La confession
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Category:
, La foi,
Release date:
8 mars 2017
Director:
Nicolas Boukhrief
Actors:
Romain Duris, Marine Vacth...

La confession

La confession, drame français de Nicolas Boukhrief, 2017. Avec Romain Duris et Marine Vatch.

Thèmes

Prêtrise, amour, conversion

Mon propos se centrera sur la seule attitude pastorale du jeune prêtre. Il écarte donc l’analyse (qui serait passionnante) du cheminement suivi par Barny (Marine Vatch a reçu le prix d’interprétation féminine du 25e Festival de Sarlat). Il écarte aussi l’étude (qui serait très critique) de la description du milieu proposée par le réalisateur : il concède tout aux lectures manichéennes qui ont cours aujourd’hui, opposant les méchants Allemands aux Français, et, au sein des Français, les méchants cathos, bourgeois, collabos, antisémites, etc., aux bons résistants, communistes, philosémites, etc. De manière nauséabonde et gratuite, le précédent prêtre rentre dans cette dialectique primaire, côté sombre, l’infidélité (suggérée) en prime…

Ne nous attardons pas sur ces poncifs simplistes pour nous concentrer sur les figures si attachantes des deux principaux protagonistes. Pour analyser le comportement de Léon Morin, reprenons la grille proposée par le pape François dans le chapitre 8 désormais fameux de son Exhortation apostolique post-synodale Amoris Laetitia sur l’amour dans la famille du 19 mars 2016 (désormais abrégée AL). Elle se résume en trois verbes riches de toute une espérance pastorale : « accompagner », « discerner », « intégrer ».

1. Accompagner

Tout montre que le père Morin cherche d’abord à accompagner Barny de la manière la plus proportionnée, appliquant ce que Jean-Paul II a appelé « loi de gradualité » (cf. Familiaris consortio, n. 34), et que François reprend avec bonheur (AL, n. 293, 295, 300). En effet, la gradualité consiste à partir d’où en est la personne pour la conduire où elle est appelée à aller. De fait, le nouveau curé part des questions de la jeune femme, y répond sans biaiser ; plus encore, il accepte le ton provocateur, sans s’en offusquer.

Dans cet accompagnement continu tout en douceur, Léon Morin use des ressources du temps et même des lieux.

Il cherche d’abord à garder le contact avec cette paroissienne pas comme les autres. Pour cela, il multiplie ingénieusement les médiations, tout en respectant sa liberté : il lui propose d’abord de venir chercher un livre, puis d’en parler, ensuite de dialoguer sur différents sujets ; il demande aussi à Barny de l’aider pour préparer la messe de funérailles pour les dix Français tués par les Allemands.

Même si « le temps est supérieur à l’espace » (Pape François, Evangelii Gaudium. Exhortation Apostolique post-synodale sur l’annonce de l’Évangile dans le monde actuel, 24 novembre 2013, n. 222-225), le père Morin mobilise les lieux dans sa visée pastorale. Avec une grande disponibilité, il laisse la porte de son presbytère ouverte et n’est pas offusqué par les deux intrusions, initiale et finale, de Barny. Avec une flexibilité aussi remarquable que sa liberté à l’égard du qu’en dira-t-on, il consent à changer de lieu et, le couvre-feu s’installant, à rencontrer la jeune femme chez elle.

2. Discerner

Le cheminement pas à pas n’empêche pas la visée du terme, donc le discernement, mais au contraire, l’appelle.

C’est ainsi qu’il ne cesse de proposer la lumière de l’Évangile. Dès leur première rencontre, le père Morin réussit le tour de force de transformer ce que Barny ne voulait être qu’un débat en commencement de mise en lumière de sa vie et donc d’aveu de ses zones d’ombre. Il continuera au presbytère. Il fait ainsi preuve d’un rare discernement : alors qu’il conseille aux autres jeunes femmes, habituées de l’Église, des ouvrages inattendus comme l’Idiot de Dostoïevski, allant jusqu’à proposer un manuel sur le bouddhisme, il prête à la jeune femme le cœur palpitant de la Révélation, les quatre Évangiles : « Ça vous rendra moins mélancolique ». Un seul souci dicte son choix : le besoin spirituel de la personne.

Accueillir la vérité, c’est aussi « sauver la proposition d’autrui » (saint Ignace de Loyola, Exercices spirituels, n. 22), autrement dit accueillir la vérité « jusqu’à la frontière de l’erreur » (Yves-Marie Congar). Aussi l’abbé Morin étonne-t-il la communiste militante en lui disant avoir lu Marx (« Pas tout. Sa langue est difficile »). Aussi dit-il sans fard qu’il apprend d’elle, voire qu’il pourrait se convertir à ses convictions : « C’est peut-être vous qui me ferez changer d’avis ». Aussi ne se dérobe-t-il pas aux questions personnelles, par exemple sur sa vocation.

3. Intégrer

Entrer par la porte de l’autre personne ne signifie pas sortir par la sienne ; sauver la proposition d’autrui ne signifie pas l’identifier à la vérité. Jamais le jeune curé ne perd son objectif ultime : l’intégration de la jeune femme dans l’Église, c’est-à-dire le corps du Christ. Il le rappelle opportunément : s’il a choisi le sacerdoce, c’est pour « sauver les âmes ». Par sa manière d’aller aux frontières, de prendre soin des plus fragiles, il anticipe l’image du pape François pour qui « la mission de l’Église ressemble à celle d’un hôpital de campagne » (AL, n. 292). Aussi, dès la première rencontre, affirme-t-il : « Vous êtes orgueilleuse » et lui demande-t-il de faire une prière « à plus grand que vous », à genoux.

Toutefois, l’abbé Morin sait que sa mission est de faire connaître et nullement de faire croire, selon la belle distinction opérée par sainte Bernadette et dont le père Morin reprend l’esprit sans la lettre : la conversion, « c’est entre vous et Dieu ».

Le pasteur a-t-il conduit la brebis jusqu’au bercail ? « Elle est plus proche de Dieu que beaucoup de mes paroissiennes ». Mais la jeune femme en doute : elle ne sait si elle suit le Christ par amour de Léon Morin ou le père Morin par amour du Christ. Le spectateur attentif a plus de recul : cette passionaria rebelle qui se refuse à tout compromis au point d’en perdre tout humour n’aurait pas fermé les yeux de ses voisins collaborateurs et lâches si elle ne leur avait pardonné de l’avoir abandonnée à la tentative de viol initiée par le soldat allemand. Et Barny sentant sa mort approcher n’aurait pas demandé à un prêtre de venir pour lui conter « par loyauté » son grand secret, si cet amour ne l’avait heureusement nourrie chaque jour de sa vie et, plus mystérieusement, si elle n’achevait ainsi la confession qu’elle initia le jour où elle rencontra le père Morin. Au chevet de cette femme qui a un jour dit, comme un défi, « Je crois en la fidélité absolue » et dont, maintenant, le visage apaisé est prière, le père Sébastien a vu juste qui joint dans une oraison sa double aspiration : « Accueille Barny, qu’elle découvre qu’en cheminant avec le père Morin, c’est ton amour éternel qu’elle cherchait ».

Loin d’être une recette, cette triple attitude pastorale – accompagner, discerner, intégrer – est animée par la charité (cf. AL, chap. 5). De fait, le père Morin exerce les différents actes de l’amour égrenés par saint Paul dans un chapitre fameux de la première épître aux Corinthiens (1 Co 13,4-7) – chapitre que lui-même proclamera avec conviction lors de l’homélie de funérailles qui va décider du bouleversement de Barny. Il en pratique notamment les deux premiers actes qui en sont comme la synthèse : la patience (admirable constance pour laquelle, lors du dernier adieu, la jeune femme lui dira toute sa gratitude : « Merci de tout le temps que vous m’avez accordé ») et la serviabilité (constante générosité par laquelle il se dévoue, « même avec les collabos », sans compter, sans exclure et « sans juger »).

Si le père Morin pratique sans défaillance l’amour du prochain, en revanche, et c’est une première question, on ne le voit jamais vivre de l’amour de Dieu qui en est la source, que ce soit par la prière liturgique, l’oraison personnelle, la méditation de l’Écriture sainte ou la célébration de la messe.

Par ailleurs, cette âme théologale ne va pas elle-même sans la médiation d’une autre vertu qui est l’âme, elle, de la vie morale : la prudence, dont François rappelle l’importance : « La prudence, le jugement sain et le bon sens ne dépendent pas de facteurs purement quantitatifs de croissance, mais de toute une chaîne d’éléments qui se synthétisent dans la personne ; pour être plus précis, au cœur de sa liberté » (AL, n. 262. Cf. n. 280 et 295). Or, et ce sera notre deuxième question, l’on est aussi en droit de s’interroger sur l’irréflexion du père Morin : assurément, son intention est droite et son attachement au Christ sans faille ; assurément, ses paroles et ses gestes sont dénués d’ambiguïté, son sourire de volonté de séduire ; assurément, sa réaction est juste qui met aussitôt de la distance et invite sa paroissienne à la contrition de ce qui est formellement adultère (la rêverie qui a précédé montre clairement son intention). Mais comment le curé a-t-il pu si longtemps ignorer le sens de ces regards aussi intenses, la symbolique du drap soigneusement lissé, l’impact de ces rencontres multipliées, parfois à des heures tardives, le trouble qu’engendre une proximité physique aussi grande, même lorsqu’elle est dénuée de tout geste ? Oui, Léon Morin a raison de noter, même si c’est malheureusement trop tard, que les torts sont partagés (ce qui ne veut pas dire égaux) dans la naissance de cet amour : « Ce n’est pas entièrement de votre faute. Je suis allé trop loin ».

Le roman Léon Morin, Prêtre de Béatrix Beck, prix Goncourt 1952, en est à sa troisième adaptation à l’écran, après celle de Jean-Pierre Melville, en 1961, avec Jean-Paul Belmondo et Emmanuelle Riva et celle de Pierre Boutron, en 1991, avec Robin Renucci et Nicole Garcia. La confession est aussi libre à l’égard du roman qu’à l’égard des deux autres transcriptions cinématographiques. Mais le tournage en a – heureusement – respecté l’esprit.

Qu’il est bon de voir un film qui ne se complaît pas à montrer un prêtre qui chute, tout en étant bien dans sa peau ! Contrairement à ce que les sirènes médiatiques peuvent dire, la grande majorité des prêtres français est, Dieu merci !, fidèle à son engagement au célibat et heureux de ce don total au Christ. Pour autant, ce prêtre qui est heureux et qui rend heureux n’est pas un superman, mode Don Camillo, croisant la mystique de Fernandel avec le charme de Terence Hill.

Espérons, voire gageons, que le zèle missionnaire de Léon Morin, plus encore que son imprudence, seront l’occasion d’échanges féconds chez (et entre) les prêtres, les séminaristes et les fidèles.

Pascal Ide

Aujourd’hui, un tout jeune prêtre, le père Sébastien, est appelé au chevet d’une mourante qui lui révèle qu’elle est en fait juive et veut lui raconter une histoire qu’elle a toujours tue, l’histoire du plus grand amour de sa vie. Flashback, nous nous retrouvons sous l’occupation allemande, dans une petite ville française. À la suite du décès du précédent curé, un nouveau prêtre, Léon Morin (Romain Duris), suscite l’intérêt de toutes les femmes de cette ville désertée par les hommes partis à la guerre et emprisonnés. Seule résiste Barny (Marine Vatch), baptisée, mais devenue athée et communiste. Cependant, poussée par la curiosité, elle se rend à l’église dans le but de défier le jeune prêtre et contredire ce concert si louangeur. Elle le rencontre au confessionnal tout en refusant de se confesser. Le père Morin répond avec une simplicité inattendue à ses provocations et lui propose de lui prêter un ouvrage pour poursuivre leur échange. Intriguée, Barny se rend au presbytère où elle reçoit à lire… les quatre Évangiles, avec mission de revenir pour en parler. Elle se prend au jeu et les rencontres se multiplient. Barny chemine-t-elle vers cette foi que toutes ses convictions refusent ? Ou bien est-elle en train de tomber amoureuse de ce jeune prêtre, dialoguant, séduisant et intelligent ? Comment le père Morin va-t-il réagir à la présence toujours plus grande, toujours plus proche, de cette belle jeune femme au tempérament bien trempé ?

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