est dénuée de concepts préétablis. En plein, cette indétermination signifie l’ouverture à toute détermination, y compris infinie. Pour l’homme religieux, croyant, cette vérité fonde la capacité naturelle de l’homme à Dieu (le desiderium naturale videndi Deum).

De plus, le psychisme se développe de manière omnidirectionnelle. Pour emprunter une image aux réseaux électriques, les capacités du cerveau ne se déploient pas en série, comme on le pensait jusqu’à maintenant, mais en parallèle. En effet, « de récentes études ont montré que presque tout commence à se développer depuis le début. Les bébés se mettent à apprendre les règles grammaticales dès le départ [13] ».

4’) Applications pédagogiques

La conséquence en est le besoin vital qu’a l’intelligence de l’enfant dès le plus jeune âge d’explorer le monde tous azymuts : « C’est principalement par l’exploration et l’activité libres que l’enfant sollicite pleinement les fonctions essentielles de son intelligence [14] ».

Cela ne signifie pas que les parents doivent abandonner les activités extrascolaires, dont les bénéfices éducatifs sont grands (comme le développement de compétences non stimulées lors de l’école comme la musique), mais qu’ils doivent chercher à être moins directifs et plus respectueux de la créativité spontanée de leur enfant.

b) La disposition en général

1’) Énoncé de la loi

Bien qu’ouvert à tous les possibles, l’enfant ne se développe pas de manière anarchique. Comment est-ce possible ? Pourquoi l’être humain n’est-il pas livré au hasard ? En termes imagés : « les enfants sont livrés au monde […] avec une sorte de logiciel naturel d’autoéducation [15] ». En termes philosophiques : le petit d’homme possède aussi, en plus de son ouverture ou de sa potentialité, une disposition, c’est-à-dire une orientation.

Plus précisément, disposition signifie inclination et, vis-à-vis du savoir, on l’appelle curiosité, qui est donc l’inclination à savoir. « La nature pousse l’enfant à apprendre de la manière la plus puissante qui soit en lui donnant envie de manière intrinsèque d’en savoir toujours plus [16] ». Sont soulignés deux points : nous sommes habités par cette inclination au savoir (ou plutôt à la vérité) ; et cette inclination vient du dedans, autrement dit est endogène, sans qu’il y ait besoin de lui ajouter une motivation extérieure c’est-à-dire exogène.

2’) Preuve scientifique
a’) En général

Des chercheurs ont suivi des enfants de 7 mois à 3 ans. Ces enfants appartenaient à 42 familles qui couvraient tout le spectre socio-économique. Pour les étudier, ils ont enregistré des centaines d’heures d’interactions entre enfants et parents. Qu’ont-ils observé ?

  1. 86 à 98 % du vocabulaire des enfants de 3 ans provenaient de celui de leurs parents ;
  2. la longueur et le style des conversations des enfants étaient très similaires à ceux des parents (par exemple, les enfants de familles plus défavorisées employaient des phrases courtes, voire monoverbales : « Descends », « Arrête ») ;
  3. les enfants issus de familles aisées entendaient 2 153 mots par heure en moyenne contre 616 chez les enfants de familles bénéficiant d’aides sociales, soit, à l’âge de 4 ans, un déficit cumulé de quelque 30 millions de mots pour les enfants de milieux défavorisés ;
  4. dès l’âge de 3 ans, le QI est un marqueur social : il est bien plus élevé dans les milieux favorisés [17].

Autrement dit, la différence d’éveil d’intelligence, de culture, n’a rien d’inné, mais est acquise : elle vient de ce que Céline Alvarez appelle une « malnutrition mentale [18] ». De plus, celle-ci cause ce que les chercheurs appellent « the early catastrophe ». En effet, le niveau de langage oral à 3 ans est prédictif des capacités de lecture à 5 ans et de compréhension de textes à 8 ans [19].

Les neurosciences le confirment abondamment : la curiosité est liée à la secrétion cérébrale des neurones dopaminergiques. En effet, la dopamine est le médiateur du circuit du plaisir et de la récompense ; or, l’enfant éprouve du plaisir à découvrir du nouveau ou à corriger une croyance antérieure, ce qui revient au même. De plus, la curiosité s’accompagne d’une croissance des performances d’apprentissage et de la mémoire [20].

En particulier, les deux premières années sont les plus importantes. Cette plasticité vaut singulièrement pour cette période critique. En effet, non seulement le cerveau a énormément appris, mais il a sélectionné les expériences les plus fréquentes.

b’) En particulier. Les principales dispositions

Peut-on dénombrer les principales inclinations spontanées, naturelles, de l’enfant ? Je n’ai pas vu d’études faisant le tour de ces dispositions. Nous verrons plus bas quatre dispositions spirituelles présentes de manière innée et s’exerçant de manière étonnamment précoce. Mais prenons un exemple qui pourrait être une objection : l’homme possède-t-il une disposition aux mathématiques ?

S’il y a un domaine où les talents semblent inégaux, c’est la mathématique, pense-t-on habituellement. Est-ce si sûr ? Certaines expériences tendraient fortement à montrer que les enfants, plus, les nouveaux-nés possèdent des capacités de numération très élaborées [21]. Des chercheurs ont fait écouter à des nourrissons des suites de sons identiques comportant soit quatre, soit douze sons ; puis, ils leur ont montré des images contenant soit quatre, soit douze points. Or, les bébés regardaient beaucoup plus longtemps les images contenant le même nombre de points que le nombre de sons entendus [22]. Par ailleurs, ce nombre dépasse la capacité sensorielle de dénombrer une collection. Ainsi, de manière innée, l’intelligence possède la capacité de mettre de côté non seulement l’aspect singulier, mais sensible. Autrement dit, nous sommes en présence d’une ébauche d’abstraction quantitative, mathématique. S’attesterait donc une prédisposition au calcul présente en chaque homme.

Une autre expérience fut faite sur des enfants de 4 mois. Sous leur regard attentif, des chercheurs ont placé un objet dans une boîte opaque ; puis, ils en ont ajouté un autre. Alors, ils ont ouvert la boîte, et l’enfant pouvait voir soit un soit trois objets. Or, à cette découverte, ils se montraient stupéfaits. Et l’étonnement signifie toujours la dérogation à une loi déjà élaborée. Même résultat si deux objets sont placés dans la boîte, qu’un est retiré et que, en ouvrant le couvercle, il en demeure toujours deux. Par conséquent, le petit bébé est déjà capable de percevoir une grossière erreur d’addition ou de soustraction [23].

Une dernière confirmation. L’expérimentateur demande à un enfant de grande section de maternelle : « Sarah a 20 bonbons. Nous lui en donnons 30 en plus. John a 34 bonbons. Qui en a le plus ? ». Et les enfants répondent le plus souvent correctement [24]. Or, à cet âge, une telle addition ou une telle soustraction est impossible à opérer. L’expérience signifie donc que l’enfant possède une disposition innée aux opérations arithmétiques élémentaires.

3’) Interprétation philosophique
a’) La disposition en général

Ces observations témoignent à l’évidence de la présence d’inclination. Celle-ci est subjectivement ressentie et observée ; elle est aussi objectivement expérimentée de manière différentielle.

Les spécialistes en neurosciences aiment parler de « pré-câblage » : le petit d’homme naît pré-câblé. Le terme est ambigu, car il évoque trop une détermination. En effet, un câblage présente déjà une certaine structure ; or, une structure matérielle exclut une autre. D’ailleurs, je ne suis pas sûr que ce terme corresponde à la réalité neurologique. Le cerveau est justement l’organe le moins déterminé qui soit : tout, en lui, évolue, favorise la construction en fonction des stimulations extérieures. De même, les chercheurs parlent, imprécisément, d’« intuition » pour dire une disposition innée.

Même si Dieu nous rend le plus autonome possible, il dépose en nous de grands élans vers tel objet (général) ou vers tel acte, tout en laissant le contenu indéterminé. Dans le vocabulaire de la scolastique, l’objet formel s’accompagne de puissantes incitations, propensions ; en revanche, l’objet matériel relève de notre initiative. La créature n’est donc pas un être passif qui est la proie de la seule culture ou de la seule éducation ; il est un être de feu tendu vers la vérité et le bien.

b’) Les dispositions en particulier

La première expérience sur quatre et douze sons atteste la présence et l’exercice du sens commun dont la fonction est de comparer les objets de sens différents.

Dans l’article fameux où il énumère les inclinations naturelles de l’homme [25], saint Thomas a la sagesse de ne pas prétendre être exhaustif. Il faudrait ajouter une inclination sinon à la mathématique, du moins aux opérations de calcul élémentaires.

c) La motivation endogène

1’) Énoncé de la loi

L’inclination se traduit par une motivation endogène, c’est-à-dire une motivation qui vient du dedans de l’enfant. L’expérience nous le certifie : mieux vaut apprendre les mathématiques parce qu’elles nous intéressent que parce que nous recevrons une nouvelle paire de baskets… En tout cas, celui qui agit par crainte (de la sanction, du regard de l’autre, de l’exclusion, etc.) ou par récompense, sera faiblement intéressé ; or, nous avons vu que c’est l’inclination, l’intérêt qui décide de l’efficacité ; donc, l’enfant mû de manière exogène apprendra peu.

2’) Preuve scientifique

Montrons-le à partir de l’inclination à l’altruisme que nous étudierons plus bas. Un enfant que l’on récompense pour un acte généreux se démotive. Or, la récompense est une motivation qui vient de l’extérieur, autrement dit exogène.

Deux chercheurs spécialistes du comportement prosocial, Tomasello et Warneken, ont récompensé de manière aléatoire des enfants de vingt mois qui avaient un comportement altruiste, puis ont étudié les comportements altruistes ultérieurs. Le résultat, étonnant, fut le suivant : l’enfant qui n’avait pas été récompensé continuait d’aider ; en revanche, celui qui avait été récompensé, avait une attitude beaucoup moins prosociale… [26] Preuve s’il en est que la seule motivation endogène est durable. Preuve aussi que le don fut accompli par désintéressement.

Faut-il ajouter que la gratification extérieure vient annuler la joie intérieure (due à la secrétion de dopamine) ? Cette interprétation utilitariste prévaut dans les revues scientifiques. En effet, elle présuppose que l’enfant agisse pour cette joie, alors que la joie vient par surcroît.

3’) Interprétation philosophique

La raison philosophique est la loi du maximum d’autonomie. Nous ne mesurerons jamais assez la profondeur de la liberté chez un être humain, et donc la profondeur de l’aspiration de chacun à agir par soi-même, à être la source responsable de ses actions.

4’) Applications pédagogiques

La conséquence en est qu’il est bon de laisser l’enfant libre de choisir son activité. Assurément, il s’agit de présenter chaque activité de manière concrète, globale et attrayante.

d) La disposition selon le temps. Les périodes sensibles

Si disposé, si intimement enclin soit l’enfant, il ne l’est pas identiquement à tous les temps de son parcours.

1’) Énoncé de la loi

Ce n’est pas seulement l’espace, mais aussi le temps qui est structuré et structurant. Pour le signifier, le docteur Maria Montessori a inventé le concept de « périodes sensibles ». Il s’agit de périodes bornées dans le temps (avec un début et une fin) pendant lesquelles l’enfant est particulièrement apte à acquérir une compétence.

De fait, chacun en fait l’expérience : avec quelle attention le bébé écoute les paroles que nous prononçons ; dans quelques années, il n’en sera plus vraiment de même… Et la sagesse millénaire l’a su sans le comprendre, en invitant à chanter à l’enfant des contines et autres berceuses. Certes, les deux premières années sont de loin la période où le petit d’homme engrange le plus ; mais il ne le fait pas de manière égale.

2’) Preuve scientifique

Ce dont Montessori a eu l’intuition, la science le confirme. Pendant les périodes sensibles, le cerveau atteint un pic de plasticité particulier ; puis, après quelques mois, cette capacité diminue progressivement, sans toutefois jamais disparaître. Or, la plasticité aide considérablement l’apprentissage. Donc, si l’enfant peut bénéficier de cette fenêtre de temps, il apprendra avec grande facilité, joie et efficacité ; s’il doit apprendre en dehors de ces lucarnes, l’entraînement sera plus long, plus coûteux et moins goûteux.

3’) Diagnostic

Comment reconnaître cette période ? Elle s’exprime par différents signes indubitables : attention, rapidité, facilité, motivation, joie.

4’) Exemples pendant la première année de vie

La première année de vie, l’enfant traverse deux grandes périodes de sensibilité.

  1. La première est l’apprentissage des langues.

Depuis la naissance, l’enfant se prépare au langage. Les chercheurs montrent que les sons, la musique des paroles entendues, notamment des parents, activent les circuits neuronaux du langage [27]. La précocité est telle que l’on a pu observer que des nourrissons de quatre jours sont capables de reconnaître la musicalité particulière de leur langue maternelle, et de la préférer à celle des autres langues [28].

Toutefois, la plasticité atteint un pic particulier entre 9 et 12 mois. Alors, un enfant est encore capable d’entendre tous les phonèmes, c’est-à-dire tous les sons signifiants, de toutes les langues du monde ; mais, après 12 mois, il n’est plus capable d’entendre que les sons signifiants de sa propre langue ; il s’est spécialisé dans la sienne [29].

  1. La deuxième est le développement sensoriel.

Je me demande s’il ne faudrait pas parler de développement sensitivo-intellectuel. Quoi qu’il en soit, pendant cette période sensible, l’enfant a une soif démesurée de comprendre le monde ; or, cette compréhension passe par les canaux sensoriels ; or, parmi ceux qui sont à la disposition de ce petit d’homme qui ne peut encore marcher, il y a non seulement la vue et l’ouïe, mais aussi le toucher et le goût. Voilà pourquoi l’enfant porte tout à sa bouche et veut tout toucher. Ainsi, pendant cette période sensible, l’enfant a un absolu besoin de ces expériences pour développer son esprit [30]. Mais, dès 10 mois, le nombre de connexions diminue fortement pour atteindre progressivement, à 3 ans, le niveau qui sera pratiquement celui de l’adulte…

5’) Autres exemples de périodes sensibles

Nous connaissons tous la période où l’enfant veut commencer à marcher. Mais d’autres compétences se développent aussi précocément. Par exemple, les compétences exécutives, indispensables au développement de l’intelligence dont nous parlerons plus loin, commencent à croître la première année et connaissent une croissance entre 3 et 5 ans.

Le besoin d’ordre est un autre besoin qui se manifeste sur une période sensible allant de 2 à 4 ans. Ce que le Dr Maria Montessori avait clairement identifié, les études l’ont confirmé. Des chercheurs ont présenté à des enfants de 18 mois 4 chevaux différents en plastique qu’ils ont mélangés à 4 crayons ; puis ils ont tendu les mains vers les enfants, paumes tournées vers le plafond sans rien dire. Alors, systématiquement, les enfants ont placé les chevaux dans une main et les crayons dans l’autre. Voire, une petite fille a remarqué qu’un des crayons avait perdu sa pointe ; alors, elle a attrapé la main de sa mère et y plaça ledit crayon, alors que les trois autres furent placés dans la paume du chercheur, Alison Gopnik [31]. Là encore, autant les rituels d’ordre sont importants jusqu’à 3 ans, autant à partir de 4 ans, ils s’affaiblissent et l’intelligence s’assouplit.

6’) Interprétation philosophique

Ces faits obligent à intégrer le temps, plus encore un kairos. Si toutes les compétences croissent ensemble, sont présentes dès le début, il y a tout de même une rythmicité. Or, ce temps est un donné. Par conséquent, cette rythmicité enracine l’homme dans la nature.

Ces périodes sont la rencontre, pendant une durée donnée, du sujet et de l’objet, une sorte de lune de miel de l’apprentissage. Comme si existait une loi chronologique générale qui rythmait l’acquisition : les débuts sont joyeux.

La période sensible présente aussi une structure et une signification ontophanique : l’hiver, ou plutôt le mars des connexions neuronales, prépare en secret le printemps de leurs floraisons opératives. Céline Alvarez se fait philosophe sans le savoir : « L’activité intérieure, non visible, précède et prépare secrètement les aptitudes de l’enfant [32] ». En effet, dans le cas du langage, la période sensible s’avère être en avance sur sa pratique : elle caractérise la préparation de son acquisition.

Enfin, la présence de la période permet de dessiner le profil de notre évolution qui procède à la fois progressivement et dialectiquement : après une absence d’inclination, une présence presque tyrannique, compulsive, avant que ne s’installe une orientation mesurée et domestiquée (qui advient donc par négation de la négation). Par exemple, l’hypersensibilité à l’ordre est assurément exagérée, mais l’enfant doit passer par le stade de l’exosquelette avant de passer à celui de l’endosquelette.

Considérons brièvement deux besoins particuliers. N’y a-t-il pas comme une injustice à ce que, en dehors de la période sensible, nous perdions définitivement la compétence linguistique universelle ? Tout parent n’est pas informé ; tout enfant n’a pas la chance de rencontrer le stimulus qui va développer telle compétence au bon moment. Le besoin d’ordre traduit la présence chez le petit d’homme d’un esprit. En effet, « le propre du sage est d’ordonner, de mettre dans l’ordre : sapientis est ordinare », selon un mot attribué à Aristote [33].

7’) Applications pédagogiques

La période sensible de développement sensoriel invite à permettre à l’enfant de pouvoir toucher et porter les objets à sa bouche – tout danger étant écarté – ; l’en empêcher réduit le nombre d’informations dont il a besoin.

Par exemple, interpréter le besoin compulsif, voire maniaque, d’ordre chez l’enfant comme un caprice, est une grave erreur. Si le parent s’y oppose ou place l’objet ailleurs, il contrarie l’intelligence logique de l’enfant et en perturbe le développement.

 

Jusqu’à maintenant, nous avons considéré ce qui était inné, prédonné. Nous devons désormais prendre en compte l’acquisition proprement dite.

e) Les trois compétences essentielles de l’apprentissage

1’) Énoncé de la loi

Les spécialistes affirment que, pour atteindre un objectif, nous avons besoin de trois compétences cognitives qu’ils qualifient aussi d’exécutives : la mémoire de travail (la capacité de retenir sur un temps bref) ; le contrôle inhibiteur (des distractions) ; la flexibilité cognitive (la capacité à détecter ses erreurs et être créatif) [34]. En fait, ce sont les trois compétences de base qui sous-tendent tous les actes d’apprentissage, comme celui des lettres et des chiffres. Et ces compétences sont totalement acquises ; elles n’ont rien d’inné, à l’inverse de toutes les inclinations ou des périodes sensibles dont nous avons parlé.

2’) Preuve scientifique

C’est ce que montre le test du marchmallow (ou chamallow). À la fin des années 60, le chercheur américain en psychologie Walter Mischel a inventé ce test dans la célèbre université Stanford, aux États-Unis. Ce test fut, depuis, souvent répété. On en trouve des vidéos sur internet, notamment une en américain, qui a beaucoup de succès [35].

a’) Le protocole

Le protocole est si simple que tout parent peut l’appliquer à la maison. Comme il y a quelques variantes, revenons à l’expérience telle qu’elle fut programmée par son inventeur. Un petit enfant (4 ans) et ses parents acceptent de participer à cette expérience qui se déroule de la manière suivante. L’expérimentateur (mais ce pourrait être les parents) place un chamallow devant l’enfant, puis, à côté, une petite cloche. Il lui donne alors trois informations : il doit sortir quinze minutes ; si l’enfant ne mange pas le chamallow pendant son absence, il en aura un de plus à son retour ; s’il ne peut pas résister, il lui suffit de sonner la cloche et quelqu’un viendra lui donner l’autorisation de manger celui qu’il a devant lui ; mais, dans ce cas, il n’en aura qu’un seul. Ajoutons que, pour les nécessités de l’expérience, une caméra vidéo filme l’enfant pendant l’absence du chercheur. Décrivons les résultats…

b’) Résultats immédiats

Certains enfants mangent le chamallow tout de suite. D’autres résistent, mais finissent par succomber. Enfin, à peu près 30 % des enfants tiennent et obtiennent donc le deuxième chamallow.

Les réactions des enfants sont affectives. La situation est manifestement éprouvante pour tous. Certains se tortillent, donnent des coups de pieds dans le vide. L’un d’eux touche et remet en faisant une horrible grimace. Lorsqu’après avoir fait diversion (il n’a rien d’autre à faire), l’enfant est rattrapé par l’envie, la « torture » intérieure se redouble.

Les réactions sont aussi effectives. Les enfants multiplient les stratégies pour contourner la tentation. Il y a celui qui abandonne tout de suite et dévore sans vergogne. Il y a celui qui transige : il regarde, sent (posant même le nez sur le bonbon), prend entre ses doigts et repose, voire goûte, mais seulement un peu ; l’un d’eux imite le geste de prise ; un autre lèche la table autour du chamallow tant convoité ! Il y a enfin celui qui résiste. Dans ce dernier cas, il semble que la méthode la plus efficace consiste à détourner le regard ou se cacher les yeux avec les mains. Pourtant, étrangement, aucun enfant ne pense tout simplement à se détacher et à faire autre chose.

Il est passionnant d’observer la réaction de l’enfant qui a résisté lorsqu’arrive l’expérimentateur ou la Maman. Avec quelle gourmandise goulue, l’un d’eux avale les deux chamallows. L’avidité est proportionnelle à la frustration.

Enfin, ces observations intéressent aussi les adultes. Le lecteur s’exclura aisément pour limiter la portée de l’expérience au seul enfant et à son action éducatrice vis-à-vis de celui-ci – ce qui est déjà excellent. Il paraît que, déjà, l’adulte ne résiste pas si aisément à la tentation du chamallow. Surtout qu’en serait-il pour un objet très désirable, convoité de longue date ? Sur mode humoristique, on se souvient que, dans Les anges gardiens, le père Hervé Tarain (Christian Clavier) est soumis à un test similaire. Assis au restaurant face à un Paris-Brest, il est fortement tenté. Il se met d’abord à dévorer le gâteau des yeux, tout en résistant à le dévorer pour de bon. Mais, à une suggestion de son démon gardien (Gérard Depardieu), il passe à l’acte, de surcroît autojustifié [36].

c’) Résultats sur le long terme

Le laboratoire du professeur Mischel ne s’est pas contenté de ces observations déjà riches d’enseignement. Mais il a suivi pendant près de trente ans (précisément 28 ans) les enfants qui avaient passé ce test à l’âge de 4 ans et évalué leur devenir. Double est le résultat.

Le premier concerne la différence considérable d’évolution sur le long terme. L’enfant qui a su résister à la tentation de dévorer la friandise est celui dont l’avenir est le plus heureux. D’abord, à l’adolescence : dans leur vie personnelle, ils gèrent mieux le stress, s’expriment mieux et ont de meilleurs résultats scolaires ; dans leur vie relationnelle, ils ont plus d’amis et sont plus appréciés de leurs enseignants ; dans leur vie étudiante, ils réussissent mieux leurs examens et entrent dans de meilleures universités. Puis, à l’âge adulte : dans leur vie personnelle, ils ont nettement moins de problèmes de dépendance (alcool ou drogue) ; dans leur vie professionnelle, ils accèdent à des emplois plus satisfaisants.

Le second résultat concerne la cause de cette différence. Souvent, notre époque qui survalorise beaucoup l’intelligence, croit que tout est réductible à la différence de niveau intellectuel. Tout au contraire, il n’existe pas de corrélation significative entre quotient intellectuel (QI) et capacité de résister. C’est ainsi que certains ont succombé dont le QI était nettement supérieur à ceux qui ont tenu jusqu’au bout. Par conséquent, la capacité de bonheur, si l’on peut dire, ne dépend en rien du QI. En plein ou en positif, il semble que les facteurs décisifs soient à la fois volitifs (la cohérence vis-à-vis d’un objectif et la capacité à contrôler ses impulsions) et imaginatifs (la capacité à inventer des stratégies pour éviter de succomber à l’envie) [37].

3’) Interprétation philosophique
a’) Des trois compétences exécutives

Je dois dire que les termes (« compétences exécutives », « contrôle inhibiteur », etc.) et la répartition en trois ne sont pas transparents. Je propose de les retraduire ainsi :

  1. La première est tournée vers le passé : c’est la capacité à retenir une consigne, se souvenir du début de paragraphe qu’on a lu, organiser ses actions.
  2. La deuxième est tournée vers le présent : il s’agit au fond de l’attention. Un enfant qui se laisse distraire et déconcentrer par le moindre stimulus, qui ne sait pas ajourner sa frustration, réussira moins bien dans les études.
  3. La troisième est tournée vers l’avenir : il s’agit de la capacité à s’adapter à la nouveauté.
b’) Du test du marchmallow

Cette expérimentation toute simple est d’une grande richesse de sens, au plan anthropologique, éthique et éducatif, voire spirituel. Relevons deux leçons parmi beaucoup.

  1. Le test met en valeur l’existence, en nous, d’une autre instance que celle de l’affectivité sensible. En effet, celle-ci est régie par le tempo de l’immédiat. Or, la grande majorité des enfants ajourne son désir de satisfaction immédiate. Il existe donc en l’homme une capacité non seulement de résistance, de renoncement , de prise de distance, mais, en positif, de prise en compte d’autres objectifs que le sensible immédiat, d’intégration du temps, etc. : ce que l’on appelle classiquement la volonté, qui est une affectivité spirituelle.
  2. Les enfants nous montrent, de manière simple et spontanée, différentes tactiques bien connues des vieux moralistes, par exemple, de ce grand classique de la spiritualité qu’est Le combat spirituel de Lorenzo Scupoli [38], livre de chevet de saint François de Sales et du curé d’Ars : non pas affronter une tentation trop forte, mais l’éviter et l’écarter (ici, ainsi que l’a montré la petite Thérèse, la sagesse est dans la fuite) ; fermer les yeux qui sont « la lampe du corps » (Mt 10) ; etc.

Ce qui est vrai pour l’enfant l’est aussi pour l’adulte : il n’est facile pour personne d’attendre le deuxième chamallow, quelle que soit la forme prise par l’objet désirable.

L’un des moyens pour augmenter cette capacité à résister est la méditation en pleine conscience. Voici ce qu’affirme David Servan-Schreiber qui, par ailleurs, expose les deux expériences scientifiques relatées ci-dessus.

 

« Les exercices de méditation apprennent à chacun de ceux qui les pratiquent à devenir observateurs de leurs propres désirs, et à savoir simplement les cerner : ‘Là, ça tire vraiment très fort dans ma cuisse et mes muscles me brûlent. J’ai envie de lâcher la posture, mais je peux respirer et porter mon souffle vers la tension et voir ce qui vient après’. Avec le temps, cette compétence s’étend à la vie de tous les jours : ‘J’ai terriblement envie de reprendre une deuxième part de gâteau. Il n’y a rien d’anormal à cela, il est très bon et terriblement tentant. Mais je peux simplement noter mon envie, envoyer mon souffle vers elle et voir ce qui vient après si je n’agis pas tout de suite’ [39] ».

 

Cette observation qui est aussi une mise à distance participe au travail vertueux d’apprivoisement de son affectivité.

f) La loi d’apprentissage par l’intégration de l’erreur

1’) Énoncé de la loi

L’on pourrait formuler cette nouvelle loi de grande importance : l’erreur est nécessaire à l’apprentissage. « Un individu apprend uniquement lorsqu’un événement viole ses prédictions », affirment les chercheurs [40].

Souvent, on se représente l’acquisition du savoir comme un apport de nouveauté. Or, il semble qu’un autre schéma doive se substituer au précédent, ou du moins le compléter. En fait, l’enfant, même le bébé, sait déjà ou plutôt croit savoir. Or, un tel savoir universel conduit à anticiper, à prédire : non pas seulement du point de vue pratique, mais du point de vue théorique (tel objet devra se comporter de telle ou telle manière). Voilà pourquoi l’enfant agira, répètera. Donc, l’erreur se présente non pas comme une inadéquation au réel présent, extramental, mais comme une erreur de prédiction, c’est-à-dire comme une inadéquation au réel tel qu’il a été prévu. Mais, loin d’être dépité ou plutôt découragé, l’enfant est prédisposé en permanence à changer ce qu’il sait et se corriger. Contrairement à l’adulte qui a tant de mal à désapprendre pour apprendre, l’enfant ne cesse de se remettre en question : « Ce que les enfants savent est toujours potentiellement prêt à être remis en question [41] ». Dès lors, l’expérience nouvelle est un affinement correctif de ce qu’il sait, un affinement de son savoir. L’apprentissage se présente donc une correction : « Voici donc la première loi : pour apprendre, nous devons être actifs, engagés, et nous devons percevoir immédiatement notre erreur pour ajuster nos connaissances [42] ».

2’) Preuve scientifique

Celui qui apprend doit être activement engagé. Des chercheurs ont déposé des souris dans un labyrinthe. Puis, soit ils les ont déplacées dans un petit chariot pour leur montrer le chemin de sortie, soit ils les ont laissées trouver le bon chemin, par tâtonnements. Résultat : les premières ont trouvé bien plus difficilement la sortie que les secondes. Or, les premières ont été passives et les secondes très actives. Et celles qui se sont engagées activement procèdent par essais et erreurs, autrement dit par prédiction.

Une méta-étude portant sur 220 enquêtes a comparé le cours magistral traditionnel et une pédagogie favorisant l’autonomie et l’engagement de l’étudiant ; elle couvrait les matières les plus variées en sciences dures, humaines, etc. Les résultats sont sans appel : le deuxième type de pédagogie donne des résultats bien meilleurs que le premier [43]. Or, il se fonde sur l’activité de l’apprenant et le premier sur sa réceptivité à la limite de la passivité.

3’) Interprétation philosophique

Cette loi rejoint d’abord l’intuition aristotélico-thomiste de l’intelligence des premiers principes (l’habitus d’intellectus) : l’enfant part toujours d’un savoir préexistant. Ensuite, elle confirme l’ordre de détermination : l’enfant va du plus indéterminé au plus déterminé. Enfin, et c’est nouveau à l’égard de Thomas et d’Aristote, le savoir croît dans une interaction avec l’environnement, dans une boucle où le réel se donne à connaître et où l’esprit jubile de recevoir. Plus précisément, cette conception systémique introduit trois données nouvelles :

  1. L’esprit n’est pas seulement passif, mais constamment actif. Toutefois cette spontanéité n’a rien d’une projection idéaliste ou d’une donation de forme intelligible ; elle est une préparation à la forme à recevoir par abandon de la forme déjà acquise.
  2. Le réel extramental ne se présente pas non plus comme immédiatement disponible et intelligible, voire comme nécessaire, mais comme mystérieux, contingent : il ne cesse de varier ; de plus, il demande à être interpellé, interrogé, exploré.
  3. Mais pourquoi cette conception autre de la connaissance ? Il y va d’une loi de proportionnalité entre le sujet et l’objet.

Une telle connaissance n’est pas seulement beaucoup plus proche du vécu, mais elle est beaucoup plus économique, beaucoup moins coûteuse qu’un apport brut d’information sur une matière (l’intellect possible) totalement indéterminée, qui requiert une docilité presque surhumaine. L’histoire de la philosophie le montre : la tabula rasa, pour être désirable, est rare et se produit, dans une vie, le plus souvent jamais, parfois une fois (que l’on songe à Descartes en son poële, s’exerçant au doute méthodique) et presque jamais plusieurs.

4’) Applications pédagogiques

L’erreur ne doit pas être confondue avec la faute. « L’erreur est absolument constitutive de l’apprentissage. Or, bien souvent, elle est perçue comme une faute, et nous cherchons à l’éviter [44] ».

Concrètement, l’attitude de l’enseignant est essentielle. S’il souligne l’erreur de manière neutre, dépassionnée, informative, l’enfant apprendra sans se déprécier. Si, en revanche, l’adulte se fâche, gronde, punit, l’enfant se sentira coupable et transformera l’erreur en faute.

g) La loi d’incarnation

1’) Énoncé de la loi

Le premier et fondamental canal de toutes les connaissances est la sensation. Cela signifie que, pour accéder aux connaissances les plus élevées et les plus abstraites, nous devons toujours partir des sens.

2’) Preuve scientifique

L’apprentissage des chiffres s’opère beaucoup mieux non seulement quand les sens externes sont mobilisés, mais quand plusieurs sens sont interpellés. Les chercheurs ont montré que l’enfant apprend beaucoup mieux lorsque la vue et le toucher convergent vers une même information [45] – et, plus encore, si on rajoute l’ouïe [46]. En particulier, cette méthode est très bénéfique pour les enfants présentant des troubles d’apprentissage.

Ce constat ne contredit pas la loi des canaux privilégiés élaborée par Antoine de La Garanderie, mais la relativise.

3’) Interprétation philosophique

L’on se souvient de la grande loi scolastique : « Rien n’est dans l’intelligence qui n’ait d’abord été dans les sens : Nihil in intellectu nisi prius fuit in sensu ».

4’) Applications pédagogiques

Céline Alvarez développe les applications dans un chapitre, passant en revue les cinq sens (externes) [47].

3) L’apprentissage du côté de l’enfant. Quelques inclinations spirituelles

Nous avons parlé des inclinations présentes en chaque enfant en général. Je mets ici à part quatre inclinations innées et universelles, parce qu’elles sont liées à la nature spirituelle de l’homme, et qu’elles sont toutes confirmées par les recherches récentes. Après avoir considéré l’intelligence, spéculative (a) et pratique (b), nous étudierons la volonté, comme liberté (c) et capacité de don (d).

a) L’inclination à l’universel

1’) Énoncé de la loi

Le petit enfant est aussi spontanément incliné à connaître ce qui est universel. Autrement dit, à exercer sa raison. S’il est évident que l’enfant est ouvert au monde sensible par ses cinq sens, il l’est beaucoup moins qu’il soit spontanément disposé à accueillir des notions et des lois universelles.

2’) Preuve scientifique

De fait, l’enfant possède une connaissance ébauchée des lois fondamentales de la physique, dès l’âge de 3 mois.

En effet, lorsque l’expérimentateur lance un objet en l’air qui ne retombe pas, mais demeure suspendu dans l’air, un bébé de trois mois arbore une expression de grand étonnement [48] ; il en sera de même, chez un enfant de 11 mois et moins, si une balle traverse un mur, si un objet augmente de taille en s’éloignant, si une voiture qui roule sur la table continue à rouler droit devant alors qu’elle a débordé le bord de la table [49]. Or, l’étonnement signifie une irrégularité ; et celle-ci correspond ici à une dérogation à une loi universelle ; donc, le tout petit d’homme, alors qu’il n’est même pas encore capable de prononcer un mot aussi simple que « maman », maîtrise, sous sa forme concrète les lois physiques fondamentales.

Précisons aussitôt qu’il ne s’agit pas d’une connaissance seulement immédiate et seulement empirique de ces lois (qui se limiterait à une connaissance sensorielle par association ou juxtaposition) ; c’est une connaissance prédictive, capable d’extrapolation, par exemple de la trajectoire et de la vitesse d’un objet. De nombreuses études l’attestent [50]. Par exemple, devant des enfants d’à peine 1 an, des chercheurs ont fait rouler une balle qui, un moment, disparaissait derrière un écran. Ils ont alors observé que l’enfant regardait à l’autre bout de l’écran, non seulement à l’endroit précis, mais aussi à l’instant exact, où la balle devait ressortir. L’expérience fut confirmée en creux : si la balle ne réapparaissait pas, réapparaissait plus tard ou à un autre endroit, le bébé montrait sa stupéfaction.

Je rêve que les études scientifiques prennent aussi pour objet les lois philosophiques (principe de causalité, etc.)… En fait, celles-ci sont implicitement présentes dans les lois scientifiques.

3’) Interprétation philosophique

Cette loi montre que la raison dont nous savons la présence dès l’infusion de l’âme n’est pas seulement là en acte premier, mais est immédiatement opérante, c’est-à-dire en acte second. Ce qui d’ailleurs est vrai au point de départ le sera au point d’arrivée (près de la mort).

De même que l’embryon n’est pas habité par des âmes successives, de même son psychisme ne déploie pas non plus d’abord sa vie sensitive externe, puis interne, puis sa vie intellective inférieure, enfin sa vie sapientielle.

Cette nouvelle vision ne rend pas totalement caduque une compréhension gradualiste de notre cerveau, mais récuse définitivement une identification du petit enfant à un animal (même supérieur). Jean Piaget a proposé une vision séquentielle du développement intellectuel humain, à l’instar de la vision ontogénétique affective envisagée par Freud. Pire, aujourd’hui, Peter Singer affirme que l’enfant d’un an et moins n’est pas ontologiquement supérieur à un singe anthropoïde adulte…

b) L’inclination à l’agir moral

1’) Énoncé de la loi

Le très petit enfant a spontanément la capacité à distinguer le bien et le mal moral ; plus encore, à préférer le premier au second.

2’) Preuve scientifique

Cet éveil très précoce du sens moral est aujourd’hui reconnu par de nombreuses études [51] et de nombreux chercheurs, par exemple Paul Bloom, psychologue cognitif à l’université Yale [52].

a’) Exposé

Des expérimentateurs ont placé des bébés de 6 mois, chacun individuellement, face à un théâtre de marionnettes où ils observent la scène suivante : une figurine rouge essaie de gravir une colline en carton-pâte ; elle n’y parvient pas ; une autre figurine, bleue, apparaît et l’aide à monter en la poussant. Puis, on montre au nourrisson une autre scène qui commence de la même manière ; mais cette fois-ci apparaît une figurine jaune qui empêche la figurine rouge de monter et la pousse vers le bas. Alors, l’expérimentateur présente au bébé les figurines bleue et jaune sans ajouter aucun commentaire et l’invite à choisir celle qu’il préfère. Or, dans presque 100 % des cas, les nourrissons préfèrent la figurine bleue. Bien évidemment, les chercheurs ont opéré le diagnostic différentiel en variant les couleurs. La conclusion est sans appel : l’enfant est spontanément disposé à un comportement prosocial [53]. Voire l’expérience a été confirmée avec des enfants de 3 mois et des peluches lançant une balle : 90 % des bébés ont préféré la peluche échangeant les balles à celle qui gardait la balle pour elle [54].

Des chercheurs particulièrement vicieux (sic !) ont compliqué l’épreuve en reprenant la même expérience avec des enfants de 1 an et en ajoutant un élément : lorsque l’enfant a la possibilité de choisir l’une des peluches, le bon personnage offre une friandise et le méchant, deux. Eh bien, l’enfant a continué à choisir le bon ! [55]

b’) Confirmations

L’inclination vers le bien moral est confirmée par son contraire. Des enfants de maternelle savent en général que frapper est « mal ». Un adulte a cherché à les convaincre du contraire. Le résultat montre qu’ils n’ont pas changé d’avis [56].

Une confirmation biologique a été apportée à l’âge adulte. Une personne qui est témoin d’un acte injuste ou immoral voit s’activer la zone de son cerveau qui est celle du dégoût à une odeur ou une saveur [57]. Donc, le mal moral suscite en nous un sentiment d’aversion.

c’) Objection

Un élément, toutefois, vient troubler cet admirable sens moral. Avant la saynète, un expérimentateur a demandé à l’enfant ses céréales préférées, en lui offrant de choisir entre Cheerios ou Golden Grahams ; puis, au terme, il a affirmé que la peluche mauvaise préfère les mêmes céréales que lui et le bon les autres céréales ; alors, huit enfants sur dix ont choisi la méchante peluche [58].

Pour interpréter cette apparente réfutation, il faut faire intervenir une autre inclination, vers l’unité. L’observation invite à conclure que la propension pour la communion est plus importante que celle pour la justice. Autrement dit, l’homme est, du plus profond de lui-même, tourné vers l’unité avec l’autre, enregistrant les points communs et lui accordant un grand prix. En ce sens, l’amour spontané est inclination vers le même.

3’) Interprétation philosophique

Faut-il le préciser, ces observations confirment de manière passionnante une donnée bien connue des moralistes, à savoir l’existence en tout homme d’une conscience morale. Celle-ci est à la fois un acte et une capacité qui le rend capable de discerner spontanément le bien moral du mal moral. Elle possède de manière innée une inclination très universelle à rechercher le bien et à fuir le mal. Elle se traduit donc affectivement. En revanche, pour les déterminations plus concrètes, elle a besoin d’une éducation, donc d’un apprentissage.

4’) Applications pédagogiques

Comment l’éducateur peut-il développer une forte conscience morale ?

On pense spontanément à l’expression de normes claires, énoncées non pas sous forme de descriptions, mais de prescriptions.

Une autre voie, complémentaire, souvent oubliée, est l’exemple des parents. Plus ceux-ci transgressent, plus l’enfant, même abreuvé de bons sermons, aura aussi tendance à transgresser. Non pas au nom de la révolte adolescente, mais au nom d’une des lois les plus puissantes de l’éducation : l’imitation.

Il est aussi essentiel que parents et éducateurs soient justes dans leur attitude à l’égard de l’enfant : qu’ils respectent leur autonomie, les limites, etc. C’est ce qu’attestent les travaux de Kochanska sur la conscience morale de l’enfant [59].

c) L’inclination à l’autonomie

1’) Énoncé de la loi

L’enfant aspire avant tout à être autonome, c’est-à-dire à faire les choses seul. En plein : il veut agir par lui-même ; en creux : il ne veut pas être aidé, c’est-à-dire agir par un autre.

Nous en faisons tous l’expérience : le tout-petit veut marcher seul, alors qu’il tient à peine debout ; il repousse notre main pour manger, alors qu’il tient à peine sa cuiller. C’est là une manifestation de sa vitalité proprement humaine, de son intelligence praxique.

2’) Preuve scientifique

Une expérience longitudinale de Marty Rosmann le confirme. Elle a étudié le style de vie de 84 enfants de 3 ans, puis les a suivis à l’âge de 10 ans, 16 ans et 25 ans. Certains enfants avaient participé aux tâches ménagères dès l’âge de 3 ans, d’autres n’en avaient jamais effectué ou avaient commencé à l’adolescence. Or, elle a découvert que, plus tard, les premiers possédaient une maîtrise d’eux-mêmes, un sens des responsabilités, un relationnel avec leurs amis et leurs familles, des performances académiques et une indépendance financière bien plus grands que les seconds. Donc, l’humble participation aux tâches ménagères au très jeune âge est prédictive de réussite humaine – cela, bien plus que les scores de QI [60].

3’) Interprétation philosophique

La raison philosophique est celle que la modernité a tellement bien mise en valeur : l’être humain est un être de liberté, la liberté devant se comprendre comme autodétermination. Être libre, c’est être cause de soi (causa suipsius).

La raison tient aussi aux conséquences. L’autonomie permet le développement des dispositions les plus importantes, celles que l’on a appelées les compétences exécutives : c’est uniquement en agissant seul qu’un enfant apprend à mémoriser la suite d’action, devient attentif (donc contrôle ses gestes, ses impatiences et ses distractions) et enfin corrige ses erreurs.

4’) Applications pédagogiques

Elles sont évidentes. Un enfant qui veut faire absolument par lui-même n’émet pas un caprice, mais une aspiration inscrite dans sa nature. Laissons l’enfant se bousculer pour ramasser un crayon, distribuer les cahiers avant la sortie des classes, etc.

d) L’inclination au don

1’) Énoncé de la loi

L’enfant est spontanément incliné à aider, se donner, éprouver de l’empathie, dès le plus jeune âge.

2’) Preuve scientifique

Aujourd’hui, des études de plus en plus nombreuses établissent l’existence de comportements prosociaux chez les enfants [61]. Deux chercheuses américaines de l’Ohio ont constaté que, spontanément, des enfants de maternelle (3 et 4 ans) partageaient ce qu’ils possédaient (comme leur goûter) ou réconfortaient un enfant triste ou mécontent. Elles leur ont alors demandé ce qui les poussait à agir ainsi (« Pourquoi as-tu partagé ton goûter avec John ? »). L’examen des réponses a montré que la grande majorité des enfants expliquaient leurs actes par le besoin qu’éprouve l’autre (« John avait faim »), non par la crainte d’être punis. Seul un petit nombre d’enfants a dit avoir agi dans l’espoir d’un retour (par exemple, être bien vus)[62].

Cette générosité à l’égard d’autrui s’observe même chez les tout-petits [63]. Ainsi, à partir de 14 mois, les enfants réagissent à la détresse d’autrui : ils se mettent à pleurer, se rapprochent, mais sans chercher activement à faire quelque chose pour la personne. Après 14 mois, en revanche, les bébés manifestent de la sollicitude envers les personnes en difficulté : ils les embrassent, les touchent et, si un autre bébé pleure, lui donnent leur biberon ; toutefois, ces actions ne sont pas encore adaptées [64].

Après 18 mois, les nourrissons aident celui qui est éprouvé de façon mieux ajustée, lui apportant des objets capables de le consoler [65]. Certes, le comportement du petit enfant de moins de deux ans n’est pas toujours adapté. Ainsi, le chercheur spécialiste de psychologie enfantine Alison Gopnik raconte que, après une très mauvaise journée au laboratoire, elle rentre et s’effondre en larmes sur le canapé de son salon. Son fils de moins de deux ans observe la scène, va dans la salle de bains et revient… avec une boîte pleine de pansements qu’il lui colla un peu partout [66] ! Touchant (dans tous les sens du terme), mais pas très efficace. Mais la recherche montre que, en attirant l’attention de l’enfant sur les besoins et les intentions des autres et en l’aidant à les comprendre, l’enfant progresse vers des comportements altruistes raffinés [67].

Le don s’exerce en cascade et celle-ci aussi débute très tôt. Un enfant de moins de 2 ans à qui l’on donne un bonbon éprouve plus de joie à le donner à un autre enfant plutôt que le garder pour lui-même [68].

3’) Interprétation philosophique

Toutes ces expériences sont riches d’une philosophie du don qu’il serait trop long de détailler ici.

4’) Applications pédagogiques

La recherche offre différentes pistes pour nourrir et amplifier cette inclination au don et donc guider une éducation au don de soi [69]. Nous parlons du point de vue de l’éducateur [70] :

  1. Reconnaître l’existence de cette prédisposition innée à l’altruisme et à l’empathie [71].
  2. Donner l’exemple d’une attitude bienveillante, affectueuse, empathique : envers l’enfant [72]; mais aussi envers les autres [73]. De fait, depuis des décennies, les études montrent que plus les parents sont généreux, plus l’enfant l’est [74].
  3. Offrir des occasions, des situations où l’enfant pourra aider autrui, être responsable du bien-être d’un autre enfant [75].
  4. Intervenir avec fermeté, mais sans violence ni humiliation, lorsqu’il y a transgression d’une règle. Céline Alvarez ajoute l’expression de l’émotion, ce qui me semble heureux, tant nous savons, avec le philosophe Max Scheler, que les valeurs sont affectivement indexées. Voici un exemple de sa classe de maternelle de Gennevilliers :

 

« Une petite fille de 3 ans disait constamment aux camarades qui s’approchaient d’elle : ‘T’es grave, toi’, ‘Tu me fais chier putain’. [c’était un automatisme, encore plus que l’expression d’une émotion] Elle fut fort surprise quand je lui dis fermement : ‘Je ne tolèrerai pas que tu t’adresses de cette manière à tes camarades, c’est insultant et désagréable. Je ne crois pas que tu aimerais que l’on te parle comme ça. Tu peux dire : ‘Je préfère travailler seule s’il te plaît’, tu ne trouves pas que c’est plus agréable à entendre ?’ Elle me disait oui de la tête. Il fallut souvent, très souvent, la reprendre les premières semaines en lui suggérant sur le moment une autre façon de formuler ses demandes. Mais avec du temps, de la confiance, de la fermeté et de la bienveillance, les enfants changent, remplacent des automatismes qu’eux-mêmes ressentent finalement comme inadaptés [76] ».

4) L’apprentissage du côté de l’éducateur

Après avoir considéré l’enseigné, considérons maintenant l’enseignant. En effet, si déterminant soit le rôle de l’enfant dans son apprentissage, il ne peut totalement se passer de l’aide d’un autre qui sait.

a) La nécessité d’une guidance personnelle

1’) Énoncé de la loi

La recherche autodidacte, autrement dit l’abandon de l’enfant totalement à lui-même est à proscrire. L’apprentissage passe à travers l’interaction interpersonnelle, à travers l’attention qu’un adulte accorde à un enfant. Dans le langage des neurosciences et de la neuropédagogie, le développement linguistique, cognitif et émotionnel se réalise par le biais social.

2’) Preuve scientifique

Un chercheur a recensé une dizaine d’études montrant qu’un enfant qui doit découvrir seul les règles gouvernant un domaine éprouve de très grandes difficultés et court le risque de se décourager. De plus, une telle méthode est très peu efficace, en tout cas beaucoup moins que celle qui lui adjoint un guide [77].

Par ailleurs, une expérience dirigée par une neuroscientifique experte de l’acquisition du langage chez les bébés, Patricia Kuhl, ruine cette intention. Nous avons vu que le bébé présente une période sensible entre 9 et 12 mois où il est capable d’entendre tous les sons de toutes les langues du monde : avant, l’élagage synaptique n’a pas encore eu lieu ; après, il a eu lieu. Patricia Kuhl et son équipe décident d’exposer des bébés anglophones de 9 mois à du mandarin, à raison de 12 sessions de 25 minutes. Cette exposition se fait selon trois modalités : un premier groupe de bébés bénéficie d’un adulte chinois qui vient lire des histoires et interagir avec lui ; un deuxième bénéficie du même adulte narrant des histoires, mais à travers une vidéo ; enfin, un troisième groupe n’entend que la bande sonore de la même vidéo.

Les chercheurs s’attendaient à ce que les deux premiers groupes atteignent les mêmes performances en mandarin, puisque, à chaque fois, l’enseignement s’est opéré à travers le canal visuel ou plutôt audiovisuel versus le seul canal auditif. Mais, à leur grande surprise, la ligne de partage passe entre le premier groupe et les deux autres. Précisément, le premier groupe a vraiment pu bénéficier de l’apprentissage en chinois, mais point les deux autres. Or, ici, la différence ne touche plus les canaux sensoriels mobilisés, mais la personne émettrice, c’est-à-dire la présence ou l’absence d’un être humain en chair et en os [78].

3’) Interprétation philosophique

Dans cette interrelation se vit une présence et une dynamique donation-réception, donc un amour et un esprit.

4’) Applications pédagogiques

L’application est radicale. Nous savons aujourd’hui qu’il y a une explosion des DVD à visée d’apprentissage dont on vante les vertus. Les expériences montrent qu’il faut en finir avec les télé-enseignements et autres méthodes lobotomisantes. Plus, il faut bannir tout écran avant trois ans pour des raisons de très grande nocivité : l’écran, comme le smartphone, l’ordinateur, la télévision, rend passif ou excité ; or, les cerveaux des enfants sont en pleine maturation, donc exigent d’être stimulés, c’est-à-dire ni anesthésiés, ni excités.

Une autre leçon pédagogique est que la guidance doit être individualisée.

b) La loi générale de proportion

Nous aboutissons à un paradoxe. D’un côté, nous affirmons que l’enfant doit être le plus actif et autonome possible. De l’autre, nous affirmons tout aussi clairement que l’enfant doit être guidé. Comment concilier les deux ? Saint Thomas répondait en convoquant le concept de causa adjuvans (emprunté à Averroès), autrement dit d’aide, ce que l’on pourrait formuler comme une loi : l’adulte doit aider, et seulement aider, l’enfant – ce qui signifie en creux : ne pas se substituer à lui ; ne pas l’abandonner à lui seul. Mais cette loi est encore générale. Les études permettent de la préciser et de la concrétiser. Une première loi est la loi générale de proportion.

1’) Énoncé de la loi

Dans sa formule la plus générale, cette loi peut s’énoncer ainsi : tout donateur doit se proportionner au receveur. On pourrait traduire : doit s’adapter, voire s’abaisser. C’est ainsi que la lumière si bienfaisante du soleil ne peut être reçue qu’à distance, avec le filtre de la couche d’ozone, etc. De même notre organisme ne peut recevoir la nourriture que longuement digérée et assimilée. Or, ce qui est vrai physiquement l’est aussi psychiquement. Que retiendrait un bébé d’un cours de mathématique sur le calcul tensoriel ? La loi pédagogique sera donc : l’enseignant doit se proportionner, s’adapter le plus possible à l’enseigné.

2’) Interprétation philosophique

Cette loi traduit ou plutôt applique un grand axiome métaphysique : « Tout ce qui est reçu est reçu selon le mode de celui qui reçoit [Omne quod recipitur recipitur ad modum recipientis] ».

3’) Applications pédagogiques

Le maître, l’adulte est lui-même prédisposé pour s’adapter à l’enfant : « Il semblerait que l’adulte soit câblé pour répondre à ce besoin de l’enfant [79] ». En effet, comment se fait-il que l’adulte parle spontanément le « parler-bébé » ? Celui-ci se caractérise par une voix maternante, répétitive, soulignant exagérément les voyelles. Or, la recherche montre que ces caractéristiques sont plus aisément perçues par le bébé.

 

Cette loi va se monnayer en différentes lois plus particulières du côté de l’éducateur.

c) La loi de mélange des âges

1’) Énoncé de la loi

Une des conséquences capitales de la loi de proportion est le nécessaire mélange des âges dans l’apprentissage. L’expérience le montre : jamais un enfant de 3 ans n’apprend mieux et autant qu’au contact d’enfants de 5 ans. Le plus talentueux des pédagogues ne pourra jamais rivaliser avec ses jeunes maîtres !

2’) Preuve scientifique

L’expérimentation le confirme. Les chercheurs ont étudié les relations d’enseignement informel au sein des fratries [80]. Ils ont alors constaté que d’une part, les aînés se placent en position de transmettre leurs expériences de manière spontanée et adaptée et que, d’autre part, les plus jeunes reçoivent de leurs enseignants avec grand sérieux et grand profit. Vigotsky a même inventé un concept pour nommer cette loi : la zone proximale de développement [81].

3’) Interprétation philosophique

Les raisons philosophiques sont multiples. D’abord, il y va d’une loi de donation, d’altruisme spontané : tout homme est heureux (et valorisé) de donner, plus, de transmettre ce qu’il a reçu.

Il y va ensuite de loi de proportion : le don n’est reçu que s’il est proportionné au récepteur ; or, un enfant est plus proche, par l’âge, la modalité de la connaissance, etc., que l’adulte.

Il y va aussi d’une loi de retour : l’enfant est assuré de savoir non pas seulement en recevant l’information, mais en la redonnant et en découvrant avec joie celle de l’apprenant. En effet, ce faisant, il consolide grandement les circuits neuronaux d’apprentissage. De fait, plus généralement, dans l’amour, celui qui donne s’enrichit d’avoir donné autant que du retour d’amour Ce qui relance le processus.

Voire il faut convoquer une loi d’enrichissement : transmettre n’est pas seulement communiquer un savoir, mais être attentif à l’autre, patient, progressif, pédagogique, etc.[82] Autant de valeurs ajoutées et de ressources que l’enfant doit trouver.

Enfin, il y va d’une loi de communion. En effet, la communion est un échange de dons, un va et vient entre donation et réception ; or, nous venons de voir qu’ici tout le monde reçoit et donne à un moment ou à un autre ; donc, cette transmission entre des enfants différents non seulement en âges, mais aussi en milieux, accroît la communion, c’est-à-dire concrètement, la cohésion, la chaleur et la sécurité au sein de la classe.

Au fond, cette loi de mélange des âges est une incarnation admirable de la grande loi de la dynamique du don : recevoir (gratuitement) pour donner (gratuitement) (cf. Mt 10,8). Voilà pourquoi Céline Alvarez ose affirmer que « une des règles fondamentales de la nature, qui veut que l’être humain apprenne et s’entoure d’êtres qui n’ont pas le même âge que lui : qui sont un peu plus jeunes ou un peu plus âgés, ce qui lui permet à la fois d’enseigner un peu, tout en modélisant le comportement d’un aîné qui le fascine [83] ».

Tel est le sens extraordinairement positif de la diversité, ici des générations, si complémentaire de la diversité des sexes. Autant la première donne à voir la dynamique verticale et en cascade, autant la seconde donne à voir la dynamique horizontale et circulaire (mais asymétrique) de la communion.

4’) Applications pédagogiques

L’application pédagogique est aussi simple que révolutionnaire : foin des classes mono-âges ; vivent les classes multi-âges ; ce faisant, en passant d’une transmission seulement verticale d’information à une transmission horizontale, l’énergie se redistribue et recharge ainsi l’adulte.

d) La loi d’imitation du plus proche

La principale interaction entre enseignant et enseigné est l’imitation. Céline Alvarez précise avec profondeur à propos de l’enfant : « Nous pensons qu’il nous imite, mais il serait plus exact de dire qu’il manifeste à l’extérieur ce qui s’est encodé à l’intérieur [84] ». Le fait est trop connu et trop exploré pour qu’il vaille la peine d’insister. D’ailleurs, notre auteur ne le développe pas. En revanche, elle l’incarne dans une loi que j’intitulerai la loi d’imitation du plus proche, qui est au croisement fécond de cette loi universelle de mimésis et de l’autre loi universelle de mélange des âges.

1’) Énoncé de la loi

Un enfant n’apprend jamais aussi bien que par un autre enfant, notamment un peu plus âgé que lui. « Aucun enseignant ne peut rivaliser avec la facilité de transmission de savoirs entre enfants d’âges différents [85] ». De fait, « les petits absorb[ai]ent très vite les éléments transmis par leurs aînés ».

2’) Preuve scientifique

Il y a à ce fait capital plusieurs raisons. La première se trouve du côté de l’imitateur : « La fascination qu’exerce un enfant de 5 ans sur un enfant de 3 ans est exceptionnelle ». La deuxième se trouve du côté de l’imité : les grands aim[ai]ent montrer ce qu’ils sav[ai]ent aux plus petits ». La troisième tient dans l’interconnexion : la proximité favorise l’assimilation.

3’) Interprétation philosophique

La première loi se fonde sur la mimésis, établie par Girard et les anthropologues. La deuxième se fonde sur la loi d’autocommunication, donc de don de soi, présente en chacun ; il peut s’ajouter le besoin de reconnaissance, le plaisir de renforcer ce que l’on sait. La troisième se fonde sur la loi de proportion du don.

e) La loi d’ostension

1’) Énoncé de la loi

Une autre règle de guidance est l’intention monstrative. Celle-ci consiste dans l’attitude de l’adulte qui exprime à l’enfant un enseignement important par des signes sociaux ostensibles. Par exemple, en le regardant dans les yeux, en lui parlant chaleureusement ou en pointant du doigt une chose ou un événement dans l’environnement.

2’) Preuve scientifique

L’expérience et l’expérimentation montrent que le bébé est particulièrement sensible à ces signes [86] : il devient spontanément attentif, se tait, mobilise son énergie. Et nous savons maintenant que son cerveau s’apprête à recevoir la nouvelle information. Cela est déjà vrai de l’adulte ; cela l’est encore davantage de l’enfant et du petit bébé (mais beaucoup moins pour l’adolescent !).

3’) Interprétation philosophique

Cette loi incarne une grande vérité pédagogique qui est au cœur du De magistro de saint Augustin (ainsi que de saint Thomas) et même de toute l’anthropologie augustinienne : l’homme parvient à la vérité par des signes. En effet, l’ostension est le geste par lequel le maître fait signe. Le terme index lui-même le dit.

De plus, cette loi met en exergue la médiation singulière du langage. En effet, le mot est le signe, c’est-à-dire la manifestation apparaissante (Erscheinung) la plus proportionnée au concept de l’intelligence (Grund). Ainsi, tout déficit en langage se solde par un déficit net en intelligence. De plus, si le signe surgit du concept, il exerce une rétroaction sur le fond : plus le mot est précis, plus le concept le sera, plus l’intelligence entrera dans une véritable rigueur.

Enfin, la loi d’ostension souligne la prédisposition de l’enfant à l’apprentissage et, en ce sens, à la confiance et à la docilité. Il s’agit aussi d’un besoin d’interaction qu’une autre loi précisera. En effet, l’attention est partagée : à l’attention cognitive de l’enfant correspond une attention bienveillante, un souci à donner.

4’) Applications pédagogiques

Les conséquences pédagogiques sont manifestes : l’adulte qui veut enseigner l’enfant doit employer une autre attitude et un autre langage que celui utilisé dans l’interaction seulement communicative, ordinaire ; la guidance doit être démonstrative, passer par des signes clairs ; l’éducation suppose de la part de l’éducateur une attention (aux deux sens du terme).

Cette loi appelle une rigueur et une précision dans le signe : « Une grande exigence envers l’enfant implique avant tout une grande exigence envers soi-même [87] ». Par exemple, Céline Alvarez dit d’elle et d’Anna, son assistante : « nous veillions à parler de manière correcte et argumentée, avec un vocabulaire précis et adapté ». Exemple :

 

« Lorsqu’un enfant nous demandait par exemple : ‘Est-ce qu’il va neiger ?’ Nous ne disions jamais : ‘Je crois pas’, en passant à autre chose, mais plutôt : ‘Je ne crois pas. J’ai écouté la météo ce matin à la radio, et l’animateur a précisé qu’il n’allait pas neiger mais qu’il allait faire très froid. Regarde le ciel. Il n’est pas assez couvert pour qu’il neige’ [88] ».

 

Autre conséquence : le choix du bon mot. Céline Alvarez se refuse à employer le trop facile « truc », « chose », etc. « Nous prenions toujours le temps de réfléchir lorsque le mot ne nous venait pas immédiatement et nous expliquions aux enfants : ‘Attends une seconde, je cherche le bon mot pour te dire ce à quoi je pense’ [89] ».

f) La loi d’intervention minimale

1’) Énoncé de la loi

Autant il est important que l’adulte soit là et guide, autant il ne doit pas intervenir de manière trop explicite. Par exemple, dans l’apprentissage de la lecture, l’adulte doit donner les correspondances entre les lettres et les sons, que l’enfant ne peut découvrir par lui-même ; puis, il doit le laisser explorer le son que fera une suite de lettres.

3’) Interprétation philosophique

La raison a déjà été vue : d’abord, l’enfant est animé par un désir spontané de savoir, comprendre, explorer ; ensuite, plus il découvre par lui-même, plus il est autonome ; plus il est autonome, plus il se réjouit de sa découverte ; plus il est enthousiaste, plus il intègre.

Cette loi pose une question théorique : l’enseignant doit-il ou non intervenir ? Mais elle pose d’abord une question pratique : jusqu’à quel point l’adulte doit-il intervenir ?

La réponse théorique me semble être : l’enseignant doit apporter l’aide la plus légère, la moins appuyée possible. Je la complèterai par une deuxième règle : l’enseignant doit demeurer le plus extérieur, donc le moins invasif possible. Peut-on davantage préciser ? Par exemple, partir de la loi du retrait ? Ce point mériterait d’être exploré…

4’) Applications pédagogiques

La réponse pratique doit notamment se fier aux marqueurs affectifs : assez d’obstacles pour maintenir la motivation ; mais pas trop pour ne pas conduire au découragement. Du côté de l’enseignant, la règle semble être l’essai-erreur, au point que Céline Alvarez dit avec mesure et sagesse : « L’adulte qui commence un tel accompagnement doit faire preuve d’une grande bienveillance avec lui-même, et s’autoriser de nombreuses erreurs [90] ». La loi d’apprentissage par correction, donc par intégration de l’erreur, vaut donc pour l’adulte autant que pour l’enfant. En effet, l’environnement est éminemment complexe et changeant ; seul saura enseigner celui qui d’abord se laisse enseigner.

g) La loi d’encouragement maximal

1’) Énoncé de la loi

La loi de l’intervention minimale doit être aussitôt doublée par une loi de l’encouragement maximal. Cela signifie que l’éducateur, le parent, l’adulte doit, de l’extérieur, stimuler et faire retour à l’enfant.

Concrètement, cette loi se traduit par le fait que l’adulte accompagne verbalement et non-verbalement (par le regard attentif, le sourire, la présence sécurisante). Par ailleurs, l’adjectif maximal s’entend de la présence, pas du nombre de paroles ou de gestes, qui, même visant l’encouragement, doivent être discrets, mesurés.

2’) Interprétation philosophique

La raison profonde de cette loi est, lors de l’apprentissage, du besoin d’un retour extérieur. Ce n’est qu’après que l’enfant pourra se passer de cet échafaudage et trouvera dans la seule intériorisation des résultats et une bonne confiance en soi les motivations dont il a besoin.

En se rappelant que le principal retour est celui que l’enfant se donne en ayant réussi : en le voyant, en le ressentant comme une joie.

3’) Applications pédagogiques

Cette loi dicte un juste étayage qui, pour l’apprentissage d’un geste ou d’autre chose, se traduit par les conseils suivants (avant, pendant, après) :

  1. montrer clairement les gestes-clés ;
  2. dire sa confiance (« Tu as toutes les consignes pour pouvoir y arriver ») ;
  3. sécuriser (« Je suis disponible en cas de besoin » ; voire, s’il y a besoin : « Je suis là et je te regarde ») ;
  4. se retirer, se mettre à distance sans intervenir ; parfois, s’il y a besoin, quitter des yeux ;
  5. laisser l’enfant pratiquer, répéter ;
  6. donner à l’enfant le temps dont il a besoin, pour apprendre, trouver à son rythme ;
  7. laisser l’enfant trouver les solutions s’il rencontre un obstacle ;
  8. lui apporter une aide, qui sera la plus discrète possible, s’il a trop peur ou avant qu’il ne se décourage ;
  9. le laisser goûter la joie de la réussite ;
  10. le féliciter de sa réussite ou participer à sa joie.

 

Après avoir vu les deux grands acteurs de l’acte pédagogique, considérons-en l’environnement. Celui-ci se dédouble, selon qu’il est principalement cognitif ou affectif (amatif).

5) L’apprentissage du côté de l’environnement ou de l’objet

L’éducateur ne suffit pas. Il faut aussi prendre en compte, de manière systémique, le milieu.

a) Un environnement stimulant

1’) Énoncé de la loi

Nous l’avons vu, ce milieu doit être stimulant pour répondre aux attentes de son cerveau, développer son psychisme.

Mais il faut aussitôt préciser que l’environnement doit être ni trop pauvre, ni trop riche. En effet, nos capacités de réception sont limitées. Donc, le cerveau, comme le psychisme, ne doit pas être surdopé : « Too much of a good thing may be bad », ainsi que le montre une étude de l’université Carnegie-Mellon de Pittsburgh [91].

Par ailleurs, cette loi se dédouble, synchroniquement (ou spatialement) et diachroniquement (ou temporellement). Non seulement l’environnement doit être raisonnablement stimulant, mais le temps de l’enfant doit être rythmé. Ainsi, les temps d’activité alterneront avec des temps de repos, les temps d’activité dirigée avec des temps libres.

2’) Preuve scientifique

Les expériences ont montré que des jouets trop colorés, trop bruyants, etc., engendrent un stress et donc sont inefficaces [92]. Un signe en est l’attitude de l’enfant qui sort de la contemplation pour entrer dans la sidération.

Une étude chez les enfants présentant des déficits d’attention le confirme. Leur environnement a été changé dans le sens suivant : moins de stimulation (moins de jouets, moins d’écrans, moins d’activités extrascolaires), plus d’initiative (moins d’activités dirigées par un adulte, plus de jeux libres, plus de temps de rêverie). Les résultats ont été spectaculaires : en seulement quatre mois, les troubles de l’attention ont disparu chez 68 % des enfants, et les aptitudes cognitives se sont accrues de 37 % [93]. Les résultats sont supérieurs à ceux observés avec la Ritaline, médicament employé pour calmer les enfants.

Les spécialistes en neuroscience ont découvert que le cerveau fonctionnait selon un « mode par défaut » [94]. De plus, nous avons vu que le fonctionnement du cerveau, surtout chez le jeune enfant, obéit à trois lois : création-multiplication, stabilisation, élagage. Or, pendant le jour, l’enfant accroît considérablement ses connexions, par les multiples expériences qu’il vit. Donc, il a besoin que ces connexions soient stabilisées et triées (élagage). Et cela ne peut s’opérer que pendant la nuit, précisément, en état de sommeil. Ainsi, les enfants présentant des troubles de l’attention et de l’apprentissage peuvent atteindre les mêmes performances d’apprentissage que les autres, s’ils augmentent la qualité de leur sommeil [95].

Inversement, on a montré que, lorsque le sommeil de l’enfant est écourté ou altéré, le cerveau n’a pas le temps de se réorganiser et la connaissance n’est pas suffisamment stabilisée ou consolidée [96].

3’) Interprétation philosophique

Nous retrouvons ici la loi du juste milieu vertueux, de l’équilibre.

4’) Applications pédagogiques

Le temps de sommeil de l’enfant doit être impérativement respecté, en sa quantité comme en sa qualité. Je renvoie à nouveau aux études collectées dans ma synthèse sur les effets toxiques de la télévision.

b) Un environnement naturel

1’) Énoncé de la loi

Comment concilier, là encore, des exigences apparemment antagonistes : un milieu riche, mais pas trop ? Le plus simple est d’offrir à l’enfant un environnement s’apparentant au milieu naturel. On entend par là, le monde tel qu’il existe, vivant et dynamique, avec ses défis physiques, ses interactions sociales variées, ses sollicitations cognitives.

2’) Preuve scientifique

Les chercheurs ont montré qu’un enfant qui joue régulièrement dans la nature possède des capacités motrices accrues, telles que l’équilibre, la coordination ou l’agilité, et un courage, c’est-à-dire une prise de risque, proportionné à ses capacités [97]. De même, ils ont mis en évidence qu’un milieu naturel stimule la plasticité cérébrale, donc libère la capacité d’apprentissage [98].

De plus, de nombreuses études établissent aujourd’hui que le contact avec la nature présente de multiples effets vivifiants pour tout l’homme : physique (par exemple, une alcanisation du milieu intérieur acidifié par les stress), moteur (par exemple, le développement de la motilité), psychologique (par exemple, la stabilisation de l’humeur), intellectuel (par exemple, la croissance de la créativité) [99].

3’) Interprétation philosophique

« L’art imite la nature », disait Aristote, formule qui doit s’entendre non d’une simple reproduction externe, mais d’une itération des dynamismes intimes. Cette grande loi vaut non seulement pour l’enseigné et l’enseignant, ainsi que nous l’avons vu, mais aussi pour le milieu éducatif.

De plus, pour employer une expression leibnizienne, existe une harmonie préétablie entre le monde et l’esprit humain : nous sommes faits pour le monde et la nature.

La conséquence en est le réalisme : « L’intelligence de l’enfant a besoin d’être en contact avec le monde. Il ne veut pas seulement qu’on le lui raconte, il lui faut le vivre et l’incarner, seul, à travers ses propres explorations [100] ».

4’) Applications pédagogiques

Le plus souvent, les classes sont des milieux appauvris et routiniers, des environnements artificiels qui « affament l’extraordinaire intelligence plastique de nos enfants [101] ». Il est aussi souhaitable que l’enfant puisse avoir des activités portant sur la nature, avec possibilité de faire des plantations, s’occuper d’animaux, etc. En effet, on a constaté qu’aujourd’hui, l’enfant sait identifier plus d’un millier de logos d’entreprises, mais moins de dix plantes originaires de leur région [102]. Enfin, le plus important ou du moins le plus urgent à retrouver dans la nature est peut-être son rythme, et son rythme saisonnier [103].

6) Le milieu enveloppant

Le milieu doit être riche non seulement en lumières informatives, donc en objets cognitifs, mais en chaleurs enveloppantes, donc en sujets aimants, et d’abord sécurisants.

a) Un environnement sécurisant

1’) Énoncé de la loi

L’enfant a d’abord besoin d’un milieu protégé, de se sentir en sécurité, pour apprendre avec efficacité.

Inversement, il est essentiel de protéger l’enfant d’un stress toxique [104]. Autrement dit, un environnement toxique présente des effets très délétères non seulement sur la personne, ce qui est bien connu aujourd’hui, mais aussi, et c’est nouveau, sur l’apprentissage, sur la maturation de l’intelligence. Déjà le stress toxique diminue les performances de l’adulte ; cela est a fortiori vrai pour l’enfant, du fait de son cerveau encore immature. De plus, se met en place un cercle vicieux : plus l’enfant subit de stress, plus son cortex préfrontal retarde sa croissance ; et plus l’enfant prend de retard, moins il sait gérer son stress.

2’) Preuve scientifique

Sur ce point, je renvoie aux travaux synthétisés par Catherine Guéguen. Ce psychiatre montre qu’un stress important et précoce entraîne une destruction de neurones, notamment du cortex préfrontal ; or, celui-ci est le siège du contrôle (de fait, c’est chez l’homme et de loin que ce cortex est le plus développé) ; donc, une fois devenu adulte, l’homme aura beaucoup de difficultés pour gérer son stress, ses émotions en général et ses impulsions. De fait, une enquête par imagerie cérébrale a montré que les adultes violents, soumis à de grandes peurs et impulsifs, ont un cortex cérébral faiblement activté – à l’instar des cerveaux de petits enfants encore immatures [105].

De nombreuses études ont désormais montré les effets toxiques sur le long terme d’un environnement éprouvant, notamment constitué par une violence physique ou verbale [106], des stress intenses, répétés ou prolongés [107]. Plus l’exposition est précoce, plus la maturation cérébrale est perturbée et les capacités psychiques sont altérées, notamment les trois compétences exécutives fondamentales déjà vues, la mémoire, l’attention et le contrôle inhibiteur, la créativité [108].

Les sciences sont heureusement sorties d’une vision déterministe et pessimiste pour proposer le concept de résilience. Celle-ci peut se développer à tout âge ; toutefois, plus elle est précoce, mieux c’est pour le psychisme, du fait de la plasticité cérébrale. De plus, la résilience passe par la médiation de tuteurs : « Le facteur le plus commun pour faire preuve de résilience, affirme The Center on the Developing Child de Harvard, est a minima de pouvoir bénéficier d’une relation stable et engagée avec un parent soutenant, un éducateur ou un autre adulte [109] ».

3’) Interprétation philosophique

La formulation de la loi est précise : il ne s’agit pas de protéger l’enfant de tout stress, mais du seul stress toxique, c’est-à-dire démesuré. Pour deux raisons. La première est objective : le monde réel n’est pas dénué d’obstacles et de dangers, que ceux-ci viennent des choses ou des personnes. La seconde est subjective : l’homme est équipé pour combattre (il possède une faculté, l’irascible ou la combativité) ; de plus, il déploie mieux et plus ses compétences, lorsqu’il s’affronte à des difficultés.

Au fond, l’affrontement du stress relève de deux vertus, le courage et la prudence.

4’) Applications pédagogiques

Avant tout, « prendre l’habitude de laisser un bébé ou un enfant pleurer lorsqu’il est en proie à des émotions de forte intensité, sous prétexte de lui apprendre à se calmer seul, est donc une très grande erreur [110] ».

De même, les parents doivent éviter le plus possible de se disputer devant l’enfant. En effet, cet événement l’expose à un grand stress. Une équipe a montré que l’enfant s’imprègne d’hormones de stress comme s’il était lui-même en situation de conflit [111].

De plus, les paroles humiliantes, les insultes et les jugements négatifs engendrent un stress qui altère les connexions impliquées dans le langage [112]. Le corps calleux peut lui-même en être atteint [113].

Lorsque le stress est dû à un autre enfant qui l’a humilié, l’enfant offensé doit être encouragé à dire son émotion, voire proposer une solution pour réparer. Une étude montre que l’adulte ayant bénéficié de ce type de soutien pendant son enfance gère beaucoup mieux son stress et ses excès émotionnels, donc est beaucoup plus protégé de ses effets délétères [114].

Céline Alvarez conseille aussi, ce qui étonnera plus d’un, de choisir, pour les activités pratiques quotidiennes, des objets cassables. En effet, « un objet qui casse offre un retour immédiat pour un geste trop brusque et invite l’enfant à réajuster ses stratégies et à davantage contrôler ses gestes ». De fait, l’expérience de Gennevilliers lui a montré qu’un environnement esthétique et fragile a fait « que les enfants ont rapidement développé des gestes délicats, ordonnés et précis [115] ».

b) Un environnement aimant

1’) Énoncé de la loi

Il est essentiel à l’apprentissage que le milieu soit bon, bienveillant, enveloppant. « L’amour est le levier de l’âme humaine [116] ». Comprenons bien le sens de cette loi. Il ne s’agit pas ici d’affirmer que l’enfant nourrit un besoin vital d’être aimé (ce qui est aussi vrai de l’adulte) et d’ailleurs aussi d’aimer – ce qu’attestent de multiples études et ce qui fut évoqué plus haut à propos de l’inclination au don –, mais que l’apprentissage requiert un milieu d’amour. Autrement dit, l’amour est utile non seulement pour la personne de l’enfant – ce qui est bien connu –, mais pour la connaissance, c’est-à-dire pour l’acquisition de compétences – et cette donnée est nouvelle.

Céline Alvarez raconte l’épisode suivant : elle croise un enfant d’environ 2 ans que son grand-père tient par la main et qui vont descendre un escalier.

 

« Il suffisait de voir le regard émerveillé et conquérant du petit garçon pour comprendre qu’il tenterait rapidement de se dégager du contrôle de son grand-père pour exercer de façon tout à fait stimulante sa capacité d’action. C’est en effet ce qui se produisit : il tira sur sa propre main pour inviter son grand-père à la lâcher. Ce dernier faisant de la résistance, l’injonction ne tarda pas : ‘Moi, tout seul !’ dit le petit d’un ton assuré. Le grand-père lâcha la main de son petit-fils avec précaution, mais avec confiance. L’enfant s’accrocha spontanément à la rampe pour assurer sa propre sécurité, et descendit les marches à son rythme sous le regard et la présence soutenante de son grand-père. Une scène pourtant si simple m’apparut doublement émouvante. Deux grandes forces de la nature rayonnaient : la volonté spontanée qui pousse le jeune être humain à conquérir le monde par sa propre activité, et l’amour qui conduisait cet adulte à attendre patiemment la fin de la conquête de l’enfant [117] ».

2’) Preuve scientifique

L’étude la plus complète sur les effets bénéfiques du lien fut réalisée par un psychiatre professeur à Harvard, Robert Waldinger. En effet, les chercheurs ont suivi 724 sujets pendant pas moins de… 75 ans. De telles études sont extrêmement rares, parce que le projet s’arrête souvent, faute de financement ou de continuité ; ici, il a fallu plusieurs générations de scientifiques pour que l’étude soit menée à bien et à terme. Cette recherche a porté sur deux groupes sociaux différents : des étudiants de Harvard et des adolescents de quartiers très défavorisés de Boston. Elle les a évalués sur différents critères, vie de famille, santé, état de bien-être, etc. Les résultats sont limpides :

 

« Le message le plus évident est que les bonnes relations nous rendent plus heureux et en meilleure santé. C’est tout ». En effet, « il s’avère que les personnes les plus connectées socialement à leur famille, à leurs amis, à leur communauté, sont les personnes les plus heureuses : elles sont physiquement en meilleure santé et vivent plus longtemps que celles qui sont moins bien entourées […] leur mémoire reste aiguisée plus longtemps […]. A l’inverse, expérimenter la solitude apparaît comme toxique. Les gens qui sont plus isolés des autres que ce qu’ils souhaiteraient s’avèrent être moins heureux, leur santé décline plus tôt en milieu de vie, leurs capacités cérébrales déclinent plus vite, et ils ont des vies plus courtes que les gens bien entourés […] expérimentent des déclins précoces de la mémoire [118] ».

 

La contre-épreuve l’atteste tristement. Un des exemples les plus frappants est celui des orphelins de Bucarest sous le régime de Nicolae Ceausescu. Après la chute du dictateur roumain, furent découverts des orphelinats institutionnels où les bébés se trouvaient dans des lits à barreaux, seuls pendant des heures, souvent à plusieurs, parfois dans l’obscurité. De plus, unique était l’infirmière qui était chargée de leur nourriture et de leur hygiène ; autant dire qu’elle n’avait pas le temps d’interagir avec eux. Donc, ces enfants furent privés de stimulation environnementale et de contacts chaleureux. Or, non seulement ils souffraient d’un certain nombre de maladies psychiques liées à la carence affective, mais ils présentaient un important retard cognitif et même une hypotrophie de leurs cerveaux vis-à-vis de la norme accompagnée d’une activation diminuée. Donc, sans environnement aimant, le cerveau se développe peu et mal [119].

Passons du comportement à sa cause cérébrale. Du point de vue de la structure encéphalique, il est démontré que l’adulte adoptant une attitude bienveillante, chaleureuse avec l’enfant, engendre chez l’hippocampe de celui-ci un foisonnement de nouvelles connexions ; or, l’hippocampe est médiateur des capacités d’apprentissage [120].

Du point de vue des neuromédiateurs, nous savons que la dopamine est l’hormone des circuits de la récompense, dont la sécrétion provoque élan et joie (enthousiasme). Or, la dopamine est abondamment libérée lorsque la personne adopte des comportements altruistes [121] – ce que confirme la neurobiologie [122] –, justes [123] et confiants [124]. Il en est de même de l’ocytocine qui libère des endorphines et élève le taux de sérotonine…

Tout à l’inverse, les comportements asociaux – comme l’égoïsme, l’indifférence, le jugement et l’injustice, la compétition, le rejet, l’humiliation, la violence – présentent des conséquences non seulement sur le lien même, mais sur les personnes, dans leur santé physique et psychique [125]. De fait, ces comportements empêchent les circuits de la récompense de s’activer [126]. Voire, la zone du cerveau qui est mobilisée en cas de rejet est la même que celle de la douleur physique [127] : s’attaquer au lien ne fait pas du bien.

Ce qui se vérifie pour l’adulte se vérifie a fortiori pour l’enfant et le nourrisson. L’expérience bien connue et éprouvante des « visages neutres » l’atteste [128]. On demande à un parent d’entrer en interaction normale avec un enfant : sourire, parler, toucher. Puis, il est demandé d’adopter une attitude faciale neutre, c’est-à-dire inexpressive, immobile, sans réponse aux sollicitations (qui ne manqueront pas), tout en continuant à regarder le bébé. Les réactions n’attendent pas : au début, l’enfant croit à un jeu, essaie d’attirer l’attention du parent, fait des moues adorables, tape des mains, sourit, pointe du doigt ; puis, la séduction ne servant à rien, il détourne le regard, s’agite, pleure ; en fait, il exprime une intense angoisse.

Loin d’être sadiques, ces expériences et vidéos ont été réalisées pour que les mères dépressives prennent conscience des effets de leur indifférence sur leur enfant.

Appliquons enfin encore plus précisément ces belles études à l’éducation scolaire. Une étude finlandaise, particulièrement sérieuse, encore en cours, intitulée « The first steps study », a suivi plusieurs milliers d’enfants et leurs professeurs pendant plus de dix ans. Or, elle a montré que la réussite scolaire dépendait moins des outils pédagogiques et même qu’un nombre restreint d’enfants par classe, que de l’attitude chaleureuse et empathique de l’adulte avec les enfants [129].

3’) Interprétation philosophique

Aujourd’hui, plus que d’amour – qui est trop rapidement identifié à l’amour romantique, donc à l’amour ressenti, à l’amour-émotion, et non pas à l’amour effectif, l’amour-action –, l’on parle volontiers d’altruisme, de bienveillance, de coopération, de comportement prosocial. On parle aussi de reliance – à la suite du sociologue belge Marcel Bolle de Bal, l’inventeur du terme, et du sociologue philosophe français Edgar Morin qui l’a repris [130]. La reliance peut se prendre en son sens soit actif, comme acte de relier, soit pronominal, comme acte de se relier, soit passif, comme sentiment ou état d’être relié.

Comment continuer à faire de la substance l’être premier, lorsque le lien, la relation, apparaît à l’évidence comme le plus grand des biens, au point qu’une personne qui serait dénuée de toute connection serait poussée au suicide, donc à la disparition de sa substance ?

4’) Applications pédagogiques

Concrètement, Céline Alvarez souligne plus le lien que la distance ou la séparation – ainsi que nous le reverrons en parlant de la loi d’enveloppement d’amour. Cela se traduit par exemple par le fait que, dans sa classe maternelle de Gennevilliers, elle demande aux enfants de l’appeler « Céline » et non pas « maîtresse » et elle les appelle par leurs prénoms et non « élèves ».

D) Applications

Dans la deuxième partie de l’ouvrage, Céline Alvarez prend le temps d’appliquer ces différentes lois aux apprentissages fondamentaux : la culture (géographie, géométrie, musique) [131] ; les mathématiques [132] ; la lecture et l’écriture [133]. J’y renvoie pour le détail.

Des vidéos et des fiches pédagogiques des activités se trouvent sur le site www.celinealvarez.org

E) Conclusion

Je conclurai en faisant quelques rapprochements entre ce que Thomas d’Aquin (cité à plusieurs reprises) nous dit de l’acte pédagogique et ce que cette pratique et cette théorie de l’acte éducatif nous en révèlent.

Pour faire très vite, la leçon de l’Aquinate sur l’enseignement [134] peut se résumer en quatre points :

  1. L’acteur premier de l’enseignement est l’enseigné (le disciple). En termes techniques, il est cause efficiente principale (causa perficiens). De plus, il est intérieur.
  2. Pour autant, l’enseignant (le maître) est nécessaire. Toutefois, il n’intervient que comme aide, cause efficiente adjuvante et dispositive (causa adjuvans et causa disponens). De plus, il demeure extérieur.
  3. L’enseignant aide l’enseigné à passer par deux moyens : « en lui proposant des aides ou des instruments », qui sont autant de signes, comme des exemples ; « en montrant au disciple l’ordre entre les principes et les conclusions », ce qui fortifie son intelligence.
  4. L’intelligence humaine progresse selon différentes lois : elle passe du connu à l’inconnu, de la puissance à l’acte, du sensible à l’intelligible, du plus universel au moins universel, de l’effet à la cause, etc.

La vision de la pédagogie fondée sur Montessori, elle-même revisitée à la lumière des neurosciences, est un heureux apport à l’enseignement thomasien. En effet, à la fois elle le confirme, le fonde (notamment sur les neurosciences et les études comportementales), le précise (par exemple, la notion de cause adjuvante) et l’enrichit (notamment en lui ajoutant l’enveloppement systémique et amatif).

En retour, Thomas apporte des principes de méthode qui manquent à Céline Alvarez, comme l’ordre de détermination ou l’ordre de démonstration, les modes d’abstraction, la distinction entre approche spéculative et approche pratique, etc.

Bibliographie sommaire

1) Psychologie de l’enfant

a) Ouvrages francophones

– Alison Gopnik, Le bébé philosophe, trad. Sarah Gurcel, coll. « Essais », Paris, Le Pommier, 2010.

– Alison Gopnik, Andrew Meltzoff et Patricia Kuhl, Comment pensent les bébés ?, trad. Sarah Gurcel, coll. « Poche », Paris, Le Pommier, 2005.

b) Ouvrages anglophones

– Alison Gopnik, The Gardener and the Carpenter: What the New Science of Child Development Tells Us About the Relationship Between Parents and Children, Farrar, Straus and Giroux, 2016.

2) Application à la pédagogie

a) Ouvrages francophones

– Céline Alvarez, Les lois naturelles de l’éducation, Paris, Les Arènes, 2016.

– Stanislas Dehaene, La bosse des maths, quinze ans après, Paris, Odile Jacob, 22007.

– Stanislas Dehaene, Ghislaine Dehaene-Lambertz, Édouard Gentaz, Caroline Huron & Liliane Sprenger-Charolles, Apprendre à lire. Des sciences cognitives à la salle de classe, Paris, Odile Jacob, 2011.

– Hanna Dumont, David Istance et Francisco Benavides, Comment apprend-on ? La recherche au service de la pratique, Paris, Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 2010.

– Catherine Guéguen, Pour une enfance heureuse. Repenser l’éducation à la lumière des neurosciences, Paris, Robert Laffont, 2014.

– Marie Leonard-Mallaval, Comment le sens moral s’éveille à la crèche, coll. « 1001 bébés », Toulouse, Éres, 2013.

– Eléna Pasquinelli, Du labo à l’école. Science et apprentissage, Paris, Le Pommier, 2014.

b) Ouvrages et articles anglophones

– Sarah-Jayne Blakemore & Uta Frith, The Learning Brain. Lessons for Education, London, Wiley-Blackwell, 2005.

– Uta Frith, Neuroscience. Implications for education and lifelong learning, coll. « Excellence in Science », London, The Royal Society, 2011. Accessible en ligne sur le site consulté le 2 mars 2017 : https://royalsociety.org/~/media/Royal_Society_Content/policy/publications/2011/4294975733-With-Appendices.pdf

– Torkel Klingberg & Neil Betteridge, The Learning Brain. Memory and Brain Development in Children, New York, Oxford University Press, 2012.

– Andrew N. Meltzoff, Patricia K. Kuhl, Javier Movellan & J. Terrence Sejnowski, « Foundations for a new science of learning », Science, 325 (2009) n° 5938, p. 284-288.

– Mariano Sigman, Marcela Peña, Andrea P. Goldin & Sidarta Ribeiro, « Neuroscience and education: prime time to build the bridge ». Nature neuroscience, 17 (2014), p. 497-502.

– David Sousa, Mind, Brain, and Education. Neuroscience Implications for the Classroom, Bloomington (Indiana), Solution Tree Press, 2010.

– Tracey Tokuhama-Espinosa, Mind, Brain, and Education Science. A Comprehensive Guide to the New Brain-Based Teaching, New York, W.W. Norton & Co, 2010.

[1] Céline Alvarez, Les lois naturelles de l’éducation, Paris, Les Arènes, 2016.

[2] http://www.hce.education.fr/gallery_files/site/21/40.pdf, p. 7. Site consulté le 19 février 2017.

[3] Cf. Céline Alvarez, Les lois naturelles de l’éducation, « Introduction » (p. 9-35) ; I. 3 (p. 124-161). Sans parler des multiples renvois à cette expérience qui ne cessent d’émailler l’exposé.

[4] Céline Alvarez, Les lois naturelles de l’éducation, p. 37-38.

[5] Cf. Michel Desmurget. TV lobotomie. La vérité scientifique sur les effets de la télévision, coll. « L’inconnu », Paris, Max Milo, 2011. Cf. la synthèse que j’en propose.

[6] Tiffany Shlain, « Brain power. From neurons to networks », TED Conferences, LLC, 2012. Site consulté le 2 mars 2017 : https://www.youtube.com/watch?v=zLp-edwiGUU.

[7] Cf. Center of the Devloping Child, « Five numbers to remember about early childhhod development (Brief) », 2009, http://developingchild.harvard.edu/resources/five-numbers-to-remember-about-early-childhood-development/ Site consulté le 18 mars 2017.

[8] Cf. Gergerly Cisbra & György Gergely, « Natural Pedagogy », Trends in Cognitive Sciences, 13 (2009) n° 4, p. 148-153.

[9] Céline Alvarez concentre les lois de l’éducation dans la première partie, chapitre 2 ; mais nous les retrouvons aussi dans le reste du livre. Aussi ferai-je une étude transversale. Par ailleurs, notre répartition systématise ce qu’elle se contente d’énumérer sans se soucier d’organiser ces lois.

[10] Il aurait fallu ajouter au minimum l’ordre de détermination selon lequel l’intelligence passe du plus universel au moins universel.

[11] Cf. Angela D. Friederici, Jutta L. Mueller & Regine Oberecker, « Precursors to natural grammar learning. Preliminary evidence from 4-month-old infants », PLoS ONE, 6 (2011) n° 3, e17920.

[12] Cf. Jane E. Barker, Andrei D. Semenov, Laura Michaelson, Lindsay S. Provan, « Less-structured time in children’s daily lives predicts self-directed executive functioning », Frontiers in Psychology, 593 (2014) n° 5, p. 1-16.

[13] Cf. Yudhijit Bhattacharjee, « Les secrets du cerveau des bébés », National Geographic, 16 septembre 2015. Site consulté le 2 mars 2017 : http://www.nationalgeographic.fr/21138-le-secret-du-cerveau-des-bebes/

[14] Céline Alvarez, Les lois naturelles de l’éducation, p. 329.

[15] Ibid. p. 64.

[16] Ibid. p. 69. Souligné dans le texte.

[17] Betty Hart & Todd R. Risley, « The early catastrophe. The 30 million word gap by age 3 », American Educator, 27 (2003) n° 1, p. 4-9.

[18] Céline Alvarez, Les lois naturelles de l’éducation, p. 40.

[19] Cf. Charles Hulme, Hannah M. Nash, Debbie Gooch, Arne Lervåg & Margaret J. Snowling, « The foundations of literacy development in children at familial risk of dyslexia », Psychological Science, 26 (2015) n° 12, p. 1877-1886.

[20] Cf. Stanislas Dehaene, « Fondements cognitifs des apprentissages scolaires. La mémoire et son optimisation », Cours au Collège de France, 17 février 2015. Site consulté le 2 mars 2017 : https://www.college-de-france.fr/site/stanislas-dehaene/course-2014-2015.htm

[21] Cf. les références scientifiques dans les deux conférences accessibles sur Internet : Stanislas Dehaene, « Fondements cognitifs des apprentissages scolaires. Fondements cognitifs de l’apprentissage des mathématiques », conférence au Collège de France, 3 mars 2015 ; Manuela Piazza, « Le goût des nombres et comment l’acquérir », colloque Sciences cognitives & éducation au Collège de France, 20 novembre 2012. Site consulté le 2 mars 2017 : https://www.college-de-france.fr/site/stanislas-dehaene/course-2015-03-03-09h30.htm ; https://www.college-de-france.fr/media/stanislas-dehaene/UPL3477523566897882546_Piazza_LeGoutDesNombres_CollegeDeFrance2012.pdf

[22] Cf. Véronique Izard, Coralie Sann, Elizabeth S. Spelke, Arlette Streri & Charles R. Gallistel, « Newborn infants perceive abstract numbers », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 106 (2009) n° 25, p. 10382-10385.

[23] Cf. Karen Wynn, « Addition and subtraction by human infants », Nature, 358 (1992) n° 6389, p. 749-750 ; Koleen McCrink & Karen Wynn, « Large-Number addition and subtraction by 9-month-old infants », Psychological Science, 15 (2004) n° 11, p. 776-781.

[24] Cf. Camilla K. Gilmore, Shannon E. McCarthy & Elizabeth S. Spelke, « Symbolic arithmetic knowledge without instruction », Nature, 447 (2007) n° 7144, p. 589-591 ; Camilla K. Gilmore, Shannon E. McCarthy & Elizabeth S. Spelke, « Non-symbolic arithmetic abilities and mathematics achievement in the first year of formal schooling », Cognition, 115 (2010) n° 3, p. 394-406.

[25] Cf. Somme de théologie, Ia-IIæ, q. 94, a. 2.

[26] Cf. Felix Warneken & Michael Tomasello, « Extrinsic rewards undermine altruistic tendencies in 20-month-olds », Developmental Psychology, 44 (2008) n° 6, p. 1785-1788.

[27] Cf. Ghislaine Dehaene-Lambertz, « Bases cérébrales de l’acquisition du langage. Apport de la neuro-imagerie », Revue de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescence, 52 (2004) n° 7, p. 452-459.

[28] Cf. Jacques Mehler, Peter W. Jusczyk, Ghislaine Lambertz & Claudine Amiel Tison, « Discrimination de la langue maternelle par le nouveau-né. Comptes rendus de l’Académie des sciences », Série 3. Sciences de la vie, 303 (1986) n° 15, p. 637-640.

[29] Cf. Marcela Peña, Janet F. Werker & Ghislaine Dehaene-Lambertz, « Earlier speech exposure does not accelerate speech acquisition », Journal of Neuroscience, 32 (2012) n° 33, p. 11159-11163.

[30] Cf. note 4 de III.

[31] Cf. Alison Gopnik, Andrew Meltzoff et Patricia Kuhl, Comment pensent les bébés ?, trad. Sarah Gurcel, coll. « Poche », Paris, Le Pommier, 2005.

[32] Céline Alvarez, Les lois naturelles de l’éducation, p. 273.

[33] Et qui relève probablement d’une glose albertinienne.

[34] Cf. Céline Alvarez, Les lois naturelles de l’éducation, III.2 : « Les compétences exécutives ».

[35] http://www.youtube.com/watch?v=9NTdx3Iq7EU consulté le 15 mars 2017.

[36] Film comique français de Jean-Marie Poiré, 1995.

[37] Angela L. Duckworth et Martin E.P. Seligman, « Self-discipline outdoes IQ in predicting academic performance of adolescents », Psychological Science, 16 (décembre 2005) n° 12, p 939-944 ; Walter Mischel, Yuichi Shoda et Monica L. Rodriguez, « Delay of gratification in children », Science, 244 (26 mai 1989) n° 4907, p. 933-938.

[38] Cf. Lorenzo Scupoli, Le combat spirituel, trad. Jean Brignon, coll. « Les classiques de la spiritualité », Perpignan, Artège, 2010.

[39] David Servan-Schreiber, « Un chamallow… ou deux ? », Psychologies, septembre 2007. Sur le site : http://www.psychologies.com/Moi/Se-connaitre/Comportement/Articles-et-Dossiers/Un-chamallow-ou-deux/4

[40] Cf. Robert A. Rescorla & Allan R. Wagner, A Theory of Pavlovian Conditioning. In the Effectiveness of Reinforcement and Nonreinforcement, Classical Conditioning II. Current Research and Theory, Appleton Century Crofts, 1972, p. 64-99.

[41] Cf. Alison Gopnik, Le bébé philosophe, trad. Sarah Gurcel, coll. « Essais », Paris, Le Pommier, 2010.

[42] Céline Alvarez, Les lois naturelles de l’éducation, p. 71.

[43] Cf. Scott Freeman, Sarah L. Eddy, Miles McDonough, Michelle K. Smith, Nnadozie Okoroafor, Hannah Jordt & Mary Pat Wenderoth, « Active learning increases student performance in science. Engineering and mathematics », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 111 (2014) n° 23, p. 8410-8415.

[44] Céline Alvarez, Les lois naturelles de l’éducation, p. 96.

[45] Cf. Édouard Gentaz, Pascale Colé & Florence Bara, « Évaluation d’entraînements multisensoriels de préparation à la lecture pour les enfants en grande section de maternelle : une étude sur la contribution du système haptique manuel », L’année psychologique, 103 (2003) n° 4, p. 561-584 ; Florence Bara, Édouard Gentaz & Pascale Colé, « The visuo-haptic and haptic exploration of letters increases the kindergarten-children’s reading acquisition », Cognitive Development, 19 (2004), p. 433-449.

[46] Cf. Florence Bara, Édouard Gentaz & Pascale Colé, « Les effets des entraînements phonologiques et multisensoriels destinés à favoriser l’apprentissage de la lecture chez les jeunes enfants », Enfance, 56 (2004) n° 4, p. 387-403.

[47]Cf. Céline Alvarez, Les lois naturelles de l’éducation, II.1 : « Affiner ses perceptions sensorielles ».

[48] Yuyan Luo, Lisa Kaufman & Renée Baillargeon, « Young infants’reasoning about events involving inertia and self-propelled objects », Cognitive Psychology, 58 (2009) n° 4, p. 441-486.

[49] Aimee E. Stahl & Lisa Feigenson, « Observing the unexpected enhances infants’learning and exploration », Science, 348 (2015) n° 6230, p. 91-94.

[50] Cf. Andrew N. Meltzoff & M. Keith Moore, « Object representation, identity, and the paradox of early permanence. Steps toward a new framework », Infant Behavior and Development, 21 (1998) n° 2, p. 201-235.

[51] Cf. Marie Leonard-Mallaval, Comment le sens moral s’éveille à la crèche, coll. « 1001 bébés », Toulouse, Éres, 2013.

[52] Cf. Paul Bloom, Just Babies. The Origins of Good and Evil, New York, Broadway Books, 2013.

[53] Cf. J. Kiley Hamlin, Karen Wynn & Paul Bloom, « Social evaluation by preverbal infants », Nature, 450 (2007) n° 7169, p. 557-559.

[54] Cf. J. Kiley Hamlin & Karen Wynn, « Young infants prefer prosocial to antisocial others », Cognitive Development, 26 (2011) n° 1, p. 30-39.

[55] Cf. Karen Wynn, « The discriminating infant. Early social judgments and the roots of good and evil », Conférence au département de psychologie de l’université du Missouri. Sur le site consulté le 15 mars 2017 : https://www.youtube.com/watch?v=4LQb9brf7Eo

[56] Cf. Charles C. Helwig & Elliot Turiel, « Children’s social and moral reasoning », Peter K. Smith & Craig H. Hart (éds.), The Wiley-Blackwell Handbook of Childhood Social Development, Oxford, Wiley-Blackwell Publishing, 22011, chap. 11 : p. 567-583.

[57] Cf., outre les deux articles de Golnaz Tabibnia cités par ailleurs, Alan G. Sanfey, James K. Rilling, Jessica A. Aronson, Leigh E. Nystrom & Jonathan. D. Cohen, « The neural basis of economic decision-making in the ultimatum game », Science, 300 (2003) n° 5626, p. 1755-1758.

[58] Cf. Karen Wynn, « The discriminating infant. Early social judgments and the roots of good and evil », Conférence au département de psychologie de l’université du Missouri. Sur le site : https://www.youtube.com/watch?v=4LQb9brf7Eo

[59] Cf. Grazyna Kochanska, « Mutually responsive orientation between mothers and their young children. A context for the early development of consciene », Current Directions in Psychological Science, 11 (2002) n° 6, p. 191-195 ; Grazyna Kochanska & Kathleen Murray, « Mothers-child mutually responsive orientation and conscience development. From toddler to early school age », Child Development, 71 (2000) n° 2, p. 417-431 ; Grazyna Kochanska, Nazan Aksan, Amy Knaack & Heather M. Rhines, « Maternal parenting and children’s conscience. Early security as moderator », Child Development, 75 (2004) n° 4, p. 1229-1242.

[60] Cf. Jennifer Breheny Wallace, « Why children needs chores », The Wall Street Journal, 13 mars 2015. En ligne, consulté le 20 mars 2017 : https://www.wsj.com/articles/why-children-need-chores-1426262655

[61]. Une synthèse en français des études très récentes sur l’altruisme chez l’enfant se trouve sur le site http://www.enfant-encyclopedie.com/comportement-prosocial/selon-experts/le-developpement-prosocial-au-cours-de-la-vie (consulté le 28 mai 2016). De nombreuses références dans Jacques Lecomte, La bonté humaine. Altruisme, empathie, générosité, Paris, Odile Jacob, 2012, chap. 9.

[62]. Nancy Eisenberg-Berg & Cynthia Neal, « Children’s Moral Reasoning about Their Own Spontaneous Prosocial Behavior », Developmental Psychology, 15 (1979) n° 2, p. 228-229.

[63]. Comme nous avons toujours à nous laisser enseigner par la nature, sans nous confondre avec elle (cf. Pascal Ide, « La création, entre agression et amorisation. Un enrichissement du mécanisme de sélection naturelle ? », dans Philippe Quentin [dir.], Les sciences face au concept judéo-chrétien de création, Paris, Éd. de l’Emmanuel, 2014, p. 9-101 ; Id., « Peut-on parler d’un don chez le vivant non humain ? », dans Nathalie Geneste et Marie-Christine Monnoyer [dir.], Culture du don. Utopie ou réalisme prophétique ?, coll. « Sciences religieuses », Paris, Lethielleux, Toulouse, Institut catholique de Toulouse, Les Presses Universitaires, 2014, p. 69-100), j’ajoute que les jeunes pongidés, particulièrement les chimpanzés, ébauchent eux aussi des attitudes prosociales précoces (cf. Felix Warneken, Frances Chen & Michael Tomasello, « Cooperative Activities in Young Children and Chimpanzees », Child Development 77 [2006], p. 640-663 ; Felix Warneken et Michael Tomasello, « Altruistic Helping in Human Infants and Young Chimpanzees », Science 311 [2006], p. 1301-1303).

[64]. Cf. Felix Warneken & Michael Tomasello, « Helping and Cooperation at 14 Months of Age », Infancy, 11 (2007) n° 3, p. 271-294.

[65]. Cf. Harriet Over & Malinda Carpenter, « Eighteen-Month-Old Infants Show Increased Helping Following Priming with Affiliation », Psychological Science, 20 (2009) n° 10, p. 1189-1193.

[66] Alison Gopnik, Andrew Meltzoff et Patricia Kuhl, Comment pensent les bébés ?, p. 64.

[67] Cf. Margarita Svetlova, Sara R. Nichols & Célia A. Brownell, « Toddlers’prosocial behavior. From instrumental to empathic to altruistic helping », Child Development, 81 (2010) n° 6, p. 1814-1827.

[68] Cf. Lara B. Aknin, J. Kiley Hamlin & Elizabeth W. Dunn, « Giving leads to happiness in young children », PloS ONE, 7 (2012) n° 6, e39211.

[69] Sur l’éducation au don de soi, nous manquons cruellement d’ouvrages concrets. Est décevant (parce que trop abstrait) et réactif à l’égard du don gratuit (parce qu’inspiré par Mauss qui oppose l’échange qu’il défend, au don désintéressé qu’il critique) le livre de Josette Gaume : Le don en didactique. Approche épistémologique à partir de l’« Essai sur le don » de Marcel Mauss, Fernelmont (Belgique), E.M.E. & InterCommuniations, s.d. [2008].

[70] Je me permets de renvoyer aux conseils que je donne dans Manipulateurs. Les personnalités narcissiques : décrire, comprendre, agir, Paris, L’Emmanuel, 2016, p. 230-235.

[71] Cf. Felix Warneken & Michael Tomasello, « The roots of human altruism », British Journal of Psychology, 100 (2009) n° 3, p. 455-471.

[72] Cf. Jan M.A.M. Janssens & Maja Dekovic, « Child rearing, prosocila moral reasoning, and prosocial behavior », International Journal of Behavioral Devlopment, 20 (1997) n° 3, p. 509-527.

[73] Cf. Lichang Lee, Jane Allyn Piliavin & Vaughn R. A. Call, « Giving time, money, and blood. Similarities and differences », Social Psychology Quarterly, 62 (1999) n° 3, p. 276-290.

[74] Cf., par exemple, Robert J. Presbie et Paul F. Coiteux, « Learning to be generous or stingy. Imitation of charing behavior as a function of model generosity and vicarious reinforcement », Child Development, 42 (1971) n° 4, p. 1033-1038 ; Mark Wilhelm, Eleanor Brown, Patrick Rooney & Richard Steinberg, « The intergenerational transmission of generosity », Journal of Public Economics, 92 (2008) n° 10-11, p. 2146-2156.

[75] Cf. Beatrice Blyth Whiting & John W. M. Whiting, Childrend of Six culture. A Psycocultural Analysis, Harvard, Harvard University Press, 1975 ; Ervin Staub, The Psychology of Good and Evil. Why Children, Adults and Groups Help and Harm Others, Cambridge, Cambridge University Press, 2003, chap. 11.

[76] Céline Alvarez, Les lois naturelles de l’éducation, p. 394.

[77] Richard Mayer, « Should ther be a three-strikes rule against pure discovery learning ? The case for guided methods of instruction », The American Psychologist, 59 (2004) n° 1, p. 14-19.

[78] Cf. Patricia K. Kuhl, Feng Ming Tsao & Huei-Mei Lui, « Foreign-language experience in infancy. Effects of short-term exposure and social interaction on phonetic learning », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 100 (2003) n° 15, p. 9096-9101.

[79] Céline Alvarez, Les lois naturelles de l’éducation, p. 73.

[80] Cf. Nina Howe, Sandra Della Porta, Holly Recchia, Allyson Funamoto & Hildy Ross, « ‘This bird can’t do it ‘cause this bird doesn’t swim in water’. Sibling teaching during naturalistic home observations in early childhood », Journal of Cognition and Development, 16 (2015) n° 2, p. 314-322.

[81] CfLev Semenovich Vygotsky, Mind and society. The development of higher psychological processes, Cambridge, Harvard University Press, 1978.

[82] Cf. Céline Alvarez, Les lois naturelles de l’éducation, 3e partie du livre.

[83] Ibid., p. 365. Souligné par moi.

[84] Ibid., p. 47. Souligné dans le texte.

[85] Ibid., p. 54. Les autres passages cités sont tirés des p. 54-55.

[86] Cf. Dare A. Baldwin, Ellen M. Markman, Brigitte Bill, Renee N. Desjardins, Jane M. Irwin & Glynnis Tidball, « Infant’s reliance on a social criterion for establishing word-object relations », Child Development, 67 (1996) n° 6, p. 3135-3153.

[87] Céline Alvarez, Les lois naturelles de l’éducation, p. 48.

[88] Ibid., p. 48-49.

[89] Ibid., p. 49.

[90] Céline Alvarez, Les lois naturelles de l’éducation, p. 85.

[91] Cf. Anna V. Fisher, Karrie E. Godwin & Howard Seltman, « Visual environment, attention allocation, and learning in young children. When too much of a good thing may be bad », Psychological Science, 25 (2014) n° 7, p. 1362-1370.

[92] Cf. Tracy Gillet, « Une enfance plus simple pourrait protéger nos petits contre les troubles psychiques », Huffington Post, 12 avril 2016. Site consulté le 2 mars 2017 : http://www.huffingtonpost.fr/tracy-gillett/education-enfants-extra-scolaire_b_9658158.html

[93] Cf. Kim John Payne, Simplicity Parenting. Using the Extraordinary Power of Less to Raise Calmer, Happier, and More Secure Kids, Wydawnictwo-New York, Ballantine Books, 2010.

[94] Cf. Mary Helen Immordino-Yang, Joanna A. Christodoulou & Vanessa Singh, « Rest is not idleness. Implications of the brain’s default mode for human development and education », Perspectives on Psychological Science, 7 (2012) n° 4, p. 352-364.

[95] Cf. Alexander Prehn-Kristensen, Manuel Munz, Robert Göder, Ines Wilhelm, Katharina Korr, Wiebke Vahl, Christian D. Wiesner & Lioba Baving, « Transcranial Oscillatory Direct Current Stimulation During Sleep Improves Declarative Memory Consolidation in Children With Attention-deficit/hyperactivity Disorder to a Level Comparable to Healthy Controls », Brain Stimulation, 7 (2014) n° 6, p. 793-799.

[96] Cf. Sabine Seehagen, Carolin Konrad, Jane S. Herbert & Silvia Schneider, « Timely sleep facilitates declarative memory consolidation in infants », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 112 (2014) n° 5, p. 1625-1629 ; Laura Kurdziela, Kasey Duclos & Rebecca M. C. Spencer, « Sleep spindles in midday naps enhance learning in preschool children », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 110 (2013) n° 43, p. 17267-17272.

[97] Cf. Angela Hanscom, « The unsafe child. Less outdoor play is causing more harm than good », Association Children & Nature Network, 6 mai 2015, http://www.childrenandnature.org/2015/05/06/the-unsafe-child-less-outdoor-play-is-causing-more-harm-than-good/

[98] Cf. Flavio Donato, Santiago Belluco Rompani & Pico Caroni, « Parvalbumin-expressing basketcell network plasticity induced by experience regulates adult learning », Nature, 504 (2013) n° 7479, p. 272-276.

[99] Cf. Chiara D’Amore, Cheryl Charles & Richard Louv, « Thriving through nature. Fostering children’s executive fuction skills », Association Children & Nature Network, 8 septembre 2015, http://www.childrenandnature.org/wp-content/uploads/2015/08/CNN_ExecutiveFunctionToolkit_8-14_15_final.pdf

[100] Céline Alvarez, Les lois naturelles de l’éducation, p. 105.

[101] Ibid., p. 100.

[102] Cf. Robert Michael Pyle, « The rise and fall of natural history », Orion: People and Nature, 20 (automne 2001) n° 4, p. 16-23.

[103] Je renvoie aux études de Nicolas Guéguen et Sébastien Meineri, Pourquoi la nature nous fait du bien, Paris, Dunod, 2012.

[104] Cf. Céline Alvarez, Les lois naturelles de l’éducation : III.5.

[105] Cf. Emil F. Coccaro, Chandra Sekhar Sripada, Rachel N. Yanowitch & K. Luan Phan, « Corticolimbic function in impulsive aggressive behavior », Biological Psychiatry, 69 (2011) n° 12, p. 1153-1159.

[106] Cf. Angeline Maughan & Dante Cicchietti, « Impact of child maltreatment and interadult violence on children’s emotion regulation abilities and socioemotional adjustment », Child Development, 73 (2002) n° 5, p. 1525-1542.

[107] Cf. Liliana J. Lengua, Elizabeth E. Honorado & Nicole R. Bush, « Contextual risk and parenting as predictors of effortful control and social competence in preschool children », Journal of Applied Developmental Psychology, 28 (2007) n° 1, p. 40-55.

[108] Cf. Thomas G. O’Connor, Michael Rutter & the English and Romanian Adoptees Study Team, « The effects of global severe privation on cognitive competence. Extension and longitudinal follow-up », Child Development, 71 (2000) n° 2, p. 376-390.

[109] The Center on the Developing Child, « The Science on Resilience (InBrief) », 2015. Consulté le mars 2017 : developingchild.harvard.edu/…/inbrief-the-science-of-resilience/

[110] Céline Alvarez, Les lois naturelles de l’éducation, p. 118.

[111] Cf. Jeewook Choi, Bumseong Jeong, Ann Polcari, Michael L. Rohan & Martin H. Teicher, « Reduced fractional anisotropy in the visual limbic pathway of young adults witnessing domestic violence in childhood », Neuroimage, 59 (2012) n° 2, p. 1071-1079.

[112] Cf. Jeewook Choi, Bumseok Jeong, Michael L. Rohan, Ann M. Polcari & Martin H. Teicher, « Preliminary evidence for white matter tract abnormalities in young adults exposed to parental verbal abuse », Biological Psychiatry, 65 (2009) n° 3, p. 227-234.

[113] Cf. Martin H. Teicher, Jacqueline A. Samson, YiShin Sheu, Ann Polcari & Cynthia E. McGreenery, « Hurtful words. Association of exposure to peer verbal abuse with elevated psychiatric symptom scores and corpus callosum abnormalities », American Journal of Psychiatry, 67 (2010) n° 12, p. 1464-1471.

[114] Cf. Matthew D. Lieberman, Naomi I. Eisenberger, Molly J. Crockett, Sabrina M. Tom, Jennifer H. Pfeifer & Baldwin M. Way, « Putting feelings into worlds. Affect labeling disrupts amygdala activity in response to activity stimuli », Psychological Science, 18 (2007) n° 5, p. 421-428.

[115] Céline Alvarez, Les lois naturelles de l’éducation, p. 304.

[116] Ibid., p. 352. Souligné dans le texte.

[117] Ibid., p. 292. Souligné dans le texte.

[118] Robert Waldinger, « The study of adult devlopment, Harvard second generation study » : adultedevelopmentstudy.org/ Site consulté le 18 mars 2017.

[119] Cf. Charles A. Nelson, Charles H. Zeanah, Nathan A. Fox, Peter J. Marshall, Anna T. Smyke & Donald Guthrie, « Cognitive recovery in socially deprived young children. The Bucharest early intervention project », Science, 318 (2007) n° 5858, p. 1937-1940.

[120] Cf. Martin H. Teicher, Carl M. Andersona & Ann Polcaria, « Childhood maltreatment is associated with reduced volum in the hippocampal sub-fields CA3, dentate gyrus, and subiculum », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 109 (2012) n° 9, p. E563-E572.

[121] Cf. Lara B. Aknin, Elizabeth W. Dunn & Michael I. Norton, « Happiness runs in a circular motion. Evidence for a positive feddback loop between a prosocial spending happiness », Journal of Happiness Studies, 13 (2011) n° 2 p. 347-355 ; Peggy Thoits & Lynda Hewitt, « Volunteer work and well-being », Journal of Health and Social Behavior, 42 (2001) n° 2, p. 115-131.

[122] Cf. William Harbaugy, Arik Levinson & David Molloy Wilson, « Neural responses to taxation and voluntary giving reveal motives for charitable donations », Science, 316 (2007) n° 5831, p. 1622-1625 ; Jorge Moll, Frank Krueger, Rolland Zahn, Matteo Pardini, Ricardo de Oliveira-Souza & Jordan Grafman, « Human fronto-mesolimbic networks guide decisions about charitable donation », Proceedings of the National Academy of Science, 103 (2006) n° 42, p. 15623-15628.

[123] Cf. Golnaz Tabibnia, Ajay B. Stapute & Matthew D. Liberman, « The sunny side of fairness. Preference for fairness activates reward circuitry (and disregarding unfairness activates self-control circuitry) », Psychological Science, 19 (2008) n° 4, p. 339-347 ; Golnaz Tabibnia & Matthew D. Liberman, « Fairness and cooperation are rewarding. Evidence from social cognitive neuroscience », Annals of the New York Academy of Sciences, 118 (2007) n° 1, p. 90-101.

[124] Cf. Brooks King-Casas, Damon Tomlin, Cedric Anen, Colin F. Camerer Steven R. Quartz & P. Read Montague, « Getting to know you. Reputation and trust in a tow-person economic exchange », Science, 308 (2005) n° 5718, p. 78-83.

[125] Cf. John T. Dartmouth Lanzetta, « Expectations of cooperation and competition in their effects on observer’s vicarious emotional responses », Journal of Personality and Social Psychology, (1989) n° 4, p. 543-554.

[126] Cf. James K. Rilling, David A. Gutman, Thorsten R. Zeh, Giuseppe Pagnoni, Gregory S. Berns & Clinton D. Kilts, « A neural basis for social cooperation », Neuron, 35 (2002) n° 2, p. 395-405.

[127] Cf. Naomi I. Eisenberger, Matthew D. Liberman & Kipling D. Williams, « Does rejection hurt ? An fMRI study of social exclusion », Science, 302 (2003) n° 5643, p. 292-292.

[128] On peut observer la vidéo sur internet : « Still face experiments ». Cf. Edward Tronick, Lauren Adamson, Heidelise Als & T. Berry Brazelton, « Infant emotions in normal and perturbated interactions », étude présentée à la réunion bisannuelle de la Society for Research in Child Development, Denver (Colorado), 1975.

[129] Cf. Martti Siekkinen, « Empathetic teachers enhance children’s motivation for learning », art. du site de l’University of Eastern Finland, consulté le 18 mars 2017 : https://worldwidescience.org/topicpages/f/finnish+pisa+results.html

[130] Cf. Marcel Bolle de Bal, « Reliance, déliance, liance : émergence de trois notions sociologiques », Sociétés, 80 (2003) n° 2, p. 99-131.

[131] Cf. Céline Alvarez, Les lois naturelles de l’éducation, II.2.

[132] Cf. Ibid., II.3.

[133] Cf. Ibid., II.4.

[134] Il se trouve principalement condensé dans deux importants articles : Q.D. De veritate, q. 11, a. 1 ; Somme de théologie, Ia, q. 117, a. 1.

29.5.2017
 

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