Le Rédempteur de l’homme 5/6

C) Chapitre 3 : « L’homme racheté et sa situation dans le monde contemporain »

« L’homme racheté et sa situation dans le monde contemporain »

Le chapitre précédent a déjà commencé à montrer que l’Église, notamment aujourd’hui, a un grand respect et une grande estime pour l’homme, sa culture et sa liberté. Ce chapitre-ci va d’abord creuser cette relation de l’Église à l’homme, en appliquant ce que le chapitre 2 a dit du mystère de la Rédemption, et en donner une formulation nouvelle et décisive, à savoir « l’homme est la première route de l’Église » : (n. 13 et 14), d’autre part éclairer par cette conclusion la condition de l’homme dans le monde d’aujourd’hui (n. 15 à 17)

Les n. 13 et 14 ne sont pas séparables : ils ne font au total que développer une grande idée. Nous les analyserons donc ensemble.

1) N. 13 et 14 : « l’homme est la première route de l’Église ».

a) Principe et fondement (§ 1)

Il tient dans le raisonnement suivant que le début du § 2 résume excellemment : « Jésus-Christ est la route principale de l’Église » (de tous les temps). Or, par l’Incarnation (et la Rédemption), Dieu, dans le Christ a voulu s’unir à tout homme : on reconnaît ce passage central déjà cité de Gaudium et Spes. Autrement dit, le Christ « est aussi la route pour tout homme ». Donc, le « devoir fondamental » de l’Église est que tout homme soit uni au Christ, que le Christ puisse s’unir à tout homme et soit la route de tout homme. Autrement dit encore, mais ce mot ne sera prononcé que plus loin : l’homme est la route de l’Église. L’originalité de Jean-Paul II tient à l’introduction de ce thème central et dynamique de la route : Jésus-Christ est route de l’Église ; Jésus-Christ est route de l’homme ; l’homme est route de l’Église.

Cette image de la route ne signifie rien d’autre qu’une union dynamique, mais de manière concrète et vivante. Elle rejoint l’image plus traditionnelle du pèlerinage (l’homme est un pèlerin, un viator) et celle plus moderne de cheminement. Elle se réfère aussi et d’abord à l’affirmation solennelle de Jésus : « Je suis le chemin, la vérité, la vie ». (Jn 14,3)

Et Jean-Paul II d’expliquer à la fin du § 1 ce que signifie cette union du Christ à tout homme (« l’Église désire servir… ».). Pour cela, en fait il ne fait que reprendre ce qu’il a longuement démontré aux n. 8 à 10, qu’il synthétise ainsi le Christ est présent à tout homme par la puissance de sa vérité et de son amour.

b) Application à notre thèse

L’application se fait en deux temps : d’une part, l’homme est la route de l’Église (fin du n. 13) ce que Jean-Paul II exprime de manière plus concrète en disant que l’Église a sollicitude de l’homme ; d’autre part, l’homme est la première route de l’Église (n. 14 fin du § 1 et 2)

1’) L’Église a sollicitude de l’homme

Une preuve générale (§ 2) reprend ce que l’on a dit avec d’autres mots et quelques précisions ; elle s’étaye sur trois passages de Gaudium et Spes. Nous renvoyons à ce beau §.

L’encyclique ajoute une preuve particulière (n. 13, § 3 début et n. 14, le début du § 1). À la suite du passage de Vatican II cité à la fin du § 2, elle détaille le complément d’objet « de l’homme » (dans « sollicitude de l’homme »). On se demande donc : à quoi l’Église porte intérêt dans l’homme ? Elle s’intéresse à l’homme non pas abstrait mais concret, c’est-à-dire à la fois :

– à tout homme, chaque homme.

– et à tout l’homme, l’homme tout entier ; et Jean-Paul II insiste : l’homme en toute son histoire, notamment depuis sa conception (n. 13), mais aussi en toute sa vie et en toutes ses relations (n. 14).

Le pape a donné plus haut la raison de fond pour laquelle l’Église a sollicitude de l’homme : c’est parce que le Christ a sollicitude de l’homme. Il adjoint ici deux confirmations qui sont en étroite dépendance (n. 13, fin du 3e §, à partir de « l’objet de cette profonde attention » ; et dans le n. 14, § 1, la phrase : « Il s’agit de tout homme ».) :

– Chaque homme est une réalité unique et irremplacable puisqu’il est créé à l’image de Dieu.

– De plus, l’homme est le seul être que Dieu veut pour lui-même, dans sa singularité. La dernière phrase du n. 13, fort belle, résume toutes ces raisons.

2’) L’Église a comme première route, l’homme

Cette thèse est posée à la fin du § 1 du n. 14. Comment l’encyclique l’établit-elle ? (n. 14, § 2 et 3)

Le terme « première », dans « première route », va s’entendre de ce qui est fondamental, ce qui est au fondement, au cœur. Une première raison est développé à partir de l’autorité de Gaudium et Spes (n. 10, § 2) : on a vu que l’Église doit dialoguer avec le monde ; or, Vatican II voit dans l’homme, précisément en sa faiblesse et en son péché le cœur, la cause la plus intime de toutes les divisions extérieures et visibles du monde, de la société.

Une seconde raison (§ 3) va reprendre la grande intuition qui traverse toute l’encyclique et que nous avions déjà rencontrée au n. 3 : le Christ s’est, d’abord et avant tout, uni à tous les hommes, même ceux qui ne le perçoivent pas ; on a vu pourquoi : par son Incarnation et par le rachat grâce auquel le Christ a sauvé tout homme. Or, le Christ est la route de l’Église, comme on l’a vu.

c) Conséquences (n. 14, § 4)

Elles sont évidentes. Si l’Église doit de manière générale avoir de la sollicitude pour l’homme et donc en être consciente, c’est vrai pour l’Église de notre temps (première phrase).

Concrètement, cela signifie trois choses. Il faut que l’Église de notre temps soit consciente : 1° d’une part et en positif des possibilités de l’homme ; d’autre part et en négatif : 2° les menaces contre l’homme 3° et ce qui contrarie les efforts contre la dignité de l’homme.

Ces prises de conscience vont être l’objet des 3 numéros suivants : Jean-Paul II ménage toujours habilement ses transitions, surtout qu’il va commencer le n. 15 comme il a terminé le n. 14 (« menace » va servir de mot crochet) ; le regard sur ce qu’il y a de positif dans la situation de l’homme contemporain ne sera porté, lui, qu’au n. 17.

2) N. 15 : « Ce que craint l’homme d’aujourd’hui »

À partir du n. 15, ainsi que l’annonçait le titre du ch. 3 nous allons appliquer à la situation de l’homme (racheté) dans le monde contemporain le principe capital établi par les n. 13 et 14, à savoir que l’Église a sollicitude de l’homme, ou que l’homme est première route de l’Église ; or l’analyse de cette situation se déploie sur deux plans : technique (n. 15 et 16) et politique (n. 17), selon la distinction classique du faire et de l’agir.

Les n. 15 et 16 sont étroitement solidaires : selon une distinction bien médicale, cette fin de ch. 3 porte un diagnostic alors que le ch. 4 (n. 18) proposera le remède ; or, le diagnostic est double : d’abord il est positif, c’est-à-dire qu’il décrit les faits (n. 14, § 2) ; ensuite il est étiologique, il donne la cause (aitia, en grec, veut dire cause) : la fin du n. 14 se pose la question et le n. 15 y répond.

a) Le principe (§ 1)

Il résume le n. 14 : l’Église doit prendre conscience de l’homme d’aujourd’hui et de ce qui le menace. Il faut donc lire les « signes des temps », selon la célèbre expression de Gaudium et Spes.

b) Application de ce principe : quelles sont ces menaces ? (§ 2 à 5)
1’) Diagnostic positif ou les faits menaçants (§ 2)

Avec beaucoup de force et de lucidité, Jean-Paul II voit le « principal drame » de l’homme d’aujourd’hui en ceci : les fruits du travail de l’homme se retournent contre l’homme ; autrement dit la technologie l’aliène.

Ce terme n’a pas le sens que Marx lui a donné [1]. Comme Jean-Paul II le précise, aliéner signifie que les fruits du travail de l’homme lui sont devenus étrangers et opposés. Alienus, en effet, veut dire « étranger » en latin.

En conséquence (« l’homme par conséquent, »), l’homme d’aujourd’hui vit dans la peur. La raison psychologique, implicite est que le familier devenu opposé, fait peur. Etranger a donné étrange.

La question du diagnostic étiologique (la cause) se pose donc : « Une question doit donc surgir : pour quelle raison… ? »

2’) Diagnostic des causes de la menace

a’) Première cause (§ 3)

Elle se rapporte aussi à la première forme que prend cette aliénation de l’homme par la technique : la menace du milieu naturel (dont traite l’écologie).

L’homme est en relation de lutte et de destruction avec la nature, l’environnement ; mais la relation normale est celle de « maitre » et de « gardien ».

La suite développera la raison : c’est la relation conflictuelle plus globale de l’homme et de la technique qui est en cause dans la question du conflit homme-nature. Mais déjà ce § 3 met sur la voie de la réponse : l’homme utilise la nature pour sa « consommation immédiate ».

b’) Seconde cause (§ 4 et 5)

Cette autre cause est plus profonde et plus décisive. Jean-Paul II va poser les termes du problème, sous forme interrogative : il suggérera la réponse, il ne tranchera pas. La question est tout simplement la suivante : la technique, les fruits de l’activité technique, en un mot le progrès sont-ils au service du bien de l’homme ?

Or, c’est le propre de la morale, de l’éthique (le texte ne permet pas de déceler une distinction nette dans l’usage que l’encyclique fait de ces deux termes) que de déterminer le bien de l’homme. Donc, la question posée est, celle, classique, des relations techniques-éthique.

Il est ainsi rappelé que, contrairement à ce que l’aveuglement lié aux conquêtes techniques laissent croire, le faire n’est pas autonome mais subordonnée à l’agir, donc à l’éthique : en effet, le bien de l’homme est le but de tout progrès. Jean-Paul II explicite ce bien dans le § 5 : il donne de multiples exemples auxquels nous renvoyons, car le texte est fort clair.

c) Conclusion de l’application (et du syllogisme)

L’Église doit donc se poser la question : le progrès, le développement, la technique cherchent-ils le bien de l’homme ? Le Saint-Père rappelle à cette occasion le principe de son raisonnement, énoncé au 1er § : »la sollicitude pour l’homme et son avenir, élément essentiel de sa mission ». Il y a donc inclusion.

Mais la réponse à cette question demande encore de scruter « les signes les plus importants de notre temps ».

3) N. 16 : « Progrès ou menace »

Comme nous l’avons dit, ce numéro va répondre à la double question : la technique aliène-t-elle l’homme ? notre temps est-il un temps de menace ?

a) Preuve générale (§ 1 et 2)
1’) Thèse (§ 1, début)

La situation de l’homme d’aujourd’hui est aliénante car elle oublie la priorité de l’éthique et précisément des exigences de la justice et de l’amour social sur la technique. On ne peut donc juger notre monde actuel selon la seule norme du progrès en oubliant l’homme. On ne quitte pas le point de vue du souci de l’homme, si caractéristique de la pensée de Jean-Paul II.

Il est possible de répondre à la seconde question : notre temps est donc une époque de progrès technique et de menace éthique. Et, au début du § 3, il est dit que le bilan progrès-menace est négatif.

2’) Preuve (§ 1, fin, à partir de « Il ne s’agit ici… »)

Le pape reprend ce qui a été établi au n. 15, mais avec une nouvelle profondeur et un nouveau fondement : Vatican II a montré, c’est là un de ses apports les plus importants, que tout chrétien participe à la triple fonction sacerdotale, prophétique et royale du Christ (nous reverrons cette distinction essentielle au ch. 4). Or, la fonction royale signifie la « domination » de l’homme sur la nature, et donc sa primauté. Comme l’éthique cherche le bien de l’homme et que la technique vise à transformer la nature, la matière, le critère est « la priorité de l’éthique sur la technique ».

Appliquons ce principe au monde d’aujourd’hui (§ 2). De fait, le progrès inverse la relation hiérarchique éthique-technique, pour octroyer la primauté à la seconde.

Mais Jean-Paul II ne se contente pas seulement d’observer. Il passe au plan du droit : dans de nombreux programmes de civilisation, la primauté donnée à la technique, donc à la production, rend l’homme esclave.

b) Preuve particulière (§ 3 à 10)

La fin du n. 16 va à la fois montrer et appliquer cette analyse sur l’immoralité du progrès actuel au cas exemplaire (cf. début du § 3) et brûlant de ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui les relations Nord-Sud, et notamment la question de la faim dans le monde : là, puisque le propos devient concret, Jean-Paul II va anticiper sur le n. 18 et donner quelques solutions :

1’) Diagnostic (§ 3 et 4)

Il s’agit donc (§ 3), nous venons de le dire, de la situation du monde en regard de la faim car elle est en partie une conséquence du progrès actuel. Or, cette situation est doublement injuste : d’abord les civilisations dites de consommation ont du nécessaire en excès, alors que les autres sociétés « souffrent de la faim » ; il y a injustice, comme le dira, mais brièvement, le n. 7 du fait du manque de solidarité mondiale : ce point ne sera pleinement développé et éclairci que dans l’Encyclique Sollicitudo Rei Socialis. Plus profondément, les civilisations de consommation usent mal de leur liberté, donc de leur dignité d’homme (cf. n. 12) et pour elles-mêmes, car elles consomment trop, et pour les autres, car elles poussent à la misère. En donnant le remède, les § 7 et 8 montreront l’immoralité de cette manière d’agir : elle bafoue la liberté, elle piétine l’homme ; de plus, c’est donner la première place à l’instinct de possession et de domination et oublier la vraie dignité de l’homme est spirituelle et libre, non dans le déterminisme de l’instinct.

Confirmation (§ 4) est donnée par une analyse de Jean XXIII et de Paul VI : la situation Nord-Sud rappelle la parabole du riche et de Lazare (Lc 16,19-31).

2’) Les différente causes (§ 5 et 6)

La cause est d’abord liée à la structure de l’économie mondiale de consommation (§ 5), pour une raison à la fois négative : elle est inapte à résoudre les injustices puisqu’elle ignore l’éthique ; et positive : au contraire, elle ne fait qu’accroître les misères…

Cette cause est favorisée par différentes circonstances énumérées dans les deux dernières phrases du § 6 : voisinage des couches sociales, chômage…

La cause ultime n’est pas technique ou économique mais éthique : les § 5 et 6 le suggèrent, la suite va mieux le montrer en indiquant les voies de la tâche à accomplir.

3’) Remèdes aux causes de fond (§ 7 à début du § 10)

La solution proposée se situe à trois niveaux éthiques complémentaires de profondeur croissante.

a’) Premier niveau (§ 7) : la solidarité

L’encyclique Sollicitudo Rei Socialis en fera une vertu morale et plus précisément sociale. La solidarité doit inspirer le développement économique.

b’) Deuxième niveau (§ 8) : la conversion de l’esprit et du cœur

En effet, un développement économique aliénant nait de « l’instinct d’intérêt ou l’instinct de lutte » isolés. Or, ces instincts peuvent être maîtrisés par des forces plus profondes et de ce fait vraiment humaines : la liberté authentique. Donc, un « progrès économique » ne sert l’homme que s’il est l’œuvre d’une vraie liberté cherchant le bien plénier de l’homme. Or, celle-ci est conversion, car elle demande à l’homme de se détourner de ses intérêts immédiats et de la satisfaction de ses instincts. Le début du § 9 dit que ce programme est réalisable.

c’) Troisième niveau (§ 9) : le sens de l’homme

Il est plutôt l’explicitation du second et sa raison d’être : le sens de l’homme.

1’’) Exposé (§ 9, début)

L’économie et la technique ont l’homme pour « mesure » (selon le mot du début du § 10), et doivent donc être normés par l’éthique, ce qui n’a rien d’évident aujourd’hui. En effet, selon le § 8 et la conception de la croissance qu’il développe : l’économie, ultimement a l’homme pour but : il repose donc sur une éthique.

En quelque sorte, Jean-Paul II met en parallèle la vision de l’homme et le progrès qu’il recherche :

– À une conception tronquée de l’homme, l’homme comme être de jouissance imédiate et de domination, répond la réduction du progrès à l’économique et au technique et au déterminisme des mécanismes.

– À une conception plénière de l’homme (l’homme libre d’une liberté authentique ou de qualité ; mais il faudrait aussi ajouter tout ce qui a été explicité avant sur l’homme comme être spirituel, responsable et solidaire de tout homme, à l’image du Christ) répond une conception du progrès plénière et solidaire : ces deux épithètes correspondant respectivement au tout l’homme et au tout homme du n. 1.

Or, l’Église a une sollicitude toute particulière de l’homme, comme on l’a souvent vu. Voilà pourquoi l’Église note que seule une conception éthique, c’est-à-dire respectueuse de l’homme, du développement et de l’économie soit recevable.

2’’) Confirmation pour le chrétien (§ 9, dernière phrase et § 10, première phrase)

De même que Jean XXIII et Paul VI avait éclairé cette situation du progrès par la scène du riche festoyant et de Lazare (cf. § 4), de même, Jean-Paul II, avec plus d’audace encore que ses prédécesseurs, juge la situation économique actuelle selon les critères de la scène du jugement dernier ; en effet, le jugement du Christ porte sur des faits économiques comme manger, vêtir… et intéresse la liberté, l’aliénation comme la prison ; or, ce jugement est porté au nom du respect de l’homme à qui le Christ s’est uni : « Tout ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait ». (cf. Mt 25,31-46)

4’) Remède particulier (§ 10, fin : « Ces paroles… ». et § 11)

Avec prudence mais fermeté, le pape dénonce l’injustice que représente l’offre d’armes aux pays en voie de développement à la place de l’aide matérielle et culturelle dont ils ont besoin. L’immoralité tient à la fois au but poursuivi qui est détruire, alimenter des guerres alors qu’il faudrait favoriser le développement et de la racine qui est la cupidité.

Le pape prévient une objection qu’il devine (§ 11) : l’Église parle politique, militaire ! Il répond en invoquant les plus hauts principes de l’amour : « ne tuez pas !… respectez la dignité » de l’homme.

4) N. 17 : « Droits de l’homme : « lettre » ou « esprit » ?

Ayant évalué un premier aspect de notre monde contemporain, à savoir le développement économique, Jean-Paul II va traiter et évaluer, là encore en un long numéro, une seconde caractéristique de l’homme d’aujourd’hui. La première était d’ordre économique, celle-ci est d’ordre moral et politique : les droits de l’homme.

a) Principe (§ 1 à 3)
1’) Thèse

Les droits de l’homme sont devenus la mesure de la politique des États. Cette thèse est par exemple énoncée à la fin du § 2 selon la manière typique du Saint-Père.

2’) Exposé (§ 1)

L’encyclique continue à scruter les signes des temps et constate que le bilan est :

– certes négatif (les trois premières phrases). Jean-Paul II ne s’attarde pas ; il ne fait que noter combien ce siècle est marqué par la misère matérielle et la souffrance morale.

– mais aussi positif. En rapport avec ces grands désastres, une solution a été donnée, qui fait elle aussi partie des caractéristiques d’aujourd’hui : la fondation de l’ONU ; or, celle-ci a défini les droits de l’homme, de sorte que ceux-ci sont devenus, dans le monde entier, les principes de toute recherche du bien humain.

3’) Première conséquence (§ 2)

Elle concerne l’Église. L’homme est la route de l’Église et donc combien celle-ci a souci de ses droits ; l’Église est donc très « liée » à la question des droits de l’homme. Notamment, elle a montré que le respect de ces Droits sont le fondement de la paix sociale : selon l’adage opus justitiae pax : la paix est le fruit de la justice ; or, celle-ci est mise en pratique, application des droits et des devoirs de l’homme.

Jean-Paul II insiste donc : ces droits ne valent pas qu’en temps de guerre, ils demandent d’abord à être respectés en temps de paix et plus encore à constituer le fondement de tout programme social, économique…

4’) Seconde conséquence (§ 3 à 5)

Elle fait transition. Il faut appliquer ces Droits de l’homme.

a’) C’est ce que devrait faire l’État (§ 3 et 4)

Comme on le disait au début du § 1, les États modernes n’appliquent pas, ne vivent pas ce qu’impliquent les Droits de l’homme. On doit évaluer les programmes et systèmes modernes en fonction de ceux-ci. Bref, Jean-Paul II ne va plus cesser d’en parler, le bien commun doit servir le bien de l’homme et non le contrarier.

Ce que fait l’ONU le confirme (§ 4). Son intention est de placer le respect des droits de l’homme et donc du bien de l’homme comme unique fondement, « facteur fondamental » du bien commun et donc de tous les programmes. Le pape le montre par le contraire (les deux dernières phrases) : l’expérience de l’histoire montre que le non-respect des droits de l’homme entraîne la violation des droits de la nation.

b’) C’est aussi ce que fait l’Église (§ 5)

C’est déjà, ce que l’Église a fait dans la première moitié du siècle (§ 5, début). Jean-Paul II rappelle combien l’Église a su défendre les vrais droits de l’homme contre les régimes totalitaires qui les niaient, notamment le nazisme et le communisme (cf. note 111). Il est d’autant plus important de le dire que l’Église l’a fait bien avant que la Déclaration Universelle des droits de l’homme ne soit proclamée par l’ONU en 1948.

Mais le début de § a une autre intention. Si l’État a violé les droits de l’homme, c’est qu’il cherche non pas le bien de tous mais d’un parti qui prétend s’identifier avec l’État. Ce diagnostic très important sera développé plus loin.

Il reste encore à faire (§ 5, depuis : « En partageant… ».). Pour Jean-Paul II, la situation du début du siècle demeure toujours présente : au § 3, il opposait les « prémisses » que sont les droits de l’homme et leur application ; dans le même sens il oppose ici l’acceptation de la « lettre » de ces mêmes droits et la réalisation de l’« esprit », ce qui est bien autre chose.

b) Remède (§ 6 à 9)
1’) En général

Le remède fondamental (§ 6) qui s’oppose au mal diagnostiqué avant est la « participation » morale de toute la société à la vie politique. Un groupe, un parti ne peut imposer le pouvoir à tous.

Il y a un second remède, tout aussi important (§ 7). Le pouvoir doit se fonder sur le respect des Droits de l’Homme : en effet, le propre du pouvoir est de respecter le bien commun ; or, ce bien commun est identiquement le bien de l’homme, comme on l’a dit.

2’) En particulier (§ 8 et 9)

Or, parmi ces droits, l’encyclique insiste tout particulièrement sur le droit à la liberté religieuse.

a’) Diagnostic (§ 8)

Jean-Paul II rappelle, à la suite du Décret de Vatican II, Dignitatis humanae, sur la liberté religieuse, que bien que son objet soit la religion, cette liberté fait partie des droits « objectifs et inviolables » de l’homme. Il précise que ce droit est naturel, c’est-à-dire fondé sur la seule expérience commune à tout homme, indépendamment de toute révélation (le mot naturel s’oppose donc ici à surnaturel). Or, quelle expérience fonde ce droit ?

Le Pape ne parle ici que de la « dignité de l’homme », car on a vu au n. 12 que la « liberté est fondement de la véritable dignité de la personne humaine ». Mais, pour être complet, il faudrait revenir à toute l’analyse du n. 12 (notamment § 2 et 3) qui traite du même sujet et rappeler que la vérité, fonde le droit à la liberté.

Une conséquence en creux est que l’athéisme d’état, par exemple en Union Soviétique (l’encyclique date de 1979), ou la discrimination fondée sur la religion est d’une profonde injustice.

b’) Remède (§ 9).

Quelle est l’attitude adoptée par Jean-Paul II face à la violation de ce droit ? D’une part, il faut en parler car il y va de la dignité humaine. D’autre part, il convient d’en traiter avec le sens de la complexité des situations et avec discrétion : Jean-Paul II sait d’expérience qu’une critique massive accroîtrait la persécution de l’Église dite du silence. Mais la suite de l’histoire a monté aussi quel courage fut le sien et combien ses prises de position furent nettes, notamment lors de ses séjous en Pologne. Il rappelle aussi sa solidarité avec tous ceux qui sont persécutés. Enfin, il exhorte tous les gouvernements à respecter ce « droit élémentaire », « test » de ce que le régime est fondé sur l’homme.

D) Chapitre 4 : « La mission de l’Église et le destin de l’homme »

Le chapitre 3 se fondant sur le chapitre 2 a montré que l’Église doit unir chaque homme au Christ-Rédempteur et pour cela doit emprunter la route de l’homme. Mais, après avoir exprimé ce qui est comme la fin, l’objectif, il faut maintenant déterminer les moyens concrets permettant d’y accéder. C’est ce à quoi s’emploie le chapitre 4 : à la suite de Vatican II, il montre combien et comment l’homme doit participer à la triple foncton, prophétique, sacerdotale et royale du Christ. Cette triple participation est la voie permettant à l’homme d’être toujours plus la route de l’Église, comme l’affirme la fin de chacun des n. 19 à 21 (n. 19, avant-dernière phrase : « un des points fondamentaux de rencontre de l’Église avec chaque homme », n. 20 et 21 : la dernière phrase) et le début du n. 18 (la seconde phrase rappelle la thèse centrale de l’encyclique).

Par ailleurs, le ch. 3 nous a présenté un panorama diagnostique du monde actuel et n’a fait qu’ébaucher le remède. Aussi le ch. 4 expose à la fois des moyens et des remèdes pour guérir et racheter l’homme d’aujourd’hui.

On pourrait enfin dire que les ch. 2 (n. 10 et 11) et 3 se sont davantage attardés à la dimension humaine de la Rédemption (l’œuvre d’humanisation) ; le ch. 4 parlera aussi et d’abord de sa dimension divine, à savoir l’accueil de la grâce de filiation adoptive octroyée par l’Esprit du Christ.

1) N. 18 : « La sollicitude de l’Église pour la vocation de l’homme dans le Christ »

Ce numéro introduit le chapitre et en donne le principe de distinction.

a) Thèse

L’Église doit prendre conscience toujours plus de ce qu’elle est destinée à accomplir la vocation de l’homme.

Cette thèse précise l’intuition de fond de l’encyclique (l’homme comme route de l’Église) à deux points de vue. Elle insiste d’une part sur la vocation de l’Église qui est surnaturelle : nous parlons désormais de la sollicitude de l’Église pour l’homme total et pas seulement en sa dimension naturelle. Elle insiste d’autre part sur la prise de conscience : déjà le ch.1 (n. 3) notait que cette lucidité est une caractéristique actuelle de l’Église.

b) Preuve de la thèse (§ 1 et 2)

En effet, l’Église vit de la vie même du Christ, à savoir l’Esprit-Saint (§ 1) :

Pour le montrer, Jean-Paul II reprend le principe qu’il aime tant : le Christ s’est uni à tout homme. Les ch. 1 et 3 partaient de même du mystère du Christ Rédempteur. L’encyclique se fonde aussi implicitement sur la conclusion du ch. 3 (n. 13 – 14) : l’Église a sollicitude de l’homme pour ici conclure : l’Église doit vivre pleinement ce mystère de communion au Christ.

Cette intuition va se préciser à partir d’une nouvelle prémisse : l’Église est Corps mystique du Christ ; or, le propre du Christ est de vivre de l’Esprit-Saint, de ses « impulsions divines » ; donc, l’Église elle-même « n’a pas d’autre vie » que celle que lui donne « le Christ, c’est-à-dire l’Esprit-Saint. On a parfois dit de Lui qu’il était l’âme du corps qu’est l’Église.

Or, cette vie du Christ est la réalisation même de la vocation de l’homme (§ 2). L’Esprit-Saint, l’union à la force qui habite dans le Christ donne à l’homme « de devenir enfant de Dieu » ; or, cette vie nouvelle est l’accomplissement de la vocation humaine, du dessein éternel de Dieu sur l’homme. La résurrection glorieuse sera la réalisation plénière de cette vocation.

Donc, l’Église « vit de cette vérité sur l’homme » qu’est sa vocation surnaturelle, au-delà des « frontières de la temporalité » (§ 3, début de la première phrase). Il faut souvent méditer cette très profonde vérité : l’Église seule sait ce pour quoi est fait le cœur de l’homme.

c) Confirmation

Selon son habitude, Jean-Paul II reprendra cette idée plus loin, au milieu du § 4 (« Si en effet… ».) : toute la phrase résume l’argument sous une perspective un peu différente : l’homme est la route quotidienne de l’Église ; or, l’homme est appelé à l’adoption divine par la grâce de l’Esprit-Saint ; donc l’Église doit être toujours plus consciente de ce mystère de destination à la grâce (et au-delà, à la gloire, puisque la grâce est pour la gloire : cf. Jn 11,35).

d) Conséquences (§ 3 et 4)
1’) Première (§ 3, début)

L’inquiétude permanente et »créative » de l’Église : en effet, l’Église, sachant ce à quoi l’homme est destiné, est sans repos tant qu’il n’a pas trouvé le trésor de la « filiation divine ».

L’Église sait ainsi repérer les traces de cet appel à la filiation divine dans « tout ce qui est profondément humain » et qui ouvre à l’infini : notamment ce qui concerne le vrai, le bien, le beau, à quoi s’ajoutent et se rattachent la liberté et la conscience.

Un corollaire : cette prise de conscience de son but et dessein unifie plus l’Église : le sens de la fin soude une communauté ; de plus, l’Esprit-Saint est force de communion.

2’) Seconde conséquence (fin du § 3 : « Par cette force… ». et surtout « l’Église de notre temps » ; début du § 4)

L’Église supplie pour obtenir l’Esprit-Saint.

a’) Exposé (fin du § 3)

L’Église doit prendre plus conscience de sa fin qu’est l’adoption filiale, le don de la vie divine ; or, elles ne se réalisent que par l’Esprit-Saint ; aussi l’Église prie-t-elle : « Viens Esprit-Saint ».

Jean-Paul II nous suggère donc une riche et forte pneumatologie : l’Église est aussi unie à l’Esprit-Saint qu’au Christ. Et le rôle de l’Esprit est de la vivifier : cette intuition sera amplement développée dans l’Encyclique Dominum et Vivificantem. Comme le suggère ce titre, emprunté au Credo de Nicée-Constantinople (« Je crois en l’Esprit-Saint […] qui est Seigneur et qui donne la vie »), il sera montré que le propre de l’Esprit-Saint est de poursuivre l’œuvre rédemptrice et vivifiante du Christ.

Le pape énonce quelques corollaires sans les développer (§ 4, début). Il répond aux matéralismes qui refusent que le cœur de l’homme soit fait pour l’infini de la vie divine. Ensuite, l’Église ne supplie pas seule, car il y a des personnes qui, hors l’Église visible, reconnaissent le « besoin » spirituel habitant l’homm. Enfin, on vient de le dire, l’invocation à l’Esprit Saint est la dimension divine même de la Rédemption (cf n. 9), puisque c’est le Christ Rédempteur qui donne l’Esprit-Saint et que cette dimension divine est l’appel à la filiation divine.

3’) Dernière conséquence et transition (fin du § 4 : « En reprenant toujours… ».)

L’Église sachant ce à quoi est destiné l’homme et méditant toujours plus le mystère de la vocation filiale de l’homme, se rend plus capable de servir l’homme et accroît ce sens du service.

Passons du plan de la finalité (n. 18) au plan des moyens. On vient de le dire, l’Église doit servir à l’image du Christ serviteur ; or, le Christ est serviteur en étant prêtre, prophète et pasteur (ou roi) ; donc l’Église réalise ce service de l’homme en participant à cette triple fonction ou mission du Christ : sacerdotale, prophétique et royale.

Et c’est ce que nous allons maintenant détailler.

2) N. 19 : « L’Église responsable de la vérité »

L’Église est au service de l’homme et de sa vocation à la vie divine, comme nous l’avons montré ; or, elle l’est d’abord « en participant à la mission du Christ prophète » (début du § 2). En fait, Jean-Paul II ne détaille pas toute cette vaste question qui touche notamment l’apostolat ; il n’en développe qu’un aspect essentiel :

a) Thèse (§ 1, première phrase)

Une fois n’est pas coutume, le pontife romain énonce sa thèse en ouvrant son développement : « L’Église » est « socialement sujet de responsabilité à l’égard de la vérité divine ».

b) Preuve (§ 1, suite)

La première raison, exemplaire, est très belle. Le Christ lui-même s’est senti entièrement responsable vis-à-vis de la vérité révélée : en effet, être responsable, c’est répondre devant quelqu’un de sa fidélité à l’égard d’une mission ; et tel est le cas du Christ à l’égard de son Père (cf. Jn 14, 24). Or, l’Église reçoit toute sa mission du Christ, à commencer par la vérité à annoncer. Donc, de même, est-elle responsable. Jean-Paul II insiste sur la qualité clef de cette responsabilité : la fidélité. Celle-ci vaut identiquement pour les deux grands actes de la fonction prophétique : « enseigner » la foi, ce qui va du théologien à la catéchèse familiale et « professer » cette même foi dans l’annonce de la Parole, dans la mission d’évangélisation.

Une seconde raison est immanente (à partir de « Celle-ci, en tant que… ») [2] : La vertu théologale de foi permet cette responsabilité c’est-à-dire cette attitude de fidélité (de fides, foi) et de « soumission », c’est-à-dire de service de la vérité divine. Notez en passant la belle et classique définition de la foi comme vertu qui « nous fait participer à la connaissance de Dieu ». (rien moins que cela).

De plus, le Christ octroie « une assistance spéciale de l’Esprit de Vérité » à son Église : le charisme permanent d’infaillibilité au pape et le sensus fidei, littéralement le sens de la foi, à tous les fidèles.

En conséquence, tout chrétien ayant la foi, est donc responsable de la vérité de la foi (sinon de l’enseigner, du moins de l’étudier et de la professer).

c) Application
1’) Application générale (§ 2, début)

La responsabilité à l’égard de la vérité divine est une invitation à l’aimer et donc à la rechercher. D’abord car c’est ce qui motive notre étude et notre apostolat. Ensuite, car c’est l’exemple même des Saints. Jean-Paul II a un passage court extrêmement dense et sugestif sur ce sujet. On pourrait le commenter en disant que les Saints doivent être les modèles des théologiens : en effet, ils étaient « les plus éclairés », car ils abordaient la vérité avec amour ; plus : cet amour est d’abord celui du Christ et en même temps, « amour envers son expression humaine dans l’Évangile, dans la tradition, dans la théologie ».

2’) Application particulière

L’encyclique passe ensuite en revue les différents responsables de la vérité divine (§ 2, à partir de « la théologie a… ».)

a’) Les théologiens (§ 2, fin à § 4)

Jean-Paul II fait une transition comme naturelle entre théologie et sainteté : « Il est nécessaire d’avoir une telle théologie » (c’est-à-dire, celle des Saints, toute pénétrée d’amour compréhensif de la Parole et de la Tradition).

La thèse de fond est simple et découle de ce qui précède (§ 2, milieu). Le théologien est serviteur responsable de la vérité divine quand il fait œuvre d’intelligence dans la foi. Par conséquent, puisque la foi demande soumission et fidélité au magistère, le théologien doit servir le magistère et s’y soumettre, au lieu d’exposer ses idées personnelles.

La théologie unit donc deux lumières (§ 3 et 4) :

– Celle de la raison (de la science). Jean-Paul II note les progrès du savoir humain et encourage les théologiens à s’enrichir de ce savoir, puisque Dieu est source de toute vérité.

– Celle de la foi (§ 4) : elle demeure première et normative ; au sein d’un certain pluralisme de méthode, l’exposé doit respecter l’unité de la vérité de la foi et de la morale. C’est cette primauté de la lumière de foi qui fait de la doctrine des Saints un modèle pour la théologie.

b’) L’enseignement catéchétique (§ 5)

Les Pasteurs et les prêtres, religieux, et laïcs qui leur sont unis dans l’annonce de la transmission de la foi et de la morale chrétienne, autrement dit dans la mission et la catéchèse ont aussi une responsabilité à l’égard de la vérité et participent à la mission prophétique de l’Église. Le pape insiste particulièrement sur la catéchèse.

c’) Le peuple de Dieu (§ 6)

Enfin, Jean-Paul II élargit la responsabilité prophétique à tout le peuple de Dieu. Cette participation universelle à la fonction prophétique emprunte différentes formes : de la catéchèse que tout parent fait à ses enfants à la responsabilité des différentes professions à l’égard de la vérité simplement accessible à la raison.

Tirons-en une conséquence (« Ainsi le sens… ».). Tout homme est appelé à respecter, à se soumettre à cette vérité (dans son travail, ses relations) ; donc, « le sens de la responsabilité à l’égard de la vérité est un des points fondamentaux de rencontre de l’Église avec chaque homme » : c’est une des routes par lesquelles l’Église rejoint l’homme.

3) N. 20 : « Eucharistie et pénitence »

Ce riche numéro est le plus long de tous. Comme le note la première phrase qui fait transition, l’Église ne participe pas seulement à la mission prophétique du Christ Rédempteur, mais aussi à sa mission sacerdotale. Or, cette fonction sacerdotale s’exprime dans les sacrements dont « le centre et le sommet » est l’Eucharistie. Aussi Jean-Paul II traitera de l’Eucharistie et du Sacrement de Pénitence qui lui est directement ordonné. Les autres sacrements y préparent aussi ; mais nous traitons de la « route quotidienne » de l’homme ; or, le baptême, la confirmation, le mariage, l’ordre, le sacrement des malades, pour être importants, ne sont célébrés qu’une fois ou quelquefois (mariage, sacrement des malades) ; l’Eucharistie et la pénitence par contre, sont des sacrements de la vie quotidienne.

a) La participation de l’Église à l’Eucharistie (§ 1 à 4)
1’) Thèse

L’Église est appelée à participer de manière toute particulière à l’Eucharistie, telle est la seconde manière par laquelle l’Église a sollicitude des hommes (§ 4, première phrase).

2’) Exposé (§ 1 et 2)

a’) L’Eucharistie communique la Rédemption au chrétien (§ 1)

En quelques phrases très denses (à partir de : « Dans ce sacrement en effet… ».), l’encyclique donne une vision trinitaire de l’Eucharistie. Articulons simplement ce passage, en vue de mieux en manifester l’ordre.

L’Eucharistie est le renouvellement du mystère de l’offrande et du sacrifice que le Christ fait librement à son Père ; or, le Père accepte cette offrande, ce don total du Fils en l’échangeant contre le don de la vie glorieuse de la résurrection (en effet, le Père est source première de toute vie) ; mais cette gloire corporelle du Christ crucifié est signe efficace du don de l’Esprit Saint à l’humanité ; or, l’Esprit-Saint donne la vie divine du Père et du Fils à tous les hommes unis au Christ ; enfin, nous avons vu que la Rédemption consiste en ce don de la vie divine (cf. n. 9 et n. 18) ; donc, l’Eucharistie donne la Rédemption à l’homme. Comme l’Église a pour vocation de communiquer à l’homme cette grâce rédemptrice, donc la vie divine, elle est donc appelée à vivre de l’Eucharistie.

b’) L’Eucharistie est le sacrement le plus parfait de cette Rédemption (§ 2)

Plus précisément encore, l’Eucharistie est la voie par excellence, le sacrement le plus parfait de cette Rédemption. Autrement dit, par le ministère de l’Église, elle renouvelle l’acte rédempteur même de la Croix et a pour but d’unir l’homme à cet acte : cela lui est propre, car les autres sacrements n’expriment pas immédiatement le sacrifice, maisendécoulent ou y tendent.Voilà pourquoi l’Eucharistie est centre et sommet des sacrements. Or, nous venons de voir que la vie divine est communiquée à l’homme par la Croix.

Donc de même que le sacrement est à la fois un signe qui « exprime » et un signe efficace qui « réalise », de même l’Eucharistie exprime et réalise au mieux cette rédemption de l’homme. Elle casue le salut en sa double dimension de réconciliation et de création de l’être nouveau.

3’) Conséquences (§ 3 et 4)

Tout d’abord, « l’Eucharistie construit l’Église » (§ 3). Cette donnée très traditionnelle est rendue évidente par ce qui précède ; mais Jean-Paul II insiste sur l’effet unifiant de l’Eucharistie.

L’Eucharistie demande ensuite d’être respectée dans l’intégralité de son contenu (§ 4) Ce § est riche d’un point de vue à la fois pastoral et doctrinal.

La raison de ce respect en est que l’Eucharistie est un mystère ineffable et très saint qui dépasse ce que l’homme peut en comprendre et en dire. Aussi, faut-il en respecter la « dimension totale ». Le pape évoque trois aspects, selon une vue très classique : sacrifice, communion, présence. On sent derrière ces quelques phrases poindre chez Jean-Paul II un extraordinaire respect, une adoration profonde du mystère eucharistique.

D’où trois conséquences :

– L’Eucharistie ne peut être réduite à la manifestation de la fraternité humaine des disciples du Christ : cette fraternité n’est qu’une dimension ; elle ne rend pas compte de la pleine réalité divine du mystère : par exemple, le sacrifice et la présence du Christ, promesse de la gloire à venir.

– Le pape insiste aussi sur le « devoir d’observer rigoureusement les règles liturgiques ». La raison avancée est suggestive : « dans ce signe sacramentel, le Seigneur s’en remet à nous avec une confiance illimitée ».

– Enfin, que « ce sacrement d’amour soit au centre de la vie « de l’Église. La raison est là aussi remarquable : dans ce sacrement, le Christ se donne à nous par amour ; or, nous sommes appelés à rendre « amour pour amour ».

c’) Enfin l’Eucharistie est en lien étroit avec la Pénitence (§ 5).

Ce que nous allons voir maintenant.

b) La participation de l’Église à la Pénitence (§ 5 à 7)

Double est la pénitence : elle est sacrement et vertu.

1’) La Pénitence comme sacrement (§ 5 et 6)

a’) Nécessité de cette participation (§ 5)

Ce sacrement est nécessaire, comme le rappellent les premières paroles du Christ (Mc 1, 15). Il y a une autre raison : l’homme est appelé à participer à l’Eucharistie. Par ce sacrifice spirituel, l’homme exerce vraiment sa fonction sacerdotale, c’est-à-dire sa participation au sacerdoce du Christ, ainsi que nous venons de le voir.

Or, celle-ci requiert le sacrement de Pénitence : en effet, notre participation à l’Eucharistie ne trouve sa pleine efficacité rédemptrice que si nous sommes pleinement disponibles ; mais cette disponibilité est le fruit de la conversion, du pardon des péchés et donc de la Pénitence.

La dernière phrase ajoute une belle précision : dans l’Eucharistie, nous contemplons le Fils qui se donne au Père et nous appelle à y participer ; or, la conversion consiste à toujours plus se tourner vers Dieu ; voilà pourquoi l’Eucharistie est le sommet et aussi la source de la pénitence : elle « fait naître en nous le besoin » de nous approcher du sacrement de réconciliation.

b’) Nature de cette participation : pratique individuelle ou communautaire ? (§ 6)

Qu’il traite de l’Eucharistie ou du sacrement de pénitence, Jean-Paul II n’oublie jamais la situation actuelle de l’Église. Il affirme d’abord la valeur de l »‘aspect communautaire de la pénitence » (deux premières phrases). Il affirme surtout la nécessité d’une pratique individuelle du sacrement de pénitence (« Nous ne pouvons pas oublier… ».). Il avance trois remarques :

– Tout d’abord, cette pratique est un devoir de l’homme. Car le sacrement de Pénitence exprime et réalise la conversion de l’homme ; or, la conversion est un acte de la personne extrêmement profond qu’autrui ne peut suppléer. Il en est de même de la juste culpabilité et de la confiance en Dieu qui en sont les moteurs.

– Ensuite, et c’est une conséquence capitale, la pratique de la Pénitence un droit particulier propre à chaque homme : il a droit de recevoir du Christ, par l’intermédiaire du prêtre, la grâce de ce pardon individuel. Et Jean-Paul II de citer à propos la quatrième béatitude (Mt 5,6).

– Enfin, et la remarque est profonde, la réception de ce sacrement est un droit du Christ (donc un devoir du côté de l’homme) : puisque par la Rédemption il a sauvé chaque homme ; or, la conversion est une réalisation particulière de ce salut : on ne peut être pardonné sans le Christ ; aussi, par l’Église, le Christ Rédempteur veut-il rencontrer chaque homme, personnellement et lui redonner la vie.

c’) Conséquence (§ 7, première phrase)

La Pénitence comme l’Eucharistie, contribue à unifier l’Église.

2’) La pénitence comme vertu (§ 7 milieu : »Ce second aspect… ».).

Jean-Paul II ne fait qu’indiquer une piste oubliée, rappelée par Paul VI : la pénitence n’est pas seulement le sacrement ou l’acte, mais aussi une disposition habituelle, autrement dit une vertu.

c) Conclusion actualisée (§ 7 fin : « cependant il est certain »)

L’Église de toujours mais aussi d’aujourd’hui, donc « l’Église du nouvel Avent (cf. n.1) doit être l’Église de l’Eucharistie et de la Pénitence ». Et la dernière phrase renoue avec ce que le début du § disait : ces deux sacrements sont pour la route quotidienne « de l’Église en état de mission ».

4) N. 21 : « Vocation chrétienne : servir et régner ».

a) Thèse (§ 1, première phrase)

Enfin, l’Église doit participer à la mission royale du Christ. Qu’est-ce à dire ? En quoi consiste cette fonction ? L’exposer sera aussi donner les moyens de réaliser cete mission.

Dans la suite du § 1, Jean-Paul II insiste sur l’importance de cette « royauté ». À son habitude, il évoque ce qui va être l’intuition centrale de ce n. 21 (cf. § 3) : la relation entre la dignité de notre vocation et la fonction royale.

b) Exposé

Jean-Paul II expose en quoi consiste cette participation à la fonction royale.

1’) L’agir éthique (§ 1 fin ; à partir de : « Cette dignité s’exprime… ».)

La fonction « royale » du chrétien requiert la morale, en l’occurrence d’abord un agir éthique. En effet, le propre du roi qu’est le Christ est de régner en servant, selon un texte déjà cité (Mt 20, 28). Or, le chrétien participe du Christ. Mais le service suppose la maturité morale : car on ne sert autrui efficacement que si on se maîtrise et c’est la vertu morale qui rend apte à se maîtriser soi-même [3].

Il faut maintenant cerner avec plus de précision en quoi consiste cette fonction royale :

2’) La vocation unique du chrétien (§ 2 et 3)

Le principe du « service royal » est la conscience de la vocation irremplaçable de chaque homme au sein du Corps du Christ.

a’) Principe (§ 2)

Partons de la juste compréhension de l’Église et de notre appartenance à l’Église. L’Église selon le regard partiel des sciences humaines, peut être « définie » par sa structure hiérarchique, ses membres, ses fonctions : c’est ce qu’on lit habituellement dans les journaux. Mais bien plus profondément et plus réellement, l’Église se caractérise par deux choses :

D’abord, chacun à son tour, a entendu l’appel du Christ à le suivre : c’est ce caractère personnel qui est propre à l’Église. Inversement, par exemple, nous n’avons pas choisi de naître en France ou dans telle famille.

L’Église est aussi une communauté, parce que chaque croyant porte en lui un « signe indélébile » dû au baptême, et que l’Église appelle « caractère ». Ce fondement s’enracine dans notre être, en notre âme ; aussi, au début du § 3, Jean-Paul II parlera-t-il de communauté « ontologique » (du grec ontos qui signifie être).

b’) Application (§ 3)

En effet, chaque chrétien doit prendre de plus en plus conscience de cet appel personnel qui est aussi unique et irremplaçable que chaque pas est unique et irremplaçable.

Or, cet appel est une grâce, puisqu’elle est un don de Dieu. Aussi la grâce, le don de chacun lui est-il propre, selon l’enseignement classique de St Paul (cf. note 185).

Mais cette grâce, note la dernière phrase, comporte une double dimension : personnelle (Dieu nous appelle en Église pour nous sauver) et communautaire : elle a aussi pour but la construction du Corps du Christ. Jean-Paul II donne différents exemples empruntés aux différents êtats de vie: chaque fidèle, le Pape comme chaque laïc, a un rôle spécifique à jouer dans le Corps de l’Église : tel est le principe clé de toute l’activité chrétienne.

Or, la fonction royale exprime ce service au sein de l’Église. Voilà pourquoi chaque chrétien est appellé et comme obligé personnellement à cette fonction royale : ce « service royal » se fonde sur l’appel reçu par tout fidèle.

3’) La fidélité (§ 4, début)

Enfin, cette participation au service royal requiert la fidélité. Cette disponibilité persévérante est surtout importante dans les services qui engagent autrui et la société. Aussi est-ce surtout le cas du mariage et du prêtre de l’Église latine (donc les prêtres s’engageant au célibat) qui est développé. Vivre cette fidélité, c’est pleinement réaliser notre fonction royale et l’appel de Dieu sur nous et donc nous épanouir.

c) Conséquence (§ 4, fin, depuis : « Humanité épanouie… » et § 5)
1’) Exposé

Se réaliser, pleinement épanouir son humanité, c’est développer les dons uniques qui nous sont octroyés ; or, le propre du service royal est de répondre à l’appel absolument unique de Dieusur chacun de nous ; parvenir à la « royauté » est donc pleinement s’épanouir. Cette idée était ébauchée au milieu du § 1.

2’) Illustration particulière

Un exemple particulier de cette réalisation est le cas de la vocation religieuse (§ 4, fin : « Ce don trouve sa pleine réalisation »). Jean-Paul II sous-entend, ce qui est une doctrine classique, que la personne est ultimement une capacité de don et qu’il n’y a pas plus grand don que se donner tout entier au Christ. Il faut aussitôt préciser que tout le monde n’est pas pour autant appelé à se consacrer dans la vie religieuse. Il serait possible, mais à tort de désolidariser ce passage du début du §. Si la vocation religieuse est en soi supérieure à celle du mariage (comme l’enseigne expressément le Concile de Trente), cela ne veut pas dire qu’elle soit meilleure pour moi.

3’) Conséquence (§ 5)

Une conséquence en est le vrai sens de la liberté. Celle-ci n’est pas « faire ce que l’on veut » : alors la liberté est sa propre fin. Mais la vraie liberté est ordonnée à la charité, c’est-à-dire au don de soi : en effet, chacun admet que la liberté est en vue de la réalisation de soi-même ; or, on vient de voir que l’épanouissement est dans le don de soi, le service.

Jean-Paul II qui a consacré de longs développements à la liberté comme auto-détermination dans Personne et acte [4] est donc particulièrement attentif à l’importance actuellement donnée à la liberté. Tout en acceptant de lui donner toute sa place (par exemple, n. 17, § 7), il la subordonne toutefois au service de la vérité (n. 12, § 3) et de l’amour (ici-même).

Or, c’est le Christ qui permet à chacun de se donner pleinement, puisque c’est Lui qui appelle chacun personnellement et lui révèle sa vocation. Donc, c’est aussi le Christ rédempteur qui libère l’homme : il le libère en lui montrant sa vocation qui est d’aimer en se donnant.

5) N. 22 : « La Mère de notre espérance »

Il est fréquent que les écrits du Magistère et en particulier des Papes s’achèvent en traitant de la Vierge Marie : ce n’est pas là une pieuse convention, le souci de n’oublier personne, de respecter les équilibres ou un manière habituelle et facile de conclure un exposé de foi. Il y a là une vue profonde : la Vierge Marie est, en sa vie et en chacun de ses mystères, comme le résumé et le modèle de la foi chrétienne. La philosophie parlerait de cause exemplaire. Par ailleurs, son rôle est aussi indispensable qu’assurément subordonné à celui de son Fils. C’est tout cela que signifie la situation de la Mère de Dieu au terme de l’encyclique.

a) La thèse

La Vierge Marie introduit l’Église de manière toute particulière au mystère de la Rédemption. Tout proche et presque équivallent, on pourrait dire aussi : Marie aide l’Église à vivre sa sollicitude pour tout homme. On perçoit ainsi combien ce numéro qui est aussi la conclusion prolonge immédiatement la thèse centrale de l’encyclique.

b) Résumé et transition (§ 1)

Jean-Paul II propose un résumé de ce qui précède (le chapitre 4), ce qui fait transition avec le chapitre 5. Le but de l’Église et de son service (le thème du chapitre précédent) est d’unir tout homme au mystère de la Rédemption. En effet, l’Église vit de la vie du Christ ; or, le Christ n’a qu’un désir (qu’un but) : transmettre sa vie à tout homme, par son Esprit ; et l’Esprit nous est donné parl’œuvre de la Rédemption.

c) Exposé

Jean-Paul II va montrer sa thèse par le raisonnement suivante qui est un syllogisme :

– La Vierge Marie est mère et mère de l’Église.

– Or, ce qui caractérise l’amour maternel est sa proximité de l’homme et de sa vie.

– Donc, la Vierge Marie est toute proche, toute unie à chaque chrétien en Église. Comme nous avons vu dans tout le reste de l’Encyclique que la Rédemption unit tout homme au Christ (est aussi un mystère de proximité), la Vierge Marie introduit donc tout homme au mystère de la Rédemption.

Mais nous ne nous étonnerons pas que Jean-Paul II ne suive pas cet ordre trop linéaire, trop cartésien : la première prémisse est donnée au § 2, la seconde au § 4 et la conclusion, d’abord énoncée comme une thèse fin § 2 et § 3 n’est pleinement montrée qu’au § 5.

1’) Première prémisse : Marie est mère de l’Église (§ 2).

Jean-Paul II rappelle d’abord que cette vérité fut proclamée par le pape Paul VI. Puis il en résume les différentes raisons théologiques (« Marie est Mère de l’Église parce que… ».). La première est liée à l’Incarnation : Marie est Mère du Christ ; or, tout homme est uni au Christ ; et le Corps du Christ est l’Église. La seconde est liée à la Passion, le Christ a donné Marie comme mère au disciple bien-aimé ; or, celui-ci représente tout homme. La troisième est liée à la Pentecôte : Marie est présente au Cénacle et prie pour la naissance visible de l’Église.

Tous les disciples actuels du Christ désirent donc être unis à Marie. Mais cette conséquence, qui est aussi une transition préparant la thèse énoncée au § 3, apparaîtra mieux à la fin du § 4. Remarquez aussi que Jean-Paul II ne perd jamais de vue l’« aujourd’hui » (cf. début du § 3 : la « période difficile et capitale que nous vivons »).

2’) Thèse : Marie introduit l’homme au mystère de la Rédemption (§ 3).

Jean-Paul II suggère déjà la raison : il y a un lien tout particulier entre la grâce exceptionnelle de la maternité divine et le mystère du salut de tout homme.

3’) Seconde prémisse : le propre de l’amour maternel est d’être « singulièrement proche de l’homme et de toute sa vie » (§ 4).

Ce « mystère de la Mère » sera développé par Jean-Paul II dans la belle lettre apostolique Mulieris dignitatem, donnée à l’occasion de la clôture de l’année mariale [5]. Ici, l’encyclique suggère que le cœur de Maire a un « amour inépuisable » pour tous les hommes : d’une part car il est tout soumis à l’Esprit-Saint, d’autre part car il « suit continuellement l’œuvre de son Fils ». L’amour maternel particulier de Marie pour l’Église est à la mesure de son amour pour son Fils et de l’amour de son Fils ; or, il est sans limite.

4’) Conclusion : Marie introduit donc l’Église dans la profondeur vivifiante de la Rédemption (§ 5).

En effet, le propre de l’Église est, comme le Christ, de s’approcher de tout homme et de s’unir à lui. Or, il en est de même pour Marie : on pourrait dire qu’elle est la route de tout homme, et aussi de l’Église. Elle est « sur tous les chemins de la vie quotidienne de l’Église ». Ce thème sera repris et développé dans l’encyclique Redemptoris Mater [6].

Déjà Jean-Paul II suggère ce qui caractérise le rôle de Marie, en quoi consiste cette proximité de la Rédemption : un amour humain, et plus encore un amour maternel est plus accessible, plus perceptible, plus expérimental, et pour cela, plus certain.

5’) Conclusion (§ 6)

Enfin, ce § conclut ce n. 22, le chapitre 5 et toute l’encyclique. C’est une exhortation à la prière qui s’achève en prière à Marie :

a’) Exhortation à la prière

Toute l’encyclique a montré la nécessité de nous tourner vers le Christ (cf. n. 1) et nous unir profondément à lui et à son mystère rédempteur ; or, c’est là ce que réalise particulièrement la prière.

Une seconde raison (« la prière seule… ».) est liée à notre situation particulière : les tâches à faire, les difficultés, la proximité du second millénaire (en ce grand Avent dont parle aussi le n. 1 ; or, Marie pria pour l’Avent, c’est-à-dire pour la Venue du Messie qu’est l’Incarnation.

b’) Prière à Marie (« Cependant, en achevant cette méditation… ».).

Le Saint-Père établit dans cette prière un parallèle à trois temps entre l’Avent où Marie attendait le Messie dans la prière, la grande neuvaine entre l’Ascension et la Pentecôte où, priant avec persévérance, elle attendait la Venue de l’Esprit et ce nouvel Avent de l’humanité où nous sommes engagés, afin de recevoir l’Esprit-Saint et de sortir pour la mission.

Pascal Ide

[1] Cf., par exemple, les analyses de Jean-Yves Calvez, La pensée de Karl Marx, coll. « Points-Politiques » n° 38, Paris, Seuil, éd. abrégée, 1970, p. 31-130.

[2] Et conséquence de la première, car Dieu ne demande rien qu’il ne le réalise en nous.

[3] Jean-Paul II ne fait ici que suggérer une piste passionnante qui serait à développer. On peut d’ailleurs trouver un parallèle serré entre la triple fonction et la structure traditionnelle de la catéchèse : celle-ci nous enseigne en effet ce qu est à croire (que résume le Credo, en relation avec la fonction prophétique), ce qui est à espérer (que résume le Notre Père, en relation avec la fonction sacerdotale), enfin ce qui est à faire (que résument les dix commandements et les deux préceptes de la charité, en relation avec la fonction royale) et la voie pour le faire (les sacrements eux aussi en relation avec la fonction sacerdotale).

[4] Karol Wojtyla, Personne et acte, texte définitif établi par Anna-Teresa Tymieniecka, trad. Gwendoline Jarczyk, Paris, Le Centurion, 1983.

[5] Cf. Jean-Paul II, Lettre apostolique sur la vocation et la dignité de la femme Mulieris dignitatem, 15 août 1988.

[6] Jean-Paul II, Lettre encyclique Mulieris dignitatem sur la Bienheureuse Vierge Marie dans la vie de l’Église en marche, 25 mars 1987.

10.12.2019
 

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