L’enracinement de la liberté en Dieu. Une interprétation de la Légende du Grand Inquisiteur

« La créature sans Créateur s’évanouit […]. L’oubli de Dieu rend opaque la créature elle-même [1] ».

1) Introduction

Commentant la légende du Grand Inquisiteur, Nicolas Berdaiev note :

 

« Dans les trois épreuves repoussées par le Christ est prédite toute la future histoire de l’humanité ; ce sont les trois formes dans lesquelles se réconcilient toutes les contradictions historiques insolubles de la nature humaine sur la terre. C’est au nom de la liberté de l’esprit humain que le Christ a écarté les tentations, ne voulant pas que l’esprit humain fut gagné par le pain, le miracle et le royaume terrestre. Le Grand Inquisiteur, au contraire, accueille ces trois tentations au nom du bonheur et de l’apaisement des hommes. […]. La victoire des trois tentations marquerait définitivement l’apaisement de l’homme sur la terre. […] Le système du Grand Inquisiteur résout toutes les questions d’une organisation humaine terrestre [2] ».

 

La liberté n’est pas seulement une donnée, elle est un don, voire le plus grand don de Dieu. Par conséquent, nier l’existence du Donateur divin, c’est tôt ou tard nier la spécificité, l’originalité du don humain et effacer la liberté elle-même. On peut le montrer de multiples manières. Par l’histoire : le siècle dernier qui fut le plus destructeur de l’histoire humaine est aussi celui des idéologies athées militantes que furent le nazisme et le communisme. Par la philosophie.

La littérature l’a mis en scène, et parfois de manière prophétique. Donc dans le genre de la fable utopique. Le plus profond et plus lucide observateur de cette logique proprement luciférienne est sans doute Dostoïevski. En effet, une de ses intuitions les plus radicales est que l’humanité qui se coupe de Dieu se détruit elle-même. Nier sa source, c’est se nier soi-même [3].

L’athéisme se présente, pour Dostoïevski, sous la figure du socialisme et il la symbolise par l’événement biblique de la Tour de Babel (Gn 11) : « Le socialisme, ce n’est pas seulement la question ouvrière, ou celle du quatrième état : c’est avant tout la question de l’athéisme, de son incarnation contemporaine ; c’est la question de la Tour de Bable, qui se construit sans Dieu, non pour atteindre les cieux depuis la terre, mais pour abaisser les cieux jusqu’à la terre [4] ». Notons tout de suite que Dostoïevski est beaucoup trop créatif pour être réactif : il ne condamne pas le socialisme pour faire le jeu de l’esprit bourgeois [5].

Nous considérerons brièvement ce thème de l’humanisme athée au sein de quelques romans (2), avant de nous concentrer sur la légende du Grand Inquisiteur (3) et d’en trouver son enracinement dans la vie même de son auteur (4) et de conclure (5).

2) Le drame de l’athéisme dans les autres œuvres de Dostoïevski

Cette thématique est au cœur de trois de ses romans, écrites à des périodes différentes.

a) Les Possédés

Les socialistes russes révolutionnaires sont athées. Ils veulent anéantir Dieu et donc tout ce qui, en l’homme, rappelle Dieu. Or, c’est par son origine transcendante et sa finalité surnaturelle que l’homme s’enracine en Dieu. Il faut donc nier les dons originaire et destinal. Mais Dostoïevski va plus loin. Ici, nous en restons à la critique apologétique des manuels de théologie fondamentale. Sa réflexion ou plutôt sa vision porte sur la conséquence imprévue par les socialistes, voire destructrice de leur dessein : que devient le don intermédiaire, le don de la liberté, lorsque se trouve sapées sa fondation et sa destination ? Autrement dit : un homme affranchi de Dieu devient-il libre ? Laissons la réponse à Chigalev. Verkhonvenski réunit divers conjurés. Chigalev, le seul théoricien de la conjuration, a réfléchi. Tout se résume en une phrase : « Parti de la liberté illimitée, j’ai abouti au despotisme illimité ». En effet, l’inventeur de système social, s’il est réaliste et non pas utopiste, sait bien que, si l’on veut rendre heureux l’homme, il faut lui imposer ce bonheur. Il faut diviser l’humanité en deux parts, un dixième exerçant sur les neuf dixièmes restant une autorité absolue. Certes, on pourrait les exterminer, afin de vivre entre personnes instruites capables d’être heureuses ; mais c’est difficile à mettre en pratique ! Et Chigalev de conclure : « rien ne peut remplacer le système exposé dans mon livre et il n’y a pas d’autre issue ; on ne trouvera rien d’autre [6] ».

b) L’Adolescent

Dans ce roman, Dostoïevski, une nouvelle fois, met en scène le rêve humain d’une société d’où Dieu serait éliminé. Dieu est chassé, au nom, me semble-t-il, de la liberté, si l’on en croit la révolte de Dolgorouki, le héros adolescent [7], donc par refus du don originaire : « la grande source d’énergie qui jusqu’ici les [les hommes] a alimenté et réchauffés s’est retirée ». L’après-Dieu est le temps de la solitude de l’homme : « l’accalmie est venue et les hommes sont demeurés seuls, comme ils le voulaient ». Or, cette solitude est celle du « grand abandon d’orphelins ». Mais l’abandon appelle la présence. La seule sur laquelle l’homme puisse désormais compter est celle des autres hommes. Et à quoi assiste-t-on ? A un rapprochement des hommes sous le ciel vide ? L’homme enfin débarrassé de Dieu se serre-t-il contre son frère, cherche-t-il à le servir et à le consoler ? Versilov, fils de Dolgorouki, se prend à rêver de cette fraternité universelle. Mais aussitôt, il ajoute qu’il s’agit d’une fantaisie « des plus invraisemblables [8] ».

c) Crime et Châtiment

Ce dernier roman confirme que l’homme devenu orphelin de Dieu se retrouve terriblement seul. Songeons au rêve visionnaire de Raskolnikov à l’hôpital du bagne [9].

3) Le drame de l’athéisme dans la Légende du Grand Inquisiteur

Venons-en maintenant au texte clé qui manifeste au mieux le drame de l’humanisme athée. Ce schéma reste encore très politique et manque de réflexion sur le contenu et surtout sur les fondements ultimes, anthropologiques. C’est les Frères Karamazov qui va pousser la réflexion à l’extrême dans cet immense texte que l’on appelle souvent « Légende du Grand Inquisiteur » et que le roman intitule « Le Grand Inquisiteur ».

Nous ne dirons rien du reste de cet immense roman. Rappelons seulement que les trois frères Karamazov sont aussi comme trois facettes anthropologiques : Dimitri, les passions ; Ivan, la raison opératoire, c’est-à-dire les froids calculs ; Aliocha la foi qui sauve. Les deux premiers seront châtiés par l’État et par Dieu.

Rappelons le contexte. Après sa fameuse tirade sur l’impossibilité de l’existence de Dieu dans un monde où les innocents sont déchirés, Ivan Karamazov continue à prendre la parole. Il s’adresse à son frère le doux Aliocha et lui dit un poème de son invention qu’il appelle « Le Grand Inquisiteur » [10]. Dostoïevski voulait faire de ce texte le prologue du livre sur le Christ qu’il n’a jamais écrit. En tout cas, ce formidable texte théologique continue à éclairer toute son œuvre [11].

a) Questions sur le texte

Voici une possible grille de questions pour qui souhaiterait étudier théologiquement ce texte.

  1. Qui est le Grand Inquisiteur ?
  2. Résumer en une phrase son intention.
  3. Le Grand Inquisiteur veut-il le bonheur de l’homme ? Et le Christ.
  4. Quels sont les trois moyens que le Grand Inquisiteur met en œuvre ? Nommez-les par un mot, avant d’entrer dans le détail.
  5. Quelle est l’intention profonde du texte ?
  6. Que nous dit-il de la liberté ?

b) Exposé du texte

Nous sommes au xvie siècle, à Séville. Le Christ décide de revenir sur Terre pour se montrer aux plus démunis, pécheurs mais l’aimant naïvement. Il revient dans la même forme humaine que celle de sa vie publique. Le peuple se presse. De Jésus émane Amour et Lumière. Il guérit, voire il ressuscite. « A ce moment passe sur la place le cardinal Grand Inquisiteur [12] ». Cet homme de quatre vingt dix ans a tout vu, fait arrêter et enfermer le Christ. Puis il vient longuement lui parler dans son cachot, lui annonçant qu’il le brûlera le lendemain. Jésus écoute, sans dire un mot. Alors, « l’inquisiteur révèle enfin sa pensée, dévoile ce qu’il a tu durant toute sa carrière [13] ». Cette pensée est à la fois négative, critique, et positive, programmatique.

En négatif, il reproche au Christ une chose, une seule. Laquelle ? Non pas d’exister, non pas le salut. Une chose : d’avoir voulu rendre l’homme libre !

En positif, le Grand Inquisiteur a un programme : rendre l’homme heureux. Or, la liberté empêche le bonheur. Toute la dialectique se résume en cette phrase : « Il se vante d’avoir, lui et les siens, supprimé la liberté, dans le dessein de rendre les hommes heureux [14] ». Mais pourquoi la liberté s’oppose-t-elle au bonheur ? Et comment faire advenir le bonheur ? L’inquisiteur répond : en écoutant celui qui a conseillé Jésus. Aliocha demande : Qui ? « L’Esprit terrible et profond, l’Esprit de la destruction et du néant t’a parlé dans le désert », répond le Grand Inquisiteur par la bouche d’Ivan. Le chemin du bonheur est, pour Ivan, le contenu de la triple tentation luciférienne. « Car elles résument et prédisent en même temps toute l’histoire ultérieure de l’humanité ; ce sont les trois formes où se cristallisent toutes les contradictions insolubles de la nature humaine [15] ». Et de détailler, opposant d’un côté le bonheur proposé par « le puissant Esprit » et de l’autre la liberté que défend Jésus. Autrement dit, pour être heureux, il faut poursuivre les trois biens célébrés par les trois tentations : pain, paix et pouvoir, et ainsi renoncer à la liberté. Pourquoi ? Entrons dans le détail de ces deux propositions : le bonheur s’identifie à l’objet des trois tentations ; celui-ci, autant que d’être une perte de Dieu, est une perte de la liberté humaine.

Première tentation : l’Esprit propose le pain ; Jésus répond non : « tu n’as pas voulu priver l’homme de la liberté, et tu as refusé, estimant qu’elle était incompatible avec l’obéissance achetée par des pains [16] ». D’abord, car les hommes sont affamés, ont besoin de pain. Or, « jamais ils ne sauront le répartir entre eux [17] ». Voilà pourquoi il faut instituer un pouvoir fort pour garantir la distribution du pain. De plus, le Christ demande de préférer le pain du ciel au pain de la terre. Or, cette option est élitiste, argument qui reviendra souvent dans la bouche d’Ivan : « des dizaines de milliers d’âmes te suivront à cause de ce pain, mais que deviendront les millions et les milliards qui n’auront pas le courage de préférer le pain du ciel à celui de la terre [18] ? » Ensuite et surtout, « il n’y a pour l’homme, demeuré libre, de souci plus constant, plus cuisant que de chercher un être devant qui s’incliner ». Pour le Grand Inquisiteur, c’est un fait universel : « il en sera ainsi jusqu’à la fin du monde, même lorsque les dieux auront disparu ; on se prosternera devant les idoles ». Or, « le pain te garantissait le succès ; l’homme s’incline devant qui le donne [19] ».

 

« Rappelle-toi la première question, le sens sinon la teneur : tu veux aller au monde les mains vides, en prêchant aux hommes une liberté que leur sottise et leur ignominie naturelles les empêchent de comprendre, une liberté qui leur fait peur, car il n’y a et il n’y a jamais rien eu de plus intolérable pour l’homme et la société ! Tu vois ces pierres dans ce désert aride ? Change-les en pains, et l’humanité accourra sur tes pas, tel qu’un troupeau docile et reconnaissant, tremblant pourtant que ta main se retire et qu’ils n’aient plus de pain.

« Mais tu n’as pas voulu priver l’homme de la liberté, et tu as refusé, estimant qu’elle était incompatible avec l’obéissance achetée par des pains. Tu as répliqué que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais sais-tu qu’au nom de ce pain terrestre, l’Esprit de la terre s’insurgera contre toi, luttera et te vaincra, que tous les suivront en s’écriant : ‘Qui est semblable à cette bête, elle nous a donné le feu du ciel ?’. Des siècles passeront et l’humanité proclamera par la bouche de ses savants et de ses sages qu’il n’y a pas de crimes et, par conséquent, pas de péché ; qu’il n’y a que des affamés. ‘Nourris-les, et alors exige d’eux qu’ils soient ‘vertueux’ ! […]’ […] Aucune science ne leur donnera du pain, tant qu’ils demeureront libres, mais ils finiront par la déposer à nos pieds, cette liberté, en disant : «Réduisez-nous plutôt en servitude, mais nourrissez-nous.» Ils comprendront enfin que la liberté est inconciliable avec le pain de la terre à discrétion, parce que jamais ils ne sauront le répartir entre eux ! Tu leurs promettais le pain du ciel ; encore un coup, est-il comparable à celui de la terre aux yeux de la faible race humaine, éternellement ingrate et dépravée ? Des milliers et des dizaines de milliers d’âmes te suivront à cause de ce pain, mais que deviendront les millions et les milliards qui n’auront pas le courage de préférer le pain du ciel à celui de la terre ? Ne chérirais-tu que les grands et les forts, à qui les autres, la multitude innombrable, qui est faible mais qui t’aime, ne servirait que de matière exploitable ? Ils nous sont chers aussi, les êtres faibles. […] Tel est le sens de la première question qui t’a été posée dans le désert, et voilà ce que tu as repoussé au nom de la liberté, que tu mettais au-dessus de tout. Pourtant elle recelait le secret du monde. En consentant au miracle des pains, tu aurais calmé l’éternelle inquiétude de l’humanité – individus et collectivité – savoir : ‘devant qui s’incliner ?’ Car il n’y a pas pour l’homme, demeuré libre, de souci plus constant, plus cuisant que de chercher un être devant qui s’incliner […] un être à qui déléguer ce don de la liberté que le malheureux apporte en naissant. Mais pour disposer de la liberté des hommes, il faut leur donner la paix de la conscience. Le pain te garantissait le succès ; l’homme s’incline devant qui le donne, car c’est une chose incontestée [20] ».

 

Deuxième tentation : ici, le choix se fait non entre le pain et la liberté, mais entre la paix et la liberté. Pour le Christ, seule compte la liberté ; et le Grand Inquisiteur en donne la raison ultime avec une lucidité absolue : « Tu voulais être librement aimé, volontairement suivi par des hommes charmés ». De plus, « l’homme devait, d’un cœur libre, discerner le bien et le mal [21] ». En regard, le Grand Inquisiteur veut libérer l’homme de « ce fardeau terrible ». Car il n’y a « rien de plus séduisant » que d’être libre, « mais aussi rien de plus douloureux ». La raison, là encore, est la faiblesse de l’homme : « les hommes, race faible et révoltée, ne sont pas des dieux [22] ! » ; « Je le jure, l’homme est plus faible et plus vil que tu ne pensais. […] Tu as trop exigé de lui, toi pourtant qui l’aimais plus que toi-même ! En l’estimant moins, tu lui aurais imposé un fardeau plus léger, plus en rapport avec ton amour. Il est faible et lâche [23] ». À quoi il faut encore ajouter l’argument quantitatif de l’élitisme : « tu peux être fier de ces enfants de liberté, du libre amour » que sont les martyres dont parle l’Apocalypse ; mais « ils n’étaient que quelques milliers, et presque des dieux […] N’es-tu vraiment venu que pour les élus [24] ? » Or, décharger l’homme du poids de la liberté, c’est lui donner une autorité à laquelle le soumettre. Et le miracle manifeste la puissance de l’autorité. Voilà pourquoi Jésus a repoussé la tentation de l’autorité et du miracle que lui proposait l’Esprit terrible.

Dernière tentation : ici le choix se fait entre la liberté et le pouvoir. Pour être heureux, explique le Grand Inquisiteur démoniaque, il faut choisir le pouvoir ; mais là encore, la grande perdante est la liberté. En effet, « le besoin de l’union universelle est le troisième et dernier tourment de la race humaine ». L’homme a besoin de vivre dans une « fourmilière [25] ». Or, comme le montrent les conquérants de tous les temps, à commencer par César, cette union n’est possible que sous la houlette d’un César. Voilà pourquoi, pour être heureux, l’homme doit remettre/soumettre sa liberté entre les mains d’un maître. Là encore, seule une minorité peut se passer de ce pouvoir, mais les autres, la majorité, en ont intensément besoin : « c’est un bonheur médiocre de parvenir à la liberté parfaite, quand des millions de créatures demeurent toujours disgraciées, trop faibles pour user de leur liberté [26] ».

Passons le fait, historiquement situé que, pour Dostoïevski, ce pouvoir s’identifie à « Rome, et encore pas tout entière », aux « pires éléments du catholicisme, les inquisiteurs, les Jésuites [27] ! » C’est l’Eglise catholique dont le Grand Inquisiteur est la figure emblématique, qui a trahi Jésus. C’est elle qui profite du pouvoir que lui-même lui a donné pour en détourner le sens, ou plutôt, selon l’interprétation de l’inquisiteur, corriger son œuvre.

Enfin, il y a un épilogue. Le cardinal inquisiteur finit en annonçant au Christ non pas qu’il le fera brûler qu’il le brûlera le lendemain. Le Captif regarde le Grand Inquisiteur sans rien dire, doucement ; et celui-ci ne supporte pas. Et, soudain, le Prisonnier se lève et baise les « lèvres exsangues » du nonagénaire. Celui-ci, profondément remué, ouvre la porte et lui dit de ne plus revenir. Le Christ s’en va [28].

c) Interprétations

Le Grand Inquisiteur est possiblement le général des jésuites. Mais le sens déborde largement la polémique anticatholique.

Comme les plus grands textes littéraires, ce texte est susceptible d’une pluralité de significations. Mais existe-t-il un commentaire unique rassemblant les différents aspects du texte ? De toute manière, si l’on pouvait en faire un exposé unifié, conceptuellement unifiant, nous ne serions pas face à un texte littéraire : l’intuition créatrice déborde nécessairement toute notionalisation.

Ce Grand Inquisiteur qui est la voix du démon, dont la légende est inventée par Ivan, interprète pour nous les tentations du démon au désert. En un mot, l’Esprit de ténèbres demandait au Christ d’être raisonnable. L’Inquisiteur reproche à Jésus d’avoir idéalisé l’homme et d’avoir été trop sublime : « tu te faisais une trop haute idée des hommes, car ce sont des esclaves […]. L’homme est plus faible et plus vil que tu ne le pensais. Peut-il, peut-il accomplir la même chose que toi ? La grande estime que tu avais pour lui a fait tort à la pitié. Tu as trop exigé de lui, toi pourtant qui l’aimais plus que toi-même ! En l’estimant moins, tu lui aurais imposé un fardeau plus léger, plus en rapport avec ton amour. Il est faible et lâche [29] ». Voilà pourquoi, explique-t-il, dans la religion corrigée qu’il propose, « nous leur permettrons même de pécher, car ils son faibles, età cause de cela, ils nous aimeront comme des enfants. Nous leur dirons que tout péché sera racheté, s’il est commis avec notre permission ; c’est par amour que nous leur permettrons de pécher et nous en prendrons la peine sur nous [30] ». Les hommes abdiquent ainsi leur responsabilité. Dans ces paroles d’une terrible actualité, Dostoïewski anticipe la réduction du moral au légal que notre occident actuel, en mal de repères, vit jour après jour.

Au fond, le Grand Inquisiteur reproche à Dieu d’avoir créé l’homme libre et d’avoir voulu à nouveau le libérer après son péché [31] : or, « il n’y a pas pour l’homme, demeuré libre, de souci plus constant, plus cuisant que de chercher un être devant qui s’incliner [32] ». C’est donc bien la dignité même de l’homme qui est en jeu : « l’homme préfère la paix et même la mort à la liberté de discerner le bien et le mal [33] »

La tentation est d’autant plus redoutable qu’elle ne se fonde pas sur la seule considération de l’homme tel qu’il est, mais aussi sur une prétendue miséricorde divine : « N’était-ce pas aimer l’humanité que de comprendre sa faiblesse, d’alléger son fardeau avec amour, de tolérer même le péché à sa faible nature, pourvu que ce fût avec notre permission [34] ? » Et le fin du fin, avec la troisième tentation, est de montrer que le Grand Inquisiteur défend cette vérité au prix de sa propre vie [35]. Mais alors qu’il donne son « repos à tous », le Christ, lui, ne regroupe qu’une poignée, une « élite » d’« élus [36] ».

Nous retrouvons ici le matériau de toutes les révoltes de l’homme contre Dieu. Mais le pire et le plus subtil est bien d’avoir refusé « la cause insensée [37] » de la Croix. Il s’agit juste de leur donner « un bonheur doux et humble, un bonheur adapté à de faibles créatures ». Et, il tue toute magnanimité et étouffe tout désir théologal au nom du : « Nous les persuaderons, enfin, de ne pas s’enorgueillir [38] ».

Aliocha ne saura pas répondre à son frère Ivan ; il fera mieux ; il l’embrassera avec le même amour que celui que le Juste a eu pour le Grand Inquisiteur. C’est cette certitude d’être aimé de son frère qui empêche Ivan de sombrer dans la désespérance la plus noire, la plus suicidaire ou assassine.

 

La littérature a ainsi anticipé tout ce que les maîtres du soupçon diront un jour. Le démon est le premier soupçonneur, comme d’autres l’ont déjà dit. Ivan ne remarque-t-il pas, à propos des trois tentations, que « ce sont les trois formes où se cristallisent toutes les contradictions insolubles de la nature humaine [39] » ?

4) Enracinement dans la vie de Dostoïevski

On peut distinguer trois étapes dans la vie de l’auteur des Frères Karamazov [40].

a) Dostoïevski le romantique

La jeunesse de Dostoïevski fut bercée par Lord Byron. À 23 ans, il renonce à la carrière d’ingénieur pour devenir écrivain. Son premier roman sera Les nuits blanches.

b) Dostoïevski le socialiste

Dostoïevski sympathisera avec les socialistes. En effet, si le tsar Alexandre Ier a gagné contre Napoléon, les idées de la Révolution Française ont pénétré en Russie. Dostoïevski étudie de près la France, lit Fourrier et Proudhon.

Bien qu’il demeure un solitaire notoire, il sera arrêté et enfermé dans les cachots humides de la Forteresse Pierre et Paul durant huit mois. Le jeune écrivain de vingt huit ans se défend. On lui reproche d’avoir lu en public une lettre de Gogol. Néanmoins, il n’aspire pas à la République. Pour lui, il faut une autorité centrale ; la révolution n’est pas souhaitable.

Et la nouvelle tombe, en 1849 : le tsar a condamné à mort les membres du cercle socialistes arrêtés. Fedor décrit dans une lettre adressée à son frère Mikaïl ce qui s’est passé. Habillé d’une longue chemise blanche, il est conduit jusqu’au peloton d’exécution ; on brise une épée au-dessus de sa tête. « Il ne me reste plus qu’une minute à vivre. J’ai pensé à toi, frère chéri. J’ai alors compris combien je t’aimais ». Alors, coup de théâtre, totalement imprévu, l’officier responsable de l’exécution lit une lettre de sa Majesté impériale qui les gracie. Elle les condamne à quatre ans de travaux forcés, au bagne. Il demeure que, toute sa vie, Dostoïevski restera marqué par cette expérience cruciale qui lui a fait voir la mort en face : ce jeune homme de 28 ans a cru qu’il perdait définitivement la vie et il en connaît maintenant le prix. L’Idiot retrace avec réalisme l’expérience traumatique du peloton d’exécution.

Dostoïevski part dans l’Oural. Il doit traverser la Sibérie par moins quarante degrés, sur un chariot, dans la tempête. Il va purger sa peine avec des prisonniers de droit commun sans scrupule. Contrairement à Tolstoï et à l’aristocrate Tourguéniev, quand il parlera de l’âme russe, du petit peuple de la Russie, il en aura une connaissance intime, car il les a longuement fréquentés. Dans Souvenir de la maison des morts, Dostoïevski fera mémoire du petit peuple russe et de sa dévotion. Dans Journal d’un écrivain, il dira que le peuple russe a besoin de souffrir ; toujours, même lorsqu’il est heureux. Autant d’affirmations qui sont le fruit non pas d’une théorie mais d’une expérience, chèrement acquise.

Il ne pourra pas écrire. Il souffrira de ne jamais être seul. Il écrira : « Je n’ai pas perdu courage. Ne pas perdre espoir, voilà mon but ». Pendant ces quatre années, il n’obtiendra qu’un seul livre : la Bible.

c) Dostoïevski le chrétien orthodoxe

En effet, c’est au bagne que Dostoïevski redécouvre sa foi orthodoxe. Il rompt avec la Révolution et les théories occidentales et découvre sa vocation : unir l’intelligentsia russe et le peuple. Il écrira plus tard à son ami Herzen, marxiste, aristocrate et citoyen du monde, que les socialistes se sont séparés du peuple, donc de Dieu. D’ailleurs, pour Dostoïevski, la peste communiste dont la Russie est malade est venue d’Europe. Plus profondément, c’est le libéralisme qui est pervers. Cinquante ans avant la prise du Palais d’Hiver, il écrira aussi que les grandes nations d’Europe seront jetées à terre par les insatisfactions secrétées par le libéralisme.

Quelques temps après sa sortie du bagne, il se marie. Mais le malheur n’est pas pour autant terminé. Celui-ci sera extérieur et intérieur.

Extérieur, il est dès le début accablé par la maladie. De plus, à Saint Pétersboug, il est suspecté : la police tsariste le surveillera encore pendant vingt ans.

En 1862, Dostoïevski est pris par le désir de visiter le reste de l’Europe. Il sera séduit par la littérature à Paris, par l’art à Florence. Surtout, à Wiesbaden, il va faire l’expérience du jeu et de la dépendance qu’il entraîne. Désormais, le malheur va le ronger du dedans, lui et sa famille. Perdant tout l’argent de son voyage, et jusqu’à sa montre, accumulant les dettes, il risquera même la prison. En 1865, il écrit à Ivan Tourgueniev pour qu’il lui prête cinquante thallers qu’il ne lui remboursera d’ailleurs que douze ans plus tard. Une nouvelle fois, Dostoïevski fait l’expérience du fond de l’âme humaine, il découvre ce que c’est qu’un homme qui ne possède plus rien. Il reconduit aussi cette expérience à l’âme russe (car chaque nation est, pour lui, douée d’une spécificité) : seul le Russe peut tout perdre, car son âme généreuse est sans frein.

Sa vie est alors la matière directe, immédiate de ses romans. Lorsqu’il écrira une de ses œuvres maîtresses (avec les Frères Karamazov), Crime et châtiment (on dirait aujourd’hui : Crime et repentance !), Dostoïevski s’inspirera des milieux sordides qu’il doit fréquenter à cause de ses dettes : ce n’est pas un hasard si la victime est un usurier ! De même, dans Le Joueur, roman qu’il dut écrire car il avait reçu une avance et qu’il sténographia en vingt-six jours, Dostoïevski met en scène les abîmes dans lesquels doit descendre celui qui est pris par la drogue du jeu, c’est-à-dire l’enfer de sa propre vie.

Or, la sténographe, Anna, épouse Dostoïevski, veuf depuis trois ans. Cette jeune fille de vingt ans épouse cet homme de vingt quatre ans son aîné car elle dit avoir été frappée par ses yeux vairon, l’un marron et l’autre noir (en fait en mydriase) qui lui donnait un air mystérieux. Anna tentera de sauver les finances de Dostoïevski. Mais, accablés de dettes, ils partent à Dresde. Dostoïevski montre à sa femme les plus beaux tableaux d’Europe, s’enchante de la Madonne de la Sixtine du Raphaël et du Tribut du Titien. La fièvre du jeu n’a cependant pas quitté Dostoïevski. En 1869, à Baden-Baden, il en arrive même à vendre les bijoux d’Anna et fait vivre à son épouse une véritable tragédie. Dévoré par cette passion, il perd tout et pleure de ne plus rien avoir. Il est rongé par le fiel de l’éternel perdant.

d) La fin de sa vie

Dostoïevski pourra tout de même partir à la campagne et enfin, pour la première fois de sa vie, acheter une maison où il vivra avec Anna et leurs deux enfants. Cette maison aux nombreux coins et recoins inspirera les Frères Karamazov.

Le romancier devra encore se rendre à Ems pour se soigner, car il subit des crises d’épilepsie de plus en plus fréquentes. Néanmoins, Dostoïevski trouvera enfin le repos et le bonheur au terme de sa vie.

5) Quelques observations finales

a) Sur la vie de Dostoïevski

Une nouvelle fois, la vie de Dostoïevski vérifie ce grand axiome : derrière le grand homme, cherchez la grande femme. Qui connaît aujourd’hui Anna Dostoïevski ? Or, que serait Fedor sans son épouse ? Que serait le génial écrivain sans la médiatrice qui le sauve ?

La vie de Dostoïevski est-elle traversée par les trois stades d’existence dont parle Kierkegaard : l’esthétique romantique, l’éthique socialiste, le religieux orthodoxe ?

Encore aujourd’hui, Dostoïevski rayonne. Nombreux sont ceux qui ont puisé dans son œuvre une réponse aux questions que posait l’athéisme contemporain. Il est tout de même frappant qu’en écrivant le Drame de l’humanisme athée, sous la double figure de Comte et de Nietzsche, de Lubac ait demandé la « réponse » non pas à un philosophe ou à une philosophie, ce qui aurait paru homogène et pertinent, mais à un écrivain. C’est parce que l’athéisme n’est pas une prise de position seulement ni d’abord intellectuelle, mais vitale, que la réponse à l’athéisme doit être aussi vitale. Or, Dostoïevski a connu la tentation de l’athéisme et l’a traversé, y répondant par le don de toute sa vie au Christ qui demeure son grand amour comme son grand tourment. « Dieu m’a mis au supplice toute la vie », dit-il dans ses Carnets.

Le petit-fils lui-même de Dostoïevski a trouvé la foi en lisant son génial ancêtre si attaché à l’âme russe : « Dostoïevski suit ma vie, des cieux, il prie pour moi ». De fait, l’auteur des Frères Karamazov nourrit un grand amour du peuple russe, ce qu’il appelle son « sol natal, la terre russe » que symbolisent pour lui le bouleau et, au moins au début, Saint Pétersbourg. Cette appartenance nationale authentique, cet amour conjoint aussi le religieux : pour Dostoïevski, le russe est synonyme d’orthodoxie. De fait, son attitude à l’égard de l’Occident est ambivalente, voire ses attaques cinglantes contre la foi catholique. En effet, pour Dostoïevski, le peuple russe est le plus chrétien : les catholiques sont décrépis et les luthériens paradoxaux. Il peut porter des jugements très durs sur certains peuples : il estime que les Suisses mènent une vie de sauvages, dans la lutte permanente des partis ; il les trouve sous-développés. Néanmoins, il les trouve supérieurs aux Allemands qu’il estime un peuple stupide et sans espoir. C’est pour cela qu’il finira par ne plus aimer Saint Pétersbourg en qui il détectera les influences occidentales extérieures et néfastes pour l’âme russe. Voilà pourquoi, pour le patriote Dostoïevski, la Russie est appelée à jouer un grand rôle en Europe.

b) Sur la Légende

Aliocha a le mot juste, Ivan le reconnaît, quand il affirme que « l’athéisme, voilà leur secret. Ton inquisiteur ne croit pas en Dieu [41] ». Tout le raisonnement de l’inquisiteur ne part pas de l’existence de Dieu pour arriver à la nier, mais il l’a toujours refusée et il raisonne avec ce présupposé implicite, voire hypocritement caché dans les plis de sa robe de cardinal. Il ne tue Jésus à la fin que parce qu’il l’a déjà tué en son cœur depuis le début. Dès lors, la logique du discours se dévoile : le Grand Inquisiteur ne noircit le tableau de l’humanité que parce qu’il désespère, donc parce qu’il ne croit pas à la puissance transformante du salut et qu’il en a depuis toujours postulé l’inexistence ou du moins l’inefficacité.

Révélatrice est la dernière parole de la légende : « Le baiser lui brûle le cœur, mais il persiste dans son idée [42] ». Cette brûlure est le signe d’une division, de l’angoisse profonde présente chez le Grand Inquisiteur. Or, le baiser est le signe du pardon, du don parfait. Il se trouve ainsi confirmé que le refus du don originaire est contre-nature et que la liberté éclôt dans sa plénitude seulement lorsqu’elle s’ouvre au don qui la fait exister et, une fois présente, mais après la chute, la réconcilie avec elle-même. « Il n’y a pas d’athée tranquille ».

Le drame de l’humanisme athée est que la formule – humanisme athée – s’avère non pas paradoxale ou oxymorique, mais proprement contradictoire. L’athéisme se dévoile, tôt ou tard, inhumain. C’est ce que montre la vision prophétique des frères Karamazov : celle-ci « n’est pas prévision. C’est anticipation spirituelle ». Dostoievski, en écrivant ce roman, nous donne des signes qui dépassent le temps historique où il fut écrit : il nous donne « des signes qui nous aident à interpréter notre temps [43] ».

Au fond, pourquoi le projet humaniste athée échoue ? Car l’homme désire non pas tant la liberté que le bonheur. Le conflit fondamental dont part le socialiste, le Grand Inquisiteur, c’est de donner à l’homme le bonheur. Or, à chaque fois, il en conclut qu’il faut aliéner l’homme, car sa liberté pourrait se tourner contre son bonheur. Le paradoxe est grand, mais terriblement logique.

Mais il y a un non-dit encore plus décisif : d’où vient cet appétit de bonheur ? En effet, la souffrance naît d’un hiatus qui est un donné et non pas une construction. C’est donc que si le bonheur réalisé échappe à la liberté, c’est que, déjà à l’origine, le bonheur désiré lui avait échappé, car son existence demeure originaire et fondatrice. Nous retrouvons à nouveau la liberté encadrée dans un double don.

Il y a plus. Une conséquence de la Légende est d’ailleurs qu’il faut permettre aux hommes de pécher, car ils sont faibles. En effet, « nous leur dirons que tout péché sera racheté, s’il est commis avec notre permission ; c’est par amour que nous leur permettrons de pécher [44] ». Une autre conséquence, plus mystérieuse, est que ce bonheur pour tous n’est pas possible sans la souffrance d’une minorité : car il faudra bien que quelques-uns soient lucides, entendent les secrets les plus pénibles des consciences et surtout soient libres pour choisir cette autre voie. Donc « tous seront heureux, des millions de créatures, sauf une centaine de mille, leurs directeurs, sauf nous, les dépositires du secret [45] ». Le Grand Inquisiteur adopte donc la figure du sauveur : ce qui peut être interprété soit comme une inversion diabolique voire comme une tentation d’auto-idolâtrie, soit comme le témoignage ultime rendu à la vérité du christianisme : on ne pourra jamais se passer d’un rédempteur.

Ainsi, en fondant l’autonomie humaine dans l’hétéronomie divine, Dostoïevski, loin de la nier en montre l’insigne valeur. Dieu se fait une haute idée de la liberté humaine, de sa profondeur et de sa puissance.

Une dernière confirmation atteste que la liberté n’est source que dans la Source. La seule réponse à la « révolte » d’Ivan [46] n’est pas intellectuelle, mais vitale, cordiale : celle de l’amour, affectif et effectif. D’une part, Aliocha est affecté par l’athéisme de son frère : « Tu ne crois pas en Dieu, ajouta-t-il avec une profonde tristesse [47] ». D’autre part, effectivement, Aliocha baise doucement son frère sur les lèvres. Est-ce un « plagiat », comme s’écrie Ivan ? La réponse est d’ordre théologal. La scène du baiser reproduit celle de la légende et donc identifie les protagonistes : Aliocha semble imiter le Messie que parce que Ivan signale sa profonde proximité avec le Grand Inquisiteur. Le geste de son frère lui permet de prendre conscience de lui-même. Voilà pourquoi il ne peut s’empêcher le remercier pour son baiser : « si je puis encore aimer les pousses printanières, ce sera grâce à ton souvenir [48] ». Ivan avoue donc qu’il n’existe que parce qu’il est soutenu dans sa liberté par autre que lui. Et Aliocha n’est que le médiateur pauvre et transparent du Christ, à l’image de cette autre figure christique qu’est l’Idiot, le prince Muichkine.

6) Bibliographie sur la légende du Grand Inquisiteur

a) Bibliographie primaire

– Fiodor Dostoïevski, Les frères Karamazov, trad. Henri Mongault, coll. « Bibliothèque de la Pléiade » n° 91, Paris, Gallimard, 1952, p. 267-287. Une autre édition plus récente : 22009.

b) Bibliographie primaire

– Nicolas Berdiaev, Les sources et le sens du communisme russe, trad. Alexis Nerville, Paris, Gallimard, 1938 ; L’esprit de Dostoïevski, trad. Alexis Nerville, Paris, Stock, 1946.

– Paul Evdokimov, Le Christ dans la pensée russe, Paris, Le Cerf, 1970 ; Dostoïevski et le problème du mal, coll. « Théophanie », Paris, DDB, 1978.

– Konstantin Léontiev, Vladimir Soloviev, Vassili Rozanov, Serge Boulgakov, Nivolas Berdiaev, Sémion Frank, La légende du Grand Inquisiteur de Dostoïevski. Commentaire, coll. « Au cœur du monde », Lausanne, L’Âge d’homme, 2004. Sur la portée du texte. Tous les plus grands russes ont commenté la fameuse Légende.

– Henri de Lubac, Le drame de l’humanisme athée, Paris, Spes, 31945, p. 335-349.

– Théodore Paléologue, Sous l’œil du Grand Inquisiteur. Carl Schmitt et l’héritage de la théologie politique, Paris, Le Cerf, 2004.

– Xavier Tilliette, « Introduction à la Légende du Grand Inquisiteur de Dostoïevski », La mémoire et l’invisible, Genève, Ad Solem, 2001.

Pascal Ide

[1] Concile Œcuménique Vatican II, Constitution pastorale Gaudium et spes sur l’Église dans le monde de ce temps, 7 décembre 1965, n. 36, § 3.

[2] Nicolas Berdiaev, L’esprit de Dostoïevski, trad. Alexis Nerville, Paris, Stock, 1946, 1974, p. 245.

[3] Cf. la relecture qu’en donne Henri de Lubac, Le drame de l’humanisme athée, Paris, Spes, 31945, p. 335-349. Cf. l’introduction de Pierre Pascal dans l’édition de la Pléiade.

[4] Fedor Dostoïevski, Les frères Karamazov, trad. Victor Derély, Paris, Plon, 1886, 2 vol., tome 1, p. 32.

[5] « Moins que quiconsque, il se ferait le défenseur du vieux monde bourgeois ; en esprit, il est révolutionnaire ; mais il veut une révolution avec Dieu et avec le Christ ». (Nicolas Berdiaev, Les sources et le sens du communisme russe, trad. Alexis Nerville, Paris, Gallimard, 1938, p. 116)

[6] Fedor Dostoïevski, Les possédés, suivis de la confession de Stavroguine, trad. Jean Chuzeville, coll. « Collection des textes intégraux de la littérature russe », Paris, Bossard, 51925, 3 vol., tome 2, p. 91-93.

[7] Fedor Dostoïevski, L’adolescent, p. 55.

[8] Ibid., p. 438-439.

[9] Fedor Dostoïevski, Crime et châtiment, tome 2, p. 556-557.

[10] Fedor Dostoïevski, « Le Grand Inquisiteur », Les frères Karamazov, partie 2, chap. II, 5, trad. Henri Mongault, suivi de Les carnets des frères Karamazov, Niétochka Niézanov, coll. « Bibliothèque de la Pléiade » n° 91, Paris, Gallimard, 1952, p. 267-287.

[11] Cf. Paul Evdokimov, Le Christ dans la pensée russe, Paris, Le Cerf, 1970, p. 97 ; Id., Dostoïevski et le problème du mal, coll. « Théophanie », Paris, DDB, 1978, p. 25 et 289.

[12] « Le Grand Inquisiteur », p. 270.

[13] Ibid., p. 271.

[14] Ibid., p. 272.

[15] Ibid., p. 273.

[16] Ibid., p. 273.

[17] Ibid., p. 274.

[18] Ibid., p. 274.

[19] Ibid., p. 275.

[20] Ibid., p. 273-275.

[21] Ibid., p. 276.

[22] Ibid., p. 276.

[23] Ibid., p. 277.

[24] Ibid., p. 278.

[25] Ibid., p. 279.

[26] Ibid., p. 283.

[27] Ibid., p. 282.

[28] Ibid., p. 284.

[29] Ibid., p. 277.

[30] Ibid., p. 281.

[31] Ibid., p. 272 et 273.

[32] Ibid., p. 275.

[33] Ibid., p. 276.

[34] Ibid., p. 278.

[35] Cf. Ibid., p. 281.

[36] Ibid., p. 279.

[37] p. 282.

[38] Ibid., p. 280.

[39] Ibid., p. 273.

[40] Ces différentes informations sur la vie de Dostoïevski ont été tirées d’une excellente émission d’une heure sur Arte, 2000, intitulée « Dieu en Russie ».

[41] « Le Grand Inquisiteur », p. 283.

[42] Ibid., p. 285.

[43] Henri de Lubac, Le drame de l’humanisme athée, p. 344.

[44] « Le Grand Inquisiteur », p. 281.

[45] Ibid., p. 281.

[46] Ibid., p. 266.

[47] Ibid., p. 284.

[48] Ibid., p. 286.

10.3.2022
 

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