La venue de l’Esprit-Saint : surprise ou suspense ? (Billet du lundi 25 mai 2020)

Savez-vous la différence existant entre le suspense et la surprise ? Laissons le maître du supense, Alfred Hitchcock, nous l’expliquer dans son entretien avec François Truffaut :

 

« Nous sommes en train de parler, il y a peut-être une bombe sous cette table et notre conversation est très ordinaire, il ne se passe rien de spécial, et tout d’un coup : boum, explosion. Le public est surpris, mais avant qu’il ne l’ait été, on lui a montré une scène absolument ordinaire, dénuée d’intérêt. Maintenant, examinons le suspense. La bombe est sous la table et le public le sait, probablement parce qu’il a vu l’anarchiste la déposer. Le public sait que la bombe explosera à une heure et il sait qu’il est une heure moins le quart – il y a une horloge dans le décor – ; la même conversation anodine devient tout à coup très intéressante parce que le public participe à la scène. Il a envie de dire aux personnages qui sont sur l’écran : ‘Vous ne devriez pas raconter des choses si banales, il y a une bombe sous la table, et elle va bientôt exploser’. Dans le premier cas, on a offert au public quinze secondes de surprise au moment de l’explosion. Dans le deuxième cas, nous lui offrons quinze minutes de suspense [1] ».

 

Mais pourquoi donc est-ce que je vous parle suspense ? Nous vivons actuellement la grande neuvaine séparant l’Ascension de la Pentecôte. Jésus est retourné vers son Père, l’Esprit va venir.

La Pentecôte n’aurait été qu’une surprise, certes, une bonne surprise, mais seulement une surprise, si Jésus s’était contenté de partir en leur disant : « Je serai avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps » (Mt 28,20). Il aurait surtout couru le risque de lasser et désorienter ses Apôtres. Mais il leur a précisé qu’ils et qui ils devaient attendre : « Vous allez recevoir une Force, celle de l’Esprit-Saint qui descendra sur vous » (Ac 1,8). Il a ainsi introduit un suspense : car désormais, ils savent que quelque chose ou plutôt Quelqu’un va venir ; mais ils ne savent pas comment il va se manifester.

Nous en faisons tous l’expérience. Que le temps est fade et long quand nous n’avons rien à attendre ; qu’il devient riche de sens et presque trop bref quand il est porté par un désir et que ce désir est fondé sur une promesse. Avez-vous remarqué combien le vécu du confinement s’est inversé quand le jour du déconfinement a été annoncé ? Soudain, le temps morose et ennuyeux s’est transformé en une durée excitée, presque joyeuse qui nous a rendu impatient jusqu’à, parfois, être imprudent. Nous avions désormais quelque chose à désirer.

 

Qu’en tirer pour notre neuvaine à l’Esprit-Saint ? Passer de la surprise au suspense. Au lieu de passivement laisser la durée s’écouler, transformons-le en un temps de désir. Or, mis en mots, le désir se fait demande. Et adressée à Dieu, la demande se fait prière. La prière par excellence, le Notre Père, tisse sept demandes.

Et si, pendant ces neuf jours, montant dans la « chambre haute » de notre cœur, nous demandions à l’Esprit-Saint une, deux, trois choses précises, concrètes, pour nous, pour nos proches, pour le monde ? Relisons la promesse de Jésus : « Vous allez recevoir une Force ». Ce n’est pas un Esprit éthéré, à la limite de la faiblesse qu’il nous a promis, mais un Esprit de Puissance : dit-il, comme ce violent coup de vent qui secouera le Cénacle. Que l’Esprit agisse avec puissance dans ma vie et celle des autres ! Lui qui a été donné « sans mesure » (Jn 3,34), qu’il agisse sans mesure ! Le monde en a tant besoin ; nous en avons tant besoin. Demandons avec confiance, insistance, persévérance ! Et, vérité du suspense, laissons l’Esprit nous surprendre !

Pascal Ide

[1] François Truffaut, Le cinéma selon Hitchcock, Paris, Robert Laffont, 1966, Paris, Seghers, 1975, p. 81.

25.5.2020
 

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