Spider-Man : Homecoming
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Date de sortie:
12 juillet 2017
Durée:
2 heures 14 minutes
Directeur:
Jon Watts
Acteurs:
Tom Holland, Michael Keaton, Robert Downey Jr

 

 

Spider-Man: Homecoming, film fantastique américain de Jon Watts, 2017, inspiré de la série éponyme chez Marvel. Avec Tom Holland, Robert Downey Jr, Marisa Tomei, Michael Keaton, Liz Allen.

Thèmes

Adolescence, adulte, film d’apprentissage.

Les Marvels jouent aux Transformers, au sens littéral du terme : ils n’en finissent pas de se transformer pour se renouveler jusque dans le décalage. En ce sens-là, la dernière version de Spider-Man, Homecoming, si elle n’est pas un grand film, est un bon film à voir en famille, ou plutôt entre adolescents.

 

Le succès du genre décalé au sein de la mythologie des super-héros naît de nos ambivalences actuelles. D’un côté, le contemporain (et pas seulement l’adolescent) a toujours besoin de rêver d’un sauveur – autant que d’accuser un méchant qu’il n’est surtout pas, au risque de jouer au victimaire (si bien individué par le triangle dramatique de Karpman). De l’autre, le passage des Trente Glorieuses aux Quarante Piteuses (s’inscrivant au sein de la mutation civilisationnelle plus décisive allant du cogito exalté de la modernité au cogito humilié de la postmodernité, notamment après le drame de la Shoah) nous interdit d’être naïfs. Désormais le tout-puissant héros doté de super-pouvoirs n’est acceptable que s’il partage aussi nos vulnérabilités et nos crises. Or, dans le genre décalé, nous avons eu droit, par exemple au loser dépressif Hancock (Peter Berg, 2008) ou au déconstructionniste amer Deadpool (Tim Miller, 2016). Ici est exploré une nouvelle modalité du déplacement (autant métaphorique que métonymique) : le super héros adolescent.

On objectera aussitôt qu’il n’y a là rien de nouveau, puisque, dès le premier opus de 2002, Sam Raimi a décidé de faire de Spider-Man « l’archétype absolu de l’adolescence », comme l’affirme Steve Saffel dans Spider-Man. The Icon – cité par Philippe Guedj et Phalène de La Valette, dans un intéressant article sur l’évolution de la représentation cinématographique de Spider-Man (Le Point, 12 juillet 2017). D’où le succès jamais démenti auprès de cette génération.

Toutefois, le réalisateur choisit un acteur de 26 ans (Tobey Maguire) pour incarner un gamin de 17 ans et surtout que la crise d’adolescence laisse place à un conflit autrement plus dramatique (volontairement mis de côté par Jon Watts) : la vocation de Spider-Man s’enracine dans sa culpabilité d’avoir laissé s’échapper le braqueur qui, peu après, assassinera son oncle.

Ainsi l’originalité de ce Spider-Man est d’avoir pris comme thème la crise d’adolescence et non la lutte contre le méchant (quitte à en montrer le correspondant intime dans le cœur du super-héros rongé par le remords). De fait, le Vautour est dénué non pas tant de crédibilité (Michael Keaton lui donne profondeur et ambiguïté, et le scénario une richesse inattendue, s’incarnant dans une ébauche d’évolution) que d’agressivité (même dans le passage obligé du combat final, ici dans un avion furtif, on ne craint jamais pour la vie du super-héros, de ses proches ou du monde – voire on s’ennuie…).

Redisons-le, le caractère inédit dans une franchise Marvel réside dans le choc entre les dons d’un super-héros et les crises traversées par un adolescent. Ajoutons d’un adolescent d’aujourd’hui : Peter est l’un de ces millenials qui ne sort de son smartphone que pour se « selfieser » – à la différence près qu’il poste des exploits volants sur les réseaux sociaux et que le monde des possibles infinis où il est immergé se concrétise dans une autre forme de toile (en l’occurrence les 576 formes de toile que lui offre son costume parlant).

Dès lors, couvrant l’entièreté du film, l’histoire de ce mélange étonnant et détonnant se présente sous la forme d’un genre littéraire bien connu, le roman d’apprentissage, appelé aussi roman de formation ou d’éducation (Bildungsroman), dont l’exemple le plus fameux fut, autrefois, Les Années d’apprentissage de Wilhelm Meister (mieux connu sous le nom de Guillaume Tell) de Johann Wolfgang von Goethe, et est aujourd’hui la saga Harry Potter de Joan K. Rwoling – plus que sous la forme du parcours du héros, caractéristique du style épique (cette opposition entre ces deux types de roman, apprentissage et épopée, est due au philologue allemand Johann Karl Simon Morgenstern).

Passons la secrète ironie qui confie le rôle du mentor, donc du père de substitution, à un autre orphelin self made man, Tony Stark. Dès lors bon nombre de scènes, qui pourraient apparaître juxtaposées pour des raisons spectaculaires, prennent sens. En effet, elles sont autant d’épreuves qualifiantes nécessaires pour accéder de l’adolescence à l’âge adulte : entrer dans la patience du temps – durant les longs mois passés à remplir la rubrique des chiens écrasés, le « super-héros d’en bas » demeure plus souvent cloué au sol qu’en train de virevolter entre les gratte-ciel de Manhattan – ; consentir à l’échec – par exemple, lors de son cuisant fiasco sur le bateau – ; renoncer à la toute-puissance dans le « oui » à la finitude de son corps (Sipder-Man souffle, s’essouffle et gémit) et de ses super-pouvoirs (comment ne pas se réjouir de voir Peter réduit à courir comme un dératé dans Central Park et d’autres lieux dénués de tout point élevé ?) ; entrer dans la relation à l’autre – contrôler son imprévisible ami geek, Jacob Batalon Rôle (Ned Leeds) – et à l’autre sexe – comment ne pas saluer le refus de la facilité ou de l’obsession, style Deadpool ? – ; bref, accéder à son identité – ce qui nous donne une scène, certes classique (la source ultime est Lc 15,20), mais bienvenue où, contemplant son reflet dans une flaque, Peter-Spider gît écrasé sous un lourd plafond de ciment autant que terrassé par son impuissance ; il entend alors résonner la voix de son mentor lui ouvrir la voie : « Si tu n’es rien sans ton costume, alors tu ne le mérites pas » ; autrement dit, devenir adulte, c’est quitter la posture régressive et puiser en soi la ressource depuis toujours déjà là : « Allez, Spider-Man » – ; et enfin accéder à sa mission – d’où la subtile épreuve ultime, traversée avec l’humilité requise – ne pas se prendre prématurément pour un Avenger.

 

Le film offre une audacieuse et heureuse métaphore de cet apprentissage qui pour la première fois et très intentionnellement, la caméra rend nettement visibles les reliquats devenus inutilisables des fils employés pour bondir de hauteur en hauteur : de même que ses sauts d’araignée laissent pendouiller derrière eux ces fantômes traçant trajet et progrès, de même l’adulte qu’il veut devenir doit laisser derrière lui la dépouille de son adolescence. Voire, l’ultime message de Captain America, dans le générique, réussit le tour de force de résumer tout le film : le genre décalé par son ironie (« Pourquoi avoir attendu ? ») ; sa thématique (la maturation autant agie que consentie de l’adolescent superhéros) par son contenu (« Patience »).

Pascal Ide

Galvanisé par son expérience avec les super-héros sauvant le monde racontée dans Captain America : Civil War, et considéré par Tony Stark / Iron Man (Robert Downey Jr) soi-même, comme une recrue prometteuse, le jeune Peter Parker, alias Spider-Man (Tom Holland), est divisé. D’un côté, il rêve d’être l’un des Avengers, précisément celui qui, sous le masque de l’homme-araignée, lutte contre la criminalité qui ronge sa ville, New York. De l’autre, il est cet élève surdoué du lycée de Midtown qui  s’ennuie dans ses cours, est amoureux en secret de la belle Liz Allen (Laura Harrier) et vit chez sa tante bien-aimée et un rien décalée, May Parker (Marisa Tomei), qui ignore tout de sa double vie et voit en lui ce qu’il est (en partie), un adolescent en pleine croissance, pardon « en pleine floraison ». Plus encore, son nouveau mentor, Tony Stark, estime qu’il n’est pas encore mûr pour rejoindre l’équipe des Avengers. Il tente d’attirer son attention, mais son action ne va guère plus loin que chercher les chats dans les arbres, aider les vieilles dames à traverser la rue et arrêter – parfois – les petits délinquants, bref, il se borne à être le sympathique super héros d’un quartier sans réel problème. La survenue d’un nouveau super-méchant, Adrian Toomes, surnommé le Vautour (Michael Keaton), qui, ayant récupéré une technologie extraterrestre Chitauri, s’est équipé d’un exo-squelette et d’armes particulièrement performantes, ne présenterait-elle pas l’occasion de faire enfin ses preuves ? À moins que, du fait de son inexpérience et de son imprudence, ce ne soit une nouvelle épreuve pour tester sa capacité à recevoir une mission ?

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