Les quatre temps du care ou la prudence de l’amour

Les théories du care développent au fond une forme de rationalité pratique, d’intelligence tournée vers l’autre, vers la sensibilité. Notamment ces théories se sont affrontées au problème permanent posé par les personnes polyhandicapées, par exemple les enfants : faut-il « choisir entre sa liberté et le bien-être de son enfant, entre le sacrifice de soi et le sacrifice de l’autre » ? Autrement dit, le danger permanent de toute relation dissymétrique est que celui qui aide nie la liberté au nom du bien. Concrètement, cela se traduit par deux faits : faire le bien de l’autre, que l’autre le veuille ou non ; s’arroger le droit de définir les besoins d’autrui.

Pour répondre à cette difficulté cruciale, Joan Tronto distingue quatre étapes dans le care :

  1. La première est le caring about, « se soucier de » : identifier les besoins spécifiques de la personne.
  2. La deuxième est le taking care of, « s’occuper de » : ayant cerné les finalités, les stratégies globales, il s’agit de déterminer les moyens, démarches concrètes permettant à la personne de profiter du soin.
  3. La troisième est le care giving, « prendre soin », littéralement « donnant le soin » : mise en œuvre de gestes concrets, appliquant les objectifs concrets, avec compétence.
  4. La quatrième est le care receiving, littéralement « recevant le soin » : l’assurance que le soin a été effectué, reçu et apporte le bénéfice escompté [1].

Ainsi qu’on le constate, toute cette démarche implique le soignant, mais aussi le soigné, fait de celui-ci un acteur à part entière du soin. La double autonomie de l’aidant ou du soignant, mais aussi de l’aidé ou du soigné, est prise en compte.

Pascal Ide

[1] Cité par Corine Pelluchon, Éléments pour une éthique de la vulnérabilité. Les hommes, les animaux, la nature, coll. « Humanités », Paris, Le Cerf, 2011, p. 285.

28.2.2025
 

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