Nos bonnes intentions sont-elles aussi pures qu’elles paraissent ?

Présentation de Mathilde de Robien, article du 15 novembre 2019 sur le site aleteia.org

 

Dans son dernier ouvrage [1], le père Pascal Ide aborde la question de la pureté des intentions. Qu’ai-je en tête lorsque j’interagis avec autrui ? Est-ce en vue de mon propre bien ou de celui de l’autre ? Dans le premier cas, j’utilise mon prochain, dans le second, je l’aime. L’auteur invite chacun à sonder son cœur pour purifier ses paroles et ses actes de tout utilitarisme. Un véritable chemin de sainteté.

Changer les couches de son bébé en comptant sur son conjoint pour lui donner le bain ensuite, inviter un ami dans sa maison de campagne puis lui demander un coup de main pour des travaux, offrir de jolis vêtements à ses petits-enfants… Toutes nos intentions sont-elles aussi pures et dénuées d’intérêt qu’elles paraissent ? Parfois, secrètement, et même inconsciemment, nous recherchons notre propre bien avant celui de la personne aimée. Tout l’enjeu est d’en prendre conscience afin de passer de l’utilitarisme à un amour authentique. C’est le chemin de conversion que propose le père Pascal Ide dans son dernier ouvrage Aimer l’autre sans l’utiliser, à paraître le 20 novembre aux Éditions de l’Emmanuel.

La norme utilitariste et la norme personnaliste

C’est Karol Wojtyla, le futur Jean Paul II alors évêque auxiliaire de Cracovie, qui distingue en 1960 dans Amour et responsabilité, la norme utilitariste de la norme personnaliste, en vue de définir une éthique sexuelle et conjugale. Pascal Ide reprend ces deux notions et les applique de manière plus générale à toutes les relations humaines. Agir selon la norme utilitariste, c’est utiliser l’autre pour son propre bien. Agir selon la norme personnaliste, c’est chercher le bien de l’autre pour l’autre. La première considère autrui comme un objet, un moyen, tandis que la seconde le voit comme un sujet, une personne. Or aimer, selon Karol Wojtyla, c’est traiter l’autre comme une personne, c’est vouloir son bien, c’est donc vivre selon la norme personnaliste : « L’amour est la seule attitude qui soit digne de la personne », écrit le futur Pape. Voilà pourquoi on ne peut à la fois utiliser l’autre et l’aimer véritablement. Pascal Ide propose donc un chemin pour purifier son amour de tout utilitarisme.

La pureté des intentions n’est pas si simple

Une progression qui n’est pas simple dans la mesure où l’être humain est complexe. Il n’y a pas d’un côté les manipulés, et de l’autre les manipulateurs. Nous sommes tour à tour utilisés ou utilisateurs selon les situations. Dans un même couple, par exemple, le mari peut un jour faire preuve d’utilitarisme lorsqu’une tendresse ou une générosité soudaines envers sa femme cachent en réalité des attentes sexuelles. Et le lendemain, ce sera peut-être sa femme qui lui suggérera : « Peux-tu tondre la pelouse ? Cela t’aérera ! », faisant ainsi croire qu’elle prend soin de lui alors qu’elle recherche son bien à elle.

Plus complexe encore, une seule et même action peut contenir en elle-même bienveillance et intérêt personnel. En effet, nos intentions sont-elles toujours 100% limpides ? « Comment être assuré que, en rendant visite à ma voisine qui est seule, je ne cherche pas aussi secrètement à nourrir une bonne image de moi ? », interroge Pascal Ide. C’est également l’exemple d’une grand-mère qui couvrirait de vêtements ses petits-enfants. Est-ce pour leur faire plaisir, donner une leçon à leur mère négligente ou bien retirer de la fierté d’avoir des petits-enfants aussi bien habillés ? Si la première raison est désintéressée, les deux autres sont utilitaristes. Lorsque l’on pose la question à un collègue : « Comment vas-tu ? », s’agit-il d’un réel intérêt pour l’autre ou est-ce une perche pour qu’à son tour il prenne de nos nouvelles ?

Comment servir l’autre, sans s’en servir ?

Cela signifie-t-il la fin de tout acte charitable, au risque qu’il soit empreint d’utilitarisme ? Non. Il s’agit plutôt d’aller interroger son cœur pour sonder son intention : pourquoi est-ce que j’agis, est-ce pour le bien de l’autre ou pour mon propre bien ? « Il n’y a que deux réponses possibles », assure Pascal Ide, « soit je l’aime ; soit je l’utilise ». L’étape suivante consiste à choisir d’aimer, et à se refuser à utiliser l’autre. Un réflexe qui ne vient pas du jour au lendemain, qui s’acquiert progressivement. Pascal Ide donne l’exemple de Dorothy Day, dont le procès de béatification est en cours, qui au fil des années a épuré ses motivations en tant que militante socialiste : « Ce désir d’être avec les pauvres et les petits et les abandonnés n’était-il pas mélangé du désir pervers d’être avec les dissipés ? » se demande-t-elle dans son journal intime. Ou encore : « Je voulais me mêler aux piquets de grève, aller en prison, écrire, influencer les autres pour laisser ma marque sur le monde. Que d’ambition personnelle et de recherche de soi il y avait dans tout cela ! », confesse celle qui voua une grande partie de sa vie au service des plus pauvres, notamment à travers le réseau des « hospitality houses ».

Le don sincère, chemin d’accès à la sainteté

L’homme est appelé au « don sincère de lui-même » : « L’homme, seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même, ne peut pleinement se trouver que par le don sincère de lui-même », rapporte le Concile œcuménique Vatican II. « L’amour, ou le service du bien de l’autre, est ce qui nous rend le plus rapidement saints, le plus durablement heureux et le plus profondément sains », explique Pascal Ide. Les occasions ne manquent pas dans la vie quotidienne : à chacun de les saisir de la manière la plus désintéressée qui soit ! »

[1] Pascal Ide, Aimer l’autre sans l’utiliser. Pour des relations transformées, Éditions de l’Emmanuel, 2019.

18.11.2019
 

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