Pour une métaphysique de l’être en son analogie (recension)

FLOUCAT Y., Pour une métaphysique de l’être en son analogie. De Heidegger à Thomas d’Aquin, Paris- Perpignan, Lethielleux, 2016. Parue dans la Nouvelle revue théologique (NRT) Tome 139 (2017) n° 3, p. 501-502.

L’ouvrage de l’ancien prof. à la Fac. de philosophie de l’Inst. cath. de Toulouse porte sur la matière qu’il y a enseignée, la métaphysique, et sur un thème qui lui est cher, l’analogie de l’être. Il part d’une question technique interne à l’Ecole : l’analogie de l’être est-elle d’abord une analogie de proportionnalité, à quatre termes (Cajetan, Maritain, etc.) ou une analogie d’attribution (ou de proportion, à trois termes : Montagnes, Gilson, etc.) ? Il reprend le dossier historico-doctrinal instruit par Bernard Montagnes, dans sa thèse décisive de 1965 (rééditée en 2008), et en épouse pleinement la proposition : après avoir adhéré au primat de l’analogie de proportionnalité, Thomas l’abandonne, à cause du péril d’univocité qu’elle fait courir à la relation entre Dieu et la créature (la saisie de la proportionnalité suppose un concept englobant qui fait franchir la différence du fini à l’infini), et lui préfère l’analogie d’attribution qui maximise la distance sans pour autant la rendre équivoque.

L’originalité d’Yves Floucat est, après une prise de position sur l’onto-théologie heideggérienne (1re partie), de convoquer l’enseignement du père Courtes relatif à la primauté du principe de non-contradiction versus celle du principe d’identité (2e partie). Il peut alors proposer sa démarche qui fonde doublement l’analogie d’attribution, au plan prédicamental, sur la relation substance-accident, et au plan transcendantal, sur l’aliquid, c.-à-d. sur la différence entre l’un et l’autre (3e partie). Composé de trois articles et d’une préface, l’ouvrage, entièrement refondu, n’en est pas moins assez unifié. L’on retrouve les maîtres qui inspirent la pensée d’Yves Floucat -Jacques Maritain, à l’égard de qui il prend une heureuse distance sur la question de l’analogie, et les trop méconnus André de Muralt et Heinz R. Schmitz -, et les thèmes qui lui importent – la mystique d’immanence, comme clé de lecture notamment de la modernité, l’importance du transcendantal aliquid, etc. La lecture de ce dense ouvrage de métaphysique est roborative, la thèse salutaire. Un (petit) regret : que ne soit pas convoquée la référence à la « major dissimilitudo » affirmée par le concile de Latran IV (Dz 804), qui résume si bien la doctrine de Thomas et qu’il n’a pu ignorer. A quand une étude sur la place de cette parole magistérielle dans la métaphysique thomiste ? – P. Ide

22.8.2020
 

Les commentaires sont fermés.