Unfriended: Dark Web
Loading...
Pays:
Américain
Thème (s):
Addiction, Internet, Mal, Mensonge
Date de sortie:
26 décembre 2018
Durée:
1 heures 28 minutes
Évaluation:
***
Directeur:
Stephen Susco
Acteurs:
Kurt Carley, Colin Woodell, Betty Gabriel
Age minimum:
Adulte, adolescent

Unfriended: Dark Web, thriller anglais de Stephen Susco, 2018. Il s’agit de la suite de Unfriended de Levan Gabriadze, sorti en 2015. Avec Colin Woodell, Stephanie Nogueras.

Thèmes

Mensonge, mal, internet (addiction à).

Ne nous lassons pas de le répéter : l’excellence d’un film ne se mesure pas à ses effets spéciaux, si spectaculaires soient-ils, ni encore moins à ses vedettes (absentes de ce film), mais simplement à une intrigue inédite et bien menée. Non seulement Unfriended: Dark Web part d’une idée neuve, mais il l’exploite avec rigueur.

 

L’intrigue est véritablement inédite. Certes, il y eut un premier Unfriended (Levan Gabriadze, 2014), aussi claustrophobe, connecté, recyclé (tout le film est en found footage, c’est-à-dire en remploi de bandes vidéos) et assassin ; mais, si j’en crois résumés et critiques (je ne l’ai pas vu), il louche vers un fantastique émoussant son réalisme. Certes, l’un des films vraiment originaux de 2016, Nerve (Ariel Schulman et Henry Joost), met en scène un jeu qui diffuse en direct sur Internet des défis filmés, et cela à l’échelle même de New York ; mais il ne traite pas du dark web. Certes, de nombreux scénarios font allusion à cette inquiétante face cachée de la Toile ; mais aucun n’en permet l’expérience et nous plonge en full immersion dans ce monde inversé à tous points de vue : le fond lumineux se noircit, les noms dévoilent leur sens quand on les retourne, l’amical devient unfriended (ou plutôt unfriendly), les valeurs humanisantes grimacent pour se transformer en anti-valeurs mortifères – sans voyeurisme racolleur et complice, puisque, géniale trouvaille, les tueurs se camouflent par des défaillances électroniques (les fameux bugs ou glitchs) brouillant les pixels.

 

Autre originalité osée par le film : de l’écran de l’ordinateur volé puis violé, jamais le spectateur ne sortira. Pas plus que Matias ne se désenchevêtrera du monde dans lequel sa convoitise l’a fait pénétrer et ne délabyrinthera à temps le sombre piège où les diaboliques Charron l’entraînent et l’enferment. Cette fusion-fission dans le darkweb est d’abord la conséquence d’une fusion-confusion de toute une génération pour qui l’accès au réel se fait par la médiation du numérique (le dernier numéro de la revue Cerveau & Psycho fait état des dernières statistiques : 24 % des jeunes de 14 à 24 ans pratiquent les jeux vidéos au moins 2 heures par jour et 4 % plus de 8 heures…, si bien que la psychiatrie accepte désormais de recevoir cette pratique outrancière comme une addiction, donc comme une pathologie). Rappelons en passant que ce monde trompeusement qualifié de virtuel n’est pas irréel, mais réel, et que numérique s’oppose à analogique (cf. L’homme numérique. Flexions et réflexions). Faut-il le préciser, le spectateur quadra qui n’est pas familiarisé avec ce monde sera en partie dépassé ou plutôt débordé par la multitude d’affiches, de connexions, d’informations, et par la virtuosité de ces spécialistes de la virtualité. Toutefois, le cinéaste est assez astucieux et conscient de la fameuse fracture numérique (qui ne passe pas seulement entre les générations, mais aussi au sein de la génération Y qui est celle de la « petite Poucette ») pour nous expliquer pédagogiquement ce qui est utile à la compréhension.

 

Disons plus : le film n’est pas seulement prototypique (en son contenu et en sa forme), il est traumatique ! Unfriended plonge le spectateur dans un état de choc. En sortant, on se prend et se surprend à ne pas oser toucher son portable qui, soudain, se transforme en bête maléfique et en ennemi potentiel. La sortie de la salle obscure où nous étions amniotiquement immergés est habituellement la métaphore d’un retour au réel riche de présences et de sensations ; or, ici, cet arrachement au dark continent, loin d’être consolant ou rassurant, laisse planer sur la vie une ombre inquiétante. Le côté obscur du web n’est si troublant que parce qu’il est tissé par des hommes réels et malfaisants dont la fin du film nous montre qu’ils sont, aux sens numérique et biblique du terme, légion. Le dernier cadrage, qui est la seule sortie tant attendue du numérique s’avère être une entrée dans le ténébreux Cercle dont les membres, après avoir assassiné Matias et ses amis, expriment leur joie face aux caméras ; encore cela ne nous est-il révélé que du point de vue de l’ordinateur de Charon I…

Mais il y a à la fois plus traumatisant et plus réconfortant – et c’est la leçon de ce film immoral qui ne manque pas de morale. Le mal subi par le héros (se répercutant sur tous ses compagnons geeks) n’est que la conséquence terriblement logique du mal par lui commis. Tout commence par un vol de cet ordinateur oublié – vol non seulement commis sans état d’âme (pas vu, pas pris), mais justifié par des justifications proprement machiavéliques – la fin bonne, reconquérir sa Belle, justifie les moyens aliénants – ou conséquentialistes – la valeur d’un acte se mesure à ses effets et non pas à son objet – qui en disent long sur l’immaturité éthique du héros. S’en suivent, presque automatiquement le viol insistant et sans état d’âme de ce qui est devenu aujourd’hui le principal dépositaire de l’intimité, notre ordinateur ; le mensonge répété et généralisé à tous ses amis ; la lâcheté d’autant plus inquiétante qu’elle demeure innommée ; puis, croyant triompher, la vengeance et le chantage. Sans rien dire, latéralement, de la vie désordonnée de Matias ; il n’est pas jusqu’à la relation avec le seul personnage véritablement attachant et innocent, Amaya, qui ne soit polluée par le caractère manœuvrier, voire manipulateur, du principal protagoniste. Faut-il continuer ? Se vérifie ainsi cette grande loi si oubliée : le mal de la peine n’est entré en ce monde que par le mal de la faute (le péché). Non, la violence absolue, le non sens absurde n’est pas la souffrance dont on pâtit, mais le mal que l’on agit.

La pathologie dicte le remède. Existe un exit du nocturne réseau inamical et faussement complice tissé par le péché : le pardon et la rédemption. Paradoxe heureux qui est encore une trouvaille : dans ce monde hyperconnecté de l’hypercommunication et de l’hyperconsommation, la seule personne qui sache communiquer est celle qui en a perdu le principal moyen naturel. Une fin alternative sauve Amaya…

 

Pour l’anecdote, en sortant du film avec le cher ami complice, une personne nous a abordés qui s’est présentée comme un enquêteur au compte du producteur cherchant à tester les effets du film sur les spectateurs le jour de sa sortie. Unfriended II ne nous a toutefois pas rendu assez paranoïaque pour identifier ce journaliste sorti de nulle part à un Charron vomi par le diabolique dark net…

Pascal Ide

Le film s’ouvre sur un écran d’ordinateur. Un jeune homme, Matias O’Brien (Colin Woodell), tente avec ténacité de trouver la clé pour entrer dans le portable. En tapant par hasard « ? », il réussit et découvre que le propriétaire se fait appeler Norah C. IV. Il travaille alors sur Papaya, une application en vue d’aider la communication avec sa petite amie mal-entendante, Amaya DeSoto (Stephanie Nogueras), qu’il souhaite reconquérir. Mais il s’avère que, si l’application permet à Amaya de le comprendre, elle ne rend pas le service symétrique.

Alors que Matias reçoit des messages pour Norah d’une certaine Erica, il lance une conférence Skype avec ses amis californiens et londonien : Damon Horton (Andrew Lees) qui est un technicien spécialiste des théories du complot, AJ Jeffcock (Connor Del Rio) qui est une personnalité sur You-Tube, Lexx Putri (Savira Windyani) et un couple gay qui vient juste de se « fiancer », Nari Jemisin (Betty Gabriel) et Serena Lange (Rebecca Rittenhouse) – dont la mère est hospitalisée pour un cancer du cerveau.

En même temps qu’il communique sur Skype, Matias découvre qu’Erica est Norah et que Norah a reçu un paiement pour une vidéo de la part d’un mystérieux correspondant, Charon68. Il entre alors en échange avec lui à travers une plateforme appelée « La rivière ». Partageant son écran à la demande de ses amis, AJ reconnaît qu’il s’agit en fait du dark web, cette partie de la Toile qui n’est pas indexée par les moteurs de recherche. Matias voit que l’utilisateur mentionne une vidéo… qui s’avère montrer une trépanation en direct. Profondément perturbé, Matias cesse d’échanger avec Charon68. Mais lorsqu’on apprend qu’en fait, Matias a trouvé son ordinateur dans un cyber café où il a été oublié, autrement dit qu’il l’a volé, et que le nom « Norah C. » est l’anagramme inversé de Charon, les choses se compliquent considérablement : étant donné le contenu plus que louche du portable, le propriétaire veut impérativement le retrouver. Désormais piégé, le jeune homme pourra-t-il se dépétrer et surtout ne pas entraîner avec lui l’ensemble de ses amis, voire Amaya elle-même ?

[/vc_c

Les commentaires sont fermés.