La vertu en général 3/3

6) Réponse aux objections

a) Le trépied

Un changement durable se fonde donc sur la vertu. Pour autant, cette approche éthique n’exclut pas les deux autres approches, psychologique et spirituelle. Il convient donc d’intégrer la part de vérité contenue dans les attitudes « tout-psy » et « tout-spi ». Le changement ou le développement durable (de l’homme) repose sur le trépied : guérison (psychologique), éducation ou formation (éthique) et conversion (spirituel).

b) La vertu, ennemie de la liberté ?

Nous sommes maintenant à même de répondre à la difficulté soulevée ci-dessus.

La question de fond est celle de la liberté. En effet, l’objection part de la liberté, estimant que la vertu l’aliène, la ligote, l’emprisonne la liberté. Mais la liberté se limite-t-elle à la capacité de décision ? Elle est d’abord et avant tout capacité à atteindre au mieux sa finalité, qui est son acte, son achèvement (ainsi que le montrera l’étude de la prudence). Or, l’homme n’est pas d’emblée tourné vers sa fin ni capable de l’atteindre. Il lui faut s’y préparer, s’en approcher, progressivement. Or, c’est la vertu qui l’y dispose en l’entraînant et en proportionnant les actes. L’image de l’entraînement sportif est éclairante ; l’exemple des saints et du martyre encore davantage. Dès lors, la vertu apparaît comme ce qu’elle est : une disposition non pas à la routine, mais à ce que l’on appelle aujourd’hui l’excellence et dont on a oublié que les Anciens l’avaient déjà décrit sous le nom de vertu, non pas au moins-être, mais un plus-être. L’habitus (bon) est ce qui nous fait passer de l’homme à l’humain.

Voilà pourquoi l’on doit distinguer l’habitude qui est cette disposition sur la voie du déclin et l’habitus (le terme latin traduisant le grec « exis ») qui est cette disposition, cette faculté, cette compétence ou excellence tournée vers le haut. L’habitude est l’ennemie de la liberté, c’est de la liberté refroidie. Cela n’est d’ailleurs pas un effet invu, mais son effet le plus volontaire, puisqu’elle est là pour économiser conscience et détermination : elle repose l’esprit. Mais tout différent est l’habitus. La différence est triple. D’abord, dans la finalité : l’habitus nous tire dans la dimension verticale et non pas dans la dimension horizontale de la vie quotidienne ; nous l’avons dit, il fait passer des virtualités aux virtuosités. Le domaine de l’habitude est le sum, celui de l’habitus, le sursum. Pour l’exprimer dans les termes bibliques employés ci-dessus : l’habitus est ce qui dispose à la plus haute fécondité, fait fructifier au maximum les dons, ce qui porte la faculté (par exemple l’intelligence) à fusion, en lui donnant de faire croître puis de posséder au mieux tous ses talents, toutes ses richesses. Ensuite, en son origine : l’habitude est mû par la routine, et ne fait appel ni à la conscience ni à l’autodétermination libre ; l’habitus, au contraire, est le fruit d’actes conscients et libres : que l’on songe à l’entraînement du sportif ; et cela est dû au fait qu’il est tendu vers le haut, habité par ce désir de dépassement. Enfin, entre commencement et fin, la croissance : c’est la conséquence de ce que nous venons de dire, fruit d’actes multiples de liberté, l’habitus ne cesse de croître, c’est-à-dire de disposer le sujet à poser des actes de plus en plus parfaits, achevés, conformes à la finalité, intégrés ; délaissée, désertée par la liberté, l’habitude ne cesse de se dégrader, en une entropie qui peut aller jusqu’à effacer tout pli et en tout cas rend l’acte de plus en plus difficile.

La question sous-jacente est celle de l’intensité de l’habitus à l’égard de l’acte qui en est la source [1]. L’habitude naît de ce que les actes posés sont de moins en moins intenses. D’ailleurs, lorsque l’acte est moins intense que l’habitus, celui-ci finit par régresser vers la potentialité. La différence d’intensité tient au principe propre d’utilisation de l’habitus. Or, ce principe est la volonté. C’est donc l’influence de ce principe actif qui utilise ou non l’habitus à plein régime, donc de lui faire donner plus ou moins que ce qu’il a. La volonté peut donc faire que l’acte posé soit supérieur ou non en intensité à l’habitus déjà existant.

« La sainteté est un ensemble d’habitudes [2] », dit Camus qui ignore à quel point il se trompe : le saint est l’homme saisi par l’Esprit qui fait toutes choses nouvelles et ne cesse de le bousculer. L’entrée de Marthe Robin chaque semaine dans la Passion, pour être répétitive, était tout sauf une habitude.

c) La vertu, ennemie de l’humilité ?

« Dans les grandes actions, il faut uniquement songer à bien faire, et laisser venir la gloire après la vertu [3] ».

Sur le juste milieu, saint Bonaventure affirme : « sensus tristatur in extremis et in medio delectatur [4] ».

d) La vertu, ennemie de l’espérance ?

Au fond, ainsi que le constate avec finesse le philosophe Bernard Hubert, il existe deux sortes de doctrine des vertus, tant en philosophie qu’en théologie. Au fond, une vision plus platonicienne souligne le lien entre la vertu et son principe ultime, insistant sur la perfection de la vertu, sur son idéal, alors qu’une vision plus aristotélicienne souligne l’immanence de la vertu en l’homme, insistant sur la progressivité de la vertu, sur son histoire.

 

« D’un côté, avec les stoïciens, Augustin et Kant [on pourrait ajouter Anselme], la Vertu est conçue principalement et de manière univoque comme une faculté ou une qualité morale parfaite et effective à partir de laquelle les actions droits découlent nécessairement, ce qui va de pair avec un accent important mis sur la relation de la vertu à une Norme transcendante (Nature, Loi, Raison, Dieu, Amour).

« D’un autre côté, avec Aristote et Thomas d’Aquin – et aussi avec Hume bien que dans une moindre mesure –, les vertus et leurs multiples réalisations dans les champs diversifiés de la vie humaine sont conçues analogiquement ou du moins avec des degrés divers comme des dispositions ou des qualités d’ajustement des puissances affectives de l’animal raisonnable aux diverses exigences de l’agir humain. Cet agir moral libre permet à l’homme de poser des actes bons ordonnés à une fin qui oriente progressivement l’ensemble de la vie humaine [5] ».

 

En fait, de même que les points de vue d’Aristote et de Platon sont complémentaires, de même ces deux visions de la vertu : nous avons besoin d’idéal autant que d’histoire, de persévérance.

Les études de Franco Imoda montrent le rôle des deux pôles dans toute histoire.

Une conséquence en est que la vertu ne cesse de grandir : « Le juste grandira comme un palmier, il poussera comme un cèdre du Liban […]. Vieillissant, il fructifie encore, il garde sa sève et sa verdeur » (Ps 91,13.15. Trad. liturgique).

Un peu plus haut, la vertu est considérée comme une énergie, et une énergie qui vient de Dieu même, de son onction : « Tu me donnes la fougue du taureau, tu me baignes d’huile nouvelle » (v. 11).

7) Les différentes espèces de vertu

a) Vertu intellectuelle et vertu morale

Distinguons d’abord deux types de vertus : morale et intellectuelle. Comme leur nom l’indique, la vertu intellectuelle perfectionne l’Intelligence alors que le vertu morale a les mœurs pour objet.

1’) Exposé

La première catégorie ne pose pas de problème : chacun a fait l’expérience qu’il lui a fallu apprendre à compter, à lire, à écrire. Au début, ces actes étaient laborieux, et il faut espérer qu’ils sont devenus aisés et sans erreur. Or, nous avons vu que cette facilité dans nos actions était le fruit d’une énergie surélevant nos capacités de l’intérieur que l’on appelle la vertu. Nous voilà donc en présence d’une première grande catégorie de vertus que l’on qualifiera d’intellectuelles car ces vertus demeurent dans l’intelligence. Quel que soit le génie d’un Einstein, il lui a fallu, comme tout lycéen, apprendre le calcul différentiel et intégral.

Cela ne signifie pas que l’intelligence n’a aucun rôle à jouer dans notre quotidien. Au contraire, elle nourrit l’affectivité, car je ne désire ou ne veux que ce que je connais : je ne souhaiterais pas partir aux Caraïbes si un ami ne m’en avait pas parlé ou si au moins je ne savais pas que ces îles existaient ! Cependant, si l’intelligence intervient, son rôle n’est que sectoriel. Ce n’est pas elle qui décide et donc qui dirige. Tous les étudiants le savent : je ne travaille que parce que je le veux. La plus profonde intelligence du monde, jointe à une absence de volonté, est comme un ordinateur dont je ne saurais pas utiliser les périphériques, ou comme un splendide galion sans capitaine ni gouvernail. Or, justement, c’est la volonté qui gouverne. Car c’est elle qui vise le bien et décide que je l’accomplis. Aristote remarquait que la vertu morale rend l’homme bon alors que la vertu intellectuelle rend seulement l’intelligence bonne. La vertu intellectuelle se limite à l’intelligence, alors que la vertu morale couvre l’ensemble de l’existence. Or, notre actuelle survalorisation de l’intelligence conduit à mettre en avant des hommes à l’intelligence remarquable (politiques, universitaires, chefs d’entreprise) mais aux capacités relationnelles, émotionnelles (autrement dit aux vertus morales) atrophiées. André Gide aimait citer un mot qu’il disait tenir de la bouche d’Oscar Wilde : « J’ai mis mon génie dans ma vie et seulement du talent dans mon œuvre » ? Et, pour citer un grand écrit spirituel : « L’homme pacifique est plus utile que l’homme très instruit [6] ».

Supériorité du moral sur tous les autres dons : « Si tu ne peux être route, sois sentier. Ce n’est point par la taille que tu vaincras ; sois le meilleur, quoi que tu sois [7] ».

2’) Confirmations

Dans un essai, Isaac Asimov, le célèbre écrivain et essayiste, explique l’évolution du fantastique (au sens large englobant aussi les mythes antiques) [8]. Il semble partir de la dualité force-cerveau ; en réalité, il procède à partir d’une tripolarité : muscles-cerveau-cœur, c’est-à-dire sens du bien. Au départ, gagnaient les gros muscles ; puis, les personnages supérieurement intelligents ; mais ceux-ci pouvant être vils ou pervers, la dimension morale l’a emporté. Donc, le héros est devenu soit le fort bon, soit l’intelligent bon (le bon sorcier). Cette évolution confirme implicitement la supériorité des vertus morales sur les seules vertus intellectuelles [9].

La distinction entre vertus morales et intellectuelles se retrouve derrière la question des blessures de l’esprit. Maritain estime que la blessure de l’intelligence est la plus grave. Au contraire, Kant affirme le contraire que la blessure de la volonté (éduquée) entraîne des conséquences pires que la blessure de l’intelligence :

 

« Il n’y a personne qui, ayant été négligé dans sa jeunesse, ne soit capable d’apercevoir dans l’âge mûr, en quoi il a été négligé, qu’il s’agisse de la discipline ou de la culture. Celui qui n’est pas cultivé est brut, celui qui n’est pas discipliné est sauvage. Le défaut de discipline est un mal bien plus grand que le défaut de culture, car celui-ci peut se réparer plus tard ; mais la sauvagerie ne peut plus être chassée et une erreur dans la discipline ne peut pas être comblée [10] ».

 

Si les vertus morales priment les intellectuelles, Kant n’aurait-il pas raison contre Maritain ?

b) Les vertus cardinales

Parmi les vertus morales, les stoïciens en ont isolé quatre principales que l’on qualifie de cardinales. Les vertus cardinales ne sont pas les vertus du cardinal, comme le disait un jour un enfant ! Ce sont les vertus les plus fondamentales et les plus structurantes. En effet, cardo signifie « gond, charnière ». Or, le gond est la partie principale sur laquelle la porte pivote et par laquelle on « entre dans la maison [11] ». De même la vertu cardinale est une pièce essentielle de la structuration morale, permettant d’articuler tout notre agir et de l’ouvrir au bonheur. Voilà pourquoi la pratique des vertus cardinales est décisive et prioritaire pour la constitution intérieure. Elles sont comme les fondements de notre structuration et les moyens nécessaires pour parvenir à la félicité. S’exercer aux vertus morales est la toute première urgence de notre humanisation.

La répartition des vertus cardinales se fait d’une double manière. On peut, en effet, les considérer comme des vertus générales ou comme des vertus spéciales. Laissons saint Thomas l’exposer :

1’) Les vertus cardinales comme vertus générales

Tel est le cas des Pères comme saint Augustin ou saint Grégoire le Grand.

 

« Certains utilisent ces quatre noms pour signifier des modes généraux des vertus par exemple, en appelant prudence toute connaissance qui dirige, en appelant justice toute rectitude qui ajuste les actes humains, en appelant tempérance toute modération qui réfrène l’appétit de l’homme pour les biens temporels, en appelant force toute fermeté de l’âme qui maintient solidement l’homme dans le bien contre l’assaut de n’importe quel mal. Augustin semble utiliser ces noms de cette manière dans le Livre sur le comportement de l’Église. L’on peut comprendre ainsi la parole précitée [dans la première objection] de Grégoire […]. Dès lors, les quatre dispositions précitées sont quatre vertus, non par les diverses espèces d’habitus en rapport avec des objets divers, mais selon diverses raisons formelles [12] ».

 

Cette distinction se prend donc de l’objet.

2’) Les vertus cardinales comme vertus spéciales

 

« Mais d’autres, comme Aristote dans l’Éthique, parlent des quatre vertus mentionnées comme de vertus spéciales, déterminées selon leurs matières propres. Ainsi se vérifie aussi ce qu’a dit Grégoire : en effet, par mode d’une certaine redondance, les vertus mentionnées portent sur les matières dans lesquelles sont louées au plus haut point les quatre susdites conditions générales de la vertu. Dès lors, la force est tempérante et la tempérance, forte, parce que celui qui peut réfréner son appétit, afin de ne pas rechercher la concupiscence des plaisirs, tâche qui relève de la tempérance, pourra bien davantage réfréner le mouvement d’audace dans les dangers; et de même, celui qui peut demeurer ferme contre les dangers de mort peut bien davantage rester ferme contre les séductions des plaisirs. Ainsi, ce qui relève principalement de la tempérance passe du côté de la force, et inversement. Et c’est la même chose pour les autres [13] ».

 

Ici, les vertus cardinales se distinguent non plus selon leur objet, mais selon leur sujet. Autrement dit, les vertus se distinguent selon les puissances ou facultés de l’homme qu’elles perfectionnent :

– l’intelligence pratique : la prudence est la vertu du gouvernement de soi-même.

– l’affectivité volontaire : la justice est la vertu de la relation adéquate à l’autre.

– l’affectivité irascible : la force est la maîtrise libérante de ses violences.

– l’affectivité concupiscible : la tempérance est la maîtrise libérante de ses désirs.

3’) Confirmations

Le théologien moraliste américain James Keenan retranscrit cette description en parlant de self-care (attention à soi), de fidélité (amour pour nos proches) et de justice (recherche du bien de tous). Or, ces trois exigences inséparables sont souvent en compétition : il est difficile d’être à la fois attentif à soi, fidèle et juste. Pourtant, manquer une seule de ces attitudes fait sortir du champ éthique. Aussi la prudence entendue comme sagesse pratique a-t-elle pour mission de mettre en œuvre les trois autres vertus [14].

Ne trouve-t-on pas un analogue des quatre vertus cardinales comme ébauché, au plan instinctif, bien entendu, chez l’animal supérieur ? Par exemple, n’y a-t-il pas quelque chose de cet éthos vertueux chez les moineaux que j’observais un jour aux Buttes-Chaumont (ah ! La femme de l’aviateur) ? Ainsi la prudence ne se prédessine-t-elle pas dans la surveillance et la vigilance permanentes, la justice-justesse dans la distribution de la nourriture des parents proportionnée aux besoins des oisillons et dans la répartition des fonctions au sein du groupe, le courage dans la mesure entre fuir le danger et faire fuir les prédateurs, enfin la tempérance dans la mesure de l’alimentation, du geste, etc. ?

c) Vertu théologale et vertu morale

Il faut enfin distinguer vertus morales et vertus théologales (foi, espérance et charité). Elles ne se distinguent pas seulement par leur objet : l’homme pour les premières et Dieu pour les secondes, mais aussi par leur cause : acquises pour les premières, infuses pour les secondes.

Les vertus théologales sont les trois manières par lesquelles l’homme est uni à Dieu : par mon intelligence quand je reconnais que Dieu est vrai (la foi), par mon désir quand mon cœur se tourne vers Dieu et L’attend (l’espérance), et par mon amour quand je tend vers Dieu infiniment bon et miséricordieux (la charité).

L’exercice de ces vertus constituent le cœur de la vie du fidèle du Christ et de sa prière : « Je crois en toi Seigneur augmente mon peu de foi, j’espère en Toi Seigneur augmente mon peu d’espérance, je t’aime Seigneur augmente mon peu d’amour ».

d) Une confirmation psychologique

La psychologie ne se contente pas de retrouver l’importance ponctuelle de telle ou telle vertu morale ainsi que nous le verrons, elle les redécouvre dans leur englobante totalité et leur riche diversité. En 1999, l’un des plus ambitieux projets jamais imaginés en psychologie vit le jour [15]. Neal Mayerson, président d’une fondation philanthropique américaine, la Fondation Manuel D. et Rohda Mayerson, téléphona au fondateur de la psychologie positive et l’un des meilleurs spécialistes de la psychologie du bonheur, Martin Seligman, et lui posa la question suivante : « Comment pouvons-nous aider les jeunes gens à réaliser leur plein potentiel ? »

Seligman répondit en proposant une rencontre à l’Université de Pennsylvanie, afin de passer en revue des programmes d’éducation de la jeunesse ; il demanda aussi à huit experts de les aider. Un consensus naquit rapidement, d’ordre méthodologique : « Nous avons d’abord besoin d’une classification et d’un outil nous permettant de mesurer le ‘bon caractère’ [16] ». En anglais, character signifiant « personnalité », le choix de ce mot semble plus adéquat que celui relevé par Covey. Quoi qu’il en soit, retenons le projet qui est triple : établir des critères de référence qui soient des valeurs communes ; ces valeurs sont descriptives et non pas normatives ; convenir d’un vocabulaire commun. L’intention est la même que celle présidant au DSM [17], la normativité en moins. Afin de mettre en œuvre son projet, Neal Mayerson décida la création du VIA Institute (Values in Action Institute, ce que l’on pourrait traduire : « Institut pour la mise en pratique des valeurs »).

Seligman demanda à son ami Christopher Peterson de constituer une équipe de chercheurs. Pendant trois années, ceux-ci, avec Seligman et Peterson, décortiquèrent les grands textes philosophiques et religieux autant d’Occident que d’Orient, du Nord (les Inuits du Groenland) et du Sud (les Massaï du Kenya), les traditions écrites et orales, mais aussi la littérature psychologique et pédagogique, voire les discours, les chansons et les expressions populaires.

La recherche d’un consensus descriptif pourrait faire craindre le pire. Si, par exemple, j’observais la présence ou l’absence de mensonges dans les comportements des sujets et établissais une moyenne statistique, je risquerais fort de constater qu’une immense majorité des personnes transigent à telle occasion avec la vérité (peu importe les motivations, les excuses). Donc, à vouloir établir une normale gaussienne, ne risque-t-on pas de trouver des anti-valeurs ou de sélectionner des comportements déshumanisants ? En réalité, Seligman introduisit implicitement une normativité. En effet, son but était d’établir une critériologie de la santé mentale. Autrement dit, par opposition au DSM qui se centre sur les critères de maladie, son équipe rechercha le positif ; mais, conformément à celui-ci, il visait la constitution d’une table de critères.

Un deuxième constat, lui aussi méthodologique, rejoint le cœur de notre propos. Pour établir cette critériologie positive, les enquêteurs ont cherché, d’une part les forces ou qualités des individus, d’autre part les vertus valorisées. Ils ne se sont donc pas contentés d’en rester à des valeurs ou à des idéaux ; ils les ont incarnés dans des dispositions anthropologiques stables.

Quels furent les résultats de l’enquête, dont je rappelle qu’elle s’est effectuée selon la plus vaste échelle jamais réalisée ? La plupart des cultures reconnaissent vingt-quatre qualités ou « forces de caractère » contribuant à l’épanouissement des individus : la créativité, la curiosité, l’ouverture d’esprit, le désir d’apprendre, le discernement (la capacité à conseiller et relativiser), la bravoure, la persévérance, l’intégrité (la probité), la vitalité (l’enthousiasme), l’intelligence sociale, la bonté, l’amour, le sens de l’équité, la citoyenneté (la capacité à travailler et vivre en groupe), le leadership, la maîtrise de soi, la prudence, la clémence (le pardon), l’humilité (la modestie), l’humour, l’appréciation de la beauté et de l’excellence, la gratitude, l’espoir et la spiritualité [18].

Le nombre affole ou du moins déroute. Mais il est possible de les regrouper. Déjà, il est aisé d’y discerner beaucoup des vertus morales traditionnelles, notamment les quatre vertus cardinales autour desquelles il est possible de faire pivoter (cardo signifie « gond » en latin) toute notre vie humaine : la prudence dans le discernement ou le leadership ; la justice dans l’intégrité ou probité, le sens de l’équité, la citoyenneté ; le courage dans la bravoure ou la persévérance ; la tempérance dans la maîtrise de soi ou l’humilité. Ensuite, la même étude a recensé six grandes vertus valorisées dans la plupart des civilisations : la sagesse, le courage, l’humanité, la justice, la tempérance et la transcendance [19]. Or, Seligman et Peterson ont recoupé les deux tableaux, précisément en regroupant les qualités sous les six chefs vertueux [20]. Résumons le tout en un tableau :

 

Les six vertus

Les vingt-quatre qualités

Sagesse

Créativité, Curiosité, Ouverture d’esprit, Désir d’apprendre, Discernement

Courage

Bravoure, Persévérance, Intégrité, Vitalité

Humanité

Intelligence sociale, Bonté, Amour

Justice

Sens de l’équité, Citoyenneté, Leadership

Tempérance

Maîtrise de soi, Prudence, Clémence, Humilité

Transcendance

Humour, Appréciation de la beauté, Excellence, Gratitude, Espoir, Spiritualité

 

Pour être suggestive, cette répartition ne semble cependant pas rigoureuse. Même si elle regroupe principalement les vertus morales, elle y mêle un analogue des vertus intellectuelles – la sagesse (et les apparentés) –, voire des vertus théologales – l’espoir, l’amour (et ses fruits comme le pardon, ainsi que ses cousins proches comme l’humilité, l’humour et la gratitude), la foi avec la spiritualité [21].

Quoi qu’il en soit, comment ne pas souligner la remarquable convergence entre cette approche contemporaine rigoureuse de la santé morale et la doctrine traditionnelle des vertus ? D’un double point de vue : d’une part, les vertus sont au service de notre capacité au bonheur ; d’autre part, elles nous donnent d’atteindre notre épanouissement, donc notre excellence. On peut donc conclure que ces enquêtes, menées de façon très critique en vue d’élaborer une classification descriptive de portée universelle relative à la santé intérieure, confirment et affinent notre connaissance et notre pratique des vertus morales.

e) Vertus et dons

Il faudrait enfin distinguer les vertus (notamment théologales), les vertus morales infuses et les dons du Saint-Esprit. En effet, ces derniers sont des vertus en quelque sorte « passives », selon le mot du père Marie-Eugène.

Pour le détail, je renvoie au cours de théologie morale.

f) Tableaux récapitulatifs

Notre organisme naturel et surnaturel est finement équipé de multiples dispositions.

Nous résumerons ces différentes distinctions dans les tableaux suivants :

1’) Les cinq espèces de vertus

 

 

Vertus intellectuelles

Vertus morales acquises

Vertus morales infuses

Vertus théologales

Dons du Saint-Esprit

Sujet (faculté)

Intelligence

Intelligence, volonté et affectivité sensible

Intelligence et volonté

Intelligence, volonté et affectivité sensible

Objet

Vrai spéculatif ou pratique

Les mœurs humaines

Les mœurs divines

Mœurs divines et humaines

Finalité

Perfectionnement de l’intelligence

Perfectionnement de la vie humaine

Dieu

Cause

Humaine (acquise)

Dieu (innée)

Modalité (mesure)

Humaine (disposition active)

Divine (vertu passive)

2’) Les cinq vertus intellectuelles

 

Faculté

Objet

Vertu

Intelligence spéculative

Intuition des principes

Intelligence

Discours

Par les causes secondes

Science

Par les causes premières

Sagesse

Intelligence pratique

Dans le domaine immanent de l’agir

Prudence

Dans le domaine transitif du faire

Art

3’) Les quatre vertus cardinales

Ce sont les vertus morales principales.

 

Faculté (sujet)

Objet

Vertu

Esprit

Intelligence (pratique)

Le bien de l’agir

Prudence

Volonté

Le droit dans les affaires humaines

Justice

Affectivité sensible

Irascible

Stabilité dans le bien de la raison

Force

Concupiscible

Intégration de la jouissance

Tempérance

4’) Les trois vertus théologales

 

Faculté

Objet : Dieu

Vertu

Intelligence

En tant qu’il est Vérité première

Foi

Volonté

En tant qu’irascible

En tant qu’il est désirable suprême

Espérance

En tant que concupiscible

En tant qu’il est aimable suprême

Charité

5’) Les sept dons du Saint-Esprit

 

Dons du Saint-Esprit

Facultés

Vertus [22]

 

Béatitudes

Charismes [23]

Péchés capitaux

Crainte

Affectivité concupiscible

Espérance et tempérance

« Bienheureux les pauvres de cœur,

le Royaume des Cieux

est à eux ».

Exhortation (autorité)

Superbe

Piété

Volonté

Justice

« Bienheureux les doux,

ils posséderont la Terre ».

Louange, chant en langues

Jalousie

Science

Intelligence spéculative

Foi

« Bienheureux ceux qui pleurent,

ils seront consolés ».

Discernement, compassion, intercession, charisme de prière

Colère

Force

Affectivité irascible

Force ou courage

« Bienheureux ceux qui ont faim et soif de justice,

ils seront rassasiés ».

Evangélisation, autorité

Acédie

Conseil

Intelligence pratique

Prudence

« Bienheureux les miséricordieux,

ils obtiendront miséricorde ».

Gouvernement, discernement

Avarice

Intelligence

Intelligence spéculative

Foi

« Bienheureux les cœurs purs,

ils verront Dieu ».

Enseignement

Gourmandise

Sagesse

Intelligence

Charité

« Bienheureux les pacifiques, ils seront appelés

fils de Dieu ».

Prophétie

Luxure

8) Mise en œuvre de la vertu

Comment agir vertueusement ? Nous répondrons à cette question en traitant de chaque vertu en particulier. Mais dès maintenant, nous pouvons poser quelques règles générales.

a) La juste mesure

La vertu morale implique toujours un juste milieu entre deux extrêmes. Michael Naughton a cette formule suggestive : « Les salaires, c’est comme les chaussures : trop petits, cela fait mal ; trop grands, cela fait tomber [24] ». Par exemple, il est aussi juste de ne pas remercier que de flatter exagérément un bienfaiteur. La précipitation, autant que la précaution excessive (la pusillanimité) sont imprudence, mais en sens opposé. Bref, comme disait Jacques de Bourbon-Busset pour les relations humaines :

 

« Tout le problème est de trouver avec l’autre la distance juste. Si on se tient trop près, on risque de l’étouffer et de le paralyser. Si on se tient trop loin, on risque de le perdre de vue et même de le perdre tout court. Si on prend l’habitude (c’est nous qui soulignons ; ici le terme a bien sûr le sens d’habitus) de la distance juste, les relations avec les autres en sont simplifiées et améliorées. On évite à la fois la familiarité excessive et l’indifférence. […] Respecter la distance juste n’est pas une tâche aisée. Elle demande de la perspicacité, de la patience et de l’imagination. Elle est sans cesse à reprendre et n’est jamais terminée ».

 

On peut l’exprimer en image. La vertu est aux passions ce que l’aménagement est au Nil :

 

« tant l’abandon juvénile au tumulte de l’instinct que la seule volonté de domination brute. De même que les débordements annuels du Nil, habilement ramifiés en mille canaux et rigoles, répandaient aussi loin que possible dans la vallée l’eau vivante et les précieux dépôts de limon qu’elle laissait en se retirant, il est du pouvoir de l’adulte, au point de tout un subtil système de répartition, de métamorphoser l’inondation incontrôlable en irrigation vivifiante [25] ».

 

En revanche, pour les vertus théologales, il n’y a pas de juste milieu, car la croissance est infinie. Voilà pourquoi saint Bernard pouvait affirmer au début de son traité sur l’amour de Dieu : « La mesure d’aimer Dieu, c’est de l’aimer sans mesure ». D’ailleurs, cela est déjà vrai de l’amour humain.

 

« Prendre son parti de ne pas faire plus pour celui qu’on aime, c’est là, j’en suis convaincu, non seulement le signe mais d’abord la cause du déclin de l’amour. […] Considérez un jeune amour, un amour vrai : une de ses caractéristiques, et sans doute sa caractéristique essentielle, est un élan qui le pousse à vouloir le bonheur de l’être aimé. Mais, parce que ce bonheur peut toujours être plus parfait, il y a en celui qui aime comme une tension, une certaine anxiété, une constante impatience du bonheur de l’autre, et une souffrance de ne pouvoir y contribuer davantage. je vois là le signe irrécusable d’un amour vivant, vivace. Pour l’amour vrai, il n’est jamais de repos [26] ».

b) L’importance des actions

Saint Benoît-Joseph Labre à qui l’on demandait un critère pour discerner la volonté de Dieu répondit : « La meilleure façon de connaître la volonté de Dieu, c’est de faire la volonté de Dieu ». Cette phrase demeure paradoxale sauf si on l’interprète à partir de ce qui a été dit ci-dessus sur la logique de la vertu : on n’apprendra jamais à faire du ski en lisant des livres de théorie.

Une équipe de psychologue a étudié en début d’année environ 300 personnes exprimant un souhait de changement dans leur vie quotidienne [27]. Parmi elles, une moitié avait pris des « bonnes résolutions » (en général dans un des trois domaines : perdre du poids, faire plus de sport ou arrêter de fumer ; très spirituel, comme l’on voit !) et l’autre non. Puis, l’équipe avait évalué par un suivi téléphonique six mois plus tard les changements souhaités pour savoir s’ils s’étaient produits. Les résultats sont riches de sens et d’ouverture à l’action : 46 % de ceux qui avaient pris des résolutions fermes pour la nouvelle année avaient atteint et maintenu leurs objectifs ; et seulement 4 % de la seconde moitié. Les petits engagements portent donc des fruits, autrement dit sont féconds ; même si ce n’est pas une garantie (plus de la moitié des personnes ne sont pas allées jusqu’au bout de leur décision).

Cette étude montre l’importance d’avoir des désirs, mais aussi de poser des actes qui sont proportionnés à ces désirs, donc l’importance de l’éducation. L’accompagnement a donc pour finalité de permettre à l’accompagné de poser des petits actes proportionnés qui les orientent vers leur finalité. Posons-nous la question : quelle vertu doit-il travailler ? La Petite Thérèse parlait de « Lever son petit pied ». ou de cette « chienne de bonne volonté ». L’action du démon contre l’homme présente deux limites absolues : il ne peut connaître l’intimité des cœurs, il n’a aucun pouvoir immédiat, direct sur la volonté. C’est pour cela qu’il demeure toujours suffisamment de liberté pour poser un acte de vertu morale, toujours assez de lumière pour poser un acte de vertu théologale. Quelle espérance pour l’accompagnateur !

J’ajouterai toutefois un point d’importance que l’étude de la prudence fera mieux comprendre. Face au laxisme ambiant, notre risque à nous les « cathos » c’est d’être volontaristes. C’est de fonctionner à coups de volonté, au « je veux ». Or, si la vertu s’acquiert par des petits actes, ainsi qu’on l’a dit, elle est, antérieurement à ces actes, une profonde orientation vers le bien : l’on agit beaucoup plus vite en étant attiré par le bien qu’en multipliant les décisions.

c) La mise en place des bonnes habitudes

Les neurosciences et la psychologie comportementale confirme et précise la nature de l’habitude vertueuse [28].

Pour le détail, je renvoie à l’article : « Comment changer efficacement d’habitude ? Les enseignements des neurosciences ».

d) La connexion des vertus

Notre présentation des vertus sera analytique. Toutefois, loin d’être isolées, les vertus sont intimement connectées : non seulement, de fait, elles croissent souvent ensemble, mais, en droit, elles ne peuvent être isolées.

1’) Une illustration cinématographique

Courageous, drame américain de Alex Kendrick, 2011.

La scène se déroule au tout du début du film, de 0 h. 1 mn. 00 sec. à 0 h. 3 mn. 20 sec.

Le film en général, la scène d’ouverture en particulier sont un festival de vertus.

Nathan Hayes (Ken Bevel) se trouve à une station-service à Albany, en Géorgie, en train de nettoyer son pare-brise quand sa voiture est volée. Hayes court après, s’accroche au côté et, malgré le risque de se faire écraser par les autres voitures ou d’être éjecté à grande vitesse, il se bat avec le voleur par la fenêtre ouverte. Il réussit à ce que le criminel quitte la route. Mais celui-ci s’échappe dans une autre voiture avec un complice. Hayes tente de rejoindre sa voiture avec des difficultés. Les témoins qui viennent de s’arrêter s’étonnent de son opiniâtreté et lui disent de ne plus s’inquiéter puisque sa véhicule été récupérée. Mais Hayes poursuit et ouvre la porte de derrière. Le spectateur découvre alors avec stupeur un petit garçon en bas âge, son fils, pleurant dans son siège de voiture, apparemment indemne.

De prime abord, il s’agit d’un passage qui salue le courage de celui dont on va découvrir, peu après, qu’il est un policier. En effet, il affronte le danger, puis il persévère. Plus encore, il risque sa vie. « Vous savez que vous auriez pu y passer ? », lui demande un des policiers.

Mais ce courage n’est-il pas insensé ? Vaut-il la peine de risquer la mort pour une voiture, alors qu’il est possiblement assuré contre le vol ? C’est ce que pensent implicitement les témoins. Ce n’est qu’au terme de son acte héroïque que l’on en découvre la raison : protéger la vie de son fils. Son courage était associé à une autre vertu, la justice : il se devait de protéger la vie de son enfant (« Je ne pensais qu’à mon fils », répondra Hayes au policier). Son acte était juste, c’est-à-dire conforme à ce qui est droit. On pourrait toutefois se poser encore une question : son action était-elle proportionnée à la fin, le risque en valait-il la peine ? Ici, il faudrait faire appel à une autre vertu : la prudence. D’ailleurs, dans un bref échange ultérieur, les deux policiers arrivés sur place, Adam Mitchell (Alex Kendrick) et Shane Fuller (Kevin Downes), en discutent. « Toi, tu te serais accroché au volant ? – Difficile à dire ! Il y avait tout de même son fils dans la voiture. Et toi ? » Réponse : une moue songeuse. Tous deux reconnaissent que l’acte est courageux et juste, mais ils se disent qu’ils n’auraitent pas forcément été jusque là, donc que l’acte n’était pas obligatoire.

Le fait de courser la voiture, de risquer sa vie a quelque chose d’instinctif, de spontané. Si ce geste n’étonnerait pas de la part d’une mère, en est-il de même pour un père ? Quoi qu’il en soit, il en dit long sur la vertu, la longue habitude, de courage, mais aussi d’ouverture à l’autre, de don et de justice.

J’aime enfin ce geste par lequel le père ouvre la porte ; il est symbolique de l’ouverture à l’autre.

2’) Les vertus sont connectées entre elles

La formulation que nous allons vous proposer n’est pas sans provoquer la surprise de prime abord : on ne peut pas avoir une vertu sans avoir toutes les autres. Perdre une vertu, c’est donc perdre toutes les autres vertus du fait même ! Et si nous avons du mal à le comprendre, c’est que notre représentation de la vie humaine est trop statique ou trop légaliste.

En effet, les vertus sont des dynamismes nous orientant vers notre finalité et nous permettant de ne pas en dévier : c’est leur solidarité qui nous donne de l’atteindre. Creusons : pourquoi telle ou telle vertu n’est-elle pas présente alors qu’elle est nécessaire pour atteindre la fin, ainsi que nous l’avons vu dans le chapitre 1 ? Il n’y a qu’une seule réponse : c’est que la fin n’est elle-même plus voulue, en tout cas d’un vouloir efficace. Or, c’est justement cette orientation vers la fin morale qui est humanisante ; sinon nous risquons de tomber dans le pur légalisme. Soit par exemple un homme d’affaires honnête, courageux, entreprenant, bref vertueux. Il commet un adultère, pas seulement par faiblesse, mais en pleine lucidité. Il ne peut alors agir ainsi sans perdre de vue ce qui le fait vivre, notamment l’amour, le don de soi, etc. Aussi perd-il non seulement la chasteté mais toutes les autres vertus morales. Certes cela n’implique pas que du jour au lendemain, il va devenir étourdi, exploiteur, routinier, etc. Mais ces dispositions sont davantage d’ordre psychologique qu’éthique. Vienne par exemple un obstacle difficile, ne tenant plus sa finalité qui est oblation, et l’homme mesurera combien sa construction intérieure s’est fragilisée.

Ce que nous affirmons serait incompréhensible si la vertu s’identifiait à l’accomplissement de lois, car notre expérience nous montre que l’on peut choisir de respecter telle ou telle règle mais pas telle autre (par exemple, ne pas prendre les sens interdits, mais dépasser les limitations de vitesse). Car notre organisme intérieur, éthique ne grandit pas comme un œuvre d’art : c’est d’abord un doigt, puis une main, puis un membre qui sort du marbre, mais il croît comme un corps vivant : il ne pousse pas d’abord une jambe puis une autre à l’embryon, mais tous les orgnaes et appareils grandissent ensemble de manière harmonieuse. Eh bien « il en est de même de ces membres de l’organisme moral que sont les vertus [29] ».

Il est donc absurde de croire que l’on peut cultiver une seule vertu et pas les autres, que l’on peut avoir une réelle maîtrise de sa sexualité en demeurant paresseux ou injuste. Il faut éduquer la maîtrise de soi en tous ordres.

Précisons aussitôt un point pour prévenir le découragement : si on ne peut pas avoir une vertu sans les autres, cela ne signifie pas toutes les autres au même degré ; c’est d’ailleurs ainsi que dans l’embryon certains organes sont achevés avant d’autres (le cœur est le premier à fonctionner, puisque l’échographie observe une activité contractile dès le 23ème jour après la conception !)

3’) La prudence, connexion des vertus morales

Le terme de « connexion » contient le mot « nexus », nœud. Le nœud qui lie les vertus est la prudence, puisque c’est elle qui regarde l’orient qu’est la finalité et ordonne toutes choses en fonction de ce celle-ci. Attention, il ne s’agit pas d’une connexion intellectuelle : la science éthique y suffirait ; il s’agit d’une orientation de tout l’être et donc portée par l’affectivité, par l’amour. Voilà pourquoi, encore une fois, les vertus sont connectées.

Mais voici un exemple de connexion toute illusoire. Sebastian Coe, célèbre athlète britannique racontait le record qui l’avait le plus frappé :

 

« Un beau matin, en plein Picadilly, au centre de Londres, un camion tombe en panne. Le chauffeur reste une demi-heure sous le véhicule, bloquant le trafic, puis il part. Il part retrouver des gens qui lui doivent plusieurs milliers de livres. Car le chauffeur n’était autre qu’un gentleman anglais. Il avait parié qu’il resterait étendu sur le sol, pendant trente minutes, à l’heure de grande circulation. À ma connaissance, ce record n’a jamais été battu [30] ».

 

Ici, on pourrait penser qu’il y a vertu. En fait, c’est s’illusionner : l’action commise suppose une carence totale de sens de la justice (notamment de ce que nous appellerons la justice légale qui donne un sens du bien commun), puisque cet homme a subordonné à son plaisir propre le bien-être de milliers d’autres hommes. Il n’est pas courageux, mais astucieux, et le courage a laissé place à la bravade.

e) L’éducation, chemin des petits pas

Écoutons la légende amérindienne du colibri :

 

« Un jour, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés et atterrés observaient, impuissants, le désastre. Seul le petit colibri s’active, allant chercher quelques gouttes d’eau dans son bec pour les jeter sur le feu. Au bout d’un moment, le tatou, agacé par ses agissements dérisoires, lui dit : ‘Colibri ! Tu n’es pas fou ? Tu crois que c’est avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ?’ ‘Je le sais, répond le colibri, mais je fais ma part’ [31] ».

 

Cette histoire se comprend d’autant mieux que le colibri, parfois appelé l’oiseau-mouche, est un ami des fleurs.

L’éducation est identiquement une éducation à la vertu. La première raison qui l’établissait se fondait sur l’origine (archè), la deuxième sur la finalité (télos) la troisième partira du chemin (hodos) qui va de l’une à l’autre : la répétition des petits actes [32].

Les Anciens ne l’ignoraient pas, la vertu est ardue à acquérir. Aussi Aristote affirmait-il qu’il fallait éduquer à la vertu tôt dans l’enfance [33]. En cela, il suivait l’enseignement d’un philosophe présocratique, Héraclite [34], que Marcel Conche commente ainsi : « La leçon héraclitéenne est claire : il est difficile de combattre le thymos lorsqu’il se déploie en colère vigoureuse ; il faut donc le maîtriser et le contrôler avant, lorsqu’il est encore à l’état virtuel (le ‘cœur’, siège ou principe) [35] ». On retrouve la même conviction d’une acquisition graduelle de bonnes dispositions chez les Modernes. Par exemple, le philosophe anglais John Locke observe l’importance d’inculquer ces bons plis dès le plus jeune âge : « Même des impressions légères, presque insensibles, quand elles ont été reçues dès la plus tendre enfance, ont des conséquences importantes et durables ». Et de donner l’image d’une rivière prise à la source : « Il suffit à la main de l’homme d’un petit effort pour détourner leurs dociles eaux en différents canaux qui la dirigent dans des sens opposés [36] ».

Une nouvelle fois, les sciences humaines confortent l’éthique des vertus et permettent d’incarner leurs observations en règles concrètes qui, en retour, pour ne pas dégénérer en recettes (la technique découplée de l’éthique), mais devenir une méthode (au sens étymologique de hodos, « chemin »), demandent à être intégrées dans une vision complète de l’homme. Tel est le cas des thérapies comportementalistes et cognitivistes, qui redécouvrent la vertu de courage comme remède pour lutter contre la peur et ses comportements toxiques, dans le cadre d’un trouble obsessionnel-compulsif [37]. Tel est plus globalement le cas d’un instrument de développement personnel, la voie du kaizen, qui, en proposant de multiplier les plus petits actes possibles, en invitant à les poser quotidiennement et graduellement, ne fait rien moins que d’initier à la vertu et à ses capacités transformantes [38]. À ce degré d’exigence, mais aussi de faisabilité, la technique se fond sans se confondre avec l’éthique, pour devenir ce que l’on appelle avec grande justesse un art de vivre.

Si la vertu s’acquiert donc par les petits pas, elle requiert du temps. Voilà pourquoi la vertu s’éduque [39]. Voilà aussi pourquoi la famille et l’école sont les milieux par excellence de l’acquisition des vertus. Voilà enfin pourquoi Philippe Bordeyne émet l’idée intéressante que la relation entre liturgie et morale s’effectue par la médiation de la transformation : « les sacrements offrent une rencontre transformante avec le Christ [40] ». L’argumentation, en revanche, me paraît plutôt abstraite, peu convaincante.

9) Illustration cinématographique

Résistance et soumission, Maïti Girtanner, Documentaire de Michel Farrin, C.F.R.T./France 2, 1998, distribution « Voir et Dire », 45 bis rue de la Glacière 75013 Paris. De 1 h. 04 mn. 30 sec. à 1 h. 08 mn. 45 sec. (la fin). Pas de découpage en scènes.

a) Description

Maïti Girtanner, suisse naturalisée française, à l’âge de 17 ans, voyant la France déchirée en deux sous la botte de l’occupant, décide d’entrer en résistance. Elle crée un réseau, directement relié au général de Gaulle. Son activité consiste notamment à faire passer des personnes en zone libre. Faite prisonnière, elle sera atrocement torturée notamment par un jeune médecin nazi, Léo, et restera la seule survivante de la trentaine de personnes avec qui elle est prisonnière. Handicapée à vie, elle arrache quelques heures par jour à la douleur permanente qui irradie de ses centres nerveux qui ont été savamment et cruellement atteints. Dès sa sortie, elle comprend qu’elle doit pardonner à ses bourreaux, surtout à Léo. Le pardon est un acte divin, mais il demande notre collaboration C’est la vertu de charité qui est exercée là. Mais comment être assurée que tous ces actes de pardon ont réellement porté leur fruit ? Maïti est hantée par la question : « Au fond, ai-je réellement pardonné ? » Mais la Providence veillait…

En 1984, très curieusement, elle reçoit un coup de téléphone. Aussitôt, elle reconnaît la voix : Léo prend contact avec elle. Il n’a aucun regret parce qu’en fait il n’a aucune conscience du mal qu’il a fait. Seulement il se souvient que dans la cellule une jeune fille de 17 ans parlait de Dieu, une jeune fille très profondément catholique. Or, une peur terrible de la mort l’étreint. Il veut la rencontrer et, par miracle, il retrouve ses coordonnées. Elle va lui parler longuement de ce que c’est que la mort, et à travers ses paroles, petit à petit va émerger en lui la conscience qu’il a fait mal. Mais, et voilà où je souhaite en arriver, dans le même temps, se produit chez Maïti un événement qu’elle n’attendait pas et qui est le pur fruit de la vertu de la charité. Quand elle eut fini de parler, étant étendue sur son lit de souffrance, elle se sent soudain poussée se redresser, à le prendre dans ses bras et l’embrasser. Ayant posé tous ces actes de pardon, va jaillir en elle l’inouï de cet acte qui à la fois achève et révèle de l’amour surnaturel présent en elle. La vertu me permet de porter du fruit au-delà même de ce que je peux imaginer. Enfin, son acte de pardon est fécond : il incite Léo lui-même à lui demander pardon ; quand Maïti se lève et l’embrasse, Leo à son tour lui murmure : « Pardon ».

 

« Quand il me quitte, à l’instant où je m’embrasse, il me dit : ‘Pardon’. Pendant plusieurs jours, selon les mots du langage estudiantin, j’étais sciée d’avoir reçu cette preuve d’avoir eu la force de pardonner ». De même que la pierre du tombeau est trop grande pour être roulée, de même le pardon pour être donné. « Et, spirituellement, j’ai fait l’expérience : on n’est plus la même avant qu’après. Si Leo vient chercher le pardon, c’est qu’il est poussé par Quelqu’un. Ce fut ce geste de tendre les bras, surgi du fond de mon âme, qui en fut le signe. Ce geste était apparemment impulsif, mais il commençait à naître au fond de moi-même et il ne pouvait pas ne pas être ».

b) Commentaire

Certes, cet acte de pardon est une grâce insigne de Dieu, comme un affleurement de sa présence. Mais il ne faudrait pas se cacher que nous sommes aussi en présence d’un acte éminemment vertueux :

– Il s’agit d’un acte de la vertu infuse de charité, d’amour qui va jusqu’au pardon des ennemis.

– Ce pardon est une résurrection ; il fait participer à l’Esprit qui ressuscite le Christ.

– Ensuite, il a été préparé par de multiples actes. En cela, il est fruit de la liberté (portée par la grâce).

– Cet acte est aussi volontaire parce qu’il est orienté vers une fin : le bien éminent du salut de l’âme de Leo.

– La vertu change l’être, en profondeur.

– L’on trouve les différents traits de la vertu : spontané (d’intégration), au point même que Maïti est conduite plus qu’elle ne conduit ; totalement ajusté, donc sans erreur ; joyeux (« j’était sciée, comme on dit en langage estudiantin ») ; fécond (à son tour, Léo pardonne) ; révélateur du fond du cœur (l’acte nouveau révèle la nouveauté dans l’être).

10) Bibliographie sélective

Outre les multiples ouvrages qui ont été cités en note à propos du renouveau vertueux :

a) La vertu en perspective philosophique

1’) Sources traditionnelles

– Platon, Ménon.

– Aristote, Éthique à Nicomaque, L. II-VI, trad. Jules Tricot, Paris, Vrin, 1987.

– S. Thomas d’Aquin, Somme de théologie, Ia-IIæ, q. 55-70. C’est le texte. À lire à la lumière de l’ardu et admirable traité de métaphysique des habitus qui le précède, q. 49-54.

– S. Thomas d’Aquin, Les cinq questions disputées sur les vertus. De virtutibus, trad. Jacques Ménard et al., Paris, Éd. du Sandre, 2008, 2 vol. Cette œuvre moins connue, qui date très probablemente du second séjour parisien de Thomas, entre 1271 et 1272, donc entre Ia-IIæ et IIa-IIæ, et dont nous ne possédons pas encore d’édition critique, est un ensemble plus disparate que la Summa theologiæ, en tout cas, organisé de manière moins systématique et n’abordant pas tous les aspects des vertus. Les 35 articles des 5 questions traitent, avec l’extension généreuse typique des questions disputées, de la vertu en général (q. 1), de la charité (q. 2), de la correction fraternelle (q. 3), de l’espérance (q. 4) et des vertus cardinales (q. 5). Le texte français se trouve généreusement sous format numérique sur le site libre d’accès docteurangelique.free.fr

– Félix Ravaisson, De l’habitude, Paris, H. Fournier, 1838, rééd., coll. « Quadrige » n° 283, Paris, p.u.f., 1999.

2’) Monographies actuelles en perspective aristotélicienne

– Michel Labourdette, « Petite » morale, Paris, Parole et silence, p. ; Grande morale. Paris, Parole et silence,

– Martha Nussbaum, « Non-relative virtues: An Aristotelian Approach », Peter A. French, Theodore Uehling Jr. & Howard Wettstein (eds.), Midwest Studies in Philosophy. Vol. XIII Ethical Theory: Character and Virtue, Notre Dame, Indiana, University of Notre Dame Press, 1988, p. 32-53.

– Josef Pieper, Le quadrige, trad., Paris, Téqui, 2019 ; Petite anthologie des vertus du cœur humain, trad. D. Ducatel, Le Mont-Pèlerin, Raphaël, 2005.

– Jean-Yves Goffi, « L’éthique des vertus et l’environnement », Multitudes, 36 (2009), p. 163-169.

3’) Monographies actuelles en perspective analytique

– Gertrude E. M. Anscombe, « Modern Moral Philosophy », Philosophy, 33 (1958) n° 124, p. 1-19 : « La philosophie morale moderne », 1958, trad. Geneviève Ginvert & Patrick Dupray, Klésis, 9 (2008), p. . Accessible, le 3 mars 2019 sur http://www.revue-klesis.org/pdf/Anscombe-Klesis-La-philosophie-morale-moderne.pdf

– Alasdair MacIntyre, After virtue, Notre Dame, University of Notre Dame Press, 1984 : Après la vertu. Étude de théorie morale, trad. Laurent Bury, coll. « Léviathan », Paris, p.u.f., 1997.

– Sandra Laugier (dir.), La voix et la vertu. Variétés du perfectionnisme moral, Paris, p.u.f., 2010.

– Marie-Anne Paveau, Langage et morale. Une éthique des vertus discursives, Limoges, Lambert-Lucas, 2013.

4’) Monographies actuelles en perspective pratique

– Gilles Guigues, La vertu en acte chez Aristote. Une sagesse propre à la vie heureuse, coll. « Ouverture philosophique », Paris, L’Harmattan, 2016.

– Pascal Ide, Construire sa personnalité, Paris, Le Sarment-Fa­yard, 1991.

– Étienne Père, « Le scoutisme comme vecteur d’éducation morale », Revue d’éthique et de théologie morale, 251 (septembre 2008), p. 97-107.

b) La vertu en perspective théologique

1’) Sources bibliques
2’) Tradition

– S. Thomas d’Aquin, Somme de théologie, Ia-IIae, q. 55-70 ; IIa-IIæ, q. 1-170.

Quelques commentaires actuels parmi beaucoup :

– Leo J. Elders, La vie morale selon Saint Thomas d’Aquin. Une éthique des vertus, Les Plans sur Bex, Parole et Silence, 2011.

– Jean-Marie Gueullette, Pas de vertu sans plaisir. La vie morale avec saint Thomas d’Aquin, Paris, Cerf, 2016.

3’) Sources magistérielles

Catéchisme de l’Église catholique, n. 1804-1811.

4’) Manuels et monographies

– Réginald GARRIGOU-LAGRANGE, « Les vertus morales dans la vie intérieure », La vie spirituelle 183 (décembre 1934), 225-236. Accessible sur le site consulté le : http://www.salve-regina.com/salve/Les_vertus_morales_dans_la_vie_int%C3%A9rieure

– Bernhard HÄRING, Pour une vie réussie. Les vertus au quotidien, trad. Bernard Courteille, Paris, Les éd. de l’Atelier, 1998.

– Jacqueline Kelen, Le jardin des vertus, Paris, Salvator, 2019. Écrivain polygraphe (plus de 70 livres publiés en 35 ans), passionnée de spiritualité, du Christ, de la mythologie, l’auteur transforme en or presque tous les sujets qu’elle touche. Ici, elle aborde le thème des vertus. En effet, explique-t-elle, elles sont largement oubliées par les techniques de développement personnel et les psychothérapies (qui n’engagent pas assez la liberté), les « valeurs » éthiques et politiques (qui demeurent trop extérieures) et même par une vie spirituelle (qui est trop coupée de son fondement moral). Précisément, elle revisite les vertus qu’elle qualifie de « verdoyantes » (chap. 2) à travers la métaphore du jardin à cultiver et passe en revue le « quatuor » des vertus cardinales, la force (chap. 3), la prudence (chap. 4), la tempérance (chap. 5) et la justice (chap. 6). L’auteur innove au moins sur trois points. Contre une approche trop statique et trop irénique des vertus, elle propose une approche dramatique, rappelant l’ouvrage du bien nommé Prudence dans sa Psychomachia (littéralement Combat de l’âme) (p. 8). Contre une approche trop abstraite, elle adopte, comme à son habitude, une approche symbolique, qui va jusqu’à personnifier les vertus. Contre une approche laïque, elle ne craint pas de convoquer la Bible autant que les mystiques chrétiens, à côté des philosophes et des grandes œuvres de la littérature.

– Jean Préaux, « Les quatre vertus païennes et chrétiennes », Jacqueline Bibauw éd., Hommages à Marcel Renard, coll. « Latomus » n° 101, Bruxelles, Peeters, 1969, 3 vol., t. 1. Langues, littératures, droit, p. 639-657.

– Laurent Sentis, De l’utilité des vertus. Éthique et alliance, coll. « Le point théologique » n° 61, Paris, Beauchesne, 2004.

c) La vertu en perspective psychologique

Nous avons vu dans le texte que le courant de la psychologie morale a redécouvert la vertu. Mais c’est aussi le cas, sous certains aspects, d’autres courants comme la voie du kaizen, le behaviorisme (auquel on peut reconduire l’étude de Charles Duhigg évoquée ci-dessus) ou la théorie du « flow ».

1’) En psychologie morale

 

2’) La voie du kaizen

– Pascal Ide, Des ressources pour guérir. Comprendre et évaluer quelques nouvelles thérapies : hypnose éricksonienne, EMDR, Cohérence cardiaque, EFT, Tipi, CNV, Kaizen, Paris, DDB, 2012, chap. 7.

– Roger Maurer, Un petit pas peut changer votre vie. La voie du kaizen, trad. José Malfi, coll. « Le livre de poche », Paris, Anne Carrière, 2004.

3’) La théorie du flow

– Mihály Csíkszentmihályi, ses trois livres en français : Vivre. La psychologie du bonheur, trad. Léandre Bouffard, Paris, Robert Laffont, 2004 ; Mieux vivre en maîtrisant votre énergie psychique, trad. Claude-Christine Farny, coll. « Réponses », Paris, Robert Laffont, 2005 ; La créativité. Psychologie de la découverte et de l’invention, trad. Claude-Christine Farny, coll. « Réponses », Paris, Robert Laffont, 2006.

– Mihály Csikszentmihalyi & Jeanne Nakamura, « Effortless attention in everyday life : A systematic phenomenology », Brian Bruya (ed.), Effortless Attention, MIT Press, 2010, p. 179-189.

– Carol S. Dweck, Changer d’état d’esprit. Une nouvelle psychologie de la réussite, trad. Jean-Baptiste Dayez, Wavre, Margada, 2010.

– Jean-Philippe Lachaux, « Vers un état de plénitude », Le bonheur. Comment être heureux et le rester. L’essentiel Cerveau et Psycho, 14 (mai-juillet 2013), p. 33-38.

– Pascal Ide, « Le bonheur maximal. La théorie du flow ». Site : pascalide.fr

4’) Autres courants

– Charles Duhigg : Le pouvoir des habitudes. Changer un rien pour tout changer, trad. Johan-Frédérik Hel-Guedj, coll. « Clé des Champs », Paris, Flammarion, 2012.

– Pascal Ide, « Comment changer efficacement d’habitude ? Les enseignements des neurosciences ». Site : pascalide.fr

Pascal Ide

[1] Cf. S. Thomas d’Aquin, Somme de théologie, Ia-IIae, q. 52, a. 3.

[2] Albert Camus, La peste, in Théâtre, récits, nouvelles, éd. Roger Quilliot, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, Gallimard, 1962, p. 1315-1316.

[3] Jacques-Bénigne Bossuet, « Oraison funèbre de Louis de Bourbon, prince de Condé » (1687), dans Œuvres complètes, éd. Outhenin-Chalandre fils, 1836, t. II, p. 631.

[4] Saint Bonaventure, Itinerarium mentis in Deum, II, 5.

[5] Bernard Hubert, « Vertu et/ou vertus. Profils de la notion de vertu des Grecs aux Modernes », Nova et vetera, 84 (2009), p. 421-447, ici p. 446-447.

[6] L’Imitation de Jésus-Christ, trad. Félicité de Lamennais, Paris, Seuil, 1961, L. II, 2, 2, p. 65. Trad. modifiée.

[7] Douglas Mallock, cité par Martin Luther King, La force d’aimer, trad. Jean Bruls, Paris, Casterman, 1964, p. 121.

[8] Cf. Isaac Asimov, « De la Sword and Sorcery », Légende, trad. Dominique Haas, coll. « Science-fiction », Paris, Pocket, 1996, p. 183-188.

[9] Cette observation complexifie et rend plus crédible la tripartition de Dumézil. Elle répond aussi au mythe du héros masculin tout en courage. Les valeurs morales qui sont, ultimement, des valeurs d’amour, sont tout aussi structurantes.

[10] Emmanuel Kant, Réflexions sur l’éducation, trad. Alexis Philonenko, Paris, Vrin, 1996, p. 74.

[11] « introitur in domum » (S. Thomas d’Aquin, Q. D. De virtutibus, q. 1, a. 12, ad 24um : Les cinq questions disputées sur les vertus. De virtutibus, trad. Jacques Ménard et al., Paris, Éd. du Sandre, 2008, 2 vol., tome 1, p. 198. Cf. q. 5, a. 1, c.., qui renvoie à Pr 26,14 : tome 2, p. 101).

[12] Ibid., q. 5, a. 1, ad 1um, p. 106.

[13] Ibid., p. 106-107.

[14] Cf. James F. Keenan, « Proposing cardinal virtues », Theological Studies 56.4 (1995),p. 709-729. Cet article est partiellement traduit dans Les vertus, un art de vivre, coll. « Tout Simplement », Paris, Éd. de l’Atelier, 2002, notamment p. 83-86.

[15] Sur toute l’histoire qui va être racontée, cf. Thierry Janssen, Le défi positif. Une autre manière de parler du bonheur et de la bonne santé, Paris, Les liens qui libèrent, 2011, chap. 5, p. 173-179.

[16] Martin Seligman, Authentic Happiness, New York, The Free Press, 2002, p. 130.

[17] DSM est l’acrostiche de « Diagnostic and statistical manual of mental disorders ». Cf. American Psychiatric Association, DSM-IV-TR. Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, trad. Julien-Daniel Guelfi et al., Paris, Masson, 42003.

[18] Christopher Peterson, A Primer in Positive Psychology, p. 141-142

[19] Cf. Katherine Dahlsgaard, Christopher Peterson et Martin Seligman, « Shared Virtue. The convergence of valued human strengths across culture and history », Review of General Psychology, 9 (2005), p. 203-213.

[20] Cf. Christopher Peterson et Martin Seligman, Character Strengths and Virtues. À Handbook and Classification, New York, Oxford University Press, 2004.

[21] Toutefois, le but du tableau étant pratique, on pourrait aussi classer la sagesse et ses voisins parmi les analogués des théologales, voire des dons du Saint-Esprit (sagesse, intelligence, science et conseil).

[22] Il s’agit des vertus théologales et cardinales.

[23] Selon Albert-Marie de Monléon

[24] Cf. Helen Alford et Michael Naughton, Managing as if Faith Matters. Christian Social Principles and Virtues and the Modern Organization, Notre Dame, University of Notre Dame Press, 2000.

[25] Rédigé par Christiane Singer, Jeudi 31 Janvier 2008 à 19:09, sur http://www.chretiensenpolitique.eu/meditations/index.php?nocache=524952. Tiré de son livre Les âges de la vie

[26] Père Henri Caffarel, cité par Magnificat, n° 154, septembre 2005, p. 370.

[27] J. C. Norcross et al., « Auld lang Syne: Success Predictors, Change Processes and Self-reported Outcomes of New Year’s Resolvers and Nonresolvers », Journal of Clinical Psychology, 58 (2002), p. 397-405.

[28] Cf. Charles Duhigg, Le pouvoir des habitudes. Changer un rien pour tout changer, trad. Johan-Frédérik Hel-Guedj, coll. « Clé des Champs », Paris, Flammarion, 2012. Une bonne explication est offerte par la vidéo suivante, consultée en février 2019 : https://www.youtube.com/watch?v=0FnY5AhlZ2Y

[29] Je crois qu’il s’agit de Jean Daujat, Y a-t-il une vérité ?, . Ou bien, Pinckaers, p. 577.

[30] Pour la référence, cf. Pascal Ide, Construire sa personnalité, Paris, Fayard, 1991, note 10 du chapitre sur la prudence.

[31] Raconté par Pierre Rabhi, La part du colibri. L’espèce humaine face à son devenir, coll. « L’Aube Poche essai », s. l., Éd. de l’Aube, 2006, p. 10.

[32] À ces trois raisons, il faut en ajouter une quatrième, qui sera un peu développée dans les réponses aux objections : la désunité intérieure engendrée par le péché originel. Pour une approche complémentaire, je me permets de renvoyer à Pascal Ide, Construire sa personnalité, chap. 1.

[33] Aristote, Ethique à Nicomaque, L. II, 1, 1103 b 23-25 ; II, 2, 1105 a 7-10.

[34] Héraclite, DK 22 B 85. Aristote le cite aussi dans Éthique à Eudème, L. II, 7, 1221 b 3 et Politique, L. V, 11, 1315 a 30.

[35] Marcel Conche (éd.), Héraclite. Fragments, coll. « Épiméthée », Paris, p.u.f., 1986, 21987, p. 353.

[36] John Locke, Quelques pensées sur l’éducation, trad. Gabriel Compayré, Paris, Vrin, 1992, p. 27.

[37] Un exemple est détaillé dans le livre du Dr Alain Sauteraud, Je ne peux pas m’arrêter de laver, vérifier, compter. Mieux vivre avec un TOC, coll. « Guides pour s’aider soi-même », Paris, Odile Jacob, 2002, p. 284-291. Pour le commentaire, cf. Pascal Ide, « La psychologie à la recherche de l’homme », p. 106-114.

[38] Roger Maurer, One more step can change your life. The kaizen way, New York, Workman Publishing Company, 2004 : Un petit pas peut changer votre vie. La voie du kaizen, trad. José Malfi, coll. « Le livre de poche », Paris, Anne Carrière, 2004. Pour une présentation détaillée et une évaluation, cf. Pascal Ide, Des ressources pour guérir, chap. 7.

[39] Cf. Juan J. Perez Soba et Oana Gotia, Il cammino della vita : l’educazione, una sfida per la morale, Roma, Lateran University Press, 2007 ; José Granados et Juan Antonio Granados, La alianza educativa. Introduccion al arte de vivir, Burgos, Monte Carmelo, 2009.

[40] Philippe Bordeyne, « L’horizon éthique de la liturgie », Coll., Les sacrements révélations de l’humanité de Dieu. Volume offert à Louis-Marie Chauvet, sous la dir. de Philippe Bordeyne et Bruce T. Morrill, trad. Jean-Pierre Bagot, coll. « Cogitatio Fidei » n° 263, Paris, Le Cerf, 2008, p. 165-183, ici p. 170-172, puis p. 178-183.

23.1.2020
 

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