Penser le don avec Marcel Mauss (recension)

Penser le don avec Marcel Mauss

Olivier Masclef
Philosophie – Recenseur : Pascal Ide

NRT 141-2 (2019)

Chercheur et professeur en gestion et management, l’A. est aussi un spécialiste du don dans nos sociétés actuelles. Il n’hésite pas à remonter à la source de la pensée sociale sur le don : le fameux essai sur le don, publié par l’anthropologue Marcel Mauss en 1923-1924, non sans convoquer ses autres articles, souvent méconnus, sur le sujet. Cet essai, paradoxalement autant cité que peu lu, foisonnant, mais complexe et à la limite du contradictoire, il propose de le lire pour lui-même, pour en faire jaillir les intuitions premières. Osant lui appliquer une classification qui lui est étrangère, je dirais que l’A. parcourt successivement les quatre causes du don : sa cause matérielle, les hommes et les choses (chap. 1), sa cause formelle qui est le ciment social (chap. 2) dans ses trois moments : donner, recevoir, rendre (chap. 3), sa cause efficiente qui est la contrainte normée (chap. 4) et sa finalité qui est le fait social total (chap. 5). Partant de cette analyse des sociétés premières, Mauss étend ce modèle à notre société actuelle, qui privilégie l’échange marchand au don (chap. 6), voire rêve d’une société où le don retrouverait sa place (chap. 7).
L’on attendait depuis longtemps un ouvrage qui « pense » le don maussien en lui-même, sans le surcharger voire le déformer de ses interprétations structuralistes (Claude Lévi-Strauss en tête), sans l’enrôler dans le paradigme de l’anti-utilitarisme (Alain Caillé et Jacques Godbout), sans élimer son nécessitarisme (Bruno Karsenti). Dans un exposé limpide, pédagogique, émaillé de citations de bon aloi, l’A. nous offre l’exemple rare d’une érudition qui se fait oublier, non sans interroger la tache aveugle de l’édifice maussien (quid du don originaire ?) et le caractère nécessaire du don, non sans se donner (sic !) la liberté, mais seulement en conclusion, de montrer que le retour à « la magie du don archaïque » suggéré par Mauss est une « voie sans issue » (p. 127) et surtout non sans suggérer que, dans la société actuelle, la piste est ouverte pour « une « nouvelle » théorie du don » (p. 129) qui, articulée à la présence « de l’obligatoire, de la contrainte et de l’intérêt » (p. 126), ferait pleinement droit à un don enfin « libre », « désintéressé » et « vrai » (p. 125). – P. Ide

7.8.2022
 

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