Dieu comble-t-il mon cœur ? 3/3 (Billet du 13 mai 2020)

– C’est compliqué ! Si je vous comprends bien, la foi ne simplifie pas la vie, mais ajoute une dimension de plus.

– Je comprends votre réaction. On me rapportait l’exemple d’un catholique qui s’est converti au salafisme. Il expliquait ainsi sa démarche : « Être chrétien, c’est compliqué : il faut à la fois obéir aux dix commandements, aux lois de l’Église, aux lois de la société civile. Maintenant, tout est beaucoup plus simple. Pour être un bon musulman, il me suffit d’accomplir les cinq piliers de l’Islam ».

Mais j’ajouterai que, pour nous chrétiens, il y a encore plus simple : l’unique commandement de la charité. Car c’est elle qui éclaire et anime tout du dedans. Par exemple, c’est parce que nous aimons notre corps que nous le nourrissons bien (et allons perdre les deux kilos et demi pris pendant ces huit semaines !). Et ainsi avec toutes les autres dimensions de notre personne.

– Donc, pour revenir à ma question de départ : Dieu ne peut donc pas nous combler en cette vie ? Il me faut sortir de cette illusion !

– Oui, vous formulez les choses exactement. Ce n’est pas que Dieu ne veut pas, c’est qu’il ne peut pas. Je ne peux pas plus le voir sans mourir que mon œil ne peut regarder le Soleil en face sans devenir aveugle. En revanche, je ne parlerais pas d’une illusion, mais d’une aspiration : gardons précieusement ce désir d’être comblé, car c’est lui qui nous met en chemin. Un jour, très réellement, nous serons remplis au-delà même de ce que nous désirons et n’osons demander !

– Est-ce cela ce que l’on appelle « gérer le manque » ?

– Cette expression vient de la psychanalyse. Je la trouve discutable, car elle accorde trop de place au vide. Sans rentrer dans le détail, je préfère parler en positif (en plein !), de respecter les lois bonnes de la création que Dieu a voulues pour elles-mêmes. Ma responsabilité est de les connaître et d’en vivre. Encore une fois, Dieu ne nous ampute pas de notre humanité. Même Jésus enfant qui, Dieu et Fils de Dieu, stupéfie les docteurs de la Loi, a dû grandir et se fortifier en son humanité (cf. Lc 2,46-47.52).

– Merci, père ! Ce que vous m’avez dit, d’un côté, me déculpabilise et, de l’autre, me responsabilise. C’est exigeant, mais c’est libérant.

– Merci de votre retour ! Je dis parfois en souriant : sur votre table de nuit devraient se côtoyer un ouvrage de spiritualité, un livre de formation humaine et un volume sur la nature… Je vous laisse avec une image. La vie chrétienne, qui est intégrale, épouse la forme de la Croix : plus elle monte vers le Ciel (la relation à Dieu), plus elle doit être enracinée dans la Terre (la relation à soi-même) et plus elle doit, pour garder les proportions d’une Croix, élargir ses bras (la relation au prochain).

Pascal Ide

13.5.2020
 

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