Victor et Célia
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Pays:
Français
Thème (s):
Amour, Justice, Travail, Vertus cardinales
Date de sortie:
24 avril 2019
Durée:
1 heures 31 minutes
Évaluation:
***
Directeur:
Pierre Jolivet
Acteurs:
Alice Belaïdi, Arthur Dupont, Bruno Bénabar
Age minimum:
Adolescents et adultes

 

Victor et Célia, comédie française de Pierre Jolivet, 2019. Avec Arthur Dupont et Alice Belaïdi.

Thèmes

Amour, travail, vertus cardinales, justice.

Cette comédie échevelée qui ne manque pas d’air (hair…) ne coupe pas les cheveux en quatre (les critiques s’en sont donnés à cœur joie dans le calembour…). En effet, en conjuguant (si je puis dire !) la comédie sociale avec la romance, Victor et Célia a pu traiter d’un sujet sérieux avec légèreté.

 

Le réalisateur de Ma petite entreprise (1999), puis de l’autre comédie dramatique La Très Très Grande Entreprise (2008), affronte un sujet rarement abordé et très actuel : le lancement d’une PME ou plutôt d’une TPE (acronyme de très petite entreprise). Sous mode humoristique et concentré, sont affrontées presque toutes les difficultés auxquelles se heurteront ceux qui ont le courage de se lancer dans cette aventure.

Ce courage (Célia fait une crise de panique chez le notaire) est couplé à la prudence (la question de la responsabilité est omniprésente), voire, de manière inattendue, à la tempérance (depuis la mise à distance des affaires et de l’amour, au nom de l’interdit du mélange des motivations et, plus encore les intentions, jusqu’à l’auto-conseil aussi amusant que traditionnel, que Victor, fortement échauffé par Celia, se donne de prendre une douche froide !). En revanche, la dernière des quatre vertus cardinales, la justice, est réduite à sa caricature qu’est l’instance strictement extérieure qu’il faut surtout éviter de contrarier, quand on ne la contourne pas purement et simplement. Quant à la justice comme disposition intérieure, c’est-à-dire comme vertu, nul ne la pratique. Sans aucun état d’âme, chacun ment, vole – même celle qui est sensée incarner la droiture et représenter la résistance à l’improbité : Célia manipule le banquier gay et l’actionnaire ingénu, voire violente son patron (non pour le repousser, ce qui était légitime, mais pour se venger, ce qui ne l’est pas). Un signe ne trompe pas : les vertus morales étant connectées (chez le sujet et dans la vie), la malhonnêteté que l’on croyait cantonnée dans la sphère professionnelle infeste et infecte tôt ou tard la sphère privée, amicale et amoureuse. Pour inverser la formule fameuse de Paul Bourget dans Le démon de midi, celui qui pense comme il vit, en transgressant, finit par vivre comme il pense.

 

Et c’est ici que la chronique sociale croise l’histoire d’amour. De fait, comment, concrètement, l’entreprise et bientôt la relation affective peuvent-elles se construire sur un climat de roublardise généralisée ? Par l’amour. Et c’est là, en creux, l’enseignement le plus éclairant (et inquiétant) du film : en faisant de la passion, la solution à l’injustice, se trouve secrètement miné l’un des fondements du lien. Le simple bon sens mathématique l’atteste : l’excès est, par définition, un débordement de l’égalité. Comment le surcroît qui est la loi de l’amour pourra-t-il subsister si l’égalité qui est l’amour de la loi (c’est-à-dire la justice) n’est pas respectée ? Concrètement, comment l’amour peut-il survivre à la trahison, la méfiance, l’incivilité, l’indélicatesse, etc. ?

Aucun mot juste n’a été posé sur le passé (amoureux) qui est balayé comme ce qui est à dépasser. De fait, nul pardon ne permet, côté Victor, d’apaiser la rancœur d’avoir été « largué » et côté Célia, de réparer l’injustice d’avoir largué.

Au présent, nulle demande de pardon n’est adressée par le jeune coiffeur. Même s’il reconnaît sa faute dans une mise en scène créative et s’il tire la leçon de son erreur, ni son genou ne ploie ni ses lèvres ne s’ouvrent pour prononcer la parole décisive : « Je te demande pardon du fond du cœur ». De même, nul accueil ne vient couronner cette demande au moins implicite de réconciliation.

Enfin, ouvrant l’avenir, aucun gratitude n’est formulée, notamment par Célia d’être sans cesse reconquise et élue avec tant de fidélité et d’inventivité.

Mais, à chaque fois, l’amour fou – qui s’incarne dans un mot heureux qui rend heureux : « C’est bien ! – Ce n’est pas bien, c’est indispensable ! ») – est présenté comme unique solution à tous les problèmes. On entend résonner un autre gingle (la parole est la seule à être répétée), celui d’un des livres clés de l’amour romantique, Love Story : « L’amour, c’est ne jamais avoir à dire qu’on est désolé ». Or, il y a de la toute-puissance régressive à s’imaginer que l’amour peut se passer de ces trois paroles fondatrices : « Pardon », « S’il te plaît » et « Merci ». Il n’y a pas d’amour ou d’amitié durable sans la recréation du pardon, l’abaissement de la demande et la puissance de la reconnaissance.

 

Comment ne pas se réjouir que l’amour soit promu valeur numéro 1 ? Mais, quand l’amour-vertu est reconduit à l’amour-sentiment, comment ne pas s’inquiéter de la fragilité d’une relation qui s’est affectivement ouverte à l’autre, mais est encore objectivement centrée sur soi ?

À moins que, dimanche de la miséricorde oblige, cette fragile ébauche de sortie de son bien propre ne devienne le germe d’une authentique conscience du bien commun (celui du couple, celui de l’entreprise et, osons rêver, celui de la société)…

Pascal Ide

Lyon, aujourd’hui. Victor (Arthur Dupont), un jeune coiffeur créatif, a décidé de monter son propre salon de coiffure avec Ben (Adrien Jolivet), son collègue casse-cou et meilleur ami – ainsi qu’avec l’aide d’un autre ami, comptable, Maxime (Bruno Bénabar) le bien nommé, parce qu’il est grand amateur de… maximes. Malheureusement, alors que le projet est encore dans les cartons, Ben se tue en moto. Après un moment de deuil, Victor décide de ne pas l’abandonner, d’autant qu’il y a engagé de l’argent. Mais, dans l’impossibilité d’être gérant, car il fut interdit bancaire, il doit faire équipe. Avec qui ? C’est alors qu’il pense à Célia (Alice Belaïdi), une « ex », avec qui il a fait ses études et qui a la tête sur les épaules. Mais les difficultés de toutes sortes, financières, administratives, de voisinage, etc., vont se multiplier pour les trentenaires qui se lancent dans cette aventure professionnelle qu’est la création d’une PME ; et, lorsque les sentiments, inéluctablement, refont surface, la moindre de ces difficultés n’est pas celle de combiner objectivité professionnelle et subjectivité amoureuse…

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