Le festin de Babette
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Release date:
19 décembre 2012 (reprise)
Duration:
1 hours 42 minutes
Director:
Gabriel Axel
Actors:
Stéphane Audran, Bodil Kjer, Birgitte Federspiel...

Le festin de Babette

Film suédois de Gabriel Axel, tiré d’une nouvelle de Karen Bixen (1988), Oscar 1988 du meilleur film étranger.

Thèmes principaux : repas ; fête ; amour ; réconciliation ; Eucharistie.

Le festin de Babette est un festin (1) mais aussi, bien plus qu’un festin ; il est le symbole – signe (2) et cause (3) – de l’amour, voire une métaphore de l’Eucharistie (4).

1) Le repas, liturgie et signe

Le repas organisé par Babette, comme tout repas, est une liturgie. Aucune nourriture prise en commun n’est insignifiante. Le repas le plus banal qui est signe de nos besoins physiologiques les plus vitaux et de la prosaïque pesanteur du quotidien, exprime aussi le désir de lui donner sens par l’amour qui rassemble les proches. L’intense attention de la caméra à capter chaque geste de préparation puis de consommation de ce festin donne tout son poids et son sens à ce que la grisaille quotidienne enfouit sous son voile de mélancolique acédie. C’est elle-même, Babette, qui tient, non seulement à mettre la table, mais à choisir le menu, à chercher les denrées, ce qui lui demandera un long voyage et appellera aussi de la suspicion et des incompréhensions dont il sera reparlé. Tous les détails comptent de la nappe toute blanche au soin apporté par chaque convive à s’endimancher. Lorsque les invités entrent dans la salle à manger, les regards médusés, le silence religieux les introduit à une réalité qu’ils n’imaginent pas.

Si le repas est liturgie, c’est qu’il est signe, autrement dit, il est plus que ce qu’il donne à voir. Ce qui apparaît révèle tout autant qu’il cache les « raisons plus secrètes du cœur ». Tout, ici, est signe. Et le plus banal pourra prendre une ampleur inattendue. Par exemple un humble billet de loterie : « La France ne vous manque pas trop, demande Larsen, le fournisseur du hameau ? – Non, répond Babette ! Je garde le lien avec la France par ce billet de loterie qu’une amie renouvelle chaque année ». On comprend que ténu soit le lien avec un pays qui a tué son mari et son unique enfant. Mais cet humble billet deviendra le médiateur insoupçonné de l’amour, puisque, gagnant, il permettra de payer le festin de l’amour.

Or, ce signe est signe dynamique, ouvrant à une profondeur. A l’image de la prière de bénédiction de la table que l’on doit, bien évidemment, au pasteur : « Puisse mon pain nourrir mon corps. Puisse mon corps servir mon âme. Puisse mon âme s’ennoblir pour servir Dieu éternellement ». Tout le film épouse ce mouvement qui va de la nature à l’homme et de celui-ci à Dieu. La réalité se dédouble l’apparence devient apparition inattendue et même inespérée. Babette est cuisinière, mais bien plus qu’une cuisinière ; ce festin est un repas, mais bien plus qu’un repas ; chaque invité est une personne transie de limites et de tristes rancœurs, mais bien plus que cela, etc. Comme les membres de la congrégation, les spectateurs sont conduits à passer du signifié au signifiant, du visible à l’inapparent, de l’extérieur (et parfois inférieur) à l’intérieur (et quelquefois supérieur).

2) Le repas, signe d’amour

Le festin de Babette est signe. De quoi est-il signifiant ? De l’amour.

Tout, dans ce banquet, est beau et bon : pas seulement le goût des aliments et des vins, mais l’arrangement des fruits et le bruit cristallin des coupes. Cependant cette fête des sens est au service d’une splendeur tout autre : la charité. Ce repas de fête est une occasion d’aimer : « C’est la paix et la fraternité qui devraient régner parmi nous. Or, il n’y a qu’intolérance et dissension ». Tel est le vœu formulé par les deux sœurs. Il sera exaucé au-delà de toutes leurs attentes.

De quel amour s’agit-il ? Le repas est d’abord une occasion de rendre grâces pour la générosité de Martine et Philippa et, par-delà, pour celle de leur père. Un moment, on rappelle la parole du pasteur : « Les seules choses que nous pourrons emporter de cette vie terrestre seront celles que nous aurons données aux autres ». Aussitôt, quelqu’un commente avec une spontanéité touchante « Nos deux chères sœurs seront riches dans l’au-delà ! » Sous l’habit sobre et même rigoureux des deux jeunes femmes bat un cœur de véritable compassion leur visage ne sait refléter que miséricorde et sérénité. Lorsque M. Papin envoie Babette, elles avouent ne pas avoir de revenus et se sentent incapables de la garder : « Je travaillerai pour rien, répond le Français. Si je ne travaille pas avec vous, il ne me reste qu’à mourir ». Ce dernier mot décide tout, car il appelle leur compassion : « Non, restez avec nous ».

Mais l’arrivée inattendue du général Lorenz Löwenhielm va dévoiler un autre amour, plus caché et plus profond : celui qui anime la maîtresse d’œuvre du festin, Babette. Déjà, on soupçonnait une cuisinière hors pair à sa manière de refuser le poisson prétendu frais ou le beurre rance qui trompaient les autres ménagères. Le mot d’Achille Papin disait sa fonction : « Babette sait faire la cuisine » ; mais il ne dévoilait pas sa véritable compétence. Cependant, il faudra attendre la confidence du général pour découvrir l’identité de Babette. C’est en se délectant de la caille, curieusement engoncée dans une sorte de cercueil, que sa langue, brusquement, se dénoue. Il avait remporté un concours hippique, en France. Les officiers français le convient pour fêter l’événement à un restaurant très chic, le Café Anglais, dont, curiosité, le chef était une femme. Or, « on nous y a servi une invention de cette femme la caille au sarcophage ». Ainsi donc, sous les humbles apparences de Babette, se cache une grande cuisinière. Mais cette révélation, déjà surprenante, fait signe vers une autre, autrement plus importante. La confidence continue le Général Galliffet qui avait invité précisa alors que « cette femme était capable de transformer un repas en une espèce d’affaire d’amour, une affaire d’amour qui ne fait pas de différence entre l’appétit physique et l’appétit spirituel ». Extraordinaire formule non seulement, ce repas est une affaire d’amour, mais il réconcilie les deux dimensions, visible et invisible, physique et spirituelle, de toute réalité humaine. Le général Löwenhielm continue : « Elle était connue comme le plus grand génie culinaire de l’époque ». Et ce génie est d’abord lié à son amour.

Pour autant, le général ne passe pas dans la cuisine Babette y demeure enfouie pendant tout le repas que sert le jeune Erick. Il est de la vocation du signe de demeurer porte d’entrée sur le mystère qu’il indique sans jamais s’identifier à lui.

On le voit, l’amour que ce festin signifie, n’est pas d’abord l’amour-sentiment (qui va et vient), mais l’amour-don (qui demeure). Et le don n’est plénier que s’il est reçu : « J’ai une faveur à vous demander, demande Babette. – Assieds-toi, lui disent les deux sœurs. – Je voudrais préparer le repas de fête pour le pasteur. Je voudrais un repas français ». Elle le demande dans la langue des deux sœurs, ce qui la rapproche d’elles. Trop habituées à donner sans retour, elles hésitent. Mais l’amour de don est persévérant, il ne se décourage pas de la résistance de l’autre. Plus encore, il est inventif. C’est ainsi que la jeune femme a l’idée de faire appel à leur amour et à leur sens de la vérité : « Mesdemoiselles, je ne vous ai jamais rien demandé. – Babette a raison. C’est la première fois qu’elle demande quelque chose et ce sera sans doute la dernière ». L’autorisation du festin est la rencontre d’un double amour celui de Babette qui se donne et celui des deux sœurs qui acceptent de recevoir.

Enfin, le véritable don de soi est secret – à l’instar de l’Eucharistie dont nous reparlerons plus loin. Or, le don que Babette fait est – presque totalement – méconnu. D’abord, on l’a dit, elle demeure cachée dans la cuisine ; ensuite, s’il n’y avait le général, personne n’aurait su non seulement qui elle était, mais la valeur insigne de ce festin. Or, comment Babette aurait-elle pu deviner qu’un des convives était fine bouche et, plus encore, qu’il avait déjà pu bénéficier de ses talents culinaires ? Comment dès lors ne pas comparer Babette à la veuve de l’Evangile dont Jésus seul voit qu’elle déposer beaucoup plus que son nécessaire à l’insu de tous ? Mais ce que personne ne sait, Dieu le voit [1]. Désormais, le doux regard de tendresse du Père qui ne voit que l’amour, détrône, supplante le sévère regard du père des deux sœurs. A moins que celui-ci ne devienne le moyen d’accéder à celui-là.

3) Le repas, cause d’amour

Mais il faut dire plus encore. Ce festin est un signe non pas seulement théorique mais efficace de l’amour autrement dit, il accomplit ce qu’il signifie [2]. Déjà, sur un plan prosaïque, l’accueil de Babette présente des retombées financières qui ne sont pas anodines pour rendre l’amour effectif : « C’est incroyable ! Depuis que Babette est là, on fait des économies ». Mais surtout, le festin opère, presque de manière miraculeuse, une métamorphose des cœurs. Et cela de deux manières.

D’une part, le repas guérit les cœurs de leurs blessures. En effet, les deux filles du pasteur, dans leur jeunesse, ont été belles, « de la beauté des arbres fruitiers au printemps », dit le commentaire admirablement lu par Michel Bouquet. Puisqu’elles n’allaient pas au bal, on allait à l’église pour les admirer encore plus que pour prier. Ce qui devait arriver arriva. Un jour, deux prétendants rendent visite à leur père. Mais le mariage était méprisé par cette congrégation. « Mes deux filles sont mes deux mains, répondit le pasteur. Voulez-vous m’en priver ? » Il n’en faut pas plus pour décourager ces hommes. Martine et Philippa ne portent-elles pas les noms si féminins et si fleuris de Luther et Mélanchton ?

Par la suite, deux hommes vont tomber amoureux de l’une puis de l’autre des filles du pasteur. Vont-elles demeurer célibataires ?

a) La blessure d’amour de Lorenz et de la jeune sœur

Un jeune officier, Lorenz, joueur endetté et buveur invétéré, est envoyé par son père chez sa tante, Madame Löwenhielm. Or, celle-ci fréquente la congrégation fondée par le pasteur. Au cours d’une de ses sorties à cheval, le jeune officier croise l’une des filles du pasteur. Au premier regard, il tombe amoureux. L’idéalisant, il projette sur elle tout ce qu’il n’est pas, que les autres et surtout sa conscience lui reprochent une vie pure, simple, donnée, sans créance ni reproche paternel. Introduit en présence de la famille grâce à sa tante, il est transpercé, de part en part et de plus en plus, par le vide et l’insignifiance de sa propre vie. Mais la jeune femme qui l’aime en secret, n’ose parler. Ne sachant interpréter ce silence respectueux qui est aussi le désir de ne pas déplaire à son père, Lorenz n’y tient plus et déclare un jour : « Je pars pour toujours et je ne vous verrai plus jamais. J’ai appris que le destin est cruel et qu’il y a en cette vie des choses impossibles ». Le cœur brisé, Lorenz tente de guérir ce nouvel échec, en se prouvant sa valeur. Il fait un mariage d’ambition, épousant l’une des dames d’honneur de la reine Sophie. Cependant la femme pure et belle du Jutland ne quitte pas ses pensées n’utilisera-t-il pas les paroles spirituelles entendues dans la Maison du pasteur pour conquérir sa future épouse ? De son côté, même si la courageuse jeune puritaine ne se recroqueville pas sur sa souffrance son cœur qui se donne sans compter saigne en secret. « Te souviens-tu de ce jeune homme silencieux ? », lui demande sa sœur, un soir, avec délicatesse. Plus que le « oui » douloureux, la réponse est dans ce regard triste – mais non pas tragique – tourné vers la lande sauvage et sans doute plus loin, vers un au-delà aussi incertain qu’espéré.

b) La blessure d’amour d’Achille et de l’autre jeune sœur

Un an plus tard, l’autre jeune fille allait connaître les mêmes affres. Un célèbre chanteur de Paris, Achille Papin, fait une tournée à Stockholm et vient se reposer d’une mélancolie, loin de l’agitation de la capitale française, au rythme du ressac de cette région du Jutland. Remarquant la voix de la seconde fille du pasteur qui chantait à l’église (« C’est une diva »), amoureux sans le savoir, il propose de lui donner des leçons de chant. Le pasteur accepte que le démon déguisé en « papiste » entre dans sa maison, vaincu par l’astucieux argument : « Chanter pour la gloire de Dieu, c’est important ». Très vite, à son tour, Achille idéalise la seconde sœur. Sa créativité d’artiste amoureux trouve à nouveau les mots qui touchent : « Vous serez l’unique étoile qui éteindrez les autres. Vous avez assez de talent pour consoler les pauvres de leur pauvreté ». Lors d’un duo d’amour, il trouve le courage – et peut-être la griserie – de lui prendre la main, l’enlacer ; il trouve aussi les paroles qui se transforment en déclaration : « Viens, ne sois pas rebelle. C’est toi que j’aime, que mon cœur aime. L’amour nous unira », et il ose demander sa main. La jeune fille qui sait ce que son père pense, déclare à celui-ci qu’elle ne veut plus continuer les leçons de chant. Loin de la dissuader et secrètement heureux de cette préférence, le pasteur répond en dissimulant sa volonté propre derrière la volonté de Dieu dont il est l’unique donc le tout-puissant interprète « Les chemins du Seigneur passent aussi par des rivières ». En l’occurrence, celles-ci seront des torrents de larmes. Achille qui rêvait d’une tournée triomphante en Europe où il ferait chanter la jeune puritaine sur la scène de l’Opéra, et songeait peut-être déjà au mariage, chantera, le cœur déchiré : « Adieu, ma vie. Adieu, mon cœur. Adieu, mon espérance ». Il part sans tarder pour l’Europe, quittant celle dont l’amour l’avait guéri de la mélancolie pour ensuite le blesser d’un mal autrement incurable. Cependant, à l’instar de celle de Lorenz, sa meurtrissure ne s’empoisonnera jamais d’amertume. En envoyant Babette en Suède, Achille montre qu’il pense toujours à celle qu’il a passionnément aimée c’est un peu lui qui vient la retrouver en la personne de la dévouée Babette. Mais, en incitant la jeune française à un si long voyage, il rend ainsi hommage à la générosité de la fille du pasteur.

c) Guérison de la blessure de Lorentz

Il n’en est pas de même de Lorentz. Certes, sa blessure n’est pas demeurée inféconde la droiture de la belle jeune femme lui a redonné la dignité et l’estime de lui qui lui permettra de devenir général. Toutefois, il n’est pas dupe de cette vie qui n’est que tentative narcissique de se prouver à lui-même sa valeur. Lorsque, au moment de se rendre à l’invitation de Babette, il endosse son plus beau costume, il refuse de mettre son monocle en murmurant la parole de l’Ecclésiaste : « Vanité. Tout est vanité [3] ». Sujet d’une hallucination volontaire, se plaçant face à un miroir en pied, il se met à parler au jeune fringant officier qu’il était : « J’ai atteint tout ce à quoi tu aspirais. Mais à quoi bon ? Ce soir nous avons un compte à régler. Il faut que tu prouves que j’avais bien choisi autrefois ». Il part dans la tourmente. A l’approche de la maison du pasteur, Lorenz a cette ultime parole de déception peut-être plus encore que de dévalorisation : « Est-ce que maintes victoires glanées au long de ces années peuvent se solder par une défaite ? » La réponse viendra mais non pas celle que l’on attendait, ni même qu’il attendait.

A la fin du repas, le général demande à porter un toast qui est peut-être le sommet du film. Il débute et s’achève par les paroles du Psalmiste qu’il a apprises en cette sainte maison du pasteur

« La Clémence et la Vérité se sont rencontrées.

La justice et la joie vont s’embrasser ».

Suit un discours qu’il vaut la peine de citer en entier. Pendant que le général Lorentz parle, les regards des convives brillent, et pas seulement du plaisir du bon repas.

« L’homme croit, dans sa faiblesse et sa courte vue des choses, qu’il doit faire son choix dans ce bas monde et il fait fi du risque qu’il court ainsi. Nous connaissons la crainte. Non ! Notre choix est sans importance. Arrive le moment où nos yeux s’ouvrent et où nous comprenons que la Grâce est infinie. Nous devons simplement l’attendre avec confiance et la recevoir avec reconnaissance. La Grâce ne pose pas de conditions. Tout ce que nous avons choisi nous a été donné et tout ce que nous avons refusé nous a aussi été accordé. Oui, même ce que nous avons refusé nous a aussi été accordé ».

Et il conclut, reprenant le verset de l’Ecriture dans une inclusion qui en souligne l’importance

« La Clémence et la Vérité se sont rencontrées.

La justice et la joie vont s’embrasser ».

Je commenterai plus loin. Plus tard, seul à seul dans la pénombre symbolique de la chambre, le général avouera à celle qu’il continue à tant aimer : « J’ai été auprès de vous chaque jour de ma vie. Dites que vous le savez ». Et la sœur, qui ne sait pas mentir, répond : « Oui, je le sais », ignorant combien cet aveu guérit profondément le général et donne sens à toute sa vie passée. Désormais, ce qui n’était qu’en suspens dans son toast peut s’accomplir : « Alors, vous savez aussi que je serai avec vous sans cesse chaque jour que Dieu voudra accorder, chaque soir… non pas avec mon corps – qui ne signifie rien – mais avec mon âme. Car ce soir, j’aurai appris, chère sœur, que dans ce monde merveilleux qui est le nôtre, tout est possible ».

Extraordinaire déclaration d’amour qui retrouve les intonations du cantique dans le « chère sœur » et surtout répond aux paroles qu’il avait prononcées en quittant son amour voici bien des décennies en effet, le « tout est possible », notamment, vient guérir le « J’ai appris […] qu’il y a en cette vie des choses impossibles » l’amour espère tout.

Or, entre les paroles devant le miroir et celles qui viennent d’être prononcées, il y a – il vient d’y avoir – le festin de Babette, le festin de l’amour qui touche et guérit les cœurs.

d) Guérison de la blessure d’Achille Papin ?

Certes, l’ancien chanteur ne semble pas concerné. Pourtant, Achille n’est-il pas indirectement présent dans le cœur de celle qu’il aime et qui l’aime ? Plus encore, n’est-il pas la cause lointaine mais réelle de ce festin curatif ? Mieux que de bénéficier de son pouvoir, il en est la source ; or, il ne pourrait écrire la lettre de recommandation à l’intention des deux sœurs, s’il n’avait trouvé la paix du cœur, donc la guérison : « Mesdames, vous souvenez-vous de moi ? Un français dévoué jusqu’à la mort », donc à l’extrême de l’amour. « J’ai toujours déploré le dur destin ». Il est resté fidèle à son unique amour. Mais il a compris que seul compte d’aimer. Or, n’est-ce pas l’exemple des sœurs – cet amour que, notamment, répétons-le, célèbre le festin de Babette – qui lui a donné le sens de l’essentiel (« Moi, vieux, célibataire, grisonnant, je pense que c’est vous qui avez choisi la meilleure part. Qu’est-ce que la célébrité ? Le cimetière nous attend tous ».) ? Voire le sens de Dieu Achille vient de citer, peut-être sans le savoir, l’Evangile ; il continue : « Beau soprano des neiges, en vous écrivant, je sens que le cimetière n’est pas la fin de tout. Au paradis, j’entendrai de nouveau votre voix ». Répétons-le, « L’amour espère tout [4] ».

e) Guérison de la blessure d’amour des deux jeunes filles

Enfin, le banquet a-t-il aussi guéri les sœurs de leur blessure ? En effet, la nuit précédant le banquet, elles font un cauchemar la tortue entr’aperçue, qui était encore vivante, s’y transforme en monstre et le vin se répand comme le sang d’un mort. Les vieux démons resurgissent à l’occasion des inévitables tensions liées à la préparation de la fête.

Une fois fait le deuil du mariage, Philippa et Martine placent toute leur raison de vivre à servir leur père dans son œuvre d’amour de Dieu et des plus pauvres. Leur cœur navré, loin de les fermer et de les aigrir, acutise leur compassion pour la souffrance de leurs proches. Elles découvrent la joie du don et leur bonheur dans le sourire de remerciement d’un vieillard édenté, les réunions de prière et l’émouvante conversion de personnes se tournant vers le Père (« tes péchés te seront pardonnés, si tu te tournes vers le Ciel »). L’âge leur a donné des rides de bonté mais a laissé intacte la jeunesse de leur cœur livré. En ce sens, le festin de Babette ne les guérit pas, mais célèbre plutôt le caractère médicinal de la bonté vécue au jour le jour.

Cependant, nous comprendrons à la fin que Philippa et Martine ne sont pas que les artisans de celle-ci, mais aussi les premières bénéficiaires.

f) Le repas, cause de réconciliation

On vient de le voir, le festin est source de guérison. Plus profondément encore, le festin organisé par Babette pardonne les offenses et rétablit l’harmonie. En effet, depuis la mort du pasteur, les habitants de ce minuscule hameau continuent à vivre en cercle fermé. Presque inéluctablement, ils en sont venus à s’adresser des reproches avec aigreur. Au point que les réunions de communauté autour de l’Evangile tournent en vinaigre et que les divers membres n’hésitent pas à interrompre la prière pour cracher leur venin. Durant le repas, deux hommes qui ne cessaient jusque lors de se quereller, à propos d’un larcin, se penchent l’un vers l’autre et se rejoignent avec une affection empreinte de pardon : « Tu m’as volé avec ton bois. – Oui, mon cher frère, et encore plus que tu ne l’imagines. – Je le savais, mais je t’ai joué un tour dont tu ne t’es jamais aperçu. – C’est bien fait pour moi, mon cher frère ». Seule la vérité unie à l’amour (« mon cher frère ») réconcilie.

Plus tard, à leur tour, Solveig et Anna se pardonnent. L’amour est porteur de bonne intelligence dans tous les sens du terme à une question qu’on lui pose, Christopher, qui est un peu comme le ravi du hameau, répond non pas son sempiternel et finalement indifférent « Alléluia », mais par un amical « mon frère ». Enfin, le vieux couple s’échange un chaste baiser d’une infinie tendresse, alors que s’éteint le couplet d’un nouveau cantique : « Pour nous, l’heure du repos s’approche. Sois notre Lumière dans le Val de la Nuit. Notre sablier égrène le temps. Toute gloire d’ici-bas s’efface ».

g) Conclusion

Ainsi donc le repas est signe et gage de la double libération que l’amour effectue du mal subi de la blessure, du mal consenti du péché. Il guérit le premier ; il sauve du second, par la transformation réelle qu’opère la réconciliation. Lorsque quelqu’un demande à Madame Löwenhielm « ça vous plaît ? », la réponse aura une portée symbolique universelle : « Oui, la tempête s’est calmée ». La tourmente (intérieure et extérieure) dans laquelle Lorenz et sa tante étaient partis s’est définitivement apaisée.

4) Le festin eucharistique

Le film exprime encore davantage que l’amour en acte. Assurément au-delà de l’intention du réalisateur qui s’est défendu de faire œuvre religieuse. Mais c’est le destin d’une œuvre que d’échapper à son auteur et surtout c’est le destin d’un chef d’œuvre que d’excéder les significations que son créateur a explicitement perçues s’originant en amont dans un au-delà de sa conscience [5], l’intuition créatrice la déborde en aval par un surcroît de sens. La théologie catholique définit le sacrement comme signe efficace de la grâce. Le festin de Babette, me semble-t-il, est une admirable parabole du sacrement par excellence qu’est l’Eucharistie. Celle-ci est, de manière générale, un rituel ayant Dieu pour objet ; précisément, elle est action de grâce, présence sacrificielle du Christ finalisée par la communion où le Pauvre est roi ; enfin, elle conjugue mémoire et attente future.

a) Ce festin comme rituel

La ressemblance extérieure n’est pas sans importance la nappe blanche, les préparatifs soigneux, les bougies, les douze invités, des petits mots riches de sens « Nous sommes prêts pour le service » (pour « Nous pouvons passer à table »), etc. Il ne faudrait pas non plus négliger le rôle quasi ministériel joué par l’humble Erik qui officie en titre, mais demeure le serviteur et l’envoyé de Babette. Celle-ci lui enseigne minutieusement chaque geste avec le même à-propos que si elle était présente dans la salle à manger. Il n’appartient pas à Erik de discuter ou changer le rituel mais de l’exécuter avec cœur.

b) Ce festin comme fête Dieu

Dieu est explicitement célébré, et pas seulement par les multiples cantiques, en ce repas qui est donné, le 15 octobre 1885, en l’honneur de la mort du pasteur. Nombreuses sont les allusions à sa foi en Dieu et Lorenz lui-même parle admirablement de cette « Grâce […] infinie » que « nous devons simplement attendre avec confiance et […] recevoir avec reconnaissance », et qui est l’autre nom de l’Amour divin. Et de même que cet amour est toujours marqué par l’excès (songeons aux six cents litres d’eau que Jésus transforme miraculeusement en vin à Cana [6], préfiguration de son « Heure », l’Eucharistie un jour le vin ne se transformera-t-il pas en son sang ?) [7], de même le festin s’inscrit-il sous le chiffre de la surabondance : « Un Amontillado, s’écrie le général au début. Le meilleur que j’aie jamais bu » ; « Incroyable une soupe à la tortue, la meilleure que j’aie jamais goûtée » ; les Blinis Demidoff sont servis avec de la Veuve Cliquot 1860 ; lorsque le général redemande du Clos Vougeot, Babette recommande à Erik de laisser la bouteille sur la table. Le meilleur vin est servi en dernier. Encore une fois, comme à Cana.

c) Ce festin comme action de grâces

Eu-charistie signifie en grec « action de grâces » (ou, plus littéralement, « bonne grâce »). Le banquet de Babette est aussi une action de grâces. Poursuivant l’œuvre de leur père, avec une diligence pleine d’allégresse, les deux sœurs dépensent tout leur temps et presque tout leur argent en actes de charité, très concrets (don de chaussettes, de nourriture chaude, etc.). Ce repas se veut un remerciement de leur bonté passée à l’état de vertu.

d) Ce festin comme présence Babette, icône du Christ ?

Une des révélations du festin est que celui-ci rend hommage, plus encore qu’aux sœurs, à Babette. Pour continuer à filer la métaphore du sacrement de l’Eucharistie, si les sœurs en sont le ministre, Babette ne symboliserait-elle pas le Christ elle-même ? Babette est un diminutif d’Elisabeth qui signifie, en hébreu, « maison de Dieu ». Venue mystérieusement d’ailleurs, à l’identité cachée, elle a tout donné [8], sans retour. Voilà qu’est au milieu de nous plus grand que nous ne pouvions nous représenter et même espérer…

Le festin est de Babette au double sens, objectif et subjectif elle en est autant la source que la destination ; elle institue la fête qui en retour la célèbre. Cachée, elle s’occupe de chaque plat comme unique, singulier signe de l’amour unique de Dieu pour nous. De même que le Christ est le « Désiré des Nations » [9] et accomplit les vœux scellés en nos cœurs, de même, inattendu, mais secrètement désiré, Babette comble, par son festin, les aspirations et les espérances les plus secrètes de réconciliation.

e) Ce festin comme sacrifice

Plus encore, ce festin est, à l’instar de l’Eucharistie, un sacrifice au sens le plus plein du terme immolation en vue d’une livraison de soi. Babette, comme les deux sœurs, ne vit que de don désintéressé : « Je travaillerai pour rien », dit-elle d’entrée de jeu, le soir de son arrivée. Et ce don est surabondant. On le découvre à la fin. « Babette, c’était un très bon dîner. Tous étaient très heureux. Tous nous nous souviendrons de cette soirée quand tu sera rentrée à Paris. – Je ne retourne pas à Paris, car personne ne m’y attend. Ils sont tous morts ». Surtout : « Je n’ai plus d’argent ». Stupéfaction des sœurs : « J’ai dépensé les dix milles francs. C’était le prix d’un repas pour douze personnes au Café Anglais ».

Les sœurs s’écrient : « Tu n’aurais pas dû donner tout ce que tu possédais pour nous. – Ce n’est pas seulement pour vous, répond Babette, sans fard. – Mais tu vas rester pauvre toute ta vie ». Babette s’approche avec tendresse, dans un mouvement d’une force symbolique d’autant plus grande que le film est avare de gestes : « Un artiste n’est jamais pauvre. C’est le dîner que je donnais au Café Anglais. Je pouvais les rendre heureux. Quand je donnais le meilleur de moi-même. Papin le savait ».

En déclinant les titres de Babette, Lorenz avait ajouté : « Le même général a dit qu’il s’était battu en duel pour l’amour d’une jolie femme mais que désormais il n’y avait pas d’autres femmes à Paris pour qui il verserait son sang que cette cuisinière ». Or, ici, c’est Babette qui donne comme son sang, toute sa vie. Peut-être aussi évoque-t-il quelque chose de la seule blessure d’amour que nous n’ayons pas nommée, celle de Babette…

Mais, ce qui est ici représentée, c’est aussi la secrète immolation et le sacrifice que les deux sœurs ont vécue quotidiennement par amour. Philippa et Martine commentent joliment : « Ce soir, les étoiles se sont rapprochées. – Peut-être chaque nuit, se rapprocheront-elles davantage ». La bougie à la main montre que la lumière dont il est question est d’abord celle de l’amour qui brûle à nouveau dans les maisons. Lorsque le pasteur a décrit ses deux filles comme ses deux mains, il a énoncé une vérité plus profonde qu’il n’y paraît en effet, le rayonnement des deux sœurs ne tient pas seulement en leur charité comme descendante, mais aussi à leur communion d’amour, à leur intime harmonie fondée sur un profond respect mutuel, symphonie sans fausse note où chacune sait s’émerveiller des talents de l’autre. On ne peut s’empêcher de penser à la parole du Christ à ses disciples : « Ce que je vous demande, c’est de vous aimer les uns les autres [10] ».

La structure du symbole est désormais transparente l’enfouissement de Babette à la cuisine dit l’amour caché des deux sœurs s’offrant pour le salut et, plus encore, la fécondité de leur double blessure d’amour offerte.

f) Ce festin comme communion

Alors, le festin devient communion et opère sa transformation par la manducation (l’acte de manger) elle-même la générosité du sacrifice rejaillit sur ceux qui y participent. La querelleuse Anna a cette déclaration d’une étonnante profondeur que viendra ponctuer un silence respectueux et qui annule l’interdit de départ (« Rappelez-vous que nous avons perdu le sens du goût ») : « C’est lorsque l’homme non seulement renonce mais se refuse à toute pensée de nourriture et de boisson qu’il peut manger et boire dans un état d’esprit juste ». Et de boire son verre d’un trait sur cet aphorisme plein de sagesse.

C’est à une véritable pâques que nous sommes invités. L’eau de la bonne volonté des convives va progressivement devenir le vin pétillant et enivrant de l’amour. Ce festin opère une résurrection spirituelle. Les frères et sœurs de la congrégation partent tard, bras dessus, bras dessous, et se mettent à danser en farandole ou en ronde, faisant monter dans la nuit, un cantique que la soirée charge d’un sens parfumé : « L’éternité nous attend. Employons ce temps précieux à servir le Seigneur ardemment. Ainsi gagnerons-nous notre Demeure ». Danses et chants, signes de la joie et de l’amour recouvré. Mais à la jubilation des cœurs se joint celle des corps. Craignant d’être invités à un sabbat de sorcières, confondant nouveauté avec révolution, les membres de la congrégation s’étaient juré : « Nous ne dirons rien sur la nourriture et la boisson. Pas une parole ne devra s’échapper de nos lèvres ». Ils se répètent ainsi les uns aux autres cet aveu : « Rappelez-vous que nous avons perdu le sens du goût ». Mais ils parlaient ainsi non de leur palais physique, mais de leur château intérieur leur refus d’aimer avait anesthésié tout leur être ; attendrissant le cœur en réjouissant leur corps, ce festin les guérit de leur insensibilité. Celle qui définissait le champagne comme « une sorte de limonade », finit par se resservir copieusement en vin et à se lécher goulûment les doigts. Mais ce repas n’œuvre corporellement que parce qu’il est lui-même une œuvre d’amour.

De plus, c’est sacramentellement que s’opère le travail pascal par la découverte de sensations gustatives ignorées, chacun accède à sa renaissance intérieure. En tout bon repas, l’ouverture des corps et des bouches a conduit à l’ouverture des cœurs, la dilatation procurée par le plaisir organique a tout naturellement conduit à l’accueil d’une joie plus spirituelle.

g) « Les noces de Dieu où le pauvre est Roi » [11]

Il est frappant que c’est le général, l’homme le plus blessé que sa vanité a peut-être le plus éloigné de l’amour, qui sera le révélateur de la vérité du festin. Seul il peut apprécier le goût de ce repas qui est celui de la charité.

C’est peut-être lui aussi qui recevra la plus grande lumière. Dans son admirable discours, il exprimera un sens profond du pardon et de la grâce divine. A sa question : « Me suis-je trompé ? », la réponse n’est pas un trop humain rassurement : « Non », ni une inhumaine culpabilité : « Oui ». Rassurant trop sur le futur ou faisant trop regretter le passé, ces deux paroles manquent l’instant présent. L’unique réponse est celle de Thérèse de l’Enfant-Jésus, si aimée par Bernanos qu’il en a fait le point d’orgue du Journal d’un Curé de campagne : « Tout est grâce [12] ».

h) Ce festin comme mémoire et attente

L’Eucharistie est communion et sacrifice présent. Mais cela, parce qu’elle redouble, sans répétition, son origine qui est le don insondable du Christ sur la Croix. Elle est donc mémoire du passé et action de grâce pour celui-ci. Or, en cette soirée pas comme les autres du Jutland, le climat glacial se dégèle, lorsque, l’organisme se dilatant grâce à la délicieuse soupe à la tortue, quelqu’un rappelle une parole du pasteur. Aphorismes et cantiques du fondateur ne cesseront de ponctuer toute la soirée de sa sagesse un tantinet sentencieuse.

Le festin eucharistique est aussi attente eschatologique, ouverture vers l’avenir qui est celui même de la vie éternelle. Après le festin, Babette explique que Monsieur Papin aimait dire « Du cœur de l’artiste s’élève un cri ‘Offrez-moi l’occasion de donner le meilleur de moi-même’ ». L’une des sœurs répond, dévoilant, avec sa vision du monde, la profondeur de son cœur « Mais ce n’est pas la fin, Babette, j’en suis sûre. Au paradis, tu seras la plus grande artiste que Dieu a voulu que tu sois ». Tant notre vie terrestre ne se comprend qu’à partir de son terme qui est aussi sa source verticale et présente, le Ciel.

Touchées au cœur, les deux sœurs lui adressent pour la première fois un geste de tendresse, cette tendresse dont leur éducation les a tant frustrés. Embrassant amoureusement Babette, une sœur murmure l’un des plus beaux compliments qu’elle puisse adresser : « Combien tu enchanteras les anges… ». La bougie peut s’éteindre les monstres de la nuit ne l’effraient plus, elle est habitée par un amour dont on sait qu’il durera toujours, puisque Babette a choisi de demeurer [13].

L’Eucharistie est enfin accomplissement. Babette redonne vie, réenfante ce village. Par surabondance, elle s’accomplit donc en sa vocation de femme comme mère.

5) Conclusion

Ce film est tant aimé, car lui-même aime tous les personnages qu’il met en scène. Il fait du bien, car il est bon, sans être idéalisant. Jamais le réalisateur ne cède à la tentation, pourtant si aisée, de gratter la corde du jugement loin de nourrir quelque ressentiment à l’égard du sectarisme de cette petit communauté suédoise, il en souligne la superbe vitalité intérieure. Si les cantiques parlent du péché et d’un Dieu transcendant (« Dieu est Dieu, même si les hommes n’étaient plus »), ils le font sans exagération. Même si le portrait du père qui trône dans l’entrée, et plus encore son regard ont pu engendrer un surmoi quelque peu névrosant, son sens de Dieu et son admirable dévouement ont eu un effet des plus apaisants et intégrateurs sur ses deux filles.

On dit qu’un restaurant américain a eu l’astucieuse idée de servir le festin que Babette servait au Café Anglais à côté d’une salle de cinéma jouant le film. Heureux ceux qui écrivent – heureux ceux qui peuvent voir et goûter – des films restituant toute sa place et sa richesse intégrative au symbole et au symbole de l’amour. La Bible compare la vie éternelle à un « repas de noces [14] ». Bienheureux les invités au festin de Babette…

 

Pascal Ide

 

[1] « Tout est à nu devant Dieu » (He 4,13).

[2] Cf. les fines notes d’un dominicain, chercheur en psychologie sociale, dont les travaux ont notamment porté sur la symbolique du repas Jean-Claude Sagne, La loi du don. Les figures de l’Alliance, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1997, 2e partie, chap. 1, p. 123-138.

[3] Qo 1, 1.

[4] 1 Co 13,7.

[5] Cf. Jacques Maritain, L’intuition créatrice dans l’art et la poésie, Paris, DDB, 1966, chap. iii « Le préconscient spirituel ».

[6] Jn 2,1-11.

[7] Sur l’excès comme loi proprement chrétienne, cf. « La loi de la surabondance » exposée par Joseph Ratzinger, La foi chrétienne hier et aujourd’hui, trad. La foi chrétienne hier et aujourd’hui, trad. Eugène Ginder et Pierre Schouv, coll. « Traditions chrétiennes », Paris, Le Cerf, Mame, 1969, rééd. à l’identique sauf une nouvelle préface, 2005, p. 177-181.

[8] Cf. Mc 12,44.

[9] Ag 2,8. Vg.

[10] Jn 15,17.

[11] Il s’agit du titre du troisième ouvrage du beau triptyque que Daniel-Ange a consacré à l’Eucharistie (publié chez Paris, Desclée, nouv. éd. augmentée chez Le Sarment-Fayard) : Le Corps de Dieu où flambe l’Esprit, 1995 ; Le Sang de l’Agneau où guérit l’univers, 1996 ; Les Noces de Dieu où le pauvre est roi, 1998.

[12] Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne, in Œuvres romanesques, suivies de Dialogue des carmélites, notes par Michel Estève, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, Gallimard, 1961, p. 1259. Sur les liens entre Bernanos et la petite Thérèse, cf. Guy Gaucher, Georges Bernanos ou l’invincible espérance, Paris, Le Cerf, 1994.

[13] Le « pour toujours » est, avec l’inconditionnalité, le trait le plus essentiel et le plus nourrissant de l’amour.

[14] Cf. Ap 19,9.

 

Dans une contrée perdue et sauvage de la Suède, le Jutland, un pasteur et prophète a fondé une congrégation respectée… et peut-être un peu crainte. Après sa mort, ses deux filles, Martine et Philippa, célibataires qui ont renoncé au mariage, continuent son œuvre et sa mémoire. Par une nuit de septembre 1871, elles accueillent Babette Hersant (Stéphane Audran), une réfugiée française qui fuit son pays. Malgré leur dénuement, elles l’hébergent. Ayant gagné dix mille francs à la loterie, Babette décide d’offrir un festin en l’honneur de ses deux bienfaitrices. Mais ce repas, qui fait encore rêver, n’est-il qu’un remerciement ?

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