La rencontre de la femme adultère, un face à face trinitaire

Même si ce passage est d’origine lucanienne, ainsi que l’école historico-critique le soutient, la lecture canonique nous invite à l’interpréter dans le cadre de la théologie johannique. Et notamment à nous demander : le fait que Jésus ne pardonne pas par un acte formel de parole (« Je te pardonne ») fait-il sens ? En effet, nous sommes face à une brisure dans la relation qui demande une réparation spécifique.

Commentant l’évangile de la femme adultère (l’un des grands textes de la liturgie, proclamé le cinquième dimanche du Carême), le prêtre diocésain devenu moine chartreux Dom Guillerand écrivait, soulignant l’immense compassion de Jésus face à la dureté des hommes. Il montre ainsi jusqu’à quel aveuglement le légalisme peut conduire :

 

« En face de cette femme coupable, horriblement humiliée et qui doit souffrir le martyre, et de ces hommes sans cœur qui ne songent qu’à leur haine, sous le couvert du zèle, Lui qui sait le secret des consciences et des conduites il rétablit cette vérité qu’au-dessus de la Loi qui punit les fautes connues il y a la justice du Législateur qui frappe les culpabilités masquées sous des dehors de vertus. C’était le fond de la révolution qu’il venait opérer [1] ».

 

Dès lors, la perspective s’élargit. Déjà, dans l’Évangile selon saint Jean, Jésus est présenté comme « l’Époux » (Jn 3,29), depuis son « premier signe », à Cana (Jn 2,11), jusqu’à l’apparition à Marie-Madeleine (Jn 20,11-18), en passant par la Samaritaine (Jn 4,1-42) [2] – sans rien dire de l’Apocalypse (Ap 21,2 ; 22,17). De fait, le seul péché mis en scène dans le quatrième Évangile est l’adultère – et tel est le passage que nous commentons. Mais il y a bien davantage : ce n’est rien moins que le Dieu Trinité faisant face à l’homme que cet évangile met en scène. En effet, Dom Guillerand oppose non le Dieu unitrine et l’homme (accusateur) non seulement comme amour et haine, mais comme intériorité et extériorité, comme Celui qui juge de l’intérieur face à celui qui ne juge que de l’apparence de vice impardonnable (car péché, il y a, mais qui appelle la miséricorde), à partir de sa propre apparence de vertu :

 

« Le Dieu qui est Esprit, Esprit d’amour, mouvement qui se donne, dans lequel il n’y a pas de surface, mais une profondeur infinie, un Être tout en profondeur et en dedans, où des relations uniquement intérieures mettent trois Personnes en possession de ce même Être qu’elles se communiquent sans réserve et sans fin, où il n’y a que Lumière égale à l’Être, où l’une voit tout ce que voit l’autre, où les trois s’unissent en cette vision qui est la vision de leur amour, où cette union qui ne fait qu’un avec leur vision et avec elles-mêmes est leur vie éternelle […], ce Dieu était entièrement absent de ces cœurs où régnait la haine [3] ».

Pascal Ide

[1] Dom Augustin Guillerand, Au seuil de l’abîme de Dieu. Élévations sur l’Évangile de Saint-Jean, dans Écrits spirituels. Tome I. Face à Dieu, Au seuil de l’abîme de Dieu, Roma, Benedettine di Priscilla, 1966, p. 297.

[2] Cf. site pascalide.fr : « La rencontre de Jésus avec la Samaritaine : une demande en mariage ? »

[3] Dom Augustin Guillerand, Au seuil de l’abîme de Dieu, p. 297.

7.7.2025
 

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