Fais ton lit !

Lors de son discours de la cérémonie de remise des diplômes à l’Université du Texas à Austin, le 21 mai 2014, l’amiral 4 étoiles William H. McRaven énonça et illustra dix préceptes appris au cours de l’entraînement particulièrement exigeant des Navy Seals (« SEa, Air, Land ») dont il a bénéficié avant de passer 37 ans au sein des forces spéciales de la Marine de guerre. Militaire dont toute la carrière fut consacrée à la guerre (il a par exemple dirigé l’opération de capture de Ben Laden), il s’attendait à ce que les 8 000 étudiants qui l’écoutaient ce soir-là n’adhèrent guère à son discours. Tout au contraire, l’attention fut extrême et le relais par les réseaux sociaux fulgurant (plus de 18 millions de visualisations). McRaven a alors décidé d’amplifier le contenu et d’en rédiger un petit ouvrage qui fut traduit dans plus de 23 pays [1].

J’ai rarement rencontré un ouvrage aussi peu conceptuel ! Les 10 règles énoncées (1) ne sont qu’illustrées par des exemples tirés de son entraînement des Navy Seals et presque pas exposés en leur contenu. Il n’empêche qu’elles sont porteuses d’une vision éthique qui n’est pas dénuée d’intérêt et de fondement traditionnel (2) ni exempte de critiques (3).

1) Énoncé des 10 règles

Double est l’énoncé : plus concret, voire symbolique dans le discours de la cérémonie de remise de diplômes à l’Université du Texas ; plus abstrait, dans l’ouvrage qui en fut tiré. À l’instar de l’ouvrage, je les illustrerai par un exemple.

1. Si tu veux changer le monde, commence par faire ton lit.

Commencez la journée en ayant accompli une tâche.

En l’occurrence, « à peine étais-je réveillé que je faisais mon lit » (p. 13) avec une rigueur millimétrique, au sens physique du terme. « Cela témoignait de ma discipline et montrait mon attention aux détails. À la fin de la journée, cela me rappelait qu’il y avait au moins une chose que j’avais bien faite, une chose dont je pouvais être fier, même si ce n’était pas grand-chose » (p. 16). Inversement : « En décembre 2003, les forces américaines ont capturé Saddam Hussein » qui était détenu dans une pièce qu’il visitait une fois par jour : « Saddam ne faisait pas son lit » (p. 18 et 19). J’ajouterai que l’extérieur reflète l’intérieur.

2. Si tu veux changer le monde, trouve quelqu’un pour t’aider à ramer.

Vous n’y arriverez pas seul. Le travail d’équipe est indispensable.

Lors de l’entraînement SEAL, « nous devions porter partout où nous allions le zodiac qui nous avait été attribué ». Ils ramaient des kilomètres le long des côtes, luttant contre la mer démontée, sept hommes travaillant de concert ». La leçon ? « Il arrivait qu’un des membres de l’équipage soit malade ou blessé, et qu’il ne soit pas à 100 % de ses capacités ». Alors, « les autres compensaient en ramant plus fort ». Ainsi, « ce petit canot pneumatique nous faisait comprendre qu’aucun homme ne pouvait réussir cet entraînement tout seul » (p. 23 et 24).

3. Si tu veux changer le monde, mesure les gens à la taille de leure cœur, non à celle de leurs palmes.

C’est la taille de votre cœur qui compte. Et entendez par cœur non pas l’affectivité, mais la volonté.

McRaven se rend au centre d’entraînement SEAL. Devant l’entrée d’un des bâtiments, il y a deux instructeurs taillés comme des footballeurs américains, « à mes yeux l’incarnation même d’un officier SEAL ». Il rentre, regarde les photos des vétérans en attendant d’être reçu par le lieutenant. Il observe alors « un homme qui regardait aussi ces photos. Un civil, d’après sa tenue. Peu corpulent, il était presque frêle. Ses cheveux, foncés et épais, lui retombaient sur les oreilles à la manière des Beatles. Il avait l’air subjugué devant ces formidables guerriers dont les photos relataient les actions. Je me suis demandé s’il pensait avoir l’étoffe d’un Navy SEAL. […] Pensait-il que sa frêle carrure pouvait supporter le poids d’un sac à dos plein et d’un millier de munitions ? N’avait-il pas vu les deux instructeurs SEAL à l’entrée ? »

Puis, McRaven est accueilli par le lieutenant et échange sur l’entraînement. Un moment, le lieutenant s’arrête et appelle l’homme dans le couloir et le salue d’une chaleureuse accolade : « Bill, je vous présente Tommy Norris. Tommy est le dernier SEAL à avoir reçu la médaille d’honneur pour ses services au Vietnam »… Alors, en se moquant intérieurement de lui-même, McRaven se souvient du lieutenant Norris « qui était à plusieurs reprises passé derrière les lignes ennemies de nuit pour aller secourir des camardes », sur lequel « les forces nord-vietnamienne avaient tiré en pleine tête », s’était « battu pour se remettre de ses blessures et pour être pris dans la première équipe de libération d’otage du FBI ». Or, « en 1969 », Norris, « l’un des soldats les plus coriaces de toute l’histoire des SEALs », « avait failli être recalé de la formation SEAL, parce qu’on le disait trop petit, trop mince et pas assez fort ».

4. Si tu veux changer le monde, ne te laisse pas abattre et continue d’avancer.

Votre vie n’est pas juste – et alors ?

L’instructeur SEAL commande à McRaven de plonger la tête la première dans les vagues de la place de Coronado puis de se rouler dans le sable jusqu’à ce que l’intégralité de son uniforme soit ouvert de sable. Or, « se recouvrir entièrement de sable mettait votre patience et votre détermination à rude épreuve. Pas seulement parce qu’il fallait passer le reste de la journée avec du sable dans le cou, sous les aisselles et entre les jambes, mais aussi parce que cela pouvait tomber sur n’importe qui, n’importe quand, au bon plaisir de l’instructeur » (p. 50). Le soldat remonte vers son instructeur Martin qui lui demande : « M. Mac, savez-vous pourquoi vous êtes ensablé ce matin ? – Non, instructeur Martin ! – Parce que, M. Mac, la vie n’est pas juste. Plus tôt vous le saurez, mieux, vous vous porterez » (p. 52).

Leçon finale : « Ne vous plaignez pas. N’en voulez pas au mauvais sort. Tenez bon, et allez de l’avant ! » (p. 55) Autrement dit, ne sombrez jamais dans la lamentation victimaire.

5. Si tu veux changer le monde, n’aie pas peur des Cirques.

L’échec peut vous rendre plus fort.

McRaven s’entraîne à la nage avec son binôme de nage, Marc Thomas. « Les instructeurs sur le canot de sauvetage nous criaient d’accélérer, mais plus on forçait, et plus on avait l’impression de se faire distancer ». Sur la plage, ils sont reçus par l’instructeur SEA : « Vous vous dites officiers ? Les officiers des équipes SEAL montrent l’exemple. Ils ne finissent pas derniers en natation […]. Je ne pense pas que vous y arriverez, Messieurs […]. Vous êtes sur la liste du Cirque. C’est une chance si vous survivez une semaine de plus ». Le Cirque « était ce que nous redoutions le plus. Le Cirque se déroulait tous les après-midi après l’entraînement et consistait en deux heures supplémentaires d’exercices physiques au rythme des brimades incessantes des vétérans » (p. 60-61). Mais ce que redoutaient les stagiaires, plus que la callisthénie (technique de musculation utilisant le poids du corps), c’était le cercle vicieux : le lendemain, ils seraient encore plus fatigués, d’où un nouvel échec, d’où un autre Cirque…

Marc et Mac tombent dans ce cercle vicieux tant redouté et où tant abandonnent. Or, « chose étonnante, au fil des Cirques, nos performances dans l’eau s’amélioraient ». Nous « commencions à rattraper le groupe. Les Cirques, qui au départ sanctionnaient un échec, nous rendaient en fait plus forts, plus rapides et plus assurés dans l’eau ». Arrive l’épreuve finale : 8 kms de natation dans une eau au froid mordant pendant le temps imparti. Ils plongent et les équipes se distancient tellement qu’ils ne peuvent plus les voir. « Au bout de quatre heures et huit kilomètres, engourdis, exténués et au bord de l’hypothermie, Marc et moi sommes remontés sur la plage ». Un instructeur les accueille : « Encore une fois, officiers, vous faites tous les deux honte à votre classe ». Puis, il ajoute : « Reposez-vous, Messieurs ». Ils comprennent alors qu’ils sont les premiers : « Vous leur faites honte à tous, a dit l’instructeur en souriant. Les deuxièmes ne sont même pas en vue […]. Bravo, Messieurs, on dirait que vos efforts et vos souffrances ont payé » (p. 64-66).

Leçon : « Dans la vie, vous aurez, vous aussi, des Cirques à affronter. Vous devrez, vous aussi, subir les conséquences de vos échecs. Mais si vous persévérez, si vous tirez une leçon de ces échecs et en sortez plus fort, alors vous saurez surmonter toutes les difficultés de la vie » (p. 66-67).

6. Si tu veux changer le monde, tu devras parfois foncer la tête la première dans le danger.

Prenez des risques.

Lors d’un exercice du parcours du combattant, M. Mac traverse une trentaine de mètres, accroché à une corde tendue entre deux poteaux à 9 mètres du sol. Pour être sécurisée, la technique du « koala », le corps en bas, qu’il utilise lui fait perdre de précieuses minutes. L’autre technique, celle de la méthode commando, « qui consiste à se mettre sur la corde, la tête en avant », « est certes plus rapide, elle est aussi plus risquée ». Un vétéran du Vietnam lui lance avec mépris : « Quand apprendrez-vous, Monsieur Mac ? Le parcours du combattant sera votre point faible tant que vous ne prendrez pas de risques ». Coup de fouet salutaire ! « Une semaine plus tard, j’ai vaincu mes peurs et j’ai grimpé sur la corde pour progresser la tête la première. Alors que je passais la ligne d’arrivée en battant mon record personnel, j’ai vu le vieux vétéran du Vietnam me faire un signe d’approbation de la tête » (p. 74).

Leçon finale : « Si vous ne repoussez pas vos limites, […] si vous n’osez pas prendre de risques, vous ne pourrez jamais savoir jusqu’où vous pouvez aller dans la vie » (p. 80).

7. Si tu veux changer le monde, ne fuis pas devant les requins.

Tenez tête aux brutes.

Nous l’avons dit ci-dessus, Saddam Hussein, l’ancien président de l’Irak, a été capturé par les forces armées américaines. McRaven introduit dans sa cellule « les nouveaux dirigeants du gouvernement irakien, Saddam est resté assis. Un rictus sur les lèvres, son attitude ne trahissait aucun signe de remords ou de soumission. Les leaders irakiens se sont aussitôt mis à lui crier dessus, mais en gardant leur distance ». Puis, ils « ont fini par se taire quand il a pris la parole ». Or, « Saddam avait personnellement exécuté un certain nombre de ses généraux qu’il jugeait déloyaux » et il « ne représentait aucune menace pour les hommes présents dans la pièce ». Pourtant, « la peur dans leurs yeux était manifeste. Cet homme, le Boucher de Bagdada, avait terrorisé sa nation pendant des décennies » et « ces nouveaux dirigeants étaient encore terrifiés à l’idée de ce que Saddam pouvait leur faire » (p. 85-87). En revanche, « au cours du mois qui a suivi, je suis allé tous les jours dans cette petite pièce. Et tous les jours, Saddam se levait pour m’accueillir. Tous les jours, sans dire un mot, je lui faisais signe de regagner son lit. Le message était clair. L’ancien dicateur n’avait plus aucune importance » (p. 87-88).

Leçon : « Les brutes sont toutes les mêmes, qu’elles sévissent dans les cours d’école, au bureau ou à la tête d’un pays. Elles se nourrissent de la peur et de la faiblesse des autres » (p. 88).

8. Si tu veux changer le monde, donne le meilleur de toi-même dans les moments les plus sombres.

Soyez à la hauteur.

C’est la phase finale de la formation de nage sous-marine, « la partie la plus techniquement difficile ». L’épreuve consistait à approcher de la cible pour fixer une charge explosive factice et revenir, le tout de nuit. Les stagiaires risquaient leur vie : avec le recycleur Emerson qui ne relâche aucune bulle et avait parfois des pannes ; en ratant la cible à cause de l’obscurité et en se retrouvant dans le couloir de navigation ; en perdant le binôme qui protège les arrières. Le maître instructeur responsable de l’exercice était « aussi nerveux que nous, car c’était l’épreuve où les stagiaires avaient le plus de chance de se blesser, voire de mourir. Alors, il les exhorte : « Ce soir, vous devrez donner le meilleur de vous-mêmes. Vous devrez surmonter vos peurs, vos doutes et votre fatigue. Quoi qu’il arrive, vous devrez mener votre mission à bien. C’est ce qui vous distingue de tous les autres ». Et McRaven de commenter : « Ces mots sont restés gravés en moi et ils ont gardé leur force, même au bout de trente ans » (p. 93-95).

Leçon finale : « Dans ces moments noirs, puisez au plus profond de vous et donnez le meilleur de vous-même » (p. 100).

9. Si tu veux changer le monde, commence par chanter quand tu es embourbé jusqu’au cou.

Donnez de l’espoir.

Les stagiaires SEAL sont dans les bancs de boue de Tijuana pendant la « semaine infernale » : « Nous ne dormions pratiquement pas et subissions des brimades constantes des instructeurs […]. L’objectif de la semaine infernale était d’éliminer les faibles, ceux qui n’avaient pas l’étoffe de vrais SEALs. Statistiquement parlant, il y avait plus d’abandons durant la semaine infernale qu’à tout autre moment de la formation » (p. 103-104).

De fait, « le moral déclinait rapidement ». Et voilà qu’un instructeur leur parle « d’une voix amicale, nous réconfortant dans notre peine. On pouvait le rejoindre, lui et les autres instructeurs, et nous réchauffer près du feu. Il y avait du café chaud et un bouillon de poulet ». Mais c’était un piège : « Pour avoir tout ça, il fallait que cinq d’entre nous abandonnent. Juste cinq. Et le reste de la classe pourrait bénéficier d’un répit salutaire ». Alors, « le stagiaire à côté de moi s’est avancé vers l’instructeur ». Celui-ci sourit : « Il savait qu’il suffisait d’un abandon pour que d’autres suivent » (p. 105-106).

« Tout d’un coup, dans le mugissement du vent, une voix a retenti. Elle chantait. Elle était rugueuse et marquée par la fatigue, mais elle était suffisamment forte pour être entendue de tous […]. Tout le monde connaissait l’air. Cette voix est devenue deux voix, puis trois. Très vite, c’était toute la compagnie qui chantait d’une seule voix. Le stagiaire qui avait regagné la terre ferme a fait demi-tour […]. L’instructeur a pris le porte-voix pour nous intimer de nous taire. Personne ne s’est tu. […] Dans le noir, les lueurs du feu de camp se reflétaient sur le visage de l’instructeur. Il avait le sourire aux lèvres. Nous venions d’apprendre une leçon importante sur le pouvoir qu’une personne peut avoir sur la cohésion d’un groupe. Il suffit d’une personne pour inspirer et donner espoir à tout un groupe. Si une personne pouvait chanter alors qu’elle était embourbée jusqu’au cou, alors nous le pouvions tous » (p. 106-108. Souligné par moi).

10. Si tu veux changer le monde, ne sonne jamais la cloche.

Ne renoncez jamais.

« Le premier jour, j’étais au garde à vous avec 150 autres stagiaires ». L’instructeur vient se placer auprès d’une cloche en cuivre et exhorte : « On vous testera comme jamais vous ne l’avez été. La plupart d’entre vous seront recalés. J’y veillerai. […] Je vous harcèlerai sans pitié. Je vous mettrai la honte devant tous vos camarades. Je vous pousserai au-delà de vos limites. […] Et vous souffrirez comme jamais ». Puis, il fait retentir la cloche : « Si vous ne supportez pas la douleur, si vous ne supportez pas les brimades, il y a un moyen facile de tout arrêter. Il vous suffira de sonner cette cloche trois fois. […] Sonnez la cloche et vous vous épargnerez toutes ces souffrances ». Alors, l’instructeur a ajouté quelque chose qui ne semblait pas prévu : « Laissez-moi vous dire une chose. Si vous abandonnez, vous le regretterez toute votre vie. Abandonner n’a jamais rendu les choses plus faciles » (p. 115-117).

De fait, 6 mois plus tard, lors de la cérémonie de remise des diplômes, ils n’étaient plus que 33 sur les 150 initiaux. Presque les 4/5e avaient abandonné. « De toutes les leçons que j’ai tirées de l’entraînement SEAL, c’était la plus importante. Ne jamais baisser les bras » (p. 117).

2) Ordre entre les dix principes

Ces différentes règles peuvent être classées en fonction des vertus cardinales qui sont mises en jeu. En fait, McRaven centre tout son propos sur deux d’entre elles, la prudence et le courage. Il consacre à chacune la moitié de ces règles de vie, commençant avec justesse par la vertu princeps, la prudence.

a) La vertu de prudence

1’) L’acte de la prudence

L’acte de la prudence est la décision, l’initiative : 1ère règle.

Les autres règles considèrent les moyens pour vivre cet acte : deux en plein et deux en creux.

2’) Les moyens en plein

Un premier moyen positif est la coopération : 2e règle.

Un deuxième moyen positif est le discernement : 3e règle.

3’) Les moyens en creux

Un premier moyen négatif est le refus de la victimisation : 4e règle.

Un deuxième moyen négatif est la leçon de l’échec : 5e règle.

b) La vertu de courage

Le courage s’incarne dans deux actes : affronter et persévérer.

1’) L’affrontement

Il y a deux réalités qui suscitent la peur et nécessitent l’affrontement :

La situation, à savoir le danger : 6e règle.

La personne, à savoir la brute : 7e règle.

2’) La persévérance

En positif au présent : donner le meilleur de soi-même : 8e règle.

En positif vis-à-vis de l’avenir : nourrir l’espoir : 9e règle.

En négatif : ne jamais renoncer : 10e règle.

3) Limites du propos

Du gagnant, l’auteur a l’énergie, la conviction, l’esprit d’initiative ; il a aussi les limites qui sont justement de ne pas en avoir ou en tout cas de les croire toujours transgressibles… Quelle place pour le « faible » ? Quelle place pour la symbolique féminine qui est pourtant si humanisante ? Et quelle place pour la miséricorde ?

Il y a quelque chose de stoïcien, de volontariste, voire de tout-puissant dans ce programme. À parcourir le témoignage et les exemples, le lecteur a l’impression que rien ne résiste à celui qui veut.

Enfin, l’exercice de la vertu morale se caractérise par le juste milieu (par exemple, entre le défaut de courage qu’est la couardise et son excès qu’est l’audace), alors que celui de la vertu théologale se notifie par son absence, donc par l’extrême. Or, McRaven demande de pratiquer ces vertus de prudence et de courage sans limite ; il introduit l’infini jusque dans la formulation : « donne le meilleur de toi-même dans les moments les plus sombres » ; « ne sonne jamais la cloche ». Donc, si stimulante, si héroïque soit-elle, cette éthique de vie ne pousserait-elle pas à une certaine adoration de son égo ? Il est d’ailleurs révélateur que les deux vertus cardinales manquantes, la justice et la tempérance, sont celles dont le juste milieu est le plus patent et le moins contournable : la médiété objective de la justice ; la médiété subjective, tout en finesse de discernement, de la tempérance.

Pascal Ide

[1] William H. McRaven, Make your Bed, 2017 : Si tu veux changer ta vie… commence par faire ton lit, trad. Nouannipha Simon, Paris, Dunod, 2018. Le titre de l’article est celui de l’ouvrage américain.

7.10.2019
 

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