Tully
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Pays:
Américain
Année:
27 juin 2018
Thème (s):
Burn Out, Famille, Triangle dramatique de Karpman
Durée:
1 heures 36 minutes
Directeur:
Jason Reitman
Acteurs:
Charlize Theron, Mackenzie Davis, Ron Livingston
Age minimum:
Tout public

Tully, drame américain de Jason Reitman, 2018. Avec Charlize Theron, Mackenzie Davis.

Thèmes

Famille, Burn-out, TDK

Au début de cette banale chronique qui ressemble à ce point à la vie ordinaire que l’on se demande pourquoi elle fut filmée, Marlo est une quadra entre BO (burn-out) et CMV (crise du milieu de la vie). Au terme, elle s’est réconciliée avec son corps, son couple et son enfant aux « besoins spéciaux », selon l’expression américaine consacrée. Entre les deux, elle a bénéficié de l’aide toute-présente, mais non toute-puissante de Tully. Mais qui donc est-elle ? Et quel est le genre du film ?

 

Le film propose-t-il un drame à la frontière entre maladie psychiatrique et manipulation ? Pendant longtemps, le spectateur (qui s’est refusé à regarder bande-annonce ou lire un résumé) craint le pire : depuis la conquête-revanche de la nounou (La main sur le berceau, Curtis Hanson, 1991) jusqu’à, allusion insistante à l’amie Violet aidant, la dérive lesbienne toujours plus envahissante (Désobéissance, Sebastián Lelio, 2018). Mais, au total, advient le plus ordinaire, ou du moins, le plus balisé : au pire une dissociation (dédoublement de personnalité) momentanée, qui n’est pas si rare au décours de la grossesse (cf. fiche Un remaniement psychique chez la femme lors de la grossesse), au mieux, une hallucination elle aussi passagère liée à l’épuisement et un possible pré-burnout. Un signe : l’absence de joie lors de l’accouchement et de désir d’avoir son enfant à ses côtés.

L’intrigue met-elle en scène, de manière plus psychologique, une version neuve du triangle maléfique entre bourreau, victime et sauveur ? Plus que le compagnon affectueux mais accaparé, que la directrice d’école empathique mais très soucieuse du bien commun de l’établissement ou que la belle-sœur plus infantile que méchante, le persécuteur s’identifie à cette grossesse consentie, mais pas forcément désirée ou, plus encore, à ce corps déformé. La caméra s’attarde, non sans complaisance, à le filmer, sans doute aussi pour signaler une nouvelle performance de l’actrice transformiste : l’égérie Dior avait déjà accepté de briser son icône-idole de corps parfait en se métamorphosant en Aileen Wuornos, la meurtrière, psychiquement et physiquement disgraciée, dans le biopic Monster (Patty Jenkins, 2003), et en chef de bande rasée et manchotte dans la dystopie post-apocalyptique de la franchise Mad Max (Fury Road, George Miller, 2015). Si la victime se refuse à accuser son compagnon ou ses enfants, elle ne résiste pas totalement à la tentation Victimaire en se plaignant de son âge et, momentanément, de la directrice, non sans revenir vers elle et s’excuser. Mais surtout, Marlo s’invente en la personne de Tully un sauveur qui, à l’instar de son accouchement corporel, réussit une maïeutique psychique, du pire (son passé tumultueux) comme du meilleur (son amour pour son compagnon), donc à réparer le passé pour préparer l’avenir. Pour autant, Marlo ne fait pas de Tully une Sauveteuse, puisqu’elle finit par la congédier, avec une courageuse vérité, mais non sans un coûteux renoncement. Issue bénie hors d’un triangle au fond bénéfique.

Faut-il enfin classer ce film dans le genre fantastique ? Entre un Sixième sens sans mort ni fantôme (M. Night Shyamalan, 1999) et son contemporain, un Fight Club au féminin sans violence ni critique sociale (David Flincher, 1999), Tully propose un retournement final inattendu dont il se garde bien de donner l’interprétation.

 

Pour répondre à la question : qui est Tully ?, nous pouvons risquer plusieurs interprétations, médicale, psychologique ou plutôt symbolique, fantastique… Le réalisateur, heureusement, laisse toute latitude au spectateur de choisir, voire d’intégrer.

J’en risquerais une autre, toute fantaisiste, d’ordre linguistique. Tully, prononcé à la française, renvoie renvoie à tuli, lui-même prononcé à la française, première personne du singulier du parfait de fero. Or, sans coïncider avec la riche polysémie de l’aufheben allemand, ce verbe dit notamment « porter », « rapporter (raconter) » et « supporter ». Dès lors, ce prénom-nom n’exprime-t-il pas quelque chose de cette crise que l’héroïne traverse, raconte et dépasse. Selon la loi pascale résumée par la parabole, aussi simple qu’abyssale, du grain de blé : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12,24).

Pascal Ide

Marlo (Charlize Theron), la petite quarantaine, au terme de l’attente de son troisième enfant, est au bout du rouleau. Entre son corps qu’elle ne reconnaît plus, les nuits sans sommeil, les repas à préparer, les lessives incessantes et le souci de son cadet Jonah, dont le trouble résiste à l’acribie médicale et qui peine à s’insérer à l’école, elle ne trouve presque aucune aide notamment chez son compagnon, Drew (Ron Livingston), qu’elle aime et qui l’aime : dévoré par son travail, il ne rentre à la maison que pour assurer un service minimal et se détendre dans des jeux vidéos, et ne perçoit pas cette usure progressive. Un soir, son frère (Mark Duplass) propose à Marlo de lui offrir, comme cadeau de naissance, une nounou de nuit. D’abord réticente, elle finit par accepter. C’est alors qu’arrive une jeune fille, Tully (Mackenzie Davis), aussi fraîche qu’empathique, qui lui propose de l’aider en tout.

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