« Pour moi, tu l’as fait ! » (dimanche des Rameaux, dimanche 10 avril 2022)

Quelle étrange liturgie ! Une seule fois dans l’année, nous entendons deux fois l’évangile. Et l’on ne peut imaginer contraste plus grand que ces deux récits. Le premier, au début de la messe, narre le triomphe de Jésus entrant dans Jérusalem acclamé par la foule et la joie sans réserve des Apôtres qui saluent le Roi-Messie par leur « Hosanna ! ». Le second, proclamé au centre de la célébration, raconte le drame inouï de la Passion où l’Innocent est crucifié pour nos péchés.

Le christianisme est incompréhensible sans ces deux volets : les mystères douloureux et les mystères glorieux. Autrefois, nous insistions peut-être trop sur les premiers. Je lisais ce matin les méditations de Bossuet sur la Semaine Sainte et j’étais frappé par son insistance sur la mort à soi-même à la suite du Christ pour nous. Aujourd’hui, assurément, nous ne parlons plus que de la joie devenue plaisir et avons converti la moindre souffrance en frustration insupportable.

Dans son exhortation sur la joie chrétienne, saint Paul VI joint les deux faces, sombres et lumineuses, et en fait un chemin : « Per Crucem ad lucem : Par la Croix vers la lumière ». Si nous voulons accéder à la Résurrection, il nous faudra passer par où Jésus lui-même nous a précédés, la Passion. « Si nous sommes passés par la mort avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui » (Rm 6,8) ; « Voici une parole digne de foi : Si nous sommes morts avec lui, avec lui nous vivrons. Si nous supportons l’épreuve, avec lui nous règnerons » (2 Ti 2,11-12). L’on demandait à la première femme qui avait grimpé sur l’Éverest comment elle avait accompli son exploit : « Si je n’étais descendue aussi bas, je ne serais pas montée aussi haut ».

Il ne s’agit pas de s’inventer des croix. Aucun de nous, les plus jeunes comme les plus chenus, ne les ignore. Sans rien dire de notre monde, ensanglanté par la guerre, et de notre pays, déchiré par l’incertitude des élections. Mais il s’agit de les vivre avec Jésus.

Comment ? En levant les yeux vers celui que mon péché a cloué sur la Croix. Nous entendions tout à l’heure : « Toute la foule des gens qui s’étaient rassemblés pour ce spectacle, observant ce qui se passait, s’en retournaient en se frappant la poitrine » (Lc 23,48). C’est parce qu’elles ont contemplé le « spectacle » (c’est le mot utilisé !) de l’Amour crucifié que les foules « se frappaient la poitrine », c’est-à-dire se sont converties.

Ce matin aussi, j’écoutais le chant de Glorious : « Pour moi, tu l’as fait » Et, en entendant cette parole : « Je sais que pour moi tu l’as fait ! », j’étais ému aux larmes. Même si j’avais été seul au monde à pécher, le Père aurait envoyé son Fils pour me sauver. Est-ce que je le crois ? Et si je le crois, qu’est-ce que je ressens au plus intime de moi ?

Entrons dans cette Semaine Sainte avec un cœur vibrant d’espérance et brûlant de charité. Ou plutôt, demandons-en la grâce, par Marie, les yeux fixés sur Jésus. Alors, je vous le promets, la joie de notre Résurrection dépassera toutes nos attentes !

Pascal Ide

10.4.2022
 

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