Une intime conviction
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Pays:
Franco-belge
Thème (s):
Homme-Femme, Vérité
Date de sortie:
6 février 2019
Durée:
1 heures 50 minutes
Évaluation:
***
Directeur:
Antoine Raimbault
Acteurs:
Marina Foïs, Olivier Gourmet, Laurent Lucas
Age minimum:
Adultes et adolescents

Une intime conviction, drame français d’Antoine Raimbault, 2019. Avec Marina Foïs, Olivier Gourmet.

Thèmes

Vérité, homme-femme.

Ce film prenant n’est pas une enquête policière parallèle, ni même d’abord un film de procès, ni seulement une recherche sur la vérité. C’est un film sur la quête collective ou, mieux, convergente, de celle-ci.

 

Voilà pourquoi il met en scène un personnage principal, Nora, qui est fictif, alors que tous les autres ont effectivement participé au procès, et fait de son improbable collaboration avec Maître Dupond-Moretti, la clé non seulement de l’intrigue, mais de la recherche. Toutefois comment comprendre la relation, constamment au bord de la rupture, presque toujours conflictuelle, de cette jeune femme aussi têtue qu’attachante avec cet avocat aussi bourru qu’humain ? En demeurer à la tension dialectique ne suffit pas : du négatif, en tant que négatif, rien de positif ne sort.

En fait, la vérité, comme l’enfant, n’est jamais une œuvre solitaire ; elle se conçoit, s’enfante, bref, elle suppose une double origine, masculine et féminine (animus et anima, dirait Jung). Et l’un des paradoxes du film est que le principe masculin d’avènement de la vérité est joué par une femme et le principe féminin par un homme (de surcroît particulièrement viril)…

 

D’un côté, Nora est celle qui va constamment injecter de la vérité, apporter du nouveau à l’état brut et créatif (par exemple, en classant les dossiers par thèmes) ; celle qui a besoin qu’un autre reçoive la richesse de son apport, le métabolise et lui fasse porter du fruit ; celle qui relance constamment, sans se décourager ; celle qui a choisi la cause de la vérité au mépris même de sa sécurité professionnelle (belle scène où, sur l’ultimatum du patron de la brasserie, elle hésite un instant, puis choisit, résolument, la porte qui ouvre sur la lumière, c’est-à-dire la vérité, et sur l’extérieur, c’est-à-dire la liberté qui fait grandir).

De l’autre, Maître Éric Dupond-Moretti est celui qui ne sera mis en mouvement que par autre que lui, celui qui acceptera d’être aidé, fera des demandes explicites pour être enrichi d’autres données que celle qu’il perçoit ; celui qui a besoin de la sécurité d’une parole vraie et, lorsque Nora s’avèrera avoir menti (elle ne lui a pas dit qu’elle était jurée dans le premier procès), la rejettera parce qu’il sera incapable de faire la part des choses entre mensonge par omission et mensonge par intention de nuire, entre faute par faiblesse (la peur de sa réaction) et faute par malice (la volonté de manipuler) ; celui qui constamment garde présent le souci de la personne, en l’occurrence la dignité du présumé coupable (c’est lui et non pas elle, qui exprimera toute sa compassion pour le prévenu) ; celui qui aura la lucidité et le recul pour trier, dans la parole de Nora, ce qui relève du certain et du seulement possible (« Vous avez de l’imagination. Vous devriez écrire des romans policiers ») et plus encore, de discerner dans sa recherche de la vérité entre la passion et l’obsession, entre l’attention aux faits et l’intention haineuse (« Vous devenez comme le clan Durandet »), entre procès en vue d’innocenter Jacques Viguier et procès pour condamner Olivier Durandet.

Dès lors, à l’instar de la confrontation dramatique du témoin essentiel, la superbe plaidoirie finale devient, malgré l’apparence, le fruit mutuel, le bien commun d’une quête qui est enquête et conquête dans la complémentarité. Il serait aussi erroné de croire que la vérité est le résultat du seul avocat ou de sa seule « assistante » temporaire que de croire l’enfant conçu par le seul père (l’erreur machiste qui a dominé tant de siècles) ou enfanté par la seule mère (l’erreur féministe, symétrique et réactive, qui aujourd’hui domine jusqu’à alimenter les fantasmes d’ectogenèse). Seule l’action conjuguée (sinon conjugale, bien que le film n’explore, heureusement, jamais cette voie) en faveur de l’enfant qu’est la vérité (ne parle-t-on pas de concevoir une idée ?) premet de conjurer une double défiguration qui est aussi une double trahison : le masculin toxique de l’amant qui, dans ces 250 heures d’appels, cherche à trafiquer, influencer, manipuler, imposer sa conception de la vérité (qu’elle soit partiellement ou totalement fausse) ; le féminin toxique d’une cour, en particulier du président Richiardi (François Fehner), ou de l’officier de police qui consentent sciemment à se laisser ensemencer par l’apparence (cette caricature d’apparition) ou la rumeur (ce jumeau grimaçant de la communication), et oublient un principe cardinal du droit français : tant qu’un accusé n’est pas condamné, c’est-à-dire qu’aucune preuve n’établit sa responsabilité, il est présumé innocent.

 

Dès lors, le contenu même du film devient le symbole même de sa thèse. Le point de départ, nous avons tendance à l’oublier, réside dans la disparition d’une femme qui n’a jamais été retrouvée. Et cet enfouissement, auquel seul nous avons accès, est dû soit à l’auto-effacement de la personne elle-même, c’est-à-dire son retrait volontaire, soit à son hétéro-effacement (si je puis dire) par un criminel qui l’a assassinée et fait disparaître son corps de la plus sordide façon. Autrement dit, tout fait est un effet, la vérité est un mystère constitué d’une double strate : le fond et sa manifestation. Voilà pourquoi elle est l’œuvre commune d’un principe masculin et d’un principe féminin. En effet, essentiellement en chemin, le vrai doit passer du germe au fruit ; or, le masculin enfouit, c’est-à-dire donne et abandonne, cette semence qui est profondeur dans un autre que lui, le féminin ; et celui-ci, dans la patience du temps le porte à maturité, c’est-à-dire à manifestation jusqu’à ce que, à son tour, il donne et abandonne ce fruit décidément commun qu’est la vérité. C’est ce qu’atteste le procès. Certes, il demeure insatisfaisant, voire frustrant, puisqu’il laisse dans l’ombre la cause, donc la personne responsable de la disparition. Mais cette recherche est aussi inaboutie en son contenu qu’aboutie en sa dynamique.

Redisons-le, Une intime conviction ne filme pas d’abord un procès ou une enquête policière, mais, en sa pure essence, la quête de la vérité – cette vérité qui, enfouie dans le mystère des cœurs, ne se donne à voir que d’elle-même, c’est-à-dire en liberté.

Pascal Ide

Soupçonné du meurtre de sa femme, qui entretenait une relation adultérine avec Olivier Durandet (Philippe Uchan), Jacques Viguier (Laurent Lucas) est placé en détention provisoire, puis libéré. Un procès a lieu, en 2009. Mais, faute de preuves, de corps et d’aveux, Jacques Viguier qui, bipolaire, mutique, apparemment insensible, constitue l’accusé idéal, est acquitté. Se forment alors deux camps : ceux qui sont intimement convaincus de sa culpabilité et s’acharnent de toutes manières pour le faire accuser, au premier rang desquels le clan Durandet ; ceux qui croient en son innocence, à commencer par ses trois enfants et, plus encore, Nora (Marina Foïs) qui était jurée au premier procès Viguier. Or, malgré le non-lieu, le parquet fait appel, et le 2 mars 2010, un nouveau procès s’ouvre à Albi.

Cette femme célibataire ayant un enfant, travaillant dans une brasserie, décide alors de faire appel à un ténor du barreau, Maître Éric Dupond-Moretti (Olivier Gourmet), pour prendre la défense de Viguier lors de ce procès en appel. La vérité éclatera-t-elle enfin ? Viguier passera-t-il aux aveux ? À moins que Nora réunisse assez de preuves accablantes pour convaincre les jurés de la culpabilité de Durandet… Mais, d’abord, comment ces personnalités aussi antithétiques que l’eau et le feu, Nora et Éric, pourront-elles coopérer ?

 

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