Célébrer l’Eucharistie après Auschwitz. Penser la théodicée sur un mode sacramentel (recension)

Frédérique Poulet, Célébrer l’Eucharistie après Auschwitz. Penser la théodicée sur un mode sacramentel, préf. J. Geldhof, coll. « Cogitatio fidei » n° 295, Paris, Cerf, 2015.

Parue dans la Nouvelle Revue Théologique (NRT) 138 (2016) n° 4, p. 696.

Selon Frédérique Poulet, enseignante de théologie dogmatique et de liturgie à la Fac. de théol. de l’Univ. cath. de l’Ouest, la théodicée au sens classique (voire la théologie en général) est désormais frappée d’interdit depuis Auschwitz, identifié au « mal absolu ». La seule réponse est désormais pratique, précisément liturgique (chap. 1), plus précisément encore, s’identifie à la liturgie de la Cène du Jeudi saint (chap. 2) qui se prolonge dans la dynamique kénotique qu’est l’action eucharistique (chap. 3) à laquelle le fidèle est appelé à participer (chap. 4). Ainsi, l’Eucharistie devient la nouvelle théodicée, de modalité pratique et kénotique (chap. 5).

Si l’écriture est claire, le contenu de cette thèse de théologie présente des obscurités et suscite des questions de fond. Limitons-nous à trois. 1) Peut-on parler de mal absolu sans avoir sérieusement interrogé la définition antico-médiévale du mal comme privation d’être (de sorte qu’un mal absolu serait un néant absolu), surtout quand ce mal est plus vu du côté de celui qui le subit (malum poenae) que du côté de celui qui le commet (malum culpae), en tout cas lorsque ces deux espèces ne sont pas nettement distinguées ? 2) Est-ce la théodicée qui est offusquée par la nouvelle figure du mal, ou bien le déisme (initié avec Descartes) dont Pascal observait qu’il est « presque aussi éloigné de la religion chrétienne que l’athéisme, qui y est tout à fait contraire » (Pensées, Br., no 556) ? 3) Comment une réponse liturgique sera-t-elle cette urgie de la kénose, qui est la modalité même de l’amour divin, sans se recevoir de l’économie divine, voire de l’amour trinitaire (Balthasar) – donc, sans présupposer une théologie non plus pratique, mais contemplative de l’amour par lequel le Père « donne tout » au Fils (cf. Jn 17,10 ; Lc 15,31 ; etc.) ?

Pascal Ide

13.7.2019
 

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