Donner à l’enfant le sens de son corps

Article paru dans Famille chrétienne du 01/08/1998, n° 1072.

Avec Mgr Pascal Ide, médecin, prêtre, docteur en philosophie et en théologie, auteur de Le Corps à cœur, interviewé par Florence Brière-Loth :

Certains petits garçons, entre 2 et 4 ans environ, mettent souvent les mains dans leur culotte. Que leur dire ?

Pourquoi le petit garçon fait-il cela ? Parce que c’est agréable. C’est un plaisir d’organe qui n’a rien à voir avec la masturbation : à cet âge, l’enfant ne ressent pas de plaisir sexuel.

De plus, il éprouve une curiosité pour cette partie du corps, la seule qui soit différente du corps de la petite fille, c’est une découverte naturelle.

Mais si cela revient trop souvent, que faire ? Tout d’abord, ne jamais dire que c’est sale ou impur. Ce n’est pas la peine de créer des culpabilités là où ça n’a pas lieu d’être ! Souvent, les remarques trop dures de la part des parents traduisent un malaise. De même, il est hors de question de punir, bien entendu. Les parents doivent dire à l’enfant d’arrêter, aussi simplement que s’ils lui demandaient de ne pas mettre ses doigts dans son nez. On peut donner un interdit, s’il n’est pas surévalué, sans colère ni tension.

Et surtout, parlons quand on se sent à l’aise, sinon, l’enfant le sentira.

Pensez-vous que l’humour peut aider à aborder la question de la sexualité avec les enfants ?

L’humour est très important dans ces conversations sur la sexualité, lieu de bien des culpabilités, très investi affectivement puisqu’il touche à notre origine. On parle de soi quand on parle de sexualité, nous provenons tous d’un acte sexuel… Il est donc normal qu’on ait de la pudeur à en parler, puisqu’il s’agit de notre intimité : l’humour permet la prise de distance nécessaire.

Mais tout ce qui est grossier est à bannir, car la grossièreté est méprisante. Le mépris exprimé par le vocabulaire entraîne le mépris de la sexualité.

Deuxième registre à bannir, le registre uniquement scientifique, dont la froideur induit un malaise. Le discours biologique fait du corps un objet d’étude qui annihile le mystère…

Il faut que l’enfant sente que la sexualité est un mystère qui lie la vie à l’amour, un mystère qui nous dépasse, dont les parents parlent avec joie, humour, et un respect profond.

Un mystère dont ils témoignent par des gestes de tendresse – car le corps se touche, il n’est ni intouchable ni méprisable, et les gestes sont aussi importants que les paroles.

Et si l’enfant ne pose jamais de questions concernant la sexualité ?

J’ai un peu peur quand des parents me disent : « Nous n’avons aucun problème : à 18 ans, nos enfants ne nous ont encore jamais rien demandé ! » Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de question exprimée qu’il ne se passe rien dans la tête ! Des parents qui ne parlent jamais de sexualité en famille auront des enfants qui n’en parleront pas. Car le non-dit signifie « interdit ».

C’est aux parents de précéder les questions. Quand les parents sont à l’aise, les enfants le seront.

Dans les cours de récréation, dans certaines familles, on parle de « petite fiancée », d’« amoureux », quand deux enfants s’entendent bien…

Il est important de garder leur sens aux mots. Si l’on emploie des mots inadéquats, l’enfant est perdu.

Il faut être très clair avec l’enfant : être amoureux, c’est quelque chose de grand. On n’est pas amoureux avant l’adolescence, parce que ce sentiment implique la sexualité. A l’école primaire, ça n’est pas du sentiment amoureux, mais de l’amitié.

Quant au mot « fiancé », c’est un mot important, qui veut dire que l’on s’engage. Les fiançailles sont une promesse ferme de mariage quand on est adulte ; cela signifie qu’on va alors quitter la maison.

On peut très bien l’expliquer aux enfants, en insistant sur l’emploi du mot juste.

Pascal Ide

 

12.9.2019
 

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