Une bataille après l’autre (One Battle After Another), action (drame) américain écrit et réalisé par Paul Thomas Anderson, 2025. Adapté du roman de Thomas Pynchon, Vineland, 1990. Avec Leonardo DiCaprio, Benicio del Toro, Regina Hall, Sean Penn, Teyana Taylor et Chase Infiniti.
Thèmes
Violence, fascisme, relation parent-enfant.
Le titre choisi par le réalisateur et le scénariste pour son dixième long métrage, Une bataille après l’autre, dit tout, ainsi que notre désaccord.
- Une bataille après l’autre est encensé par les spectateurs (démarrage fulgurant à plus de 44 000 entrées le premier jour) autant que par les critiques : parce qu’il réconcilie le blockbuster (le budget tourne autour des 150 millions de dollars…) et le film engagé ; parce qu’il dénonce frontalement le « trumpisme » ; parce qu’il ose, de la première à la dernière image, être totalement politique ; parce qu’il mélange avec brio les genres, action, drame, comédie (c’est vrai que la salle rit et que j’ai ri, par exemple au running gag des rebelles englués eux aussi dans leur logique sécuritaire en demandant de manière obsessionnelle un énième mot de passe), survival; parce que les acteurs ne sont pas seulement de grands comédiens (décidément, Leonardo DiCaprio est sans doute le plus grand acteur américain vivant), mais dirigés de main de maître par un réalisateur qui filme leurs émotions au plus près ; parce que la caméra virtuose joue à la fois du format large et des fuites en avant (poursuite finale hallucinante et hallucinée sur cette route en montagnes russes) ; etc.
- Pourtant, en sortant du cinéma, j’étais sonné et « mêlé », comme disent les québécois ! Par cette musique, ou plutôt par cette bande-son omniprésente qui manque si souvent et si cruellement d’harmonie (sauf dans la dernière scène que l’on veut supérieurement empathique, alors qu’elle est supérieurement problématique, ainsi qu’on le redira). Par la durée inutilement longue et insupportablement ennuyeuse (oui, c’est une maladie du cinéma actuel), qui ne peut qu’accroître l’impression d’avoir été pris en otage pendant presque trois heures. Par son féminisme tellement tendance. Le long-métrage oppose deux trios : un triangle d’hommes, Pat, Lockjaw (« Gueule de Loup» en anglais) et Sergio (sympathique composition de Benicio del Toro) qui, maire underground aussi équanime que magnanime de Baktan Cross, seul mérite d’être « sauvé » ; un ternaire de femmes, Perfidia, Charlene/Willa et Deandra, dont seule la première est vilipendée ; mais, même meurtrière et traîtresse, elle est réhabilitée dans la scène finale.
- Mais ce qui suscite le plus de résistance se condense dans les trois points suivants.
En montrant combien les militants qui sont sensés promouvoir des lendemains qui chantent détruisent autant qu’ils s’autodétruisent (Pat est devenu paranoïaque, alcoolique et toxicomane), le scénario paraît échapper au manichéisme. En fait, il devient subtilement manipulateur : la leçon finale (la lecture de la lettre de Perfidia à « ma Charlene ») si péniblement empreinte de pathos retourne une nouvelle fois le jugement et plaide unilatéralement en faveur de la révolution permanente : « ¡Viva la revolución! », hurle Leonardo. Ajoutons que si Willa prend la relève, ce n’est pas par fidélité au modèle parental, mais par répétition névrotique du traumatisme…
En devenant trop manifestement militant, le film en perd son identité qui est d’abord artistique. Et, pour que l’on n’aille pas imaginer quelque biais chez l’auteur de ces lignes, j’ajoute que ma critique est tout aussi ferme à l’égard des films chrétiens prosélytes qui trahissent tout autant l’essence de l’œuvre d’art. Prenons l’exemple par excellence, La divine comédie : même ouvertement confessant et pénétré de théologie, le chef d’œuvre de Dante demeure de part en part une épopée animée par la plus féconde des intuitions créatrices qui a inventé la langue italienne.
Surtout, en repensant au film, s’imposait à moi le titre (plus que le contenu) de l’ouvrage de Birnbaum, Le courage de la nuance [1]. Il n’y va pas seulement ni d’abord d’une saisie du politique identifié au polémique et du militantisme identifié au terrorisme. Si une critique fine et respectueuse du America First serait bienvenue, identifier l’Amérique des pro-Trump à une secte néo-nazie devient excessif, donc insignifiant.
Mais il y va surtout d’une vision de l’homme qui est profondément pessimiste : aucun des personnages, sauf Avanti Q, qui change jusqu’à donner sa vie, n’évolue, sinon vers le pire (Lockjaw) ; il n’y a d’autre alternative à la violence que la compromission, à l’illégalité que la domination ; l’homme n’est qu’un composé explosif de sexe et de violence (faire la guerre = faire l’amour), triste conviction commune partagée par les deux camps.
Donc, pas grand-chose à sauver de ce film trop militant pour être clairvoyant, trop piquant pour être bienveillant, trop violent pour être pacifiant.
Pascal Ide
[1] Cf. Jean Birnbaum, Le courage de la nuance, coll. « Points », Paris, Seuil, 2021. Cf. site pascalide.fr : « Jean Birnbaum. Un éloge sans nuance de la nuance ».
Pat Calhoun, dit « Ghetto » (Leonardo DiCaprio), et Perfidia Beverly Hills (Teyana Taylor) sont membres du groupe révolutionnaire d’extrême gauche des French 75. En sauvant des immigrants d’un centre de détention en Californie, Perfidia humilie le commandant, le capitaine Steven J. Lockjaw (Sean Penn), qui développe une fascination sexuelle pour elle. Pat et Perfidia deviennent amants tandis que les French 75 attaquent des bureaux de politiciens, des banques et même le réseau électrique. Lockjaw surprend Perfidia en flagrant délit de pose d’une bombe, mais la libère après qu’elle ait accepté une relation sexuelle dans un motel.
Perfidia donne naissance à une petite fille, Charlene, mais Pat ne parvient pas à la convaincre de vivre en famille et elle les abandonne pour poursuivre ses activités révolutionnaires. Lorsque Perfidia abat un garde lors d’un braquage de banque raté et est capturée, Lockjaw s’arrange pour qu’elle évite la prison en échange de sa dénonciation des French 75. Elle accepte et entre sous protection des témoins tandis que Lockjaw traque ses camarades et en abat plusieurs à vue, forçant les autres à prendre la fuite. Tandis que Pat et la petite Charlene sont contraints de vivre cachés sous le nom de Bob et Willa Ferguson, Perfidia échappe à la garde de Lockjaw et s’enfuit au Mexique.
Seize ans plus tard, vivant dans la ville sanctuaire de Baktan Cross, Bob, épuisé, surprotège Willa (Chase Infiniti), devenue une adolescente autonome et pleine de vie. Grâce à ses actions anti-immigrés acharnées, Lockjaw a gravi les échelons de l’armée américaine jusqu’au grade de colonel et est invité à rejoindre le Club des Aventuriers de Noël, une puissante société secrète de suprémacistes blancs. Mentant sur le fait de n’avoir jamais eu de relation interraciale, Lockjaw traque secrètement Willa pour prouver le contraire. Il engage un chasseur de primes autochtone, Avanti Q (Eric Schweig), qui capture Howard Sommerville, alias « Billy Goat », alias « Gringo Coyote » (Paul Grimstad), le camarade de Bob, déclenchant sans le savoir un signal de détresse auprès des 75 French restants.
Sous couvert d’une opération anti-immigration et anti-drogue, Lockjaw dépêche ses troupes à Baktan Cross pour retrouver Bob et Willa. Deandra (Regina Hall), membre de confiance des French 75, sauve Willa avant que le bal de son école ne soit perquisitionné. Les hommes de Lockjaw attaquent la maison de Bob alors qu’il est sous l’emprise de la drogue. Il s’échappe par un tunnel dans sa chambre et appelle la ligne d’assistance des French 75, mais ne se souvient plus d’un des mots de passe. Il part à la recherche de Sergio St. Carlos (Benicio del Toro), le sensei de karaté de Willa et leader communautaire respecté, qui évacue un flot d’immigrés sans papiers par son propre tunnel secret. S’échappant avec les élèves de Sergio par les toits, Bob chute et est arrêté par les militaires. Deandra emmène Willa dans un couvent de religieuses révolutionnaires, où la jeune fille apprend la vérité sur la trahison de sa mère.
Réunis dans leur bunker secret, les Aventuriers de Noël découvrent des preuves de la relation de Lockjaw avec Perfidia et envoient Tim Smith (John Hoogenakker), un membre de la bande, l’éliminer. En pénétrant de force dans le couvent, Lockjaw capture Willa et effectue un test ADN de force sur elle, confirmant qu’il est bien son père biologique. Sergio organise l’évasion de Bob et le conduit au couvent, le jetant hors de la voiture en marche avant que lui-même ne soit arrêté par la police. Prenant une autre voiture, Bob arrive à temps au monastère, mais il échoue à tuer Lockjaw avec le fusil de Sergio. Le colonel demande alors à Avanti de se débarrasser de Willa. Smith traque Lockjaw et lui tire une balle dans la tête, provoquant un accident de voiture et le laissant pour mort.
Avanti livre Willa aux hommes de Lockjaw. Mais, pris d’un remords face à la jeunesse innocente de la prisonnière qui va être tuée, il retourne sur place, la libère et meurt en abattant les autres. Prenant la voiture et le pistolet d’Avanti, Willa se rend compte qu’elle est poursuivie par Smith, lui tend une embuscade, l’abat d’un coup de feu, ignorant le mot d’ordre révolutionnaire, et retrouve Bob en larmes.
Grièvement blessé et le visage ravagé, Lockjaw a survécu. Les Aventuriers de Noël semblent l’accueillir, mais il est gazé vif et incinéré. De retour chez lui avec sa fille, Bob transmet à Willa une lettre de sa mère où elle lui dit toute son espérance et lui transmet sa bénédiction. Willa part manifester, Bob étant rassuré sur l’avenir de sa fille.