« Que je me connaisse ! Que je te connaisse ! » (dimanche des Rameaux 2021)

Ce double évangile, des Rameaux et de la Passion, ne peut être commenté, il ne peut qu’être contemplé.

 

À quatorze ans, le futur bienheureux John Henry Newman lit avec plaisir des objections contre la foi. Mais l’année suivante, en octobre 1816, il reçoit une grande lumière intérieure, qui décida de sa première conversion : il y a « deux êtres, et seulement deux êtres dont l’évidence est absolue et lumineuse : moi-même et mon Créateur ». Il faisait écho à la parole d’un autre converti, quinze siècles auparavant, Augustin d’Hippone : « Que je me connaisse ! Que je te connaisse ! »

 

« Que je me connaisse ! » Jésus, quand je Te vois pendu au pied de la Croix, Toi l’Innocent, Toi qui seul es absolument et totalement innocent, je ne peux que reconnaître que c’est nos péchés, que c’est mon péché qui en est la cause. Oh, Tu vois combien je ne supporte pas de me reconnaître pécheur, combien je transforme aussitôt ma culpabilité en culpabilisation. Tu sais combien je suis tenté d’écouter l’Accusateur de nos frères. Tu sais combien je suis tenté de m’excuser et d’accuser l’autre, mon conjoint, mes proches, mes collègues, les institutions, voire de T’accuser Toi-même de ne rien faire dans ma vie et dans le monde. En adressant aux autres des reproches, Ta Croix me montre que je ne fais que projeter sur eux le mal qui me ronge. Je suis Judas qui Te trahit par cupidité, les apôtres qui s’enfuient par lâcheté, les grands prêtres et les scribes qui Te jalousent par orgueil, les gardes qui se moquent et Te battent avec violence, la foule versatile qui T’acclame par utilité, puis te rejette par complicité.

Mais, en te contemplant calomnié, frappé, flagellé, crucifié, je découvre aussi que Tu as pris ma place. Tu as consenti à la souffrance inouïe de Ton supplice et à la mort, pour que, moi, j’ai la vie, je reçoive Ta vie. Si ma misère m’accable, Ta miséricorde me redresse. Si la vue de mes péchés, de mes nombreux péchés, répétitifs et honteux, me remplit de tristesse, l’écoute de Ton pardon me comble d’espérance.

 

« Que je te connaisse ! » Jésus, quand je Te suis depuis Ton entrée glorieuse dans Jérusalem jusqu’à Ta sortie ignominieuse hors de Ta ville, Tu me révèles encore davantage qui Tu es ! Tu me montres que Tu m’as aimé et T’es livré pour moi. Tu m’apprends ce que c’est qu’aimer, qu’aimer, c’est se donner et se donner « jusqu’à l’extrême ». Tu me montres qu’il est pécheur de me venger et divin de pardonner. Tu ne me donnes pas seulement un exemple de patience, d’humilité, de charité. Beaucoup plus profondément, Tu me montres que Tu t’es substitué à moi. Tu me dévoiles qu’aimer, c’est aller jusqu’à être livré pour l’autre. Et en T’exposant sur la Croix, Tu m’exposes Ton plus intime mystère. En mourant entre les mains des pécheurs, en paraissant impuissant, Tu m’apprends ce qu’est Ta vraie puissance : aimer alors que nous ne sommes plus aimables. En me montrant comment Tu agis et comme Tu pâtis, Tu me dis ce que Tu es : l’Amour qui jamais n’éteint la mèche qui fume. Et en me disant qui Tu es, Toi le Fils éternel, Tu me dis qui est Ton Père, riche en miséricorde.

Et là encore, en Te révélant, Tu me donnes la plus formidable leçon d’espérance. Tu me montres que, dans la plus apparente défaite germe la plus éclatante victoire. En pardonnant à Tes ennemis, Tu transformes la violence en pardon. En ressuscitant, Tu transformes la mort en vie. À la Sainte Cène, Tu transformes le pain dans Ton corps et, merveille plus admirable encore, à chaque communion, si nous y consentons, Tu transformes mon cœur de pierre en cœur de chair et la masse des hommes en Ton propre Corps qui est l’Église.

 

Esprit-Saint, nous T’en supplions, fais nous entrer dans cette sainte Semaine Sainte avec un cœur ardent. Que nous la vivions cette année avec une particulière intensité. Convertis-nous pour que, ainsi rénovés, nous contribuions au renouvellement de ce monde.

Pascal Ide

28.3.2021
 

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